Passez la souris sur le texte en Niseis/Alikir pour une traduction.

Je relus la lettre que j’avais écrite, passant mes doigts sur le mince papier qui avait bu l’encre l’ayant imbibé. J’avais pesé trop fort avec ma plume, par endroits, et le grain du papier avait été transpercé, taché de l’encre noire qui m’avait servie. Je serrai cependant la missive contre ma poitrine une dernière fois avant de la plier et de la mettre dans une enveloppe laiteuse, comportant le prénom ainsi que de la location de mon destinataire. La main tremblante, je déposai un petit pot de cire rouge quelques centimètres au-dessus d’une lampe à huile, laissant la chaleur dégagée par celle-ci faire fondre la cire. Je me levai, profitant du temps que l’opération prendrait pour mettre mes dernières choses en ordre avant mon départ. Je saisis le sac en toile que j’avais apporté, lors de mon arrivée, et y introduisis des objets divers que j’avais apporté avec moi. Me retournant vers la coiffeuse, je saisis les griffes m’étant apparues en rêve, inspectant l’aspect du bijou. Elles étaient tranchantes, menaçantes mêmes, mais avaient tout de même un aspect raffiné, car finement sculptées dans du bronze. Je les posai délicatement dans la poche intérieure de ma gibecière. J’étais en train de refermer celle-ci alors que j’entendis trois coups secs portés à ma porte. «Entrez!» fis-je à l’intention de celle-ci. Jaan entra alors, vêtue de ses habits de servante. Elle était de toute évidence en plein travail et s’était interrompue pour venir me dire au revoir. «Jaan!» m’exclamai-je, me précipitant vers elle. «Je voulais venir te dire adieu,» fit elle, le sourire aux lèvres. Jaan était une domestique du Palais de Dasha avec qui j’entretenais des rapports amicaux. C’était elle qui m’avait permis de trouver un emploi en tant que danseuse dans le théâtre où les nobles venaient se divertir; c’était aussi elle qui, la veille, avait subrepticement fait monter un repas pour Raphaël et moi-même, alors que nous étions éreintés des épreuves que nous venions de vivre. «Ce n’est pas un adieu,» rétorquai-je, «mais tout simplement un au revoir. Pour l’instant.» Je l’invitai à s’asseoir sur mon lit, où nous discutâmes de choses et d’autres durant quelques minutes. Elle m’offrit un châle afin de me protéger la tête, sous les rayons cruels qui dominaient le Désert, geste que j’accueillis avec joie ainsi que de maints remerciements. La cire ayant fondu entre temps, je la versai sur l’enveloppe close et y apposai un sceau, la refermant jusqu’à ce qu’elle parvienne à son destinataire.  

«Ah! Une dernière chose, mon amie.» Je lui tendis l’enveloppe que j’avais soigneusement cachetée en réponse à son regard interrogateur. «Pourrais-tu t’assurer que cette lettre parvienne à un garçon de courses et soit postée dans les plus brefs délais? Je m’en serais chargée, mais je suis assez pressée.» La servante me sourit, attrapant l’enveloppe marquée de mon sceau avant d’hocher la tête, un sourire avenant flottant sur ses lèvres. «Bien sûr. Ta lettre est entre bonnes mains.» Une cloche retentit alors dans le couloir, ce qui fit tendre les muscles de mon amie. «On sonne pour moi,» dit-elle avec empressement, se penchant vers l’embrasure de la porte pour inspecter le couloir. Elle fourra l’enveloppe dans la poche avant de son tablier, reportant alors son attention sur moi. «Je ne te retiens plus, dans ce cas.» Nous nous levâmes en même temps, s’arrêtant lorsque nous fûmes à côté de la porte entrouverte. Je lui adressai un ultime sourire d’adieu. «Ces semaines que j’ai passées avec toi ont été fantastiques.» Elle sourit, m’étreignant rapidement avant de replacer une des mèches de ses cheveux qui s’était échappée de son châle derrière son oreille. «Tu reviens quand tu veux, Aina. Tu n’as qu’à m’écrire et je ferai en sorte d’être de service, lorsque tu seras là.» J’hochai vivement la tête. Elle jeta un coup d’œil nerveux vers le couloir. «Je dois vraiment y aller…» Compréhensive, je lui fis un geste signifiant qu’elle était libre de prendre congé. Je savais à quel point les nobles qu’elle servait – et même quelques voyageurs! – pouvaient se montrer mesquins avec les domestiques du Palais. Je ne voulais pas qu’elle se fasse réprimander par ma faute. «Allez, va! Je t’écrirai, promis.» Je m’inclinai très brièvement vers elle et elle m’imita, marquant une révérence plus profonde. «Au revoir, Jaan.» Mon accent Alikir, malgré toutes les leçons qu’elle m’avait données, était désolant, ce qui, je ne manquai pas de le remarquer, la fit sourire. «Bonne route, Aina,» fit-elle d’un Niseis hésitant. Puis elle s’esquiva par la porte, emportant avec elle la missive que j’avais dédiée à une personne qui, je l’espérais, serait en mesure de m’apporter son aide. Je me retournai vers les quelques bagages que j’avais disposés sur mon lit, incluant un large sac de toile ainsi qu’une gibecière contenant quelques provisions et une gourde remplie d’eau. Je pris le châle bleu pâle que m’avait offert Jaan et l’enroulai autour de ma tête, prévoyant avoir besoin d’une protection contre l’impitoyable soleil du Désert. Après avoir inspecté les lieux une dernière fois, m’assurant de n’avoir rien oublié, je fis mon chemin vers la fontaine où Raphaël et moi nous étions donnés rendez-vous la veille, plissant les yeux, tentant d’apercevoir si l’Élémental y était déjà.

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