Jaagd appréciait voyager à pieds, elle avait quitté le village bélua dans lequel les disparitions d'enfants avaient eu lieu il y a un jour de cela. La jeune femme passait la journée à marcher, en s'imposant bien sûr, quelques pauses. Alors qu'elle bravait sa route sous un soleil de plombs, la lancière se trouva être fort déshydratée. Malheureusement, il ne restait que peu d'eau dans sa gourde. A l'horizon, elle apercevait un village. La jeune bélua pouvait sans nul doute l'atteindre avant la nuit, mais elle allait devoir rationner son eau d'ici là. Elle continuait son périple, qui s'annonçait bien plus long que périlleux. Durant sa marche, Jaagd se remémorait les événements du village bélua. Elle était partie sans même repasser par le village, les habitants devaient se demander ce qu'il était advenu de leur sauveuse. La fille était encore fatiguée de tout ce raffut. Le contact avec ces gens l'avait épuisée, elle n'avait pas l'habitude et était loin d'être faite pour cela.


Au bout de plusieurs heures, la bélua apercevait la silhouette d'un homme encapuchonné de taille moyenne. Il semblait captivé par quelque chose, se situant au sol devant lui. Jaagd ne comprenait pas vraiment ce que cet homme pouvait bien fabriquer. Mais peu importe, elle ne tarderait pas à le savoir, elle se rapprochait de plus en plus de la zone qu'occupait ce mystère. Quelques minutes plus tard, la jeune femme pouvait enfin entrevoir toute la scène. Cet homme était penché sur le corps de quelqu'un. Était-il mort ? Elle ne savait pas si c'était une bonne idée de se rapprocher... La bélua essayer de déterminer la situation à distance, sans résultat. Tout ne restait que suppositions vu de loin. Que devait-elle faire ? Prendre le risque de le découvrir ? Ou bien contourner les faits et se rendre sagement au village comme il était convenu ? Elle se battait contre sa propre conscience, ou plutôt, sa curiosité. La fille brûlait d'envie de savoir ce qu'il se passait.


Jaagd décida de passer le pas. Sa curiosité avait vaincu la voix de la raison. Elle reprit la marche, d'un pas décidé. Ce n'était l'affaire que de quelques minutes, pourquoi ne pas tenter le coup ? Soudain, elle s'arrêta. Purement et simplement. La jeune femme était hantée par ses pensées et ses souvenirs. Après tout, la dernière fois elle s'était laissée embarquer dans une histoire qui lui parue sans fin. Et par dessus tout, un seul faux pas et elle aurait pu y laisser la vie. Bien sûr, tout cela n'était pas de son fait. C'était cette femme qui lui avait forcé la main, à la différence de cette fois, ou là, c'était son choix. La bélua devenait anxieuse, elle appréciait son libre arbitre mais c'était à double tranchant. Cette décision lui revenait entièrement, et elle le savait pertinemment. Si elle décidait de s'approcher, elle devrait en assumer les conséquences, il en relevait de sa responsabilité. Jaagd devait se décider rapidement, car le temps n'attendrait pas qu'elle ait fini de délibérer. Elle secoua la tête et reprit le pas.


La bélua s'avançait la boule au ventre. Elle ne connaissait encore rien du monde, et voilà qu'elle s'impliquait déjà dans ses péripéties. La jeune femme incarnait une contradiction à elle même, elle aimait prendre des risques mais elle tenait aussi à sa tranquillité. A cette distance, elle aurait pu entendre leur conversation, si elle avait été compréhensible. Le silence règnait. La lancière s'arrêta à quelques mètres d'eux. Elle avait une vue en plongée sur toute la scène. L'homme encapuchonné était masqué, et il se tenait face à la dépouille ensanglantée d'un autre homme. Il tenait un morceau d'intestin dans sa main. Cette vision d'horreur donnait des nausées à Jaagd, qui ne manquait pas de se retourner tout en mettant sa main sur sa bouche en passant en dessous de son masque. Après quelques minutes, elle se reprit et se tourna de nouveau pour faire face à cette macabre découverte. Ses yeux faisaient des tours rapides de l'environnement. Les vêtements de l'homme masqué étaient tâchés d'un mélange de boue, d'herbe et de sang, appartenant probablement à celui dont le corps jonchait par terre. Qu'est-ce qui s'est passé... ? L'a-t-il tué... ? Mais pourquoi ? La jeune femme se posait les milles et une questions qui s'imposaient dans une telle situation. Le seul qui connaissait probablement les réponses aux questions de la fille était ces deux hommes, l'un qui ne pourrait désormais plus jamais répondre à quoi que ce soit et l'autre qui en était probablement la cause. Elle pourrait demander à l'homme au masque ce qu'il s'était passé, au risque que celui-ci puisse lui mentir à sa guise. Car seul lui tenait les clefs de la vérité.

Mots:

Jaagd se tenait devant cet homme masqué, qui rangea sans plus tarder le morceau d'intestin qu'il avait sectionné plus tôt. Elle ne savait pas comment elle devait réagir, tant est, qu'elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'il était l'auteur de ce crime. Après tout, le fait de se saisir d'une partie du corps d'une personne morte n'aidait pas à l'innocenter. L'homme s'était levé, comme s'il comptait partir et maintenant ils étaient tous deux réellement face à face. Quelques instants de silence s'installaient et puis soudainement, l'homme conseilla avec calme à la jeune bélua d'aller prévenir quelqu'un. Que devait-elle faire ? Devait-elle l'écouter et s’exécuter ? Ou devait-elle tout simplement l'ignorer et passer son chemin ? L'homme encapuchonné avait dit que l'autre homme, celui qui était à terre, était blessé... Dès cet instant la fille comprit que l'homme qui se tenait devant elle se moquait totalement d'elle. L'homme qui était au sol était mort. La jeune femme décida d'entrer dans son jeu de provocation.


- Je vous remercie, et permettez-moi de vous donner un conseil en retour... Il n'est pas de bonne augure pour un meurtrier de rester trop longtemps près du corps de sa victime, si toutefois, il tient à sa liberté. Conseilla-t-elle d'un ton pas très réactif, voir inexpressif.


Comme l'homme portait un masque, elle ne pouvait voir l'expression que son visage affichait en ce moment, si au moins, il en affichait une. Les deux n'étaient pas très vifs. Jaagd se contentait de fixer la seule chose qu'elle pouvait voir de lui, ses yeux. Quelques instants après, l'homme lui adressa de nouveau la parole, sur un ton plus sérieux cette fois. La conversation se corsait. D'après son discours, il n'était même pas sûr d'être l'auteur de cet acte. Il est vrai que cela aurait pu paraître ridicule, mais pour la bélua, ce n'était pas forcément le cas... Pour commencer, elle n'arrivait pas à comprendre l'attitude des gens en général mais là, c'était le gros lot. Comment ne pouvait-on pas savoir si l'on avait tué quelqu'un ou pas ? Pour une personne normale, la chose serait toute simple, soit il était coupable et dans ce cas il mentirait, soit il était innocent et serait alors considéré comme un homme plutôt confus et fragilisé par l'événement. Au moins, la jeune femme savait que tuer quelqu'un était un crime. Ce qu'elle avait apprit à force d'aller en ville. Mais la notion du bien et du mal lui était encore étrangère. Afin de faire la lumière dans son esprit, la bélua se lança.


- Comment ça vous ne savez pas si vous l'avez tué ?


Avec une telle question, on pourrait croire qu'elle se moquait complètement de son interlocuteur. Mais elle ignorait réellement la réponse, elle était comme une enfant dans le corps d'une adulte. Tandis que l'homme masqué marchait, Jaagd s'approcha à son tour de la dépouille. La jeune femme grimaçait, telle l'odeur était forte. Elle s'écarta du corps et se retourna vers l'homme qui s'éloignait lentement. Il n'avait pas l'air en forme. La lancière le fixait tandis qu'il s'asseyait sur un rocher. De leur côté, les hommes qui avaient été témoins de cette scène, avaient rassemblé suffisamment de bras pour s'attaquer aux deux bougres. Ils approchaient dangereusement de la scène de crime, armés de fourches et bien d'autres outils, qui n'étaient pas vraiment faits pour ce que ces villageois comptaient en faire.


On pouvait déjà entendre le bruit sourd de leurs pas. Jaagd se tourna avec précaution lorsqu'elle commença à entendre un bruit de fond. Ils n'étaient plus très loin. La jeune femme regardait en direction du chemin qui menait au village, quand soudain, des silhouettes se dessinaient au loin. Ils étaient à portée de vue, et leur colère pouvait se faire sentir par n'importe qui. La lancière tourna légèrement la tête en arrière, et observait l'homme masqué du coin de l’œil. Avait-il lui aussi remarqué la présences de ses gens ? Ignorant la raison de leur venue et quelle était la marche à suivre dans ce cas là, elle décida d'attendre et d'aviser dans le cas échéant. Le problème venait du corps qui jonchait par terre, et de cet homme encapuchonné... Qu'allait-il faire ?

Mots:

Jaagd fixait l'homme masqué silencieusement. Il semblait plongé dans une longue réflexion. A mesure que le groupe de villageois approchait, le son de leurs pas devenait assourdissant. La bélua plongeait à son tour dans ses pensées. Qui pouvait-il bien être ? Pourquoi était-il ici ? Avait-il réellement tué ce pauvre homme ? La jeune femme ne pouvait rien confirmer, et pour cause, elle n'avait assisté qu'à une infime partie de la scène. Les ennuis n'étaient plus très loin... Enfin la jeune femme n'était même pas sûre qu'il s'agissait là d'ennuis, après tout, peut-être allaient-ils passer à côté d'eux sans souffler mot. Mais si leur venue avait un quelconque rapport avec ce malheureux, cela serait pour sûr, une source accablante d'ennuis. Le groupe allait bientôt faire face aux deux individus. La lancière jeta un coup par dessus son épaule, l'homme encapuchonné n'était plus là. Quoi... ?! Il n'est plus là... Où est-il passé... ? La jeune femme n'avait pas été assez vigilante sur les deux partis, d'un côté ces hommes armés de fourches et de faux, et d'un autre, cet homme masqué qui était probablement la cause de leur colère. L'un ayant déserté, elle devrait faire face seule.


Ce n'était là, l'histoire que de quelques secondes. Ils étaient tellement proches, que Jaagd pouvait distinguer leur visages. Soudain, ils s'arrêtaient brusquement. Ils avaient vu le corps de leur ami. Les villageois se tournèrent vers la jeune femme, le visage déformé par la rage et le chagrin.  « Qu'avez-vous fait ?! Vous l'avez tué ! Vous l'avez tué, espèce de monstre ! » La crainte de la bélua devenait réalité, ces hommes pensaient qu'elle était l'auteur de ce méfait. Peut-être pouvait-elle les ramener à la raison et les orienter vers la vérité, ou tout du moins, s'innocenter. Elle opta pour cette option.  « Je n'ai pas tué cet homme. Il était déjà mort lorsque je suis arrivée et... » La lancière hésita, elle ne savait pas si elle devait parler de ce qu'elle avait vu. Cette vision macabre ne les apaiserait probablement pas. Mais c'était le seul moyen pour qu'ils la laissent tranquille.  « Lorsque je suis arrivée... Il y avait un homme...- » Jaagd fut coupée au milieu de sa phrase.  « Assassin ! Meurtrière ! Criminelle ! Nous allons te faire payer pour ton acte, espèce d'ordure ! » Ils ne l'écoutaient pas et commençaient à agiter leurs fourches, leur faux et leur marteaux... Certains avaient même des torches. Ils se mirent à crier en chœur.  « Au meurtre ! Assassin ! Au meurtre ! Assassin... ! » Soudain, l'un des hommes attaqua la jeune femme à l'aide de sa faux. Aussitôt, elle bloqua le coup à l'aide de la hampe de sa lance, cependant, seul le manche avait été arrêté, la lame de la faux étant recourbée, elle ne manqua pas de venir se planter dans le dos de Jaagd, ceci malgré son parage. Elle ne pouvait pas reculer sinon, elle risquait d'enfoncer bien plus la lame qu'elle ne l'était déjà. La bélua poussa la hampe de sa lance qui était en contact direct avec le manche de l'arme entre les mains de l'homme, ce qui délogea la lame de son dos en lui sectionnant la peau jusqu'à l'épaule.


La lancière était prise de violentes douleurs lorsque sa peau se faisait déchirer par cet outil de travail rouillé. Elle aurait dû y penser avant de bloquer le coup de cette façon. Mais elle n'avait pas le temps d'y réfléchir... Au fur et à mesure que les hommes avançaient, elle reculait. Il fallait qu'elle se sorte de ce bourbier. Si elle tournait le dos à son ennemi, ce serait fini. Il n'y avait qu'une option qui s'offrait à elle. Jaagd décida d'utiliser ses pouvoirs autant que possible pour gagner en efficacité. Elle frappa le sol à l'aide de lance et créa une petite onde de choc qui déstabilisa ceux qui se trouvaient proches d'elle. Puis, la bélua fit un bond et disparue sous les yeux abasourdis du groupe de villageois pour apparaître quelques mètres en arrière, et ce, à deux reprises car elle ne pouvait en faire plus dans l'état où elle se trouvait. La jeune femme se mit à courir au seuil le plus haut qui lui était possible d'atteindre. Son bras qui se balançait entraînait son épaule blessée, ce qui était douloureux et difficile à supporter en adoptant ce rythme de course. Elle voulait bloquer le mouvement à l'aide de son deuxième bras mais, elle ne le pouvait pas, car ce même bras tenait la lance d'une main ferme. La lancière devait supporter le poids de sa lance à une main seulement, chose qui n'était pas aisée. Jaagd courait dans les bois, en direction du village voisin. Les villageois la suivaient de près. Elle ne devait pas s'arrêter, même si elle était à bout de forces, elle devait continuer de courir. C'était cela, ou la mort. Le village n'était plus très loin, et la nuit ne tarderait pas à tomber. La jeune femme devait absolument trouver un endroit où se cacher, elle ne saurait maintenir ce rythme intense plus longtemps. Il fallait absolument qu'elle les prenne de vitesse afin de les semer, ainsi elle pourrait se reposer.

Mots:

 

Jaagd courait depuis un bon moment maintenant, et elle ne parvenait toujours pas à semer ses poursuivants. De temps à autres elle se retournait pour estimer la distance qui les séparaient. Lorsque la jeune femme parvenait à les distancer, elle changeait de direction afin de les induire en erreur. Mais à force de répéter ce stratagème, il en perdait toute son efficacité. La bélua ne pouvait pas non plus utiliser ses pouvoirs car elle était à bout de forces. Durant sa course, la lancière sentait un liquide qui coulait le long de son dos et du devant de son épaule. C'était probablement son sang, provenant de sa blessure. Elle avait dû en perdre suffisamment, car elle commençait à avoir comme des vertiges et des sueurs froides. Les villageois enragés la poursuivaient toujours, ils criaient vengeance pour leur ami. Il fallait absolument que la jeune femme trouve un moyen de les semer. Elle scrutait les alentours, il n'y avait que des arbres. Si seulement elle pouvait prendre de la vitesse afin de les distancer, la bélua pourrait se cacher derrière un arbre et attendre qu'ils passent. Mais pour le moment, son état ne lui permettait pas une telle prouesse.


Le village voisin vers lequel la lancière se dirigeait n'était plus très loin. Sûrement à une dizaines de minutes au rythme où elle allait. Une fois arrivée là-bas, elle pourrait plus facilement les semer, si toutefois ses poursuivants ne ralliaient pas les habitants à leur cause. A mi-chemin entre la forêt et le village, la jeune femme aperçu la silhouette d'un homme avant que celui-ci ne se baisse brusquement, comme s'il voulait se cacher. Elle se demandait ce que tout cela signifiait, mais elle n'avait pas vraiment le temps d'y réfléchir car un attroupement hargneux la talonnait depuis un certain temps à présent. Au bout de quelques instants, la bélua se faisait barrer la route par deux villageois qui retenaient un homme de force. Ce fameux homme n'était pas inconnu à Jaagd, après tout, c'était par sa faute qu'elle se retrouvait dans cette situation. C'était ce mystérieux homme masqué dont elle avait croisé le chemin, et qu'elle avait surpris en train de sectionner l'intestin du pauvre homme dont le corps maculé de sang jonchait toujours à l'heure qu'il était, il y a de cela quelques heures seulement.


La jeune femme ne savait pas quoi faire. Ils étaient tout deux pris au piège, entre ces deux villageois et le groupe d'hommes armés qui voulaient venger la mort de leur ami. Elle avait été interrompue dans sa course et ne pouvait plus avancer. A présent, ils étaient à la merci de ces gens. S'ils ne trouvaient pas un point de fuite rapidement, ils y laisseraient la vie. Ne pouvant toujours pas utiliser ses pouvoirs, la lancière ne pouvait compter que sur ses capacités. Mais le plus à plaindre était l'homme masqué, qui lui, était déjà entre les mains de ces deux villageois qui ne semblaient pas ignorer son implication dans la mort de ce malheureux. La bélua pouvait encore essayer de s'enfuir, personne n'entravait son corps ou ses mouvements. Mais elle voulait connaître le fin de mot de cette histoire. Était-ce vraiment l'homme encapuchonné qui avait tué cet homme ? Quelles étaient ses motivations ? De plus, comme dans tout combat, les deux partis devaient avoir leur chance. Le comportement de ces hommes était déloyal. Ils les prenaient en surnombre, et Jaagd ne pouvait tolérer que l'on bafoue les arts martiaux qu'elle appréciait tant. La jeune femme décida donc de créer d'elle même une occasion pour qu'ils puissent tous les deux se sortir de cette situation très délicate.


La lancière prit une grande inspiration et se mit à courir à toute vitesse droit devant elle, et ce, malgré la présence des deux villageois qui lui barraient la route. Elle utilisa son épaule droite afin de limiter la douleur de son autre épaule qui était blessée, ainsi que le poids de sa lance pour augmenter l’efficacité de sa percée au moment de sa collision avec l'un des hommes, qui perdit l'équilibre à l'impact, et lâcha l'emprise qu'il maintenait sur l'homme masqué. La bélua n'interrompu pas sa course pour autant. Elle continua de courir sans se retourner. Elle avait donné sa chance à cet homme, à présent, qu'il fasse le choix de la saisir ou pas, ne dépendait que de lui.

La jeune femme courait à toutes jambes. Elle avait beau avoir libéré l'homme masqué, pour sa part, elle ne s'était pas encore débarrassé de ses poursuivants. La bélua n'était plus très loin du village et une fois qu'elle y serait, elle comptait bien en profiter pour semer ce groupe enragé, qui la pistait depuis un long moment maintenant. La lancière arrivait à l'entrée du hameau. Vu de nuit, ce lieu n'avait rien de spécifique… Mais en journée, cela devait être un charmant endroit, sans toute cette agitation bien sûr. Jaagd tentait de ruser en alternant de chemin entre les maisons. Elle changeait parfois brusquement de direction. Cependant, rien n'y faisait. Ces hommes armés n'en démordaient pas. Ils comptaient bien faire justice eux-mêmes, par n'importe quel moyen, et peu importe le temps que cela prendrait. La jeune femme s’aperçut bien vite que tout ce qu'elle faisait était inutile face à eux. Il fallait qu'elle trouve un autre moyen de les semer afin de pouvoir se cacher. La bélua avait du mal à se concentrer à le fois sur sa fuite imminente et sur une façon de pouvoir échapper à ses ravisseurs. Sa vie déprendrait de la stratégie qu'elle trouverait et qu'elle utiliserait. Elle se devait d'être efficace, sur ce point, la lancière en avait parfaitement conscience.


Plus la jeune femme réfléchissait, plus elle se disait qu'elle ne parviendrait pas à les semer sans détourner leur attention de sa petite personne. Mais comment pouvait-elle attirer leur attention sur autre chose que l'objet de leur haine, qui ne méritait que la mort à leurs yeux ? Cela paraissait irréalisable. L'idée vint à la bélua de leur lancer un objet afin de les perturber ou au moins de les ralentir, afin qu'elle puisse les semer plus aisément. Mais de quoi pouvait-elle faire usage ? La lancière ne pouvait se permettre de lancer sa gourde ou sa lance, et encore moins son masque. Elle n'avait pas grand-chose sur elle. Fort heureusement, elle se trouvait dans un lieu de civilisation, petit certes, mais il n'en était pas moins un qu'un autre. Au vu de l'étendue du hameau en question, il ne serait pas long d'en couvrir toute la surface, et donc de parcourir sa totalité. La jeune femme pourrait sûrement trouver un objet qui convient en ce lieu. Il ne lui restait plus qu'à chercher, fouiller le hameau de fond en comble.


La bélua commençait à faire le tour des lieux. Elle ne croisait pas énormément de villageois sur son chemin. Ou du moins, le peu qu'elle croisait, la dévisageaient. Ce qui ne semblait pas vraiment anormal dans un telle situation. Une femme qui se faisait poursuivre par une foule d'hommes qui criaient vengeance, était un peu hors normes pour ce petit hameau tranquille. Mais au moins, ils ne se joignaient pas à la chasse. Alors que la jeune femme parcourait les allées entre les maisons, elle aperçu quelques planches disposées contre le mur d'une maison. Malheureusement, elle ne les avait remarquées que bien trop tard, et elle ne pouvait pas s'arrêter pour s'en saisir. La seule solution qui se présentait à Jaagd était de refaire un tour pour pouvoir mettre ses fameuses planches à l'emploi. Elle décidait donc de refaire le tour, mais cette fois, elle empruntait des chemins différents afin de ne pas éveiller les soupçons chez les hargneux qui la talonnaient. Lorsqu'elle arriva de nouveau devant cette maison, elle fixait son objectif, et attrapa l'une des planches qui se trouvaient là. Il ne fallait pas qu'elle tarde trop à s'en servir, car ils pourraient en comprendre l'usage et cela pourrait donc s'avérait inutile. La jeune femme lança la planche sur ses poursuivants de toutes ses forces. Leur visages affichaient tout d'abord une expression de surprise, ensuite elle ne pouvait plus les distinguer car ceux qui se trouvaient en tête du peloton, se trouvaient d'ores et déjà à terre. Pendant que les autres les aidaient à se relever, la bélua en profita pour s'éclipser entre deux maisons. Elle avait enfin réussit. Elle était parvenue à se débarrasser de ce qui aurait pu être ses assassins.


Dès lors, la lancière se déplaçait entre les bâtisses qui se tenaient au sein de ce hameau, et s'aidait des bruits de pas pour s'orienter, afin d'éviter tout contact avec qui que ce soit. Quelques instants après, elle entendu d'autres bruits de pas. Mais il n'y avait pas que cela… La jeune femme pouvait aussi entendre des voix. Appartenant à deux hommes. Elle ne pouvait cependant pas distinguer les mots prononcés par ceux-là. La bélua décida donc de se rapprocher afin d'entendre ce qui se disait. Peut-être cela l'aiderait-elle à connaître la position de ces ravisseurs, et même à s'orienter vers l'itinéraire de fuite le plus sûr. Alors qu'elle s'avançait dans l'ombre d'une maisonnette, elle entendit une série de bruits de pas. C'était eux. Ces hommes qui désirait la vengeance pour leur ami. Le groupe d'hommes faisait face aux deux individus dont la voix, avaient attirée Jaagd. Une certaine hostilité semblait régnait entre toutes ces personnes. Quoi de plus normal me direz-vous ? Certains pensaient tenir l'assassin de leur ami, d'autres voulaient simplement se débarrasser de ce fardeau. La lancière se retrouvait donc au milieu de tout cela. Lorsqu'elle s'était rendue sur ces terres, elle était loin d'imaginer tous les ennuis qui l’assailliraient. Après tout, elle était venue en ce lieu pour sa tranquillité, et rien d'autre.

Mots:

La jeune femme restait cachée dans l'ombre des deux maisons, assistant à cette scène. L'homme masqué était de nouveau présent, mais cette fois, il n'était pas seul. Un homme l'accompagnait. Jaagd portait toute son attention sur ce visage inconnu dont elle ne pu identifier au premier abord ne serait-ce que sa nature. Alors qu'il s’avançait vers le groupe de villageois, il semblait prendre un malin plaisir à les terrifier. Ils n'avaient d'autre choix que de reculer, certains prirent même la fuite. Mais l'homme s'interrompu et se tourna en direction de l'endroit où la bélua se dissimulait. Elle eut froid dans le dos rien qu'en croisant son regard. A présent sa présence était dévoilée. La lancière restait sans voix, elle était tout simplement surprise de la prestance de ce mystérieux homme. Alors que ses yeux étaient posés sur le visage de l'inconnu, elle ne pu s'empêcher de remarquer le filet de sang qui coulait de sa bouche. Dès cet instant, elle comprit toute la trame qui se cachait derrière tous les événements qui s'étaient enchaînés en écrasant l'homme masqué et la jeune femme. Cet homme était un vampire, et c'était probablement lui l'auteur du crime dont ils avaient été accusés à tort.


C'était lui depuis le début. Il était le dramaturge de cet affreux et incessant coup de théâtre. Jaagd ne savait quoi faire face à une telle situation. Il a dû me remarquer à cause de ça... Se disait-elle alors qu'elle posait une main sur son épaule gauche qui était blessée. Le sang n'avait toujours pas séché, étant toujours frais et continuant de couler le long du corps de la bélua, il n'était pas surprenant qu'il ai remarqué sa présence malgré le fait qu'elle se soit cachée. Le vampire avait beau lui avoir dit de s'avancer, elle ne risquait pas de s'approcher de lui. Soudain l'homme mit à mort l'un des hommes d'un seul geste de la main. La lancière eut un sursaut et se crispa à la vue macabre du corps estropié du villageois. Peu après, l'homme encapuchonné se joignait à ce qui n'avait plus aucune similarité avec une bataille, même qu'elle soit sanglante, cela n'en était pas une... C'était un massacre purement et simplement. La jeune femme était paralysée par cette horrible scène. Elle ne pouvait qu’espérer que ce soit un simple cauchemar, mais il n'en était point. Tout cela était bien réel, elle pouvait le nier autant de fois qu'elle le voulait, cela ne changerait malheureusement jamais.


Tandis que la tuerie se poursuivait, Jaagd ne savait pas où se positionner. Il était rare qu'en terme de combat elle ne sache de quelle côté prendre part. En principe, elle aurait pensé que l'issue était la même quoi qu'il arrivait, mais cette fois, tout semblait différent. Tout prenait un sens au yeux des autres, alors que pour elle, tout avait déjà perdu son sens. Tout son monde s'écroulait sous ses pieds, et sous la destruction perpétrée par ses deux êtres. Dans ce cas là, elle aurait pu tout aussi bien défendre les plus faibles, mais ici aussi, il n'en était rien. Son corps refusait tout simplement de bouger. Le vampire avait probablement décidé de ce rôle pour elle, la spectatrice. La bélua ne pouvait ni fuir, ni y prendre part. Que devait-elle faire dans ce cas ? Ce qu'elle voyait, cette horreur à laquelle elle assistait, la rendait malade. Tout cela lui donnait envie de vomir. Pourquoi en venir à les tuer sachant que vous les dépassiez en puissance ? Cette question ne se posait pas sans raison. Il est vrai qu'ils auraient pu choisir de tout simplement les pousser à battre en retraite, au vu de leur puissance et de la peur qu'ils faisaient resurgir sur les villageois, cela aurait été bien plus aisé.


Jaagd serrait sa lance contre elle tandis que les hostilités cessèrent. Quelques instants de pur silence régnaient. Tandis que l'un essaya de prendre la poudre d'escampette, c'était sans compter sur le vampire qui décida de pimenter un peu la chose, en soufflant dans un cor appartenant à l'un des villageois dont le corps jonchait au sol, qui était repeint d'une couleur macabre qu'était le rouge. Autrement dit, leur sang. La jeune femme positionnait sa main sur sa bouche en passant par dessous son masque. La nausée se saisissait à nouveau d'elle. Comment devrait-elle réagir à tout cela ? Aurait-elle dû agir en la faveur d'un camp ? Non, encore même là, il n'était point question de camps. Il y avait seulement le corps des victimes, et ceux qui étaient les prochains qui se tenaient devant leurs assassins. Et la bélua n'avait rien fait. Elle était tout simplement restée là, à regarder ses pauvres gens se faire tuer. Il ne manquait plus qu'à dire qu'elle y avait prit un certain plaisir et elle pourrait d'ores et déjà se dire être leur complice. Etre du même acabit que ces deux êtres dont les mains étaient recouverte du sang d'innocents. Non, elle refusait tout cela. La lancière secouait sa tête, maintenant entre ses mains. Qu'allait-il se passer à présent ?

Mots:

L'affrontement faisait rage. La lancière était fortement déstabilisée par les horreurs qui défilaient devant ses mirettes écarlates. Toute son attention était monopolisée par ce massacre sans nom. La jeune femme ne parvenait toujours pas comprendre les gestes, les actions effectuées par ce vampire. Elle n'ignorait pas le fait que dans la généralité, les créatures de la nuit n'étaient pas blancs comme neige, mais ça ne pouvait pas être la seule raison... Non, elle s'y refusait. La bélua ressentait le besoin de comprendre ce qui l'entourait, ce qui restait incompris à ses yeux. Elle ne saurait le supporter plus longtemps. Tandis qu'elle taraudait son esprit et sa conscience de questions, Jaagd ne parvenait toujours pas à se positionner dans ce combat. En temps normal, elle aurait prêtée main forte aux villageois ne supportant pas l'injustice martiale, cela dit, cette facette d'elle qui lui répétait sans cesse que tout moyen était bon à prendre pour parvenir à ses fins, que cela reviendrait au même, cette façon de penser, cette façon d'être faisait, elle aussi, partie de la lancière. Cette contradiction envers ses propres convictions la déstabilisait au plus haut point, cela la torturait plus qu'autre chose. Que pouvait-elle donc faire si elle ne parvenait pas à se décider, à scinder ses deux aspects ?


La jeune femme décida d'observer un peu plus la situation, de l'analyser. Le vampire semblait avoir encaissé pas mal de coups durs, et l'homme encapuchonné semblait épuisé par les affrontements incessants. L'enfant de la nuit s'était fait blesser à l'épaule par l'un des villageois. Ce qui rappela à la bélua sa propre blessure, qui était encore fraîche et dont elle souffrait au-delà de toute mesure. Cela dit, elle n'était pas de ceux qui se soignaient aussitôt qu'ils aient un petit accrochage, et la lancière décida d'ignorer sa propre douleur pour concentrer toute son attention sur ce qu'il se passait sous ses yeux. Jaagd se sentait impuissante, et c'était le cas de le dire... Impuissante était en effet le bon mot pour décrire dans quel état d'esprit elle faisait face à la situation. Fort heureusement pour elle, le combat perdait en rythme et commençait à traîner de la patte. Enfin, ce réjouissement était surtout destiné aux villageois, qui avaient suffisamment enduré la souffrance qu'engendrait ce massacre. Ces deux individus avaient fait de ce lieu, un abattoir, auquel au lieu de mettre à mort des animaux, tout aussi innocents, l'on y exécutait des hommes qui voulaient simplement venger la mort de leur ami.


Puis, soudainement, alors qu'elle était aspirée par l'horreur de cette macabre scène, un homme apparut brusquement sur le flanc gauche la jeune femme. Elle n'eut pas le temps de réaliser qu'il s'agissait d'un simple villageois apeuré, que celui-ci abattit l'outil dont il s'était muni pour faire justice sur la lancière, qui positionna sa lance verticalement en ayant pour appui le sol et la force de celle-ci pour parer le coup. C'était une technique utilisée par les lanciers lorsqu'ils se retrouvaient prient de court sur le côté. Seulement, cette position ne suffisait plus à contrecarrer la puissance du villageois qui rivalisait avec celle de Jaagd. Elle dû en changer afin de pouvoir avoir double emprise sur sa lance, ce qui ne ménageait pas vraiment sa blessure qui lui procura vague de douleur insoutenable. La bélua sentait le sang couler abondamment de sa plaie, le liquide chaud caressant sa peau. La posture défensive qu'elle maintenant mêlait au contre-coup de la force de son adversaire au vu de sa blessure faisait trembler sa silhouette de manière frénétique.


Cela n'augurait rien de bon, et elle le savait pertinemment. Elle manquait cruellement de force brute et d'énergie, ce qui était généralement nécessaire à la puissance. L'arme du villageois commençait à s'avancer progressivement, et la lancière ne pouvait pas se permettre de reculer, sans quoi elle perdrait l'équilibre, son point d'appui, qui était vital pour maintenir ainsi son emprise. La jeune femme grimaçait, serrant les dents. La douleur la transperçait de toutes parts, chaque petite parcelle de son corps s'en retrouvaient endolories, et cet affrontement qui n'en finissait pas n'aidait pas vraiment à son rétablissement. A ce rythme, ce n'est pas une aggravation de sa blessure, ni même une deuxième blessure apparente qu'elle risquait... C'était la mort. Jaagd résistait comme elle pouvait, mais l'endurance se faisait de plus en plus manquante. Cependant, elle n'était pas la seule à s'en retrouver acculée. En effet, ses deux autres partenaires étaient dans une situation délicate, qui frôlait le point de non retour qui leur pendait tous au nez.

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