Je crois que je n'ai jamais été une personne humble ou modeste ; orgueilleuse et hautaine étaient des adjectifs plus prompts à me définir pour beaucoup de mes proches. Je ne pouvais nier avoir un caractère arrogant, presque vaniteux et suffisant. Par nature, je dois être quelqu'un qui croit en sa force et son éclat. Pourtant, aujourd'hui, je m'étonnais presque. J'avais réussi là où mille avaient échoué, avec un certain brio qui m'inspirait la fierté. Les légendes des peuples murmuraient l'histoire d'un continent, englouti par les eaux  il y a des siècles. L'océan avait toujours refusé de le recracher, gardant les terres avec jalousie, défendant ses trésors perdus. Il était grand temps que l'on se souvienne. Les richesses et les pierres ne m'intéressaient pas. La fortune était une chose futile, un moyen parmi tant d'autres sans grand intérêt. L'objet de mes convoitises était unique en son genre, un bien précieux par la magie bouillonnante qu'il l'habitait et dont la valeur ne se contait pas. Il était certainement le butin le plus petit dont je comptais m'emparer mais aussi le plus fascinant.  J'avais hâte de le trouver. Une large partie de mon temps et de mon énergie avait été consacré à sa recherche, à établir le plan qui me permettrait de dénicher l'artefact. En cet instant, j'effleurais mon but. Je savais que mon geste aurait des conséquences néfastes, affreuses et terrifiantes. Simplement, je m'en fichais. Ce n'était pas mon problème. Doucement, je flottais à quelques centimètres de la surface de l'eau sombre. Je patientais, tant bien que mal. Les flots se retiraient lentement, dévoilant peu à peu des reliefs. La terre s'élevait, le continent resurgissait des profondeurs. Je me mis à sourire. Mon travail me satisfaisait, autant que l'idée que j'approchais de l'un des objectifs le plus exigeants que je m'étais fixé.

Le manque de patience avait toujours été l'un de mes défauts.  Si je pouvais mettre des années à structurer mes projets pour qu'ils soient parfaits, je peinais à conserver ma constance lorsque je touchais la réussite. Cependant, pour une fois, je restais tranquille, le regard presque admiratif et rêveur. J'avais décidé de prendre de la hauteur, pour me percher dans les sommets des montagnes qui bordaient le sud du continent. Profitant de la vue imprenable, je contemplais la vie qui reprenait devant moi. Je m'interrogeais sur les rumeurs, les écrits. Beaucoup semblaient vraies. J'avais lu que, si tout le monde était mort, la faune et la flore exotique avaient été préservé par un sortilège étonnant. Tout était en pierre mais rien n'était destiné à le rester. Peu à peu, la roche se brisait pour libérer ses captifs. Durant de longues minutes, peut-être même une heure ou deux, j'observais le phénomène. Lorsque mon appétit fut rassasiée du spectacle, je fis un pas en avant, sautant purement et simplement dans le vide, pour filer au beau milieu des terres. Mieux valait profiter du répit. Les bêtes qui peuplaient les environs avaient des allures de monstres et chercheraient surement à se jeter sur l'intrus qui visitait leur territoire. J'aurai trouvé regrettable d'annihiler des espèces qu'on avait mis tant de hargne à protéger parce qu'elles voyaient en moi le premier repas potentiel après leur réveil.

Les paysages étaient superbes. Malheureusement, je ne prenais guère le temps de m'y attarder, tant je tremblais d'impatience. Le continent était pourtant incroyable, entrecoupé d'eau régulièrement. Il n'y avait qu'un lac qui m'importait, la grande étendue d'eau de son centre. Doucement, j'y plongeais un pied, nu. L'eau était glacée, très salée. Dans un soupir, je me débarrassais de mes vêtements pour m'enfoncer davantage dans l'onde froide. Je perdais la sensation de mes jambes, emprisonnée par les vagues gelées. Je pris une grande inspiration, puis plongeais. Je finis par arriver dans une petite cavité dissimulée, à l'entrée obstruée dans laquelle je me faufilais sans trop de mal. L'artefact était là, enchainé à une pierre, à demi noyé. Je le pris doucement entre mes doigts, enlevais la couche de poussière et de saleté qui le recouvrait. La montre était magnifique, parfaite. Elle avait été montée comme un pendentif, qui se balançait mollement au bout d'une chaîne en argent. Son tic tac résonnait dans la grotte, comme une menace. Je souris davantage. Oui, j'avais réussi. J'avais l'artefact et tout ses pouvoirs. Une fois de retour à la surface, je vis l'horizon, grise, sombre, grondante. On m'en voulait pour ce que j'avais fais. L'affront était terrible et sa suite ne se ferait pas attendre. La montre autour du cou, rien ne pouvait m'atteindre. Ils ne pourraient plus me trouver et c'était une bonne chose.

Bientôt, le monde saura. Bientôt, il comprendra et m'en voudra. Bientôt, il tremblera.