Le rang de mamans n’était une tâche toujours glorieuse. Installée sur un bureau, Ceri couchée sur le dos. Elle s’affairait à essayer de changer sa couche, ce qui n’était pas une mince affaire. En même temps, il y avait deux jeunes garçons et une jeune dame de son ancien groupe d’étudiant. Ils lui posaient des questions sur des techniques de combat. Si elle avait su qu’elle devrait faire un suivi, elle aurait pris des vacances pour disparaitre quelque temps. Mais ce qui était fait était fait et d’une certaine manière, elle les aimait bien ces gamins.

-Maria, viens me donner un coup de main, tiens-lui les jambes doucement.
-Oui ! Déclare la jeune femme qui s’approchait rieuse de la situation.
-Mikael, il n’y a pas réellement de ‘’bonnes'’ techniques, il faut apprendre à lire les mouvements des autres pour comprendre ce qu’ils ont en tête. Il ne faut simplement oublier… La poudre… Murmure Nithael qui avait réussi à refermer la couche.
-La poudre ? Demanda le garçon incertain.
-Non, pardon, il ne faut pas oublier ta propre sécurité et celle des autres avant de te jeter dans la mêlée… Termine-t-elle en jetant de la poudre sur les fesses de Ceri.

Maria avait peine à retenir ses rires devant la scène qu’offrait la Dame D’Acier avec une enfant. Il était clair que la jeune maman n’était des plus expérimentée et encore moins à l’aise avec cette tâche. La petite blonde finit par faire signe à Nithael, prenant sa place pour s’occuper de la tâche. Dans un soupir, la grande guerrière lui laissa la plage, époussetant le devant de son corps recouvert de poudre blanche. Elle allait reprendre la discussion quand une tornade au nom d’Anicia pénétra les lieux. Elle congédia les deux hommes et observa la petite dernière qui terminait l’étape de la couche. La grande dame au regard scrutateur l’observa, tapant du pied pour lui faire savoir son impatience.

-Je… J’ai terminé… Je vais vous laissez…
-Merci Maria. Déclara Nithael. Je peux savoir ce qu’il se passe ?
-J’ai ceci pour toi. Souffle Anicia en lui tendant une lettre scellée.
-Et ce bout de papier t'a mis dans tous tes états ?
-Ce n’est pas n’importe quel bout de papier ! C’est une lettre spéciale !
-Je vois bien… Déclare la guerrière en brisant le sceau. Laisse-moi une seconde…

Anicia alla voir Ceri, taquinant la gamine qui gazouillait joyeusement sous les doigts agiles. Elle du relire la lettre à plusieurs reprises, incertaine de bien comprendre ses lignes finement alignées. Elle finit par lever les yeux vers Anicia, silencieuse face à une telle demande. Elle laissa la lettre retomber le long de son corps, frottant son visage de son autre main. C’était donc pour ceci les subites missions ? Elle vient chiffonner la lettre, l’envoyant dans une corbeille de papier.

-Hé ho ! Pourquoi tu as fait ça ?
-Ressentiment personnel. Ne pose pas de question. Tu pourras prendre Ceri demain ?
-Bien sûr, je passerais la nuit ici et tu pourras quitter demain matin à la première.
-Merci... Grommela-t-elle.

***

À la première heure, elle, s’était présentée là-bas. Simplement vêtue de vêtements d’entraînement solide et simple. Elle n’avait aucune arme ou même armure en vue, de toute façon, elle les invoquerait le moment venu. L’homme qui lui avait envoyé la lettre, un dénommé Arthael. Un Archange de haut rang qui devait être son évaluateur. Elle le retrouva sur le terrain, déjà habillé de son armure scintillante et de son arme. Elle marcha jusqu’à lui, silencieuse et à l’allure démunie. Elle l’observa, ne savant pas quoi dire, non ne voulant rien dire. Ce n’était pas à elle de souffler mot, mais plutôt à son évaluateur.

La tête haute, elle lui fit face. Le regard brave et fier, si sa mère avait pu la voir en ce moment même, elle en serait fière, retrouvant les racines de ses ancêtres et de sa tribu. Malgré son aura angélique, on retrouvait les traits caractéristiques des humains et encore plus celles des tribus sauvages du continent sauvages. On retrouvait chez elle la sauvagerie de la nature et elle avait pu le montrer plus qu’une fois sur les champs de guerre. Ceux qui avaient combattu avec elle, pouvaient facilement témoigner de ses combats. Elle n’offrait aucun répit à ses ennemis et encore moins une seconde chance. Elle n’hésitait pas à tuer ceux qui lui offraient des problèmes et encore moins ceux qui partageaient le mal autour d’eux.

Mais l'ange était interrogatif, devait-elle se sentir honorée ? Trahit ? Elle n'aimait pas être utilisée ou même évaluer sans qu'on lui en parle. Mais maintenant, elle ne pouvait pas revenir sur ce qui était fait, elle devait garder la tête haute et continuer à avancer.

Le silence n’avait jamais dérangé Nithael. Elle le voyait davantage comme une bonne amie avec laquelle on pouvait prendre un verre tranquille ou même lire. Nithael ne l’avait jamais vu comme une intruse dérangeante, mais plutôt comme un moment de détente où elle pouvait penser et réfléchir lentement. L’homme qui semblait être son instructeur semblait vouloir lui le même ‘’châtiment’’ qu’elle offrait à ses interlocuteur quand elle n’avait pas envie de discuter ou même d’offrir une parole. Même si sa tenue était décontractée, elle était en très bon état, bien soignée pour une tenue d’entraînement. Sa chevelure avait été tressée en une longue natte qui avait été passée autour de son cou pour retomber dans le milieu de son dos. Chatouillant à peine le creux de ses reins. Son regard acier était terriblement calme en ce moment, ne semblant pas être capable d’être troublée par le silence imposé de l’homme.

Elle ne pouvait pas croire qu’il n’en imposait pas. Il dégageait comme la plupart des siens une aura dévastatrice. D’une certaine manière, elle se voyait en lui. C’était surement très étrange d’avoir de telle pensée, mais le tout faillit la faire sourire. D’ordinaire, les gens avaient peur d’elle, ils l’ignoraient, la toisait, murmurait dans son dos ou même laissait aller une étrange fascination, et ce, depuis la coupe des nations. Elle avait changé depuis ce moment. Beaucoup de choses s’étaient passées durant cette sombre période, elle avait goûté à plusieurs épreuves et châtiments qui avaient fait fondre ce qu’elle était pour la reforger et son corps en portait encore les marques. Tout comme ses cicatrices qui marquaient encore son visage. Une fine ligne qui barrait de manière délicate sa lèvre et un autre qui traversait un peu plus visible. La trace semblait usé par l'utilisation abusée d'un sort de soin envers son œil droit, celui qui avait été crevé. La magie avait pu le lui ramener, mais son corps n’oubliait pas la douleur occasionnée.

Si l’homme portait moindrement attention, il pouvait voir les marques plus faibles qui zigzaguaient sur ses avant-bras. Pour ceux qui avaient déjà utilisé un fouet ou même la torture pourrait facilement reconnaitre l’arme qui avait été utilisé sur elle. Elle n’avait jamais parlé de cet évènement, malgré les supplications offert par Anicia et le seul qui avait eu vent et vu les pires marques de son corps avaient été Artémis. Elle s’était sentie tellement soulagée quand elle lui avait parlé des grosses lignes. Mais ce douloureux évènement avait tout simplement changé son monde et sa façon de penser. Elle avait pu ‘’méditer’’ durant son escapade dans les bois quand on la chassait sur plusieurs points. Elle avait tué pour se défendre et pour manger, elle avait tué pour survivre. Beaucoup pensaient que cette épreuve l’avait brisée, qu’elle avait perdu une case, mais tout ceci ne l’avait rendu plus forte.

Autrefois, elle se jetait sans réfléchir dans la mêlée de la bataille, ne pensant pas aux conséquences que son geste. Mais avec la coupe des nations, elle avait réalisé que si elle mourait, qu’elle ne pourrait plus protéger ceux qui lui étaient chers. C’était une roue vicieuse, mais compréhensible. Prenant une grande respiration, elle offrit un faible sourire en coin à l’homme. Elle trouvait marrant de subir le traitement du silence. L’excitation montait peu à peu en elle, la curiosité alimentait le feu qui prenait doucement forme. L’incompréhension et l’incertitude avaient fini par quitter son corps, offrant une façade de sa personne plus calme qu’à son arrivée. Elle ne désirait pas être nerveuse ou même laisser l’impulsivité frapper son être plus qu’il ne l’avait été plutôt.

À quoi bon ? Tout ceci ne ferait que la troubler et l’homme semblait être là pour ceci. Elle n’incarnait peut-être pas la ‘’perfection’’ comme plusieurs des siens essayaient de faire. Elle ne désirait pas non plus décrocher la perfection. La perfection n’était qu’une ironie à ses yeux, un rêve éphémère qui n’était imposé que par soi-même. Elle connaissait ses forces et ses faiblesses, elle n’était assez stupide pour se cacher la tête dans le sable. Elle pouvait continuer à s’améliorer et atteindre le pallier qui lui plairait, elle allait faire ce qu’elle désirait et certainement pas laisser qui que ce soit la pousser dans une direction.

Toujours les yeux dans les siens, elle finit par flancher les genoux et venir s’asseoir au sol, les jambes croiser. Elle déposa les mains sur ses cuisses, un air docile et calme. Ses épaules se détendirent lentement, dévoilant son statue de méditation. Elle doutait que l’homme attaque sans rien dire, les anges n’étaient pas lâches. Elle voulait lui montrer que même si elle reconnaissait sa supériorité, que même si elle acceptait son désagréable silence, elle n’allait certainement pas craquer pour peu. Après avoir subi la torture des ailes, qu’on lui a épluchée plume par plume, elle pourrait facilement supporter un silence comme celui-ci.

Le silence était une forteresse dans laquelle, Nithael avait su trouver du repos et du confort. Les yeux clos, elle avait su ouvrit son esprit à son environnement. Elle écoutait le son du vent, celui du sable qui glissait sur le sol, les froissements de leurs vêtements, celui de leurs cheveux qui glissait dans le vent. Malgré la chemise blanche qui recouvrait son corps, elle ressentait la chaleur du soleil monté graduellement dans le ciel. Elle écoutait le son de sa respiration, celui de son battement de cœur qui frappait contre sa poitrine, rapide et ferme. Elle bougea lentement les doigts, appréhendant chaque mouvement de muscles. Elle occupait son esprit en redécouvrait chaque partie de son corps. Elle n’avait pas peur, mais elle était nerveuse de cette épreuve. Elle ressentait la peur et l’excitation monter en elle, se mélangeant dans un miasme désagréable qui la rendait impulsive.

Prenant une grande respiration, elle laissa l’air filer lentement, essayant de ralentir son cœur et de mettre de l’ordre dans son esprit. Elle ne désirait pas agir de manière in-considérable. Son esprit vagabonda beaucoup pour l’aider à survivre, pas au silence, mais à la présence de l’homme. Étrangement, elle le trouvait de plus en plus envahissant et dérageant, mais ceci n’était que dans sa tête. Quand enfin, il parla, elle ne prit pas la peine s’ouvrit les yeux, sentant son cœur s’accélérer sous cette voix grave et impériale. Elle ressentait la froideur, le tranchant de sa parole lui rappelait la morsure de l’acier. Ressemblait-elle à ceci quand elle parlait aux autres ? L’idée de goûter à sa propre médecine aurait pu la faire rire, mais elle respectait trop le moment et l’homme.

Elle n’avait pas besoin d’ouvrir les yeux pour comprendre de quoi il parlait. La fissure dans la terre et la terre sur la lame ? Elle trouvait la question simpliste, beaucoup avaient dû répondre la première chose qui leur traversait l’esprit, un trou fait par une lame et de la saleté. Simple mais loin de la vérité. Elle se doutait qu’il n’y eût pas réellement de bonnes réponses, mais que c’était plutôt une manière d’évaluer ce qu’elle avait en tête. Lui mentir ne servirait à rien et elle n’était pas du genre à mentir. Cacher, ce qu’elle pensait ou ressentait peut-être, mais mentir non.

Elle finit par soulever son corps, étirant ses jambes pour les dégourdir un peu. Nerveuse de s’ouvrir de la sorte à un inconnu, elle commençait à rouler ses longues manches, dévoilant la chair de ses avant-bras. Elle posa ses yeux acier sur lui, puis parla doucement.

-J’y vois, une fissure imposée, une marque forgée par l’acier, une cicatrice qui lui rappelle ce qui est arrivé. J’y vois la morsure d’un poids trop lourd pour elle.

Elle se tut un moment. Les poings serrés, elle retenait les tremblements de peur qui frappait son être. Elle ferma les yeux un instant, respirant un grand coup avant de reprendre pour la terre sur la lame.

-Pour la terre sur la lame, je vois la saleté de la blessure, je vois les restants qui ne marqueront que temporairement l’acier froid. Termine-t-elle lentement.

Elle posa une nouvelle fois les yeux sur lui, dévoilant les fenêtres de son âme qui malgré l’air fort qu’elle dégageait montrait les blessures qui marquaient sa personne. Oui, elle était blessée, oui, elle avait peur, oui, elle n’était une femme aussi forte que bien d’autre, mais il y avait quelque chose de différent. Elle acceptait ses défauts, elle acceptait chacune des cicatrices qui marquaient son corps et n’oubliait pas l’évènement qui lui avait offert une marque. Chacun d’entre elles l’avaient forgée, que ce soit physiquement ou même psychologiquement. Elle souffla une nouvelle fois, ressentant un poids quitté ses épaules. C’était agréable de se sentir aussi légère, de pouvoir respirer plus librement.

Elle réalisa à quel point, cette séance était libératrice. Peut-être pas pour l’homme, elle ignorait s’il avait compris quelque chose à son charabia, mais elle-même se sentait mieux. Après ses quelques paroles, si chaotiques et pourtant si proches de la vérité de son être. Elle levait les yeux au ciel, observant le ciel bleu et les nuages blancs qui y vagabondaient. Elle passa les mains sur ses bras, caressant les fines cicatrices qui marquaient à peine la chair. Les soins magiques avaient un avantage, il faisait lentement disparaitre les plus faibles et amenuisait les pires.