Séléna regardait la lune depuis le balcon de sa chambre. Elle ferma les yeux un instant. Cette sensation était étrange, comme si la jeune femme avait perdu quelque chose. Elle ne pouvait savoir réellement ce dont il s'agissait puisqu'elle n'avait guère eu la connaissance de sa condition de Rehla. Pourtant, elle avait pu entrevoir quelques bribes, quelques fragments d'une existence qu'elle ne comprenait pas. Sa vie n'était que mystères et elle avait cette impression irrésistible qu'elle n'était qu'une pièce d'un jeu qui la dépassait largement. Et cet homme, cet homme qui souhaitait la garder auprès de lui sans lui expliquer pourquoi. Elle soupira, rouvrant les yeux sur les nuages qui s'étaient installés, couvrant l'astre lunaire sans lui laisser aucune chance. La neige commença à tomber, d'abord lentement puis de façon plus intense. Au bout de quelques minutes, il semblait que cela ne s'arrêterait jamais mais, contre toute attente, le vent, jusqu'ici capricieux, cessa ses assauts multiples. Les mains blanches de la jeune femme se posèrent sur la balustrade. D'ici, elle avait normalement une vision magnifique sur les environs. Elle aimait rester là, à attendre, à réfléchir. Sa vie lui semblait être une sorte d'énigme dont elle n'aurait jamais la clef. Des protagonistes tournaient autour d'elle sans lui donner de précisions. Elle se sentait seule même si elle ne l'était physiquement pas.

D'un geste lent, elle quitta le balcon, rentrant à l'intérieur. Le feu crépitait dans la cheminée et, malgré l'heure tardive, le château était on ne peut plus bruyant. La nuit était le moment de prédilection des habitants de la demeure. Certes, elle ne vivait pas réellement avec eux mais elle les entendait festoyer, rire, émettre des théories diverses et variées. Les murs étaient épais mais c'était comme si se positionner à certains endroits permettaient d'entendre les échos de ce qu'il se produisait à des mètres de là. Séléna soupira, consciente qu'elle n'était pas à sa place ici. Pourtant, celui dont elle ne connaissait toujours pas le nom ne souhaitait pas lui rendre sa liberté. Elle pouvait déambuler où elle souhaitait mais il l'avait prévenu : elle reviendrait toujours à lui car tel était son Destin. Brun aux yeux marrons, il lui semblait familier sans qu'elle ne comprenne pourquoi. Il lui parlait sans cesse, lui racontant ses aventures passées, lui contant qu'il avait un jour aimé une femme qui lui ressemblait et qu'il avait été prêt à toutes les folies pour la convaincre de n'aimer que lui. Il la regardait d'une façon étrange qui la mettait mal à l'aise mais, curieusement, elle ne pouvait s'empêcher d'éprouver de la tendresse à son égard. Il paraissait à la fois fragile et fort, faible et puissant, et ce paradoxe troublait la jeune femme au plus haut point. Elle soupira une nouvelle fois, pensant qu'elle ne retrouverait sans doute jamais Shizuo, du moins, pas en restant ici. Cependant, tout comme l'homme énigmatique, les Vampires l'intriguaient. Son éducation avait fait en sorte qu'elle n'était presque jamais sortie du Manoir et, à présent que le Monde s'ouvrait à elle, il lui semblait que jamais elle ne pourrait de nouveau vivre entre quatre murs.

Séléna s'avança jusqu'à l'escalier qui la mènerait au rez-de-chaussée. L'Ange qui s'ignorait avait décidé de sortir dehors afin de contempler les fleurs qui se trouvaient dans le parc du château Malkavian. Elle devait prendre une décision, du moins, c'est ce qu'elle croyait. Malgré l'emprise de cet homme sur elle, elle pensait qu'elle devait partir d'ici. Le problème c'est qu'elle avait peur des conséquences qui pourraient découler d'un tel acte. Soupirant de nouveau comme si son cas était désespéré, elle avança dans la neige comme elle put, resserrant son manteau de fourrure autour d'elle pour que l'air ne puisse passer. Elle avait l'habitude d'être seule ici, les Vampires la contournant autant qu'ils le pouvaient. Une vierge angélique dans l'enceinte d'une propriété appartenant à des êtres essayant de ne pas se nourrir de sang Humain n'était pas réellement la bienvenue. Pourtant, Séléna était tolérée. Elle lui ressemblait et le respect pour son reflet était toujours existant, quand bien même le temps s'était-il écoulé. Le regard de la jeune femme finit par capter quelque chose un peu plus loin. Il s'agissait d'un individu, assis sur un banc. Pour une fois qu'une personne se trouvait sur sa route, l'Ange se dit qu'elle devait aller lui parler. S'approchant un peu plus, elle détailla un peu son accoutrement. Elle ne pouvait distinguer qu'un long manteau noir, remonté au col. Alors qu'elle n'était plus qu'à un mètre de lui, elle se rendit compte soudain que l'homme en question était doté de cornes. S'arrêtant, levant l'un de ses bras comme pour se défendre d'une quelconque attaque, elle se mit à bredouiller quelques mots. « Vous... vous êtes un Démon ? ». Effrayée, elle ne bougea cependant pas, restant là comme si sa peur nourrissait sa curiosité d'un même temps.

808 mots