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 Le Dieu putride [Solo]

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Ven 20 Mai 2016, 23:03

Avant son périple pour tenter de gagner la main de la magnifique Reine des magiciens, avant cette détestable guerre entre les anges et les démons, avant même son intégration au sein de la Coterie de Bois-Lune, Andrzej parcourait le désert, territoire des humains, à la recherche de réponses dans sa quête personnelle. Il avait récemment fait connaissance avec les Voyageurs, nomades chevronnés, et avait embrassé leurs idéaux du moins temporairement. C'était pour cela qu'il arpentait le désert, pour se mettre à l'épreuve et se préparer à la survie hors du confort des villes tout en voyageant de villes en villages. Cependant, et malgré tout son courage et sa motivation, il se permettait de rester quelques jours au sein d'une cité pour se reposer et faire les provisions nécessaires. Il était conscient des risques du désert pour avoir été proche de la déshydratation totale. Aussi, il profitait de ces temps de pause pour amadouer et comprendre cet étrange chat qui le suivait depuis qu’il avait quitté l'abri mystique des Voyageurs. En permanence, derrière ou devant lui, gambadait ce félin maladroit et stupide qui trébuchait à la moindre occasion. Bien que ressemblant à tous points à un chat à l’extérieur, certains comportements notaient une attitude affreusement humaine mais Andrzej n'y connaissait rien encore sur les animaux domestiques, son éducation s’étant passée dans les bois. Le Bélua ne pouvait user de ses pouvoirs sur lui, il devait donc l'observer et le comprendre. Ce qui était fort étrange car tous les animaux sans exceptions pouvaient être scrutés. C'était pour toutes ces raisons et d'autres encore qu'il choisissait de rester au sein de ce village, dans une petite chambre d'une auberge standard à interagir avec son atypique animal de compagnie. Il n’y avait rien de particulier à propos de ce village. L’activité principale des locaux était l’organisation de visites des abords des pyramides qui se trouvaient plus au nord. Il n’y avait effectivement pas beaucoup d’occupations pour les habitants au milieu du désert, la plupart d’entre eux avaient donc tourné leur intérêt vers cette étrange construction imprégnée de mystères. Avec le temps, des escapades étaient organisées en petits groupes jusqu’à ce que, après plusieurs années, un véritable réseau de galeries fut découvert dans les niveaux primaires permettant une visite sûre et rapide, idéale pour faire payer une jolie petite somme aux aventuriers du dimanche et autres voyageurs crédules. Tout donc avait évolué dans ce sens et l’effervescence de la cité était uniquement dû aux cris et autres invitations hurlées par les crieurs de rue qui vantaient les mérites d’un guide ou d’un autre. Lui-même, Andrzej était attiré par ces fameuses pyramides mais il ne pensait pas avoir ni le temps ni l’argent pour participer à ce type de visite et quand bien même il aurait les moyens, il préférait visiter par lui-même car au long de ses voyages, il avait pu remarquer qu’il était différent, plus en phase avec la Nature que les autres. Dans tous les cas, il avait décidé de se reposer dans cette chambre pour le moment.

A mesure que le temps passait, l'ennui le gagnait. Les malices et maladresses du chat, surnommé Czarny Kot par son propriétaire, n'avaient déjà plus rien d'original. Pourtant, Andrzej n'était pas le plus imaginatif au monde car Czarny Kot signifiait simplement Chat Noir dans son dialecte natal. Donc pour qu'une personne si peu originale fut lassée, cela voulait dire beaucoup. Toutefois, il avait réussi à mettre au point certains signes et moyens de communication en place de sorte qu'il demandait au félin de garder la chambre le temps de son absence. Même si Kot allait simplement être inutile pour cette tâche, il semblait avoir compris. Le jeune homme était un voyageur, un homme de la Nature et des grands espaces, aussi loin que sa mémoire remontait, il avait été soit sur les routes soit dans les parties sauvages de ce continent en train de parfaire ses aptitudes. Il ne pouvait rester enfermer entre quatre murs indéfiniment. Il se promenait donc dans les rues de la ville et autres places marchandes pour glaner des informations. En faisant mine de s'intéresser à des objets sur un étal, il entendait parler des potins locaux. Invasion de rats dans les égouts, soupçon de sorcellerie, visite princière et mariages à venir composaient ces rumeurs. Plus tard, dans une taverne, il s'était fixé au bar pour une fois encore écouter de manière indiscrète les autochtones. Encore une fois, les thèmes des mariages et de la sorcellerie étaient abordés. Fait étrange, la rumeur concernant la magie noire comportait des détails troublants d'exactitude malgré les exagérations inévitables des colporteurs de on-dit. Finalement, et c'était cela qui mettait fin à ses doutes, il entendait la même histoire de sorcière de la bouche de l'aubergiste en se rendant dans sa chambre en fin de journée. Il n'en pouvait plus, la curiosité et surtout son sens inné du rejet du mal avaient pris le dessus et il devait faire quelque chose. En allant directement son hôte, il n'allait pas par quatre chemins et lui demandait la version complète de ce ragot.

« Ca fait presque une semaine que choses bizarres se passent chez Ulbam Arviin, dans le quartier est. On parle de réunions de sorciers et de démons. On ne l'a plus vue hors de sa maison depuis ce temps. »

En entendant le terme de démons, le sang d’Andrzej ne fit qu’un tour. Il avait en horreur cette engeance maléfique depuis le jour où trois d’entre eux, faibles mais organisés, avaient réussis à menacer l’arbre sacré et mis à mort en le brûlant vif son maître, son gardien, son ami. Il leur vouait depuis une haine enflammée et les attaquait à vue. Sans regrets ni hésitation, il voulait les exterminer tous jusqu’au dernier. Ce détail avait donc avivé sa curiosité et il voulait en savoir plus.

« Pourquoi de sorciers et démons ? Qu'est-ce qui vous fait croire cela ? »

Il devait se retenir pour ne pas exploser sur place en citant ces êtres affreux. Le fait de prononcer leur nom lui donnait un frisson qu’il ne pouvait réprimer que difficilement et déjà sa main se posait sur le fourreau de sa dague usée déjà imprégnée du sang de ces créatures du mal.

« Les voisins et passants disent avoir entendu plusieurs voix parler dans une langue étrange. Vous savez, avec les pyramides au nord du village, nous avons beaucoup de voyageurs et archéologues de tous horizons. Donc des langues étrangères, on en connait pas mal. Mais là, absolument personne ne la reconnait. Elle est guide après tout, elle a peut-être rencontré des démons lors de la dernière visite. Et puis l'odeur ... »

Le fait que cette personne parle d’une odeur lui permettait de se rappeler d’un détail complémentaire lors de la mort du Lesovik qui l’éduquait. Une odeur étrange, forte et sulfureuse baignait les environs. Il s’agissait peut-être là d’un trait commun à tous les démons faisant partie d’une certaine caste ou classe, il n’en était pas sûr car il n’avait jamais pris le temps de laisser la vie à un démon assez longtemps que pour parler de leur système d’échelle sociale. Mais un doute l’assaillait. Et si ? Et si cette odeur n’était pas si répandue et était plutôt un signe particulier d’un démon ou groupe restreint ? Et si cette odeur voulait simplement pointer le coupable de cette attaque à laquelle il avait survécu de justesse ? Et si le destin ou les Aetheri avaient mis ces rumeurs sur son chemin pour lui permettre d’exercer une juste colère sur ces êtres impies ? Il ne pouvait fermer les yeux face à ce genre de signes et il devait mener l’enquête.

« Quoi à propos de l'odeur ? »

« C'est immonde. Nauséabond ! Toutes les portes et fenêtres sont fermées en permanence, pourtant une odeur très forte et rance s'en échappe. Un relent acide. Il n'y a pas de doute, elle accueille des sorciers qui font des potions. Et aussi des sacrifices ! Car ça sent la mort et la putréfaction autour de chez elle. D'ailleurs, cette pauvre Myria a dû déménager à cause de cela. Elle va se marier dans quelques semaines avec ... »


Totalement désintéressé par le sort de la mariée et satisfait des réponses obtenues, Andrzej coupait court à la conversation en donnant quelques pièces à l'aubergiste et en remontant dans sa chambre. Durant son ascension des escaliers, il pesait le pour et le contre de ce problème qui s’était présenté de lui-même. Depuis qu’il avait entendu parlé de démons potentiellement impliqués dans l’affaire, sa main droite le démangeait et tremblait presque pour se saisir de sa dague et partir en courant dans la direction de la maison incriminée. Mais il devait se contenir. Il avait beau avoir été élevé dans les bois, il ne pouvait s’abaisser à des meurtres faciles et de colère, cela reviendrait à devenir comme les êtres qu’il a en horreur. Non, il réfléchissait et se calmait en prenant le temps de monter les marches. Bien vite, il se retrouvait dans sa chambre et à ce moment-là, sa décision était prise. Il allait rendre visite à cette étrange femme accusée de tous. Il entrait dans sa chambre avec une liste déjà précise des affaires dont il aurait besoin, en soit, cela était assez facile car il ne possédait pas beaucoup de choses en ce monde. Il préparait ses quelques affaires tandis que le chat sautillait partout au retour de son maître, se vautrant à plusieurs reprises quand il essayait de grimper sur le lit. Le Bélua avait décidé de tirer cette histoire au clair. Si la rumeur était vraie, alors il stopperait un plan maléfique. Si elle ne l'était pas, il rétablirait la réputation d'une femme accusée à tort. Dans les deux cas, cela en valait la peine.

La nuit commençait à tomber ce qui arrangerait Andrzej car il ne voulait pas alimenter les rumeurs en allant frapper à la porte en plein jour. Se guidant grâce aux indications fournies, il se rendait directement dans le quartier est du village. Il s'en voulait en cours de route de ne pas avoir demandé une adresse précise ou une description de la maison. Mais cela aurait été inutile. A l'aide de son seul odorat, il retrouvait immédiatement le lieu supposé de réunions occultes. L'odeur était effectivement horrible et en fermant les yeux, il pouvait s'imaginer un charnier à ciel ouvert en plein soleil au milieu de l'été. Atroce. Czarny Kot faisait même une grimace et hésitait à se rapprocher. En appliquant un morceau de tissu sur la bouche et le nez, il s'approchait de la porte et toquait à trois reprises. Aucune réponse. A nouveau il donnait trois coups secs et puissants mais toujours rien. Finalement, se disant que ses raisons étaient justifiées, il ouvrait la porte qui n'était pas fermée à clé.
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Ven 20 Mai 2016, 23:05

A cet instant, une odeur nauséabonde, si forte qu'elle aurait fait s'évanouir un bouc, envahissait Andrzej. L'appel d'air qu'il avait créé en ouvrant la porte d'entrée n'avait pas permis au vent de s'engouffrer dans la demeure pour l'aérer mais juste donné le champ libre à l'odeur pestilentielle de se répandre partout dans la rue. Il était à deux doigts de défaillir ou au moins rendre ce qu'il avait mangé mais grâce à un effort surhumain, il tenait bon. Titubant tout de même, il pénétrait dans la maison, suivi de près par Czarny Kot. Il ne voyait pas grand-chose du fait du manque de lumière mais il pouvait deviner les formes et l'agencement général des lieux. Le hall d'entrée était jonché de lettres et courriers glissés sous la porte et des paires de chaussures se trouvaient au milieu du chemin. Il failli trébucher dessus. Il n'avait d'autre choix que de poser la main sur le mur à sa droite pour se guider et avancer très lentement pour ne pas tomber ou faire de bruit au cas où cette rumeur d'assemblée pervertie s'avérait véridique. L'odeur était de plus en plus insupportable à mesure qu'il s'aventurait dans la grande maison. En passant près de ce qui semblait être la cuisine, Andrzej devinait les formes de casseroles disposées pêle-mêle au sol et sur les meubles. Toujours à tâtons, il parvenait à mettre la main sur une bougie et quelques allumettes se trouvant près de l'espèce de four qui constituait la pièce maîtresse de l'endroit. Il considérait son action future avec beaucoup de soins car elle pouvait faire la différence entre vie ou mort. En effet, il hésitait à allumer la bougie pour reprendre son exploration dans la lumière. Cela divulguerait sa position aux personnes mal intentionnées mais il verrait enfin où il allait mettre les pieds. Il l'allumait quand il se persuadait que si créatures de la nuit il y avait, elles seraient habituées à l'obscurité de toute façon. Il plaçait sa main près de la flamme pour en contrôler la diffusion de lumière et sortait de la cuisine. Il pouvait désormais voir avec détails le chaos qu'était cette maison. Seuls les meubles semblaient tenir debout car tout le reste était au sol, couverts, boîtes, vêtements, cadres et décorations ainsi que d'innombrables excréments. Andrzej ignorait tout cela et se dirigeait vers la partie encore inexplorée des lieux.  Plus loin, passant plusieurs pièces vides, le voyageur apercevait une lueur filtrant sous une porte. L'odeur était encore plus forte près de la porte. En prenant le plus grand soin de rester silencieux, il s'en approchait pour scruter les bruits et deviner leur origine. Le félin semblait singer le comportement du maître en collant son oreille contre le bois mais sa maladresse était si grande qu'il essayait d'écouter en plaquant son oreille sur le chambranle et non sur la porte.

Ils pouvaient distinguer très clairement trois voix distinctes. Deux d'entre elles étaient très proches mais la cadence d'expression les différenciant, l'une d'elle allait à une vitesse folle tandis que l'autre personne semblait frappée d'un fort retard mental à cause d'un bégaiement erratique. La troisième par contre était plus grave et monocorde, on aurait pu croire à un ténor s'amusant à répéter des sons similaires de manière plate et sans émotions. Cependant, Andrzej ne comprenait pas cette discussion car aucune n'était compréhensible. Comme le disait la rumeur, une langue étrange était parlée en ces lieux, c'était un amalgame de sons et de bruits formant des mots inconnus et malgré la quantité de propos tenus, le Bélua n'arrivait pas à identifier le moindre modèle ou répétition dans les phrases, si elles en étaient. Mais ce n'était pas tout ce qui bloquait la compréhension. Des rires gras et discontinus rythmaient ce qui semblait être une discussion animée. Les tonalités passaient d'un chuchotement à un cri puissant en une fraction de seconde. Un vacarme de tous les diables faisait office de toile de fond sonore à tout cela. Toutefois, au milieu de ce chaos sonore, il était persuadé d'entendre des sanglots et suppliques. Ces cris et cette langue bizarre faisaient peut-être partie d'un sombre rituel de sang et la pauvre victime sans défense pleurait au sein de cette assemblée avant de se faire sacrifier en l'honneur d'un dieu fou. Andrzej savait qu'il risquait sa vie mais il devait agir et empêcher les forces du mal de faire un pas en avant. Sortant sa dague, il enfonçait la porte et s'engouffrait dans l'inconnu.

Là où il s'attendait à trouver une assemblée de démons décadents ou une cabale de sorciers suintant la magie noire et penchés au-dessus du corps meurtri de leur victime, il ne voyait que ces drôles de choses. Trois étranges créatures, d'une cinquantaine de centimètres, sautaient et couraient partout. Elles ressemblaient vaguement à des enfants entièrement nus à cause de leur forme humanoïde mais la comparaison s'arrêtait là. La peau de leur corps était un mélange de gris foncé, anthracite, et de vert tirant sur des nuances ocres. Elle semblait craquelée, sèche, pourrissante. D'ailleurs on pouvait apercevoir dans ces crevasses un véritable ballet de vers et larves de mouches remuer frénétiquement. Tous avaient des jambes chétives, à l'apparence faibles et malades, qui tremblaient à chaque mouvement comme si elles allaient lâcher d'un instant à l'autre. Les bras étaient affreusement courts, à la manière de moignons mal soignés, et les quelques vestiges de doigts étaient tordus. A l'extrémité de chacun de ces membres, ils possédaient des ongles cassés et jaunis par le temps et la saleté. Au contraire de toute cette ostensible fragilité, leur ventre était énorme comme s'il était rempli de liquide quelconque. Lui aussi semblait agité par des mouvements internes dû à des locataires nécrophages. Enfin, leurs têtes disposaient de proportions jugées normales mais leurs visages n'étaient composés que d'une bouche édentée et deux orbites vides d'où coulait en permanence un liquide noir et huileux. Bien que leurs lèvres gercées ne fussent pas particulièrement vives, un torrent continu de sons en sortait. Entrecoupés de rots, les mots prononcés n'avaient absolument aucun sens ou bien étaient dans une langue oubliée. Les flatulences de ces choses rythmaient leurs actions et renforçaient le grotesque de leurs proportions corporelles.

Au milieu de leurs jérémiades, ils commençaient à encercler les jambes d'Andrzej qui était attaqué par les odeurs et les cris. Il s'agissait là d'une cacophonie innommable étant à l'origine aussi bien des rumeurs à propos d'une assemblée impie que l'existence de cadavres en décomposition suite à de vils sacrifices. Il ne pouvait dire s’ils pouvaient se révéler dangereux ou même agressif mais son instinct lui dictait que ces êtres, malgré leur apparence incroyablement repoussante, n’avaient rien de guerriers ou même de menaces directes. En fait, du peu qu’il en avait vu, Andrzej était persuadé qu’ils étaient totalement inoffensifs mais que leur réel pouvoir de destruction, de subjugation des esprits était leur odeur et leur apparence. N’importe quelle personne un tant soit peu saine se verrait affliger des pires tourments en restant dans la même pièce que ces immondes créatures. Le Bélua était habitué à l’odeur du sang, de la mort ou de la décomposition. Après tout, en vivant dans les bois, il était le témoin privilégié du cycle de vie et de mort. Chaque chose vit, et chaque chose meurt. C’était là la philosophie immuable derrière l’équilibre fragile de la Nature, équilibre pour lequel il luttait en faisant pencher la balance vers une stabilité en éliminant les démons les plus actifs. Il avait donc pu voir la mort de près, la sentir mais aussi voir la décomposition des corps, des arbres pourrissants, des cadavres de gibier ou encore de ses victimes. Mais là, il avait du mal à rester concentré. Un croque-mort aurait eu des difficultés à garder un calme apparent face aux assauts olfactifs permanents du trio. A son grand étonnement, le chat semblait moins affecté que lui. Il pensait pourtant que les félins avaient des sens plus développés que les hommes mais il oubliait que ce chat-là était différent sur tellement d’aspects. Czarny Kot avançait nonchalamment vers ce qu’il pensait sûrement être ses nouveaux amis. Andrzej ne pouvait se douter à cet instant que c’était l’esprit de curiosité malsaine du sorcier transformé en chart qui s‘exprimait. Il s’était déjà adapté aux effluves rances et malsaines flottant dans cet endroit maudit des dieux.

L'esprit lent du chat le rendait intrépide et curieux à un point tel qu'il s'approchait lentement de l'une de ces choses et commençait à l'inspecter sous toutes ses coutures. L'horrible créature se figeait face à Czarny Kot et il cessait de faire le moindre bruit et mouvement, même les flatulences avaient cessés. Ils s'observaient ainsi un moment avant que le pauvre chat ne fut traumatisé par l'horrible renvoi à bout portant et en pleine face. Les murs en tremblaient. Sans demander son reste, il poussait un feulement menaçant avant de se précipiter en courant sur le haut d'une commode. Cette scène avait provoqué un mouvement. Dans le coin de la pièce, entre le mur et le meuble improvisé en abri, quelque chose remuait faiblement. Le raclement de pieds de chaise rythmait les tressaillements d'une ombre. Elle était plus grande que l'infect trio et son contour indiquait un être humain mais Andrzej restait tout de même sur ses gardes. Il pouvait bondir à tout moment sur l'ennemi mais il comprenait que cela ne serait pas nécessaire quand l'ombre se plongeait peu à peu dans la lumière de la bougie.

Il s'agissait d'une femme d'âge moyen possédant une certaine beauté mais elle avait les traits tirés, les joues creuses et les valises boursouflées sous ses yeux indiquaient qu'elle n'avait plus dormi depuis quelques jours. Ses vêtements étaient tachés de diverses substances et de saletés variées, même du vomi par endroits. La jeune femme éclatait littéralement en pleurs en voyant un visage humain, chaleureux et duquel ne suintaient pas des torrents de pus. Elle se sentait faiblir, ses jambes ne supportaient plus son corps. L'instant d'après, elle s'écroulait au sol, chutait sans se rendre compte de la posture qu'elle prenait. Elle restait assise à même le sol et pleurait mais de joie cette fois. Quelqu'un avait bravé les odeurs épouvantables et la crasse, quelqu'un avait fait fi des rumeurs, quelqu'un avait résisté à la peur en voyant les trois monstres et ce quelqu'un était Andrzej, accompagné de son étrange chat noir. Elle avait caché son visage, enfoui ses larmes dans ses mains mais bien vite elle étendait les bras pour saisir celui qui venait de lui rendre la vie. Voyant toute cette détresse, le jeune homme ne pouvait qu'imaginer ce qu'il s'était passé dans cette maison. Il s'agenouillait juste en face d'elle et posait la bougie au sol pour poser une main réconfortante sur son épaule et s's'enquérir de son état de santé. Un frisson de frayeur lui parcourait l'échine quand il sentait la maigreur maladive de son bras en la touchant. En l'observant de plus près, il devinait des formes presque squelettiques sous ses vêtements et les joues si creusées de la femme lui donnaient un air de cadavre en sursis.
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Lun 27 Juin 2016, 18:52

Peu à peu, le félin semblait se remettre de ses émotions car il passait doucement la tête du haut de son perchoir pour observer les petits monstres. Il saurait désormais que ce n'était pas une bonne idée de s'approcher trop près d'eux au risque d’être la victime d’odeurs corporelles intenses. Il tournait en rond au sommet de l’armoire pour essayer de trouver une chemin pour en descendre mais, habile comme il l’était, il ne pouvait bondir de là et il n’y avait pas la moindre descente facilement abordable. Toutefois le jeune homme ne voyait pas les simagrées de son animal de compagnie car il était bien trop occupé avec cette femme aux traits tirés et qui devait être la source de ces rumeurs absurdes. Après avoir posé la bougie au sol, il l'aidait à se relever et ramenait brusquement une chaise vers lui pour l'asseoir plus confortablement que sur le plancher de bois. Pendant ce temps, le trio putride avait entamé une sorte de ronde, de danse autour de la flamme vacillante de la bougie tel un groupe de papillons de nuit inexorablement attiré par la lumière. Par moments, un gaz ou l'autre s'échappait de leurs carcasses en décomposition ce qui venait alimenter, un instant, la flamme qui gagnait en taille et en luminosité. Ces accès de lumière rythmaient la conversation qui se tenait non loin.

« Pouvez-vous me dire ce qu'il se passe ici ? On vous a fait quelque chose ? »

Andrzej se voulait rassurant et avait décidé de ménager la pauvre femme en lui posant dans un premier temps des questions à son sujet avant de se concentrer sur les événements qui avaient menés à la situation actuelle. Il avait posé un genou à terre pour se mettre à sa hauteur et sa main droite était posée délicatement sur l'épaule de son interlocutrice. Celle-ci frottait ses joues et yeux pour essuyer les dernières larmes présentes et répondait d'une voix faible, presque couverte par les immondes bruits ses trois choses.

« On ne m'a pas touché... ils ne sont pas agressifs non plus. »

« Vous semblez fatiguée... »


La voix de la pauvre femme gagnait en émotions et vitesse. On pouvait sentir qu'elle était à bout de nerfs.

« Impossible de dormir avec leurs cris. J'ai essayé mais c'est trop bruyant ! Et ils ne dorment jamais, ne s'arrêtent jamais, ne me laissent jamais tranquille. Ils me suivent partout ! Partout ! Et ils puent. Je ne peux rien boire ou manger. Même l'eau semble avoir un goût de m*rde ! »

Elle avait presque hurlé ce dernier mot qui avait déclenché un chœur de rires puérils de la part des bestioles et bien vite l'une d'elle déposait un excrément sur le sol avant de pousser une sorte de cri mélangeant gémissements et rires. Elle avait vu la scène et semblait être prête à exploser de rage. Ses yeux étaient emprunts de folie passagère et elle se retenait de bondir de sa chaise pour aller les trucider. Le Bélua se doutait qu'elle n'aurait pas assez de force donc il était inutile de la retenir mais il avait peur qu'en se levant brusquement, ses jambes n'eussent pas l'énergie nécessaire et qu'elle chût au sol. Il s'interposait donc et regagnait son attention.

« Je comprends. C'est très difficile mais je suis là maintenant et je vais faire tout mon possible pour vous aider. »

Sa tactique avait à première vue fonctionné car elle fixait à nouveau l'homme et menaçait de fondre en larmes d’une seconde à l’autre.

« Mais pour le faire, j'ai besoin de savoir tout ce qu'il s'est passé. D'accord ? »

Elle semblait d’hésiter un instant en regardant des pieds à la tête Andrzej comme si elle voulait l'inspecter et vérifier si elle pouvait lui faire confiance. Une part d'elle, malgré le contexte et l'état de détresse dans lequel elle se trouvait, se méfiait de ce qui pouvait être divulgué à un inconnu. Elle jouait machinalement avec des replis de sa robe sale, signe d'une lutte interne, mais finalement elle se jetait à l'eau, réalisant qu'elle n'avait pas le choix.

« Je suis guide, comme tous les habitants du village. J'organise des visites des abords de la pyramide au nord et, avec un supplément d'argent, les gens peuvent aller à l'intérieur mais c'est sûr ! Je vais uniquement dans les galeries explorées, connues et marquées. Avec ça, je gagne plus d'argent et les touristes du dimanche ont leur petit frisson. »

Le jeune homme ne sourcillait pas à l'annonce de cette pratique douteuse. Bien que d'une morale bien tranchée, il n'estimait pas ce genre de préjudices comme étant majeur. Après tout, si des gens étaient capables de payer cette somme pour aider une autre personne, pourquoi pas. Cela aiderait même les touristes, une fois le pot aux roses découverts, d'être plus vigilants. Voyant son absence totale de réactions à l'annonce de son gagne-pain, la femme se sentait soulagée, heureuse de ne pas être tombée sur un bigot ou autre moraliste. Le Bélua tournait ensuite la tête vers les créatures qui faisaient vibrer la flamme de leurs pets.

« Et eux. Ils sont arrivés comment ? C'est quoi le lien ? »

« En repartant de la pyramide, ils ont dû commencer à nous suivre, ils sont venus chez moi et voilà tout. »


Andrzej était perplexe face à cette explication un peu simpliste, surtout pas dans le cas d'une infestation de petits démons. Il avait déjà croisé des créatures du mal, des monstres à l'apparence barbare et erratique ou encore des humanoïdes perdus, mais tous ces individus étaient guidés par une raison consciente ou au moins un instinct particulier. Impossible que ce choix de les suivre fut un pur hasard.

« Juste comme ça ? Sans raison ? Et pourquoi vous et pas les touristes ? »

Apparemment gênée par cette question très directe et indiquant la présence d'un soupçon, elle se refermait en se calant dans sa chaise, croisant les bras, baissant la tête et se murant dans un silence dont chaque seconde venait témoigner d'une culpabilité. Durant ce temps, le chat était descendu de l'armoire, ou plutôt il avait lourdement chuté au sol, et revenait près des monstres comme s'il était attiré par le maléfice lié à leur existence. Les monstres devaient eux aussi sentir un lien car ils avaient délaissé la bougie pour encercler le soi-disant chat. Ils entonnaient une drôle de chanson au rythme étrange et aux paroles incompréhensibles. Leurs corps étaient toujours animés de spasmes mais ceux-ci semblaient s'être calmés pour leur permettre de se mouvoir à l'unisson, formant un ensemble de vagues faites de chair en putréfaction. Et le félin restait assis au milieu de tout ça sans broncher. Vivre dans les bois n'était pas synonyme de stupidité surtout que l'attitude de son interlocutrice, dont le comportement était influencé par le manque de sommeil, indiquait la présence d'un mensonge éhonté dans sa réponse. Elle ne voulait d'ailleurs pas expliquer pourquoi elle était suivie et personne d'autres. D'une voix calme mais ferme, Andrzej répétait ses questions. Il lui précisait qu'il voulait l'aider mais pour y arriver, il aurait besoin de connaître la vérité. Elle jetait de temps à autres un vif coup d'œil en direction de l'armoire avant d'enfin sortir de son silence.

« La vie n'est pas facile. Chaque guide a son parcours type mais c'est dur de se démarquer des autres. Alors parfois, rarement, je m'écarte de mon chemin habituel pour explorer des galeries plus profondes. Parfois on tombe sur des poteries et autres objets à revendre... »


Andrzej se retenait de faire le moindre commentaire pour ne pas la couper dans son élan mais son regard en disait long sur le dégoût qu'il portait à l'égard des pilleurs de tombes. Les civilisations allaient et partaient à un rythme parfois rapide et il n’était pas le plus intéressé par l’histoire des Royaumes car à ses yeux, seule la Nature était éternelle et non les hommes. Toutefois, ce manque de respect flagrant pour un héritage mortuaire était impardonnable. Sans vraiment regarder la mine sombre du jeune homme, elle continuait.

« Cette fois-là j'étais avec un petit groupe et on est tombé sur un croisement que je n’avais jamais vu avant. En explorant les embranchements, on a découvert une salle circulaire avec trois renfoncements avec une sorte d'urne en pierre dans chacun et un étrange autel au milieu, une drôle d’odeur régnait dans la pièce et semblait venir des urnes. On a même pas vérifié le contenu car souvent il s’agit de réceptacles pour des organes séchés et autres trucs sans valeur. Il y avait des hiéroglyphes partout ainsi que des dessins à faire froid dans le dos. Et sur l'autel... »

Elle se figeait. Plus un mot ne sortit de sa bouche. Le silence, épais et total, venait de s'abattre dans la maison. Même les démons cessaient de faire le moindre bruit comme s’ils étaient pendus aux lèvres de la jeune femme. Cela les rendait encore plus inquiétants et ajoutait une tension supplémentaire. La guide regardait l'armoire mais avec insistance cette fois, sans la quitter des yeux. Doucement, Andrzej se levait en gardant un œil sur les monstres au cas où et se dirigeait vers le meuble. Il ouvrait les portes et à cet instant le trio commençait à émettre un murmure, un vrombissement ténu. Dans l'armoire, à l'étage du milieu, se trouvait une grosse boule de vêtements. Il approchait la main et ôtait l'un d'eux. Cela eut pour effet d'augmenter le volume d'un cran chez les monstres. Puis il en retirait un autre, et un autre et encore, faisant aller crescendo le chœur plaintif. Ce qui était caché dans l'armoire était bientôt révélé et déjà le murmure initial était devenu un cri tonitruant et continu. Enfin, après avoir retiré le dernier vêtement, Andrzej pouvait voir ce qui avait causé les tourments de la guide et l'excitation des démons. Une couronne, faite de métal rouillé et tordu, siégeait au milieu des vêtements. Les monstres étaient désormais collés aux jambes du voyageur et tendaient les bras comme s’ils essayaient d’atteindre cet objet de leur convoitise. Elle était rehaussée de quelques pierres ternes et sans vie, donnant un aspect morbide à ce symbole de royauté à l’origine inconnue. Peut-être était-ce la couronne du propriétaire ancestral de la pyramide, ou bien était-ce là une relique à la signification toute autre. Dans tous les cas, les démons avaient l’air irrémédiablement attiré par cela, ce qui expliquait pourquoi ils avaient suivi la guide après qu’elle eut dérobé cet artefact lors de son exploration.
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Lun 27 Juin 2016, 18:54

Le voyageur était effaré par cette découverte. Quelque roi maudit à la couronne difforme avait été le seigneur de la pyramide. Ou du moins il était assez influent pour se garantir une salle mortuaire à l'intérieur. Sa puissance avait aussi, semblait-il, transcendé la mort car ces trois monstres étaient sans le moindre doute de fervents gardiens éternels. Cela faisait beaucoup à analyser d'un coup, c'était pour cela que le jeune aventurier se focalisait sur les faits concrets, du présent. Il n'y avait que peu de place au doute après avoir mis la situation en regard du témoignage de la guide. Il prenait un sac à dos en cuir qui traînait dans l'armoire et, s'aidant de tissu comme protection de fortune pour ne pas toucher la couronne directement, il remplissait le sac. A mesure que l'artefact se faisait recouvrir de vêtements, les créatures se calmaient et baissaient en volume ce qui était extrêmement agréable.

« On doit se rendre à la pyramide et remettre la couronne sur l'autel... en espérant que ça marche. »

Malgré le fait que son sommeil, sa santé et sa vie se trouvaient dans la balance, la guide eut une grimace furtive indiquant qu'elle n'appréciait pas l'idée de restituer cette relique. Elle voyait en cet objet maudit une porte. Une porte de sortie de ce village infesté de commères et de sable. Une porte d'entrée vers un monde plus luxueux et confortable loin de la rudesse du désert. Elle serrait les bras contre sa poitrine alors qu'elle se perdait dans ses rêves éveillés, dans ses lubies provoquées par la fortune virtuelle liée à sa découverte. Andrzej lui tournait le dos et ne pouvait voir tout cela. Il était bien trop occupé à repousser du pied les petits démons devenus très collants alors qu'il enfournait autant de vêtements que possible dans le sac à dos pour recouvrir la couronne et diminuer son aura qui excitait le trio.

« Comment vous allez vers la pyramide avec les touristes ? »

Il y eut un silence. Elle ne répondait pas car elle était toujours perdue dans ses pensées. Le Bélua se doutait que vu son état de fatigue, elle n'était pas très réactive mais là c'était trop. Et trop gênant car il voulait faire bouger les choses. Il répétait sa question avant de se faire couper la parole.

« Comment vous... »

« Avec des chameaux. Il y a un enclos en bordure de ville. »


Cela conviendrait pour le trajet, deux chameaux suffiraient pour transporter les humains, le chat pourrait suivre comme il le faisait toujours et les trois monstres aussi étant donné qu’ils étaient guidés de manière irrépressible vers cet objet. Il refermait le sac, serrait les sangles au maximum et tendait la main vers la guide pour l'inviter à le suivre. Elle se mettait lentement debout, les jambes tremblantes, et commençait à le suivre, cet inconnu qui allait mettre tout en œuvre pour l'aider. Sans jeter le moindre regard en arrière, ils sortaient de la maison pour se diriger vers la périphérie du village suivi de près par le faux chat idiot et les trois choses bruyantes et puantes.

Andrzej était légèrement inquiet concernant cette manœuvre car la petite troupe allait devoir traverser la cité presque de part en part et même emprunter certains axes principaux. Il redoutait le moment où un passant les apercevrait. Un inconnu, un étranger aux allures bizarres suivi par cette femme entourée de rumeurs et de trois monstres démoniaques n’indiquaient rien de bon à première vue. N’importe qu’elle personne sensée trouverait cela étrange de croiser pareille compagnie. Sans aucun doute, il appellerait la milice, leur garantissant un aller simple dans un monde d'ennuis judiciaires ou de bûchers de fanatiques vu la nature dégoûtante et démoniaque des créatures. Le seul avantage était qu'il faisait nuit. Au moins pour cela, son idée de vérifier la source de la rumeur de manière nocturne serait un avantage.

Guidé par la chance, le groupe avait atteint l'enclos principal des chameaux sans croiser la moindre personne. Bien sûr les cris et l'odeur réveillaient le village assoupi mais le temps que les gens, qui venaient de sortir de leur sommeil, mettent la main sur une bougie, l'allument et inspectent la rue en passant la tête par la fenêtre, il était trop tard, la source du bruit arpentait déjà la rue suivante. Andrzej s'était approché de deux montures pour les préparer mais elles s'agitaient brusquement à l'approche des démons. Leur nature maléfique énervait les animaux qui se mettaient à remuer dans tous les sens et alerter leur gardien de leurs cris. Ils n’auraient malheureusement pas le luxe de se déplacer à dos de chameaux durant leur périple. Pestant et sifflant une insulte à l'égard du trio, le jeune homme tirait la guide avec lui pour sortir définitivement du village dont les rues s'allumaient peu à peu comme si le groupe venait de tracer un sillon de lumière derrière lui. Ils n'avaient pas le choix. Ils ne pouvaient plus faire marche-arrière ou avoir le moindre contact avec quiconque. Ils ne pouvaient non plus compter sur un transport normal à cause des bestioles immondes. Ils devaient marcher jusqu'à la pyramide. Heureusement pour eux, elle ne se trouvait qu'à quelques heures de marche mais l'état de fatigue de la guide risquait fort de rallonger leur trajet.

Cette crainte s'avérait malheureusement vraie car le rythme de marche était lent. Les forces, déjà menues, de la guide la quittaient à une vitesse folle. Le seul avantage de la situation était que les trois démons furent encore plus lents à cause de leurs corps et jambes en décomposition. A force de courage, Andrzej avait réussi à creuser l’écart, si bien que l'odeur nauséabonde avait presque disparu. Il avait l'impression de revivre mais ce n'était rien comparé à la femme qui agissait comme si elle venait de respirer de l'air frais pour la première fois de sa vie. Le Bélua se rappelait ce qu'elle lui avait dit à propos de l'eau et de la nourriture, comme quoi l'odeur l'empêchait de manger et boire. En fouillant rapidement dans ses poches, il retrouvait deux bâtons de viande séchée et il les lui tendait, accompagnés de sa gourde. Sans un merci, sans classe ni même attendre une seconde, elle engouffrait ce repas improvisé et vidait d'une traite la moitié de l'outre en cuir. Il était content de voir qu'elle mangeait car elle aurait besoin de forces pour le mener à l'autel

La cadence de marche était bien plus rythmée qu'auparavant, on pouvait d'ailleurs deviner la profession de la jeune femme par son attitude générale et sa démarche. Les kilomètres étaient parcourus sans encombre jusqu'à ce que la fatigue eût démontré ses premiers effets. Elle n'avait pas pu avoir de nuit confortable depuis une bonne semaine et l'effort physique qu'elle venait d'effectuer suffisait pour ôter de son esprit l'objectif qu'était la pyramide. Jugeant que cela ne ferait de mal à personne, Andrzej l'invitait à faire une pause pour se reposer au creux d'une dune. Tous les deux couché sur le dos pour se relaxer au maximum, ils profitaient du ciel d'encre et constellé d'étoiles incroyables et surtout du silence. Le trio démoniaque était loin, loin derrière, si loin qu'on ne pouvait les entendre. Pas même un murmure porté par les vents. C'était ce qui semblait être le plus proche du paradis pour la jeune femme. Deux heures. Deux heures de pur bonheur, d'extase onirique, de repos au calme. Cependant, comme toutes les bonnes choses, cette nuit touchait à sa fin car déjà les voix des retardataires commençaient à se faire entendre. Grommelant et insultant ces poursuivants, elle se réveillait. Andrzej aussi, sans le moindre souci d'ailleurs car le jour pointait déjà le bout de son nez. Sortant de leur torpeur matinale et du creux de la dune, le duo pouvait apercevoir, à quelques kilomètres à peine, la pointe de la pyramide. Redoublant d'efforts, non seulement pour atteindre cet objectif si proche mais pour semer encore une fois les créatures, ils se remettaient en marche. Les traits de la guide avaient déjà changé, ils étaient plus sains et indiquaient un rétablissement physique. Peut-être tiendrait-elle le coup jusqu’au bout du chemin.

Une poignée d’heures plus tard, ils se trouvaient à la base du mystérieux édifice. La guide ne semblait pas le moins du monde impressionnée, on aurait dit qu’elle venait d’arriver dans sa salle à manger mais Andrzej, lui, était en train de se rompre le coup pour apercevoir la pointe de la pyramide et admirer l’exploit d’architecture que tout cela représentait. Il s’en décrochait presque la mâchoire. Il avait entendu parler de cet endroit à plusieurs reprises. Il fallait dire que c’était le point le plus intéressant car le reste était principalement composé de cailloux et de sable. Les explorateurs racontaient des récits sur les splendeurs enfouies dans les galeries mais aussi sous le sol, des œuvres d’art atypiques et anciennes. Les guides vantaient la beauté des peintures murales et jouait sur le mystère pour attirer les clients. Les locaux quant à eux attribuaient des pouvoirs mystiques à l’édifice en citant quelques légendes anciennes à propos des propriétaires initiaux ainsi que maintes malédictions pour les profanateurs. Chacun avait donc son mot à dire et sa petite théorie. Qui avait raison ? Difficile à dire. Mais cette pyramide était indéniablement un endroit à visiter. Le chat avait l’air lui aussi touché par ce lieu car il s’était assis et regardait tour à tour son maître involontaire et le sommet. Les cris des démons s’étaient intensifiés, ils se rapprochaient et étaient même à portée de vue. Le duo avait perdu du temps à rester en dehors mais après tout, c’était bientôt la fin dans leurs esprits. Ils étaient loin de se douter que se traverser une partie du désert était la partie la plus facile du voyage. Sans perdre une seconde de plus, elle guidait son sauveur vers l’entrée dérobée, une ouverture entre deux blocs de pierre hauts comme des hommes. A l’intérieur, il faisait très sombre malgré la lumière du jour dehors et il leur fallait allumer l’une des torches qui restaient en permanence sur le mur à l’entrée avant d’avancer. La guide passait devant avec la torche tandis que Andrzej la suivait de près, main sur le manche de sa dague, prêt à dégainer et attaquer le moindre obstacle car il avait quelques doutes. Le fait d’enlever la couronne de son autel avait réveillé trois démons mineurs, immondes mais inoffensifs. Il n’avait pas envie de trouver d’autres démons éveillés à cause de cela et à l’humeur moins agréable que leurs petits frères. Doucement, ils arpentaient les couloirs pour trouver finalement la nouvelle galerie dans laquelle se trouvait cette étrange chambre et l’encore plus étrange autel.

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Lun 27 Juin 2016, 18:57

C'était une pièce assez simple, un cube dont les murs étaient faits d'une pierre sombre et lisse. Du marbre noir ou bien du minerai naturellement sombre cependant ce type de matériau s'avérait difficile à tailler et manipuler, même avec la magie. Donc les nombreux hiéroglyphes et symboles recouvrant les murs étaient impressionnants rien que par leur présence. Les arrêtes de chaque coin, renfoncements et autres détails architecturaux étaient agrémentés d'une fine couche plaquée composée de cuivre attaqué par le ver de gris. Cette apparence sale venait ajouter l'aspect sombre et inquiétant des lieux. Les quelques faibles sources de lumière se trouvaient soit dans les couloirs soit dans la main d'Andrzej. Toutefois, il avait beau tendre la torche à l'intérieur de cet étrange endroit, rien n'y faisait. L'obscurité semblait être un véritable voile qui venait recouvrir et étouffer la lumière. Dans cette semi-clarté tamisée, il faisait quelques pas en avant et pouvait voir trois alcôves aménagées par de grosses urnes de cuivre ancien dont le couvercle se trouvait au sol. Il se rappelait du récit de la guide et se disait qu'en toute logique il s'agissait du lieu de repos des trois répugnantes créatures dont les cris et l'odeur se rapprochaient. Le duo d'aventuriers remarquait cette odeur simplement car toute la pièce ne sentait rien de particulier. Il n'y avait ni bonne ni mauvaise odeur qui en émanait, ce qui surprenait grandement le jeune homme qui s'attendait à d'atroces effluves vu le trio puants.

En faisant deux pas de plus, il tombait nez à nez avec ce qu'ils étaient venus chercher. Un autel métallique trônait au beau milieu de la pièce. La base était aussi composée de cette étrange pierre noire avec une série de tiges de métal divers plantées en forme de cercle en dedans. Chacun de ces morceaux était rongé par la rouille et le temps, et tous se tordaient pour former une illusion de mouvement en spirale venant vers le réceptacle de la couronne. Celle-ci pouvait être accueillie par quatre fines tiges de métal noir comme la nuit. Le Bélua n'était pas expert en métaux mais il pouvait reconnaître certains éléments composant l'autel et se disait qu'il était très ancien car des métaux aussi résistants que le titane présentait un état de rouille avancé. En y regardant de plus, il pouvait aussi voir des caractères primitifs se mêler avec des symboles ésotériques entre des lettres de langage commun. Il ne pouvait le déchiffrer car il ne connaissait pas la moitié des langues utilisées pour former cet obscur dialecte. Chassant les doutes et idées sombres de son esprit, il posait le sac à dos au sol pour récupérer l'artefact maudit au milieu des vêtements. Il se retournait vers la femme afin de lui demander comment la couronne se trouvait exactement mais elle était restée prostrée à l'entrée, complètement paralysée.

« C'est bientôt fini. Dis-moi juste comment je dois la remettre. »

Elle ouvrait la bouche mais pas le moindre son en sortait. Elle était visiblement effrayée par l'endroit, si bien qu'elle en avait les larmes aux yeux. Avec une série de gestes vifs et chaotiques, elle tentait de répondre à la question, toute tremblante et à l'affut du moindre bruit ou mouvement. Andrzej suivait les instructions du mieux qu'il le pouvait et fixait la couronne sur son piédestal en priant Phoebe que c'était la bonne chose à faire. L'instant d'après, les trois démons mineurs pénétraient dans la pièce sans faire le moindre bruit, pas la moindre flatulence ou renvoi. Ils étaient extrêmement calmes. En cet instant, ils ressemblaient à un groupe d'enfants qui venaient de se faire gronder. Chacun d'eux ramassait avec déférence le couvercle de cuivre se trouvant au sol et se hissait à l'intérieur de l'urne. Faisant preuve d'une synchronisation surnaturelle, les trois monstres posaient le couvercle simultanément et ce dernier se scellait instantanément faisant disparaître l'odeur dans la seconde. Pendant presque une minute, Andrzej et Ulbam restèrent immobiles et silencieux, ils s'attendaient à une réaction quelconque des lieux mais rien ne se passait. Soulagé, le voyageur tournait le dos à la couronne et se dirigeait vers la sortie quand il fût assailli par une sensation de malaise.

« Nous t'attendions ... Andrzej. »

Une voix double résonnait dans l'esprit du jeune homme. Il s'agissait d'un mélange de deux voix, l'une d'elle était aiguë et semblait appartenir à une jeune femme en pleine santé tandis que l'autre, grave et chevrotante, pouvait provenir d'un vieillard. Les deux voix se faisaient entendre à un même rythme, se mélangeant, se confondant. Andrzej avait posé un genou à terre, la puissance de l'être qui s'était exprimé s'avérait si incroyablement immense qu'elle l'avait inondé et vidé de toutes ses forces. Telle était la réaction d'un simple mortel ayant l'honneur d'entendre la voix d'un Dieu. Tentant de reprendre son souffle, il crachait et toussait, sa vue était trouble mais il pouvait voir la guide s'enfuir en courant. Le chat était assis et le regardait droit dans les yeux comme s'il savait ce qu'il était en train de se passer. Le Bélua aurait pu jurer voir une sorte de sourire se dessiner sur la gueule du félin.

« QUI ES-TU ?! »

Il venait de hurler à plein poumons comme s'il essayait de couvrir de sa voix l'écho de son interlocuteur qui continuait de l'étourdir. Un silence de quelques secondes s'installait puis de nouveau cette étrange voix revint mais cette fois-ci plus modérée, moins invasive comme si elle avait pris le temps de s'adapter aux capacités du guerrier tremblant au sol.

« Balance ... Status quo ... Equilibre ... Entropie. Nos noms sont multiples ainsi que Notre mission. Nous sommes gardiens de l'équilibre de ce monde. »

Andrzej avait cessé de lutter et s'était laissé tomber lourdement sur le dos, bras et jambes écartés. Il toussait à plusieurs reprises avant de déglutir bruyamment.

« Un gardien démoniaque qui torture les humains... »

Il avait l'impression qu'en parlant de cette manière, il allait se faire foudroyer sur place ou immoler par cet être surpuissant. Il n'en fut rien. Au contraire, une sorte de gloussement accompagné par le trio dans les urnes retentit.

« L'Entropie n'est pas maléfique ou bénéfique. Nous ne sommes ni morts ni vivants. Chaque instant, quelque part dans le monde, une chose meurt pour permettre à une chose de naître. Ce cycle est fragile et lorsqu'il est menacé, Nous rétablissons la balance entre vie et mort. Lorsque la mort a le dessus, mes minions apportent calme et prospérité sous la forme d'anges. Lorsque la vie a le dessus, ils se présentent sous forme de démons putrides. Nous sommes à la fois hérauts de la vie et la mort. »

Andrzej avait du mal à suivre. Il était exténué, psychiquement blessé et ce type de philosophie n'était pas son fort. Il prenait le temps de faire des liens entre ce qui lui avait été révélé et son expérience personnelle. Il savait par exemple que certaines espèces animales, en surnombre, pouvaient en anéantir d'autres ou bien leur habitat. C'était d'ailleurs pour cela que la chasse était défendue même par certaines personnes à tendance écologique. En prélevant parmi ces espèces potentiellement destructrices, on garantissait la vie des autres et la survie de la Nature. Il repensait aussi à ces terribles attaques de monstres marins et tremblements qui avaient fauché un grand nombre de vie mais permit aux survivants de se reconstruire et prospérer à nouveau. Cette logique morbide, la survie des uns se basant sur la mort des autres, était fondée, implacable mais les arguments qui s'imposaient ne venaient pas d'une réflexion philosophique ou d'une construction mentale, ils provenaient d'un système de valeurs morales fortes dont Andrzej essayait de suivre la direction.

« Et que cherchez-vous ? Dominer le monde en le façonnant ? Utiliser cette entropie comme moyen de contrôler les gens ? Le plaisir d'imposer votre volonté selon vos désirs ? »

« Ces notions primaires sont des concepts dont Nous avons renié l'existence, Nous sommes au-dessus de l'idée de bien et de mal, d'ordre et de chaos, de vie et de mort. Ces dichotomies impliquent l'ascendance d'une de ces parties sur l'autre or l'Entropie est seule vérité. Le début et la fin se confondent, les frontières entre avant et après deviennent si ténues que le temps lui-même n'a plus de sens. »


Andrzej commençait à être épouvanté par ce genre de réflexions. Il ne pouvait s'empêcher d'imaginer ce que ce genre de monde pouvait apporter. Il n'était pas effrayé par ces propos mais par sa propre imagination. Il voyait un monde vivant dans un statut quo parfait. Le bien compense le mal à merveille, ôtant signification à injustice, vengeance, altruisme et bonté. Les aspirations pour améliorer le futur avaient disparus pour laisser place à une forme de contentement amer mais efficace. Les guerres perdaient leur sens, de même que la paix. Même la Nature bénéficiait de ce fragile équilibre. Il aimait l'idée et les résultats mais il abhorrait le fait de faucher la population pour faire de la place. Avec une certaine crainte dans la voix, il abordait une question plus terre à terre.

« Pourquoi vous m'attendiez ? »

« Nos enfants sont efficaces mais leurs actions sont limitées. Ils t'ont amené à Nous pour une proposition. Nous voulons que tu deviennes Notre main en ce monde, faisant croître la vie ou la détruisant selon les nécessités. Tu possèdes une grande force et tu adhères à Nos idées, Nous le savons. Deviens Andrzej Baran, gardien de l'équilibre, héraut de l'Entropie. Représentes Notre mission. Acceptes Nos dons et deviens un être évoluant au-delà de vie et mort, une idée incarnée. »


Ce Dieu savait que le jeune homme était séduit par l'idée qu'il se faisait du monde idéal et bien que le fait d'aider la vie à se développer fût attrayant, il ne pouvait se résigner à la détruire. Cette mission comportait un côté sombre pour lequel il ne pouvait se persuader de prendre part. La pression l'entourant s'était peu à peu relâchée et il était désormais assis sur le sol. Il voyait cet étrange chat déambuler au pied de l'autel et se frotter de temps à autres sur celui-ci. Il lançait des regards affreusement expressifs et ce sourire restait présent. Pendant un long moment, le doute était le seul maître à bord au sein de l’esprit troublé du jeune homme tiraillé entre sa morale et la peur de ce Dieu.

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Lun 27 Juin 2016, 19:01

Toute sa vie, Andrzej avait été très pieux. Mais cette piété provenait de la peur, de menaces de représailles, il subissait sa foi sans l’embrasser jamais totalement. On lui avait inculqué la peur du divin dès son plus jeune âge en le rabaissant en permanence à cause de cette histoire familiale ancestrale. Son clan vouait un culte ouvert à la nature guerrière de Phoebe et voulait à tout prix plaire aussi aux yeux des Aetheri plus belliqueux pour avoir ses faveurs au combat et mourir d’une belle mort. On lui avait dit que les Dieux étaient grands et puissants et que la puissance justifiait la crainte. Cette image avait été ternie par l’instruction de son maître à penser Lesovik qui lui avait expliqué la chose sous un autre angle. Les Dieux, aussi puissants fussent-ils, ne subsistaient que grâce à leurs suivants. Leur force et existence même dépendait de leurs croyants et ces gens, s’ils étaient dévoués, pouvaient recevoir de l’aide de leur entité divine choisie et adorée. Une forme de symbiose naturelle entre le tronc et le champignon. Il rapportait toujours tout à la Nature. Cependant, la situation actuelle balayait totalement ces croyances, fondées ou non. Il avait, pour la première fois de sa vie, un contact direct, véritable, avec un Dieu et il n’était guère satisfait. Sa piété se révélait être un défaut car elle l’empêchait de refuser directement la proposition odieuse par crainte inculquée. Il était tiraillé et plusieurs longues minutes de silence avaient succédées à l’invitation. Finalement, il prenait une décision.

« Je... je ne peux pas. Je ne le veux pas. Je me dois de défendre la vie, la protéger. »

« Et cette protection de la vie doit prendre source dans sa destruction. »

« Je refuse ! »


Il avait rassemblé ses forces qui, couplées à sa rage, lui avaient permis de se relever brusquement pour se diriger vers la sortie, suivi de près par le félin qui semblait déçu de cette réponse. Enragé, presque malade physiquement après cette conversation, il avait envie de vomir ses tripes tant à cause de l’atmosphère malsaine qui commençait à se révéler en ces lieux que par la nature même des propos de cet être se disant être un Dieu. Il se voutait pour passer l'ouverture mais arrivé sur le seuil, il tournait la tête vers la couronne.

« Je refuse. La vie est aussi fragile que l'équilibre c'est pour cela que je choisis de la sauvegarder. Je resterais son défenseur et si un jour la balance venait à pencher d'un côté de manière irréversible, alors le monde trouvera un nouvel équilibre. Et bien après cela, il basculera de nouveau, et encore. Et durant ce temps, je restais un obstacle à vos plans. »

« Nos chemins se croiseront donc, Nous donnant tout autant d'occasion de te faire changer d'avis et embrasser le rôle que Nous t'avons choisi. »


Tout avait été dit. Le voyageur ne voulait rien entendre de plus, c’en était trop pour lui et ses croyances. Avant de partir, en écoutant cette dernière phrase funeste, il émettait une rapide prière à sa seule réelle Déesse, Phoebe. Ces quelques secondes, ni plus ni moins, lui permettaient de se reconcentrer sur quelque chose d’agréable et de foncièrement bon, il se ressourçait pour regagner quelques forces car il se sentait partir. Ses jambes tremblaient et il n’était même pas sûr d’être capable de passer la porte sans tomber dans les pommes. Czarny Kot passait l'ouverture d'entrée et derrière lui Andrzej. Jetant un ultime regard sur la couronne qui lui avait été promise, destinée, par ce Dieu implacable de neutralité, il rassemblait ses forces magiques pour imposer sa volonté sur la roche aux alentours. La faisant se déplacer, se briser et se mouvoir, il la concentrait de manière à boucher hermétiquement l'entrée de cette pièce maudite. Il voulait empêcher quiconque de la trouver et être tenté par l'artefact. Aussi cela bloquerait les trois enfants à la nature changeante ainsi que les possibilités pour ce Dieu de séduire un aventurier à la morale douteuse avec ses promesses de puissance. Plusieurs minutes plus tard, un mur parfaitement lisse se tenait en lieu et place de l'entrée. Andrzej s'asseyait au sol, dos contre le mur opposé, et plongeait le visage dans le creux de ses mains. Cette journée avait été éprouvante et cette discussion l'avait vidée psychiquement. Cette voix était une véritable invasion de puissance balayant tout sur son passage. Il s'estimait heureux d'avoir survécu. En relevant la tête, il apercevait le chat assis juste devant l'endroit où se trouvait l'entrée de l'autel, les yeux fixés droit dans la bonne direction et remuant lentement la queue.

Tout à coup, à sa gauche, des bruits de pas saccadés et hésitants se faisaient entendre. C'était la guide, elle avait pris les jambes à son cou mais était revenue sur ses pas. Elle avait le visage baissé, de honte, et marchait doucement vers le Bélua. D'une voix faible et tremblante, elle s'excusait.

« Je suis désolée de m'être enfuie. J'ai paniqué. Quand vous êtes tombé, j'ai cru que c'était une des malédictions, que j'étais la prochaine et ... et ... »

Elle commençait à respirer de manière plus rapide et ses yeux allaient dans tous les sens comme si elle revivait la scène. Elle ressentait à nouveau cette panique intense. Andrzej la comprenait. Lui était un guerrier, un aventurier, il avait déjà vécu des situations similaires voire pire mais elle. Une guide touristique luttant pour vivre décemment d'un point de vue financier, comment aurait-elle pu surmonter cette peur ? Impossible. L'homme se relevait pour aller poser sa main sur l'épaule de la jeune femme.

« Je comprends. Il n'y a rien que vous pouviez faire là-dedans. Mais... »

Il restait un instant avec cette phrase en suspens. Elle avait rapporté son attention sur lui après s'être calmée et attendait la suite avec impatience. Elle voulait réparer sa faiblesse, sa couardise d'autant plus qu'elle voulait le récompenser pour lui avoir sauvé la vie en éloignant la couronne et les monstres avec. A ce moment-là, elle restait accrochée à ses lèvres, attendant de savoir quelle tâche pouvait être réalisée. Elle était prête à faire n'importe quoi sans la moindre hésitation.

« Vous connaissez bien les hiéroglyphes de cette pyramide ? Leur signification ? »

« O-oui, je fais ça depuis plusieurs années donc je les connais. »


Il se rapprochait du mur lisse qu'il avait érigé pour bloquer l'entrée. Il posait la main dessus pour le frotter doucement. Il pointait de son autre main des outils anciens, mais en bon état, qui traînaient au sol.

« Pouvez-vous graver un texte mystérieux avec des références religieuses sur ce mur ? »

« Pas de soucis mais pourquoi ? »

« C'est une nouvelle galerie jamais explorée sauf par nous. Ce mur semble trop neuf et ce qu'il cache est trop dangereux. Si on y inscrit un texte étrange, les prochaines personnes qui trouveront cet endroit ne vont pas détruire le mur. Ils vont le préserver pour garder intact ces écrits, nos écrits et comme cela, la couronne sera toujours bloquée. »


Elle restait silencieuse face à ce plan aussi logique qu’efficace. Cela constituait en effet une très bonne idée pour prévenir d'autres guides ou aventuriers de libérer ces puantes choses. Sans le moindre mot, elle ramassait le marteau et le burin et se mettait au travail. Andrzej prenait soin de la réhydrater et lui donner autant de nourriture qu'elle le voulait pour avoir les forces nécessaires pour la tâche. Il l'aidait même à graver certains symboles simples pendant qu'elle se reposait sur le côté.

Quelques heures plus tard, ce camouflage astucieux était terminé et le mur était entièrement recouvert de hiéroglyphes mystérieux formant des phrases ambiguës pouvant avoir bon nombre de significations. Cette épreuve cauchemardesque avait enfin touché à sa fin pour la guide qui avait vécu dans la misère. L'idée de pouvoir retourner à une vie normale, mais sensiblement différente, lui donnait des ailes. Cependant, elle ne savait pas encore que d'autres ennuis l'attendaient au village. Andrzej en était conscient et il se préparait déjà au pire.

Une fois de retour au village, ils furent accueillis par une foule de villageois partageant un éventail d'émotions très variées mais toutes négatives. Inquiétude, colère, suspicion, doute, chacun percevait à sa manière la présumée sorcière accompagnée par cet étrange homme, un inconnu, caché sous sa capuche. Cela avait l'air très suspect. Pendant plusieurs jours, des rumeurs folles courraient à propos de la guide, de réunions de sorciers et démons, de sacrifices humains et aitres choses horribles. Durant la nuit, la moitié du village s'était réveillé à cause des cris et de l'odeur des trous démons quand le groupe tentait de sortir pour aller vers la pyramide. Les chameaux étaient très agités aussi. Et après tout cela, elle revenait à première vue de la pyramide avait un aspect cadavérique et malsain des plus étrange et suivie par un étranger mystérieux et un chat noir. Ils avaient tous les droits de penser du mal de la femme et de renforcer les convictions nées des rumeurs.

La foule s'était rassemblée très rapidement autour du duo et l'encerclait. Quelques personnes maugréaient et marmonnaient dans leurs barbes, d'autres lançaient un petit juron discret et certains même commençaient à attiser les feux de la colère et de l'ignorance en mettant sur le tapis les rumeurs et des accusations. Leur humeur, déjà peu agréable, se dégradait à chaque instant et tout le monde ressemblait à un tigre prêt à bondir sur sa proie. Ulbam allait se faire lyncher, Andrzej aussi, s'ils ne réagissaient pas. La première chose que fit le jeune homme était d'éloigner les mains du long de son corps, là où se trouvaient ses armes qui avaient attiré les regards des hommes les plus forts du village, sans doute planifiant mentalement un moyen de le désarmer avant de l'entraver. La guide, elle, restait totalement immobile et transie de peur. Les voix s'élevaient petit à petit du groupe.

« La sorcière est revenue ! »

« Elle a mené une procession macabre hier, je l'ai entendue ! »

« Et cet homme est sûrement un démon, attention mes amis, il va nous jeter un sort. »

« Elle a maudit le village. »


Rien de tout cela était vrai évidemment, mais qui s'en souciait ? Il suffisait d'un soupçon de mystère ou d'inconnu dans ce petit village pour créer une histoire aussi improbable que ridicule pour contenter ces esprits crédules, avides d'explications simples. D'une voix aussi calme que possible, Andrzej essayait de calmer la foule qui se préparait déjà à un bûcher.

« Nous revenons de la pyramide pour conjurer une malédiction. Ulbam ici présente était victime d'un sort. Regardez là, elle est affaiblie et épuisée. »

« Car elle a perdu ses forces en t'invoquant, démon ! Tu n'es pas d'ici et personne ne t'a vu avant. »


Quelques vivats et crachats ponctuaient cette exclamation venant d'une jeune femme qui se signait sans cesse à chaque regard posé sur le jeune homme.

« Je ne suis pas un démon mais un simple voyageur. Je suis arrivé hier matin. L'aubergiste peut en témoigner, je suis resté dans son établissement. »

Les regards se tournèrent vers le pauvre homme qui devint tout rouge d'être le centre d'attention de cette foule sur le bord de la rupture. Il venait en un instant de devenir le juge du destin du duo car son témoignage permettrait de les sauver ou les condamner.

« O...oui c'est vrai. Il est venu, a pris une chambre et a aussi posé des questions sur les rumeurs de maison hantée. »

« Car il voulait rejoindre les siens et se joindre aux rites impies ! »


Un jeune homme venait de hurler à plein poumons. La colère s'animait d'un mouvement qui ne présageait rien de bon.

« Je voulais trouver la source de ces rumeurs, cette maison, pour trouver la vérité. Je chasse les démons, je les tue. Je pensais qu'un démon était à l'origine de cette rumeur mais il ne s'agissait que d'une malédiction. »

Pour finir sa phrase, il retirait sa capuche lentement, très lentement, pour révéler son visage qui n'avait rien de maléfique. Il essayait de croiser le regard avec autant de personnes que possible pour appuyer ses propos et montrer qu'il n'avait ni culpabilité ou mensonge dans le cœur. Une vieille femme s'avançait difficilement à travers la foule pour venir se planter devant le duo. Sans dire un mot, elle regardait des pieds à la tête Ulbam, totalement exténuée et qui tenait encore debout uniquement grâce à l'adrénaline provoquée par la situation. Ensuite, elle prenait la main de l'homme pour l'inspecter en l'effleurant doucement à plusieurs reprises. Elle le tirait vers lui et se mit à sentir ses cheveux. Elle toussotait légèrement après cela puis se tournait vers la foule pour acquiescer silencieusement. Le verdict était tombé mais Andrzej ne savait pas si cela était bon ou mauvais pour eux. Il eut sa réponse quand la foule commençait à se disperser doucement dans les rues. La vieille femme, en s'éloignant, parlait d'une voix chevrotante.

« Une ... malédiction. Oui, une malédiction étrange même. Faites bien attention à vous jeune homme, quelqu'un veille sur vous et ce n'est pas une bonne chose. »

Et elle disparaissait à un coin de rue. Andrzej se demandait si elle savait vraiment de quoi elle parlait. Dans tous les cas, il n'avait plus rien à faire ici, dans ce village ignorant. Il raccompagnait Ulbam, lavée de tout soupçon, chez elle et reprenait ensuite la route. Il ne voulait pas rester un seul instant de plus en ces lieux. Il voulait simplement voyager et se reposer dans une ville plus petite et il a fini par discuter philosophie avec un Dieu putride. Le chat noir avait l'air de sourire pendant plusieurs jours après cela.
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Le Dieu putride [Solo]

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