Cette fois, l'ange allait dans un territoire qui mettrait à l'épreuve sa résistance morale. Il avait décidé de se rendre dans l'antre des pirates et explorer pour la première fois le Sceptelinost. Par ses amis il en avait entendu parlé comme un lieu de débauche et pourtant où régner un certain ordre. Et maintenant qu'il se sentait assez fort pour s'aventurer hors du territoire des anges seul, Zéphiel s'était mis en route de bon matin, volant au bon grès des caprices du vent.

Lentement, la vue qu'il cherchait se dessiner devant ses yeux brillants. Un sourire passa sur ses lèvres, illuminant son visage alors qu'il foula de ses pieds nu la terre et masqua par la même ses ailes blanches. De son ensemble rouge, d'un pantalon large qui couvrait ses pieds et des bandes qui protégeaient son torse, il avançait dans les rues, un peu comme un invité se laisserait guider par le maître des lieux et ne manquerait aucun détails.
Un événement le laissant cependant à l'arrêt, un homme se prenait la tête avec un autre au sujet d'un jeu visiblement, à en croire les élucubrations des deux énergumènes, comme quoi l'un aurait triché. La dispute avait grossit et de fils en aiguilles, la troupe s'était amassé pour assister au duel. Zéphiel en fit de même, venant se percher sur le toit d'une demeure, les jambes dans le vide. Il n'était là qu'en spectateur et n'avait nullement l'intention de s'en mêler.
L'ange voulait apprendre le caractère des hommes, apprendre ce qu'il ne comprenait pas, ce qu'il n'avait pas pu connaître durant sa jeunesse humaine auprès de sa famille. Il n'avait connu qu'une scène de désaccord, et ça avait mis un terme à son existence. Maintenant, s'il voyait ses deux hommes prêt à s'entre-tuer, peut-être interviendrait-il, mais pour le moment, écouter leur vocifération l'un envers l'autre, avait quelque chose de poétique dans cette atmosphère lourde du va-et-vient des habitants et des cris des hommes de jeux.

Cette scène n'était pas plus inhabituelle qu'au quartier résidentielle d'une autre ville, mais l'odeur de ses rues, le regard des passants, eux, étaient réellement différents et donner une note artistique à la querelle. Observant de plus en plus l'un des deux hommes, il remarqua dans la manche de ce dernier un couteau briller. L'autre homme, torse nu, n'avait pour lui que sa force brute et ses muscles bien trois fois plus imposants que ceux de son adversaire.
Le combat commença réellement lorsque celui qui avait l'arme cachée s'en servit. Du sang macula le sol et un grognement se fit entendre. Les mains du colosse s'abattirent sur la tête du pauvre malheureux qui avait espéré que cette estafilade suffise à faire flancher son ennemi. Un bruit sourd s'en suivit, laissant le corps du maigrelet tomber lentement contre la terre.

De son perchoir, l'ange n'avait pas loupé une miette du combat et la rapidité avec laquelle la montagne de muscle s'était retourné pour asséné son coup fatal, écrasant, brisant les os sans la moindre difficulté. La foule hurla de joie avant de s'éparpiller comme si de rien n'était, relatant encore la défaite cuisante du pauvre défunt. Avait-il mérité sa sentence ? Sans doute, un tricheur vantard n'était pas de ceux qui survivaient le plus longtemps dans ce monde.
Lentement il se releva et se laissa descendre, atterrissant souplement sur ses pieds devant l'homme mesurant deux fois sa taille. Les yeux levés vers lui, l'ange lui sourit.

- Impressionnant, vraiment.
- Tu veux tâter, moustique ?
- Pas vraiment, mais, je sens la magie courir dans votre corps, je me trompe ?
- Tu es perspicace le plume blanche et ça m'plait pas trop…
- Pardon… ?

Alors qu'il resta bête devant la réaction de l'homme, celui-ci fit s'abattre sur lui ses mains. Par la chance ou la magie, l'ange les retint à un centimètre chacune de son visage, fronçant légèrement les sourcils avant de les repousser avec force par sa magie.
L'homme n'avait pas dit son dernier mot et d'un rugissement, envoya l'ange trois mètres plus loin heurter d'abord une caissette de bois pour atterrir enfin aux pieds d'une personne dans un léger cri plaintif. Légèrement sonné, le blond n'eut pas le temps de commencer à se relever que déjà le colosse revenait à la charge.

Nombre de mots :

Sa tête bourdonnait et le vacarme du bois retombant morceau après morceau sur le sol n'était pas pour le détendre. Les yeux ouverts, il ne voyait pour le moment que des ombres, percevant la discussion au loin, comme s'il était sous l'eau. Grimaçant en voyant bouger devant lui une silhouette, il reconnu par sa stature, bien qu'il ne discernait toujours pas les contours, l'espace de grosse brute.
Toussant pour se dégager les poumons et retrouver consistance après le choc, c'est en s'appuyant sur ses mains que le blond se releva en titubant encore un peu. Une de ses mains se porta à sa tête pour se forcer à faire la mise au point sur sa vue, mais rien ne semblait y faire. Le temps sera son meilleur allié, pourtant, il avait un affrontement à finir et il n'allait certainement pas laisser son sort à un parfait inconnu.

La montagne semblait énervé par les agissements de son sauveur du moment. Le prenant comme une chance, Zéphiel plaça ses mains comme s'il tenait un arc et du vent pris forme entre ses doigts, dessinant seconde après seconde les courbes de l'arme puis du trait meurtrier. Un arc et une flèche de vent pur diriger droit sur l'ombre du colosse. Il ne pourrait probablement pas viser en plein coeur, mais sans doute la flèche le blesserait-elle suffisamment pour lui faire abandonner l'idée du combat. Bandant au maximum l'arc de magie, le flèche fusa, plus vive que celle d'un arc de bois, mais au lieu de trouver la chaire de l'homme, elle ricocha sur une sorte de bouclier magique.

D'un grognement sourd, le colosse se retourna vers celui qui avait tenté cette action stupide que de le blesser à distance. C'était une magie particulièrement, opérant à partir d'un artefact qu'il gardait précieusement en sa possession et ne s'activait que pour le protéger des attaques à distances. L'ange ne l'avait sentit que trop tard, lorsque sa flèche avait été décoché, que cette magie opérait tout autour de lui. Le bourdonnement reprit, plus intense, le laissant plier les genoux au sol, la tête dans une main. Mais l'ombre qui fondit sur lui sembla s'arrêter. Comme si quelque chose ou plutôt quelqu'un avait retenu son attention bien plus que lui.

Laissant son corps être le seul juge de ses capacités, Zéphiel recula jusqu'à toucher un mur et s'y accota. Le flou disparaissait de plus en plus pour laisser place à des lignes nettes. Il prit alors la peine de reporter son attention sur la montagne de muscles et la jeune guerrière qui lui menait la vie dur par son agilité.
Bien que rapide, le colosse ne l'était pas assez face à un vrai combattant, ou alors commençait-il à fatiguer ou était-il entravé. Dans tous les cas, voilà l'ange rassuré par la situation.
Les cheveux roux de la jeune femme le laissèrent pensif. D'aussi loin qu'il se souvienne, c'était la couleur des cheveux préféré de son père sur une femme, bien que sa mère comme lui étaient blonds tous deux.

Il l'avait fait une fois, il pourrait recommencer.
Gravant en mémoire ses cheveux, il fit glisser son vent jusqu'à elle, la soutenant lors de ses esquives pour les rendre moins pénibles, et venant insuffler sa vitesse dans ses jambes et ses bras si elle voulait l'attaquer. Dans son état, soutenir était la seule chose qu'il puisse faire avant de recouvrer ses pleines capacités.

Pourtant, bien que faible, il ne loupa pas une miette du duel opposant la frêle jeune femme et la montagne de muscles. C'était d'ailleurs un scénario tout à fait intéressant et la plupart du temps, c'était le plus agile qui s'en sortait, aidé ou non.
Alors que sa tête commençait enfin à se calmer, il continuait de laisser sa magie du vent entourer, protéger et soutenir l'Orisha. Les femmes avaient vraiment ce petit quelque chose de fascinant qu'il ne comprenait pas et qui pourtant l'intéressait, bien que ses amis tiennent une place importante dans sa vie, il commençait petit à petit à comprendre ce sentiment qui pour lors lui est étranger : l'amour.
Un sourire étira ses lèvres puis lorsque l'occasion se présenta, il souffla au vent qui porta ses mots jusqu'à l'oreille de la jeune femme.

- Son flanc gauche n'est pas protégé, si tu veux le vaincre, c'est le meilleur endroit où frapper.

Zéphiel sentait que sa magie n'était pas éternelle et qu'elle faiblissait un peu. Il lui faudrait du repos, certes pas autant que lorsqu'il se battait avec ses amis, mais suffisamment pour esquiver un futur combat.

Nombre de mots :

Les émeraudes se figèrent sur la brillance de la lame et la mort de son éclat dans le corps du grossier personnage. Il se sépara du mur, retrouvant avec plaisir l'usage parfait de son corps, non sans en ressentir la fatigue et la douleur des coups reçut, du choc du poing en passant par celui du bois. Alors qu'il allait pour avancer, le bruit sourd du corps contre la terre le fit tourner les yeux. Encore un de plus qui n'avait pas eu de chance avec la roue de la vie. Sans en être désolé, il était attristé de la fin des événements. Aurait-il pu raisonner la montagne s'il n'avait pas reçu de plein fouet son coup de poing ? Probablement pas, mais il aurait eu plus de chance que dans son état actuel.

Alors que son esprit ne faisait en lui qu'un tour, retraçant la ligne de conduite qu'il avait adopté en temps qu'observateur, l'ange sentit la jeune femme se rapprocher de lui puis la chaleur de ses mains sur ses épaules. Il lui offrit un autre sourire, un de ceux qui étaient apaisant et rassurant.
Une salve de question suivit le geste mais, sans avoir le temps de répondre, le corps de la combattante s'affaissa au sol.
S'agenouillant à son niveau, Zéphiel entrouvrit les lèvres pour parler mais il fut prit de court. Le nom le prénom et même la race de la jeune femme lui furent communiqué alors qu'il n'avait rien cherché à savoir. Penchant doucement son visage en laissant retomber ses mèches blondes devant ses épaules, le remerciement final lui donna un peu de force intérieur, sans qu'il ne s'en rende compte de prime abord.

- Enchanté Gwentanaï. Pour ma part, je m'appelle Zéphiel Alouheïo et, je pense que tu as déjà du le ressentir, je suis…

Laissant une seconde de suspend à peine, il déploya deux ailes blanches dans son dos pendant quelques brèves secondes avant de les faire disparaître de la même manière qu'elles étaient apparues.

- Un ange.

Sa voix se fit plus présente et plus joviale, mais il ne pu se résigner à en rester là. En se relevant lentement, étirant ses muscles endoloris par le choc, ses yeux firent un rapide petit tour d'horizon avant de se reporter sur sa jeune amie.

- C'est le moins que je pouvais faire, t'aider dans ce combat. Tu n'y étais pour rien et c'est tout de même grâce à toi que je suis encore en un seul morceau, finalement. Pour le reste, je pense qu'il serait plus prudent que lors des présentations, tu ne donne que ton prénom, peut-être ton nom si tu le souhaite, mais, même si je respecte tous les peuples, donner sa race peut parfois attirer bien des ennuis. Profite de pouvoir te faire passer pour ce que tu n'es pas. Ca pourra jouer en ta faveur.

Il avait eu le besoin de la mettre en garde, sans réellement comprendre pourquoi. Au fond de lui, protéger, soutenir, permettre aux autres de se dépasser, les aider à trouver la meilleure solution, les faire sourire, était ce qui lui permettait de continuer à vivre. Il n'avait rien, hormis ses amis, Nicholas et Orphee, Neige qui se faisait discrète, et sa camarade qu'il estimait presque comme une grande sœur, Nithael. Tous les autres, il les appréciait mais avec une importance un peu moindre comparé à ceux la.

Puis il tendit sa main vers l'Orisha, doucement pour l'inviter à se relever.

- La mort est une denrée courante, je l'ai appris à mes dépens, et pourtant, elle n'est pas toujours si cruelle que cela.

Un vent chaud vint passer entre eux et fit relever les yeux de l'ange vers le ciel bleu, vide de nuages, paisible. Aujourd'hui serait un jour intéressant, bien qu'il se trouve loin de la paix qu'il recherchait et voulait instaurer, apprendre les péchés étaient aussi important que de s'en éloigner. Il ne se laisserait pas tenter, il avait promis à Orphee de ne jamais oublier le plus important : vivre pour soit.

nombre de mots:

Quand la jeune femme saisit sa main et étira son corps devant lui, il la remarqua, encore et toujours, cette petite différence de taille qui le faisait sourire et le rendait si peu crédible lorsqu'il se mettait en avant. La chaleur de sa main cependant lui restera. Elle semblait encore si pure, pourvus qu'elle le reste. Une pensée vogua jusqu'à Aube, jeune femme si fragile et forte en même temps. Un peu comme l'idée qu'il se faisait de Gwentanaï pour le moment.
Le contact physique fut coupé par l'action de l'Orisha et une petite frimousse sortit de sous sa chevelure de feu. Un pelage blanc, de petits yeux rond, il n'en fallu pas plus à l'ange pour se détendre et laisser éclater un petit rire amusé.

- Quel étrange petite créature.

Pointant doucement sa main vers l'animal, l'ange se laissa découvrir sans bouger jusqu'à écouter les derniers mots de sa camarade et finalement sauveuse. Ce qu'il venait faire ici ? Juste une simple curiosité, découvrir des horizons qui n'étaient pas les siens, chercher à comprendre ce qui pouvait inciter certaines personnes à se laisser aller aux péchés. Dans ses yeux verts, un éclair triste passa furtivement avant qu'il ne prenne une petite inspiration, recule sa main de l'hermine et réponde posément.

- Je ne suis là que pour apprendre alors, plus je voyage, plus vite je remplirais ma mission et quoi de plus nourricier en terme d'informations qu'une taverne. Je te paye le repas et la boisson, se sera ma manière de te remercier pour ma vie, si tu n'y vois pas d'inconvénient, bien sûr.

Doucement, il tourna les yeux vers la rue qui commençait, minutes après minutes, à grouiller d'individus se démarquant tous un peu plus les uns des autres.

- Par contre, je ne suis pas sûr que cette taverne… (en pointant celle où était sortie les deux cadavres)… soit une bonne idée. Cherchons-en une autre, ça nous permettra de nous détendre les muscles.

Un sourire se traça de nouveau sur son visage avant qu'il n'invite son amie à le suivre, descendant la rue bruyante pour tomber sur une nouvelle toute petite place où une auberge rythmait les allées et venues de la plupart des hommes du coins.

- J'ai déjà croisé pas mal de personnalité différente, mais de toutes les personnes que je connais, tu as été la première à me dire ouvertement tout ce que tu étais. Ce n'est pas un mal en soit, l'honnêteté est une chose merveilleuse, mais il y a tellement de personne qui en profiterait, qu'il faut toujours garder un coup d'avance sur tous ceux que tu croise, même si tu as confiance en eux. C'est ainsi qu'est le monde, et même si la souffrance, les péchés, sont une chose que je combat, je sais que sans eux, le bonheur et les vertus n'existeraient pas. Il faut un tout pour équilibrer la balance.

Sur ces mots, ayant pris soin de garder à ses côtés Gwentanaï, il poussa la porte de la petite auberge/taverne et demanda un repas avec de l'alcool pour son amie. A table, il lui compta une de ses aventures avec un sorcier, dans une forteresse où il avait faillit perdre son ombre pour de bon et probablement sa vie, tout en mangeant et buvant avec délice un verre d'eau fraîche.
Combien de temps lui parla-t-il, il ne s'en rendit pas compte, sauf en regardant à l'extérieur le soleil tomber doucement. Il fallait se reposer, il paierait aussi pour la chambre et repartirait pour de nouvelles aventures à l'aube.

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