L’homme assis en face de la jeune sorcière était un conteur d’histoires et celles qu’il aimait le plus raconter étaient liées à sa vie qu’il ne cachait pas. Il n’avait aucune honte à avoir été voleur un jour, le passé semblait être à présent bien derrière lui et d’une certaine façon avouer ses erreurs de jeunesse pouvait à juste titre éduquer des personnes en mal avec eux-mêmes. Elle n’hésita pas à le regarder sous une différente couture ; ce n’étaient de simples objets qu’il trimbalait, c’était d’une certaine manière sa vie de nomade qu’il abandonnait en quittant son Désert et tous ses biens pouvaient avoir eux-aussi une histoire aussi longue que la vie de Logan.

En même temps qu’il parlait des cornes sur les mains, Soma observa les siennes. Sa paume avait en effet une forme définie ; sa peau s’était durcie à certains endroits à force de bêcher la terre et la manier pour replanter derrière. Mais ses ongles semblaient être les plus atteints par le travail qu’elle effectuait chez ses tantes ; ils étaient teints de vert tant la chlorophylle des plantes qu’elle cultivait l’a marquée. Elle continua de l’écouter silencieusement, buvant ses paroles comme une bonne chose pour faire passer le temps sur ce navire. Soma n’avait après tout rien à faire de particulier. Rejoindre les femmes dans la cale ne l’intéressait pas, la jeune sorcière préférait la compagnie de Logan qui avait une vie derrière lui, laissée dans une partie du monde que Soma connaissait que très peu. Elle y avait voyagé une fois, cela lui avait plu, mais le Désert était si grand qu’elle n’avait bien sûr pas pu tout voir.

« L’âge ne vous a pas terni, vous avez encore tant de choses à vivre qu’un caractère ennuyé ne pourrait pas supporter. »

Son regard bronzite rencontra les yeux verts émeraude de Logan, elle lui sourit. Il lui déconseilla de l’envier, mais Soma ne pouvait s’en empêcher car son futur, bien que tracé, était incertain. Combien de temps survivrait-elle, une fois sur le Continent du Matin Calme ? Est-ce que la vie lui irait ? Elle ignorait tant de choses que cela l’effrayait. L’inconnu ne lui plaisait pas car d’une certaine façon Soma se sentait prise au piège dans un étau qui se compressait de plus en plus. Ce voyage était un adieu à sa famille qu’elle quittait, aux terres qu’elle avait longtemps connues. Néanmoins la rencontre de Logan sur ce pont avait été un réel plaisir tant ce vieil homme brillant de vie avait su contourner les pensées maussades de la jeune sorcière d’un avenir qu’elle répugnait.

Enfin, il se mit à chanter l’air qu’elle avait souvent entendu sur ce pont. Elle ferma les yeux, se laissant porter par la musique venue d’outre-mer, d’un pays qu’elle ne connaissait que trop peu, dans une langue insolite aux nombreuses boucles sonores agréables. Elle n’en oublia pas les sons atmosphériques qu’il y avait autour d’eux tant la voix de Logan, rayée par les années, se confondait à merveille dans l’hymne marin. La musique interprétée par le vieil homme eut un arrière-goût de voyage et d’aventures, un chant parfait pour les songes.

Plusieurs nuits et plusieurs jours se passèrent sans que Soma n’oublie le rythme du chant de Logan. Une fois pied à terre, dans ce nouvel horizon dont elle ignorait tout, la jeune femme salua ses compagnons de route et s’arrêta un instant auprès de Logan, dont la poignée de mains fut plus longue que les autres.

« Je te souhaite une vie aussi longue qu’un arbre Logan, puissent les Aetheri te guider à travers monts et terres dans de nouveaux paysages. »

FIN

Mots = 604