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 Maestum | ft. Cemilia

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Eerah
Æther des Bergers et des Wëltpuffs

Æther des Bergers et des Wëltpuffs
◈ Parchemins usagés : 3537
◈ YinYanisé(e) le : 20/07/2013
Eerah
Dim 12 Oct 2014, 19:42


La petite chaumière Megidienne semblait bien vide, désormais. Les meubles, les rares tableaux, l’étagère en acajou, ployant sous le poids des livres ; tout était parti le matin précédent en direction de la capitale Déchue. Une caisse de vaisselle attendait encore d’être envoyée, et sur celle-ci, plusieurs rouleaux de parchemins destinés à l’administration locale. C’était le dernier jour qu’il passerait dans son ancienne demeure, et Eerah en profitait dignement, comme il l’avait fait des années durant. Depuis l’entrée baignée de soleil, on entendait ses sifflotements comme la seule preuve que l’endroit était habité. La nuit même, il avait dormi sur une paillasse en compagnie d’un roman et d’une bouteille d’eau claire, comme au premier jour, lorsqu’il avait emménagé. En un sens, retrouver ce mode de vie trivial après avoir gouté aux charmes du luxe Avalonien aurait pu être un rude choc, mais il voyait ça comme son ultime expérience d’une vie simple. Et comme d’habitude, il s’était levé tôt. Comme d’habitude, il avait ouvert toutes les fenêtres, comme d’habitude, il avait trainé sa carcasse jusqu’à ce la cuisine – ce qu’il en restait. C’était cette habitude, cette routine qui avait toute sa saveur en ce dernier jour. Il chantonnait à voix basse, s’accompagnant de temps à autre avec un air sifflé. Depuis quelques instants, l’odeur de l’œuf se répandait dans la salle avec insistance, mêlée au miel et à la mie chaude. D’un geste expert, et – une fois de plus – habitué, il fit virevolter le pain perdu dans la poêle. Malgré tout ce qui se précipitait autour de lui, l’ampleur incroyable que prenaient les évènements, le trône, la reconstruction de la cité, malgré tout cela, rien ne valait la simplicité d’un repas ordinaire. Ses yeux aveugles glissèrent sans accrocher sur les placards, et en soulevant la casserole d’une main, il alla chercher une assiette de l’autre ; un mouvement de pied, et il ouvrit le tiroir à couverts pour en tirer l’unique ensemble restant du bout des doigts. L’exploit tenait plus du geste reflexe que de l’adresse véritable, et il en fallu de peu pour que l’ensemble ne se retrouve au sol. Mais il parvint néanmoins à poser le tout sur la table, et à tirer une chaise à lui.

La routine faisant loi, il inspira pour appeler son filleul, surement encore endormi. Mais le cri demeura coincé dans sa gorge ; le Rehla était d’ores et déjà parti pour Basphel, et même le Töh Taureau, d’ordinaire étendu devant la cheminée, l’attendait au Domaine Royal. Il était seul. Il y avait eu des jours, où sa seule envie était d’être tranquille, le jeune garçon à l’école et l’animal en vadrouille, des journées où il pouvait profiter en soupirant du plaisir de n’avoir rien à faire, mais aujourd’hui, il avait simplement l’impression qu’il lui manquait quelque chose. C’était là tout le paradoxe et la difficulté qu’il avait lui-même à cerner ses propres Envies. Solitaire et dépendant socialement, en recherche de plénitude et en manque d’activité. Il lui arrivait parfois de se demander comment il arrivait à se supporter lui¬-même. Du bout de son couteau, il trancha le pain perdu, le recouvrit de miel. Quitte à avoir un corps exempt de défaut, autant en profiter. Il n’avait jamais eu à se restreindre quant à son appétit, et ça n’allais pas débuter aujourd’hui. Le pain sucré à outrance était un délice sur la langue, le Déchu en grogna de contentement. Quiconque aurait vu cet homme, au cheveu hirsute, vêtu d’un caleçon rapiécé, aurait difficilement pu croire, s’il on lui avait dit, qu’il s’agissait du roi de la Nation Déchue. Et pourtant, derrière sa barbe de trois jours, ses cernes sombres et sa mine mal réveillée, c’était bien ce qu’il était, un monarque. Le même monarque qui termina son repas au son des bruits de la rue, qui lava en chantonnant sa vaisselle avant de la mettre dans le carton correspondant, et qui alla faire sa toilette, toujours partiellement dévêtu. Personne n’avait idée du fardeau que représentait la couronne, toute fictive qu’elle soit – le Dædalus ne possédait ni trône ni couronne. Aussi quand Eerah faisait craquer ses lombaires, se grattait le cuir chevelu, ou baillait à s’en décrocher la mâchoire, il profitait de ses instants comme étant rares et précieux.

Une demi-heure plus tard, il passait la porte de sa bâtisse, propre et habillé. Il ne lui restait que quelques détails à régler ; d’ici deux jours, la maison ne serait plus à lui. Quarante-huit heures et il laisserait derrière lui Megido et ce chapitre de sa vie. C’était bien sa veine, il était né mélancolique, et à chaque fois que cette pensée lui traversait l’esprit, il sentait son estomac se contracter désagréablement. Pour un éternel, c’était plus une torture qu’autre chose, chaque nouveau départ et c’était à nouveau la même rengaine. Là où l’humain regrettait cinq ans de bons souvenirs, il en quittait cinquante. Et à chaque fois, c’était pareil, à chaque fois, il espérait ne plus avoir à quitter son chez-soi. Peut-être que cette fois c’était « la bonne ». La même pensée que lorsqu’il était arrivé à Megido. Si ça n’avait pas été aussi désolant, il aurait trouvé ça drôle. Mais ça passerait ; ça passait toujours. Il remonta la rue en saluant ceux qu’il reconnaissait à leur odeur, à leur voix. Sa mémoire étant ce qu’elle était, il le connaissait tous par cœur. Des habitants des quartiers aux passants occasionnels, il se souvenait de chaque parfum. Certains étaient plus vieux que d’autres, et certains, semblait-il, sortaient littéralement du passé. Comme cette femme, plus loin. Il fronça légèrement ses sourcils, tandis qu’il faisait le lien avec un nom. Puis un fin sourire éclaira son visage. Cela faisait si longtemps ; elle avait changé. Il s’approcha et demanda, connaissant déjà la réponse : « Cemilia ? La petite Cem ? ».



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Mer 15 Oct 2014, 22:13

Les cris surexcités des enfants résonnaient de toutes parts, ponctués par des rires ou des exclamations. Les sourires illuminaient tous les visages, les passants étaient détendus, l’ambiance était joyeuse, symbolisée par le temps au beau fixe malgré l’automne qui s’était installé sur les Terres depuis quelques semaines. Le parc d’attractions de Megido était, pour certains, le plus bel endroit du monde, le paradis des jeux et des après-midi entre amis. Les parents venaient avec leurs enfants, les jeunes hommes et femmes se pressaient au portillon des attractions vertigineuses qui vous donnaient des frissons, tous trouvaient de quoi remplir leur journée en émotions.
Au milieu de toute cette agitation, Cemilia, une pâtisserie encore fumante à la main, marchait d’un pas tranquille dans les allées. Loin de l’euphorie des badauds qu’elle croisait, la jeune femme affichait tout de même un léger sourire, signe qu’elle aussi était de ceux qui profitaient de l’ambiance si particulière du parc d’attractions. Évidemment, elle n’était pas venue pour participer à la kyrielle de jeux proposés derrière chacun des stands ; elle se voyait mal se fondre parmi la masse de bambins hauts comme trois pommes pour tenter de gagner un gros ours en peluche dont elle n’aurait aucun usage… Néanmoins, la bonne humeur environnante était communicative, et elle  savourait sa présence au cœur des mœurs de sa ville. Et, plus simplement, elle profitait de Megido, qui l’avait vue naître et grandir, Megido le cocon de vie. Elle ne venait pas souvent, autant chercher à exploiter au mieux le temps précieux qu’elle partageait avec la cité des Orishas.
Cemilia dépassa un chapiteau d’où s’échappaient des applaudissements tonitruants. Tournant la tête vers la source du vacarme, la jeune femme sourit un peu plus, rappelée vers le giron de ses souvenirs de par ce chapiteau et les spectateurs enthousiastes en son sein.
C’était à l’âge de douze ans que Cemilia s’était rendue pour la première fois au parc d’attractions. C’était un grand jour pour la petite Cemilia qu’elle était à l’époque, car il s’agissait également de sa première sortie en compagnie de ses parents. Eux qui ne la laissaient jamais quitter la maison, ils avaient fini par céder à ses suppliques insistantes pour l’emmener voir un spectacle de cirque. Juste une fois.
C’était donc dans un état de grande agitation que Cemilia s’était rendue au parc d’attractions, qui s’était alors présenté comme un univers merveilleux à ses yeux : autant de jeux, autant de monde en un seul lieu lui semblaient impossible jusqu’à ce jour.
Puis, la représentation, sous un chapiteau en tous points semblables à celui du jour présent. La troupe de cirque avait été excellente, Cemilia était aux anges. Et soudain, la funambule.
L’Orisha se souvenait à la perfection de la sensation de fourmillement intense qu’elle avait ressentie dans son ventre au moment où elle avait vu la femme gracile poser le premier pied sur son fil, suspendue à des dizaines de mètres au-dessus du sol ; elle sentait encore sa gorge se nouer sous l’émotion, son être entier se tendre vers la funambule, comme si elle vibrait à l’unisson avec elle.
Ce jour-là, elle avait pour la première fois découvert la Liberté.

Cemilia se tira de ses pensées. Ses pas l’avaient menée hors du parc d’attractions, et à présent les cris des enfants s’étaient estompés dans son dos, et elle marchait dans les rues peuplées du quartier modeste de Megido. Elle se trouvait dans les environs de la maison de ses parents, et une certaine émotion la prenait lorsqu’elle réalisait que les lieux n’avaient presque pas changé durant ces huit dernières années, qu’elle se souvenait de cette façade, qu’elle reconnaissait cette gargouille à l’angle de la rue…
Megido, longtemps égérie de son enfance cloîtrée, redevenait lentement le giron de dizaines de souvenirs à moitié oubliés pour Cemilia. Elle commençait à effacer les plaies du passé, et renouait avec cette ville aux mille et une merveilles, cette ville qui symbolisait à elle seule une nation entière, sa nation. Chaque bâtiment trouvait son écho dans la mémoire de l’Orisha, chaque pas appelait à la surface de son esprit la réminiscence d’un passé refoulé.
Alors qu’elle se perdait dans un enchevêtrement de ruelles sans qu’elle y prête réellement attention, Cemilia interrompit brusquement sa marche, la bouche entrouverte par la surprise. Parmi les souvenirs qui tourbillonnaient dans son esprit, l’un d’eux se détacha du peloton et vint s’imposer à elle, aussi puissant et vrai que si elle le vivait à l’instant même.

Elle avait neuf ans, et elle venait de faire une grosse bêtise.
Elle avait fugué de chez elle. Bien que "sortie de la maison sans prévenir ses parents" lui plût plus comme appellation.
La petite Cemilia se baladait dans les rues éclairées de la ville, ses yeux dichromatiques dévorant d’un air émerveillé les paysages aux couleurs chatoyantes du quartier. Avant ce soir, elle n’avait jamais eu le droit de s’éloigner de sa maison au-delà de la clôture du petit jardin, et sa balade vespérale prenait les dimensions d’une odyssée fabuleuse dans son esprit. Comme il était bon de sentir l’air frais caresser son visage ! Comme il était enivrant de savoir qu’elle défiait l’autorité parentale !
Mais soudain, le rêve avait tourné au cauchemar.
Surgis de nulle part, trois hommes aussi massifs qu’un roc apparurent, se dirigeant droit vers Cemilia. Une odeur rance d’alcool se dégageait d’eux, et l’homme en tête aboya soudain à l’intention de la petite Orisha :
-Alors, ma mignonne, qu’est-ce que tu fais à traîner dans le coin à une heure si tardive ? Tu devrais plutôt te cacher dans les jupes de ta mère !
Sa tirade fut ponctuée des rires gras de ses deux acolytes. Cemilia, paralysée par la peur, sentait une grosse boule se former dans sa gorge, et elle était incapable d’esquisser le moindre geste, ni de prononcer le moindre mot.
Les hommes s’approchèrent, menaçants, la petite fille se tassa un peu plus dans son coin…
Lorsqu’il apparut.
Comme par magie, un sauveur s’était dressé entre Cemilia et ses tortionnaires, un sauveur vêtu de l’uniforme de l’armée certes, mais rayonnant d’une force bienfaitrice extraordinaire aux yeux de la petite fille terrifiée qu’était Cemilia.
En quelques paroles bien senties, il avait mis en fuite les trois brutes alcoolisées, puis s’était tourné vers Cemilia. Cette dernière avait sursauté en découvrant son visage.
Il avait des yeux aveugles.
Néanmoins, sa gentillesse n’avait pas tardé à la convaincre de le suivre, et il n’avait pas tardé à la ramener chez elle, en sécurité.
Elle avait rêvé de longues nuits de son sauveur après ce jour.

Impossible.
L’être entier de Cemilia lui hurlait que la situation présente était impossible, qu’elle ne pouvait pas se tenir en cet instant face au sauveur de son enfance en question ; et pourtant, les mêmes yeux aveugles le fixaient, la même silhouette puissante se mouvait vers elle, et, soudain, la même voix profonde s’adressa à elle, une nuance de surprise dans la voix.
Incrédule, la jeune femme s’approcha à pas lents de l’homme, parfait reflet de son hésitation.
-Eerah… ?
Le nom, dit sur un ton mal assuré, échappa à Cemilia sans qu’elle en ait réellement eu l’intention.
Mais le doute n’était pas permis : elle avait bien devant elle, le fameux « sauveur » revêtu de mystère de son enfance, habillé aujourd’hui d’un vieux haut et les cheveux nonchalamment repoussés sur une épaule.

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Eerah
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Eerah
Mer 22 Oct 2014, 23:59


Elle avait grandi, c'était indéniable. La gamine qu'il avait rapportée à ses parents avait pris quelques années, quelques centimètres, et un peu de plomb dans le crâne. Plus par reflexe que par réelle intention de la sonder, il se connecta à son esprit, captant des brides d'informations. Il agita faiblement ses doigts et la connexion rompit. C'était une mauvaise habitude qu'il avait pris ; tout était plus simple quand vous n'aviez pas à vous demander ce que l'autre pensait. Dans un dernier éclair fugace, il s'aperçut dans son uniforme, dressé au-dessus d'elle. Lui aussi avait changé. C'en était presque étonnant qu'elle soit parvenue à mettre un nom sur son visage, cela faisait si longtemps, elle était si jeune et lui si différent. Il pivota légèrement la tête, et pris quelques instant le contrôle de l'esprit d'un badaud. Le malheureux, qui n'en garderais - avec un peu de chance - aucun souvenir, rompit sa marche et fixa l'Orisha sans ciller. Eerah observa avec ses yeux la jeune femme. L'enfant était loin. Il avait devant lui une créature plantureuse, adulte et pourtant si jeune ; sa naissance remontait à si peu dans sa mémoire ; un jour de plus dans son éternité. Sa vue se brouilla. Fantastique, grommela-t-il intérieurement. De tous les inconnus qu'il aurait pu choisir dans la foule, il était tombé sur un ivrogne patenté. Pas moyen d'obtenir quoi que ce soit d'un aussi piètre hôte ; il rompit la connexion et laissa l'individu retourner à ses divagations éthyliques.

Le Déchu soupira, puis sourit. « Je suis étonné que tu te souvienne de moi. ». D'autant plus qu'aux dernières nouvelles, elle ne savait pas non plus qui il était réellement ; plus qu’un simple bienfaiteur ponctuel. Quelques soixante ans plus tôt, il rencontrait Mori. C’était une jeune Orisha, dans la fleur de l’âge, moins âgée à l’époque que ne l’était la demoiselle devant lui. Leur histoire, si on pouvait l’intituler ainsi, ne fut ni compliquée ni particulièrement passionnante. Eerah était en mission, elle était en voyage, et il ne se trouva plus qu’une chambre dans l’auberge qui devait les accueillir. Ni l’un ni l’autre n’avait prévu de dormir à la belle étoile, et d’un accord tacite, ils décidèrent de partager la nuit. Le Déchu étant ce qu’il était, et Mori une femme aux mœurs ouverts, ils ne dormirent que peu. Ça n’avait rien d’une première fois, et ils retournèrent bien vites à leurs activités respectives, se quittant sans regret le matin venu. Et tout ça aurait pu en rester là, à la façon des autres femmes qu’il avait eu l’occasion d’aimer le temps d’une nuit, et qu’il n’avait jamais eu le loisir de revoir ; certaines étaient depuis longtemps mortes de vieillesse. Ne la voyant pas ressurgir au bout de quelques mois, il estima qu’il en irait de même pour l’Orisha, et retrouva la routine de la Garde. Trente-six ans passèrent. Eerah ne l’avait pas oublié – il en était incapable, que ce soit elle ou n’importe quel autre visage – mais elle avait d’ores et déjà déserté la partie consciente de sa mémoire pour aller se réfugier avec ceux qui étaient déjà morts ou disparus. Ceux qu’il ne reverrait jamais. Quand une lettre lui parvint, signée de la main de Mori, lui annonçant qu’il n’était pas seulement père, mais également grand-père, d’une petite Orisha, nommée Cemilia.

Les ascendances à rallonges sont monnaie courante chez les Déchus. Quand on ne meurt pas, on engendre, et chaque engeance donne naissance à son tour, et cætera. Oh, il était conscient que certaines lignées étaient nées de son sang, et que ni lui ni ses descendants n’en aurait jamais conscience. Et pourtant ça ne l’empêchait pas d’en éprouver un certain trouble lorsque certain de ces enfants se déclaraient. Mori avait tâché de le garder pour elle ; c’était une femme indépendante et forte, jamais elle n’aurait reconnu avoir besoin du Déchu pour élever un enfant, et elle l’avait fait sans faiblir. Si elle lui avait envoyé le courrier, c’était parce que sa petite-fille montrait des signes inquiétants, qu’elle la soupçonnait de vouloir fuguer. Elle ne faisait pas la charité, ne suppliait pas pour son aide, elle ne lui demandait que quelques semaines de sa vie, pour veiller sur l’enfant.

Pour Eerah, un homme qui s’appliquait à rester le plus loin possible de toute question de paternité, il ne s’agissait pas moins d’une question de devoir que de principe. Mori avait donné une partie de sa vie pour son enfant, il pouvait au moins lui céder quelques semaines, quelques mois. Aussi il accepta, et pour quelques temps, se fit muter comme ambassadeur à Megido. Les relations entre Déchus et Orishas étant plus que bonnes, il faisait office de figure décorative, mais cela lui permettait de garder un œil sur la jeune fille. Quand les prédictions de Mori se réalisèrent, il était prêt, et il avait choisi le moment opportun pour qu’elle s’en tire sans préjudice. Ni Cemilia, ni ses parents ne pouvaient ni ne devaient savoir qui il était. Il imaginait mal son ancienne amante leur avouer la vérité, et ce n’était pas dans ses plans de s’y appliquer. Aussi il était reparti en Avalon, il avait repris sa vie. Et voilà qu’elle ressurgissait de nouveau. Le monde était trop petit pour les Éternels.

Il avait muri depuis cette époque, voir sa petite-fille grandir avait quelque chose d’attendrissant, quand bien même ce sentiment le mettait mal à l’aise. Avec un petit rire, il posa sa main sur la tête de la jeune femme, ébouriffant gentiment ses cheveux. « Peu importe. Comment vas-tu ? Tu as mangé ? ». L’odeur de pâtisserie vint lui apporter sa réponse. « Que dirais-tu d’une marche ? Je suis certain que tu as des milliers de chose à me raconter. Quinze années, ce n’est pas rien. ». "Pour un mortel", s’empêcha-t-il d’ajouter. C’était parfois déprimant de songer qu’elle vieillirait et mourrait bien avant qu’il n’ait le temps de se voir prendre une ride. C’était une belle journée, le Déchu se sentait libre de profiter de quelques instants avec sa petite-fille, avant que la royauté et le temps ne le rattrapent cruellement.



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Sam 25 Oct 2014, 20:42

Eerah.
Comment avait-elle fait pour se souvenir de son nom ? Par quel miracle sa mémoire avait-elle immortalisé l'identité du sauveur de son enfance ?
Cemilia restait immobile, les yeux perdus dans leur contemplation fascinée. Le silence qui s'étendait entre eux était balayé dans l'esprit de la jeune femme par le torrent des souvenirs qui bouillonnaient vers la surface. De toute manière, si elle avait été consciente du fait qu'elle fixait en silence un homme au beau milieu de la rue depuis près d'une minute entière, elle n'aurait sans doute pas été capable de lancer la moindre discussion pour dissiper l'étrangeté de la situation. Sa voix semblait l'avoir abandonnée à jamais, et sa gorge s'était nouée sous le coup de l'émotion.
En retrouvant Eerah, elle redevenait un peu l'enfant qu'elle avait été.
Ce fut l'homme lui-même qui brisa en premier le silence. Cemilia fut enveloppée par le timbre grave de sa voix, qui évoquait une déroutante familiarité dans le creux de son oreille. Elle aurait aimé fermer les yeux et s'abandonner au son qui l'aiguillonnait vers les tendres années de sa vie.
Eerah éprouvait-il la même surprise, la même émotion face à la femme qu'elle était devenue ? S'il en était ainsi, il n'en laissa rien paraître, toujours aussi calme, aussi souverain de ses émotions que dans les souvenirs de l'Orisha.
Au contact de la main de l'aveugle sur sa tête, Cemilia sursauta légèrement, avant de fondre littéralement de bonheur. Ce contact, qui avait quelque chose d'affectueux et de protecteur à la fois, était le symbole de la figure paternelle, l'image que Cemilia se faisait de l'amour d'un parent pour sa descendance.
Il signifiait tout ce qu'elle n'avait jamais eu.
En cet instant, comme à l'époque dans la ruelle sombre de Megido, Eerah parvenait à combler ne serait-ce qu'un tout petit peu la lacune qui béait dans le coeur de Cemilia.
Le contact se brisa, et la sensation se dissipa, comme des lambeaux de brume qui s'évaporent sous le soleil. La jeune femme se surprit à sourire sans raison, alors qu'Eerah reprenait encore la parole.
Quinze ans.
Le rappel du temps passé tira brusquement l'Orisha de l'état de douce félicité dans lequel elle baignait. Quinze ans. Elle avait changé, tant changé qu'elle aurait tout aussi bien pu être une étrangère du point de vue d'Eerah. Comment l'avait-il reconnue, par ailleurs ? Il étsit aveugle, et si Cemilia voyait en lui un lueur qui avait éclairé les ténèbres de son enfance, elle-même devait être réduite à une simple anecdote sans importance dans la vie de l'homme.
Quinze ans.
La bouche de Cemilia s'entrouvrit, mais aucun son n'en sortit.
En quinze ans, Eerah était resté le même. Pas une ride, pas le moindre cheveu blanc dans sa tignasse sombre. C'était comme si les années qui s'étaient écoulées avaient été pareilles à une simple journée, comme si Cemilia l'avait vu la veille seulement.
-Oui, marchons un peu, finit-elle par dire, et un sourire naquit sur son visage.
Évidemment, l'aveugle ne pouvait pas voir son expression, mais un sourire s'entendait également dans la voix, faisait frémir l'aura, illuminait la discussion.
Consciente qu'Eerah lui emboîtait le pas, Cemilia se retourna et s'engagea dans une allée, au hasard. Elle se sentait un peu perdue par ce lien soudain qui s'était établi entre passé et présent, et elle garda encore quelques instantd le silence. Lorsque le sentiment de vivre un rêve se fut apaisé, elle se mit enfin à raconter sa vie qui avait été tant réclamée par l'aveugle.
-Je n'habite plus à Megido depuis près de huit ans, commença-t-elle sans se tourner vers Eerah. J'ai, en quelque sorte... fugué définitivement de chez mes parents à l'âge de seize ans.
Elle marqua une pause, ponctuée d'un rire léger.
-À partir de ce moment, je me suis mise à mener une vie de nomade, durant laquelle j'ai passé mon temps à voyager de continent en continent. On peut dire que j'ai rattrapé mes années d'enfance où le seul lieu que j'aie exploré était ma chambre sombre...
Le silence qui s'ensuivit fut court, Cemilia ne désirait pas s'attarder sur cette pensée amère. Prenant un ton plus vif, elle ajouta avec une once de malice dans la voix :
-Ceci dit, récemment je suis retournée à un semblant de vie civilisée, car j'ai acquis une petite maison sur le continent du matin calme. Je ne m'y rends pas souvent, mais l'intention y est.
Elle rit derechef. Puis le silence se nicha à nouveau entre les deux intéressés, rt Cemilia détourna le regard vers les façades des maisons bordant la rue qu'ils étaient en train de parcourir.
Ennuyait-elle Eerah avec son bavardage incessant sur sa vie? D'autant plus qu'elle s'était contentée d'énoncer des banalités : elle avait tu le douloureux épisode de la guerre, avait passé sous silence les nombreuses vies qui avaient pris fin sous sa main. Mais désirait-elle réellement que cet homme qu'elle admirait tant soit confronté à sa véritable nature ? N'était-il pas mieux qu'il continue à voir en elle le fantôme de la petite fille innocente et perdue qu'elle avait été ?
Ils étaient à présent arrivés aux alentours du quartier des femmes.
-Et toi, lança-t-elle soudain, que fais-tu à Megido?
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Eerah
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Eerah
Dim 26 Oct 2014, 23:56


Le Déchu respecta un silence courtois alors qu’elle lui racontait en quelques mots son trajet jusqu’à leur rencontre. Il ne doutait pas qu’elle avait passé plusieurs choses sous silence, et ne s’en offusqua pas. Il était bien mal placé pour lui en vouloir à ce sujet ; lui-même gommait régulièrement des chapitres entiers de son existence lorsqu’il devait l’évoquer en présence de quelqu’un. Certaines aventures, certains jours sombres n’avaient d’ailleurs trouvé pour seul auditeurs que les pages vierges de ses nombreux carnets de voyages. Ceux-ci n’avaient pas vocation à être lus – pas tant qu’il serait en vie – et s’entassaient régulièrement dans un coffre en acajou qu’il entreposait chez lui. Non, il comprenait. Ce qui en revanche l’inquiétait d’avantage, c’était l’ampleur que prenaient ces périodes de « vide ». Il lui avait demandé de parler d’elle et au final, il n’apprenait pas grand-chose. L’esprit du Dædalus effleura sa conscience ; elle n’avait pas eu la vie joyeuse qu’il lui avait souhaitée à l’époque, loin de là. Une seconde il fit la moue, et songea à ce qui se serait passé, s’il avait assumé son rôle et si toutes ces années, il avait travaillé à la protéger de tous ses tourments. Que serait-elle devenue si au lieu de Mori, c’était lui qui l’avait élevée et éduquée ? Aujourd’hui, elle serait en train de l’attendre à Avalon, au bras d’un éphèbe Déchu qu’il aurait étudié sous toutes les coutures avant de lui accorder la main de sa petite-fille. Il aurait tout fait pour la mettre à l’abri du besoin, et d’une façon ou d’une autre, lui aurait fourni l’éternité qui lui faisait défaut. Elle aurait eu une vie à l’écart de toute contrariété, elle aurait vécu sans se soucier du lendemain, et peut-être déjà aurait-elle, elle aussi, expérimenté la maternité. Un silence le tira de ses pensées, et l’hypothétique existence qu’il avait imaginé pour l’Orisha s’évanouit. C’était bien trop tard maintenant, il l’avait abandonnée à une vie de mortelle et aux joies d’une famille modeste. Pourtant, il n’arrivait pas à se persuader que c’était une mauvaise chose. C’était peut-être pour se rassurer, mais il l’entendait parler, sentait sa démarche à ses côtés, son assurance lorsqu’elle faisait un nouveau pas en avant, et l’aura de chaleur qui émanait d’elle. Ce n’était pas quelque chose qu’on obtenait en restant à l’abri, dans un cocon de suffisance. Peut-être qu’elle avait plus appris seul qu’avec ses parents ou lui comme tuteur.

Eerah ne fut pas surpris d’apprendre que sa première tentative de fugue n’avait été que repoussée de quelques années à l’époque. Il ne connaissait pas son père plus que cela, mais il était évident qu’il avait d’avantage hérité du caractère sédentaire de Mori plutôt que de lui. C’était une caractéristique qui avait, semble-t-il, sauté une génération jusqu’à la petite Cemilia. Un sentiment inexplicable de fierté l’emplit, comme si d’une façon, elle perdurait la lignée solitaire qu’il avait semé. Un sourire étira son visage lorsqu’il l’entendit évoquer ce passage à la vie de vagabonde. Il était passé par là ; plus d’une fois, même. Dès qu’il lui semblait avoir retrouvé une vie sociale stable, le besoin de repartir sur les routes surgissait de nouveau. En y réfléchissant, son départ du domicile familial ne remontait pas à si longtemps que cela, ses parents vivaient certainement encore au même endroit. Elle était si jeune, il ne cessait de s’en émerveiller. Très progressivement, imperceptiblement, son apparence se modifia, quelques rides se creusèrent et il se laissa vieillir de quelques années, comme pour pouvoir atteindre l’âge qu’il aurait eu si elle avait été sa propre fille. Le résultat n’était pas facilement visible à l’œil nu, ce n’était qu’une impression d’ensemble, comme si son aura en avait profité également. A posteriori, il se rendit compte de la futilité de son geste, sans avoir la moindre idée de pourquoi il s’était appliqué à conserver entre eux cette relation de paternité, alors qu’il ne souhaitait qu’une chose, c’était qu’elle continue à vivre sans savoir de quel genre de relation adultère elle était le fruit. Ce genre de révélation n’était bon pour personne. Avec un sourire, il tendit son coude pour qu’elle l’attrape, et rétablir l’équilibre entre eux deux. « Te connaissant comme je t’ai connue, vive et sans tabou, ton départ n’était qu’une question d’années, ça ne m’étonnes pas. Ta grand-mère en piquait des crises. Ça fait bien longtemps que je ne l’ai pas vue, d’ailleurs… ». La « vieille » Mori – qui était encore dans la force de l’âge selon des critères Orisha – ne lui avait pas renvoyé le moindre courrier depuis l’épisode du sauvetage de Cemilia. Elle avait dû se trouver un mari et une situation stable, campée quelque part dans Megido.

Le Quartier des Femmes se profilait devant eux, Eerah pouvait le sentir aux odeurs plus délicates et au bruit de la foule ambiante, soudain moins rugueux. Ils marchaient sans but, ce n’était pas pour déplaire au Déchu. Il aimait marcher au même titre qu’il aimait nager ; ça lui permettait de se vider l’esprit et ça lui déliait la langue. Il s’apprêtait à la questionner d’avantage, soudain avide d’en savoir plus sur la vie du fruit de ses entrailles, quand elle riposta en l’interrogeant à son tour. Il eut un rire bref et fit mine de réfléchir. Les raisons de sa présence à Megido, outre le simple fait de son déménagement, soulevaient à elles seules tellement de choses sur sa vie qu’il aurait eu mieux fait de démarrer directement de son départ d’Avalon, quelques années plus tôt. Pourtant il tâcha de résumer le tout en peu de mots. « Je déménage ; j’ai une propriété sur Avalon, sa reconstruction aura été l’occasion de me faire bâtir un nouveau logis. La suite me dira si, comme toi, j’y passerais plus ou moins de temps. ». Elle n’avait pas l’air d’être au courant pour son couronnement, il laissa ce chapitre de côté. D’expérience, il savait que cela ne pouvait que compliquer les relations. Lorsque son interlocuteur se tenait au courant de la politique, il le savait instantanément ; on lui adressait d’un coup du « seigneur », ou « votre majesté », comme s’il allait s’offusquer qu’on puisse lui parler comme à un être humain normal. Non, il préférait remettre ça à plus tard, ou jamais. Il poursuivit. « J’imagine que cette ville me manquera un peu. J’y aurais eu de bons moments. Puis qui sait, si les affaires marchent bien, je reviendrais peut-être y investir dans une maison secondaire. Ça se fait de plus en plus en ce moment, il y a plus d’offre que de demande, et je sais que Cocoon serait ravi de remplir un peu plus sa cité. ». L’odeur d’une boulangerie, un peu plus loin, retint son attention, et il y dirigea la jeune femme, en marchant doucement. Il retrouva un ton moins léger avant de continuer : « Ça n’a pas été trop difficile ? Les premiers jours seuls ? C’est souvent le moment que choisissent la plupart pour rebrousser chemin. ». Partir battre les sentiers, contrairement à ce que voulaient croire de nombreux enfants en manque d’aventure, n’avait rien d’une sinécure. On avait faim, froid, sommeil, peur. Chaque soir passé dans une forêt soumettait l’esprit aux pires tourments : « Et si je me fais attaquer dans mon sommeil ? », « Et si on me vole mes provisions ? », « Vais-je retrouver le chemin demain matin ? », tant que questions qui conduisait au pire choix à faire dans de telles circonstances : « Je ferais mieux de ne pas dormir ce soir, juste au cas où. ». C’était comme ça que la plupart se retrouvaient fatigués, à bout de nerf, et c’était ainsi qu’ils se faisaient attaquer et dépouiller, avec pour seule consolation leurs larmes pour rentrer jusque chez eux en espérant que leurs parents seront assez cléments. Vivre une vie d’aventurier était aussi plaisant que de sentir planer une épée de Damoclès au-dessus de sa tête ; mais c’était plus bénéfique pour l’esprit que n’importe quel travail stable ou n’importe quelle maison confortable. C’était être libre. Et la liberté avait un prix élevé que peu étaient prêts à payer sans rechigner.

Une clochette tinta lorsqu’il poussa la porte de la pâtisserie. Même à cette heure tardive de la matinée, il s’y trouvait encore une queue d’une dizaine de personnes. Une mine circonspecte vint se graver sur le visage du roi. Il donna un petit coup de coude à Cemilia et chuchota : « Regarde. ». Il ferma les yeux et avec doigté, vint injecter dans la mémoire de tous ceux qui se trouvaient là le souvenir d’un rôti au four, probablement en train de brûler. La réaction ne se fit pas attendre. Après une fraction de seconde, ils sursautèrent tous simultanément, comme s’ils venaient de se souvenir d’une chose urgente, et sortirent précipitamment de l’enseigne. Avec un sourire large, le Déchu s’avança et commanda deux meringues Megidiennes à la tenancière de l’établissement, encore sidérée d’avoir vu ses clients s’évaporer en un battement de cil. Il posa deux pièces d’Or sur le comptoir, suffisamment pour payer une trentaine des sucreries qu’il avait demandé, et intima à la jeune femme de conserver la monnaie. Il n’en fallait pas plus pour contenter la boulangère qui fourra son butin dans une poche de son tablier en le remerciant. Puis elle lui confia son achat et Eerah offrit une des deux pâtisseries à sa petite-fille. « Alors dis-moi ; comment tu t’en sors au jour le jour ? Pour l’avoir expérimentée, je sais que la vie que tu mènes n’est pas toujours des plus lucratives. ». Il souleva un sourcil en faisant mine d’être inquiet, et demanda : « Pas de... Trafic illicite, j’espère ? ». Les Ætheri seuls savaient que lui ne s’en était pas privé, et il ne le souhaitait à personne.


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Mer 29 Oct 2014, 20:52

Tel un père attentionné, Eerah commenta le rapide résumé que Cemilia lui avait fait de sa vie. La jeune femme ressentait une certaine émotion face à la nuance de tendresse qu’elle était presque sure d’entendre dans la voix de l’homme lorsqu’il lui parlait. C’était un curieux sentiment que de savoir que quelqu’un s’inquiétait de son état d’esprit, prenait des nouvelles. Car Eerah lui posait de nouvelles questions, il semblait éprouver un réel désir d’en savoir plus sur la personne que Cemilia était devenue. Aux petits soins avec elle, il classa en quelques mots son histoire à lui, se contentant de lui révéler qu’il déménageait de Megido, – ainsi, il avait habité ici durant toutes ces années, songea l’Orisha – et se pencha à nouveau sur le passé de la jeune femme.
Cette dernière sourit face au petit tour que l’homme joua aux clients de la boulangerie, et accepta de bonne grâce la patisserie qu’il lui tendait – aujourd’hui était un jour d’opulence, s’offrir deux pâtisseries dans la journée frôlait le déraisonnable. Elle était attendrie par l’empressement d’Eerah à satisfaire le moindre de ses besoins ; et d’un autre coté, ce comportement l’intriguait quelque peu.
Certes, elle éprouvait un fort attachement pour cet homme qui lui avait sauvé la vie, et se réjouissait de le voir, quinze ans plus tard. Mais cette familiarité dont lui faisait preuve, cette curiosité pour son curriculum vitae, ne pouvaient s’expliquer seulement par une unique rencontre dans un passé lointain. Évidemment, Cemilia se réjouissait de la jovialité d’Eerah, et pour rien au monde elle aurait souhaité un comportement autre de sa part. Il lui semblait seulement que deux simples connaissances n’avaient habituellement pas ce genre de relation.
Sans parler de l’évocation rapide de la grand-mère de Cemilia, qui avait beaucoup surpris cette dernière. Elle-même n’avait eu l’occasion de voir la dame au fort caractère qu’à de rares reprises ; en partant du principe qu’il était envisageable qu’ils se connaissent, comment était-il possible qu’Eerah ait fait le lien entre Mori et sa petite-fille ?
Cemilia chassa ces pensées intriguantes de sa tête, et prit la décision d’y revenir plus tard, et d’interroger éventuellement son interlocuteur à ce propos. Durant la durée de sa réflexion, tous deux avaient quitté la boulangerie et longeaient le Quartier des Femmes, marchant toujours d’un rythme nonchalant.
La jeune femme passa un doigt sur sa lèvre inférieure pour chasser une miette qui s’y était déposée, puis répondit enfin à Eerah en riant :
-Pas de trafic illicite pour moi, non ! Je ne suis pas encore suffisamment endettée pour me risquer à plonger là-dedans.
Elle marqua une courte pause, songeuse.
-D’une manière générale, j’essaie de vivre avec les besoins financiers les plus bas possibles, reprit-elle. Je me procure nourriture et eau seule, et j’ai l’habitude de dormir à la belle étoile.
Une grimace altéra ses traits lorsqu’elle ajouta, un brin d’ironie dans la voix :
-Quoique, ces derniers temps j’ai eu tendance à abuser un peu des tavernes et de leurs services...
Un nouveau rire ponctua son aveu, bref.
-Du coup, j’accomplis régulièrement des petits travaux qui nécessitent des grands déplacements, ou un peu d’expérience dans l’art du combat – transporter des colis à travers tout le pays, jouer les gardes du corps d’un malheureux un peu paranoïaque, par exemple. Mais ne crachons pas sur mes clients, ils me font vivre après tout.
Cemilia mordit dans sa meringue, prenant le temps de mastiquer et de réfléchir dans le même temps.
Eerah avait mis le doigt sur les mois les plus ardus de sa vie, à savoir les premiers après son départ du foyer familial. Évidemment, en bonne citadine qu’elle était, elle n’avait strictement aucune notion élémentaire de survie, et avait du batailler jour et nuit contre la rudesse de la nature. Ses instincts d’Orisha l’avaient sans doute bien aidée, sans parler de sa vision nyctalope qui l’avait préservée de l’obscurité. Dès qu’elle avait su faire un feu, sa lumière et sa chaleur lui avaient rendu la vie un peu moins dure, et avaient su éclairer un peu le chemin qui se traçait devant elle : le chemin de la Liberté. Un sentier tortueux, difficile à parcourir, que même une Orisha comme elle n’avait pas su suivre depuis le premier jour.
Une fois qu’elle avait su apprivoiser la nature, qu’elle avait appris à vivre avec et non contre elle, Cemilia s’était sentie grandir dans cet univers fantastique. Sa soif de découverte, son gout du voyage, ici, chaque parcelle de son être était comblé par ce nouveau mode de vie.
Jusqu’à ce qu’elle se heurte à une nouvelle frontière : la solitude.
Lorsqu’elle vivait dans la maison de ses parents, elle n’avait certes jamais réellement communiqué avec ces derniers, mais leur présence avait néanmoins empli sa vie d’humanité. À présent qu’elle était livrée à elle-même, ses seuls compagnons quotidiens étaient la faune sauvage et ses pensées.
On avait besoin des autres, malgré toute aspiration à la solitude.
Aussi, Cemilia s’était mise à prendre soin de s’arrêter régulièrement dans une ville, ou à se mêler à des voyageurs qui croisaient sa route ; elle se faisait une réserve de présence humaine, une bulle de vitalité, avant de retourner dans ses longues phases de périples en face à face avec elle-même.

Un sourire vint flotter sur les lèvres de Cemilia. Comment traduire en mots l’instensité de ces mois, l’incroyable enseignement qu’elle en avait tiré, la maturité qu’elle y avait gagné ? Eerah comprendrait-il si elle se perdait dans des anecdotes décousues ?
Non. Il comprendrait cela :
-J’ai fait comme j’ai pu.
Elle n’ajouta rien, le yeux perdus dans le vague. Mais elle finit par se reprendre, et lanca d’un ton plus vif, teinté d’une malice familière à sa voix :
-À présent, c’est ton tour de raconter. Je serais curieuse de savoir comment tu as fait la rencontre de ma grand-mère. C’est curieux qu’elle t’ait parlé de moi, je ne l’ai presque jamais vue de ma vie !

Blblbl :
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Eerah
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Eerah
Jeu 06 Nov 2014, 00:29


Tout en prêtant une oreille attentive à l’Orisha, Eerah brisait petit à petit sa pâtisserie sucrée, la mangeant par morceaux en les laissant fondre sur sa langue. Il tâchait de lui porter une attention indéfectible ; ce qui en soi, n’avait rien de compliqué pour le Déchu, il était habitué à penser à une dizaine de choses en même temps : cette fois il tâchait de se focaliser sur elle et elle seule. Et sur la route qu’il suivait, tant qu’à faire, éviter de marcher dans un mur ou sur les pieds d’un passant pouvait toujours lui être utile. Il était satisfait de savoir qu'elle ne trempait dans aucun traffic dangereux - et qu'elle ne lui mentait pas de surcroit ; il n'avait pas pu s'empêcher de vérifier lui-même. En revanche, il lui administra une gentille bourrade de l'épaule lorsqu'elle évoqua les tavernes. Et pour le coup, il en était conscient, c'était vraiment l'hôpital qui se moquait de la charité. Lorsqu'il était garde, un tiers de sa paye passait en boisson, un deuxième en femmes, le reste était partagé entre la nourriture, le loyer qu'il versait mensuellement au tavernier pour conserver sa chambre, et son approvisionnement en substances plus ou moins légale. Soudain inquiet, il chercha dans la mémoire de la jeune femme le moindre souvenir d'un Lotus Gelé, et, soulagé, n'en trouva aucun. Il avait appris à ses dépends les effets que pouvait avoir le substrat de cette plante, et si un Déchu pouvait s'en accommoder, il doutait sincèrement que l'expérience plaise à qui que ce soit. En quelques mots, sa consommation entraînait un fort effet aphrodisiaque, mais laissait l'hôte spectateur de ses actions, littéralement prisonnier de son propre crâne, obligé de méditer sans pouvoir rien y faire à ce qu'on voyait ou entendait, tandis que le corps s'occupait de satisfaire ses pulsions les plus sauvages sans aucun tabou. Tout abus mis à part, la chose pouvait être plaisante. Moins si votre partenaire choisissait soudainement d'inviter d'autres inconnu, ou bien de vous laisser à la merci de n'importe qui. On pouvait rapidement avoir affaire à des choses qui ne s'oubliaient pas de sitôt.

Son propre souvenir lui arracha une grimace fugace. Imaginer que ce genre de chose puisse arriver à sa petite-fille le plongeait dans un fureur froide. Soudain, il avait envie de suivre l'intégralité de son parcours de vie pour lui éviter un jour d'expérimenter ce genre d'horreurs. Et plus il y songeait, plus il ajoutait à sa liste de choses dont il fallait la préserver à tout prix. Le monde était violent, sans pitié, brutal et au-delà de toute morale. Certain hommes, certaines pratiques le laissait aussi effaré qu'écœuré ; et pourtant, son sang Déchu lui permettait d'accepter bien pire que le seuil habituel de tolérance des autres races. Il lui fallut prendre conscience au terme de sa réflexion que jamais il ne pourrait la préserver de toutes ces choses ; et ça le travaillait aux tripes. Voilà pourquoi il aurait du s'abstenir - voilà pourquoi il devrais toujours s'abstenir. Rencontrer sa progéniture était grisant, effrayant, et comme en cet instant, déprimant. Oui, sa petite fille était belle, intelligente et indépendante. Oui, elle avait de belles années devant elle, de quoi remplir une vie agréable. Mais un jour, elle allait mourir, comme tous les autres. Un jour elle se ferait frapper, un jour, on lui briserait le cœur, un jour elle allait pleure et s'effondrer. Et il ne pouvait rien faire pour l'empêcher. C'était ainsi, voilà tout. Pour avoir essayé de contrôler son destin, il s'avait que c'était d'avance peine perdue : Certains là-haut y veillaient scrupuleusement. La meilleure solution restait encore de les ignorer, de ne pas s'attacher. Personne à pleurer, personne à regretter. Malheureusement pour lui, il était bien trop tard avec Cemilia. Il devait se contenter de marcher à ses côtés, sachant pertinemment qu'un jour il marcherait seul, que ce soit dans deux siècles ou dans deux ans.

Un frisson l'agita singulièrement, et il tressailli, tiré de sa torpeur. Pour ce qui était de lui accorder cent pourcent de son attention, il faudrait repasser. Il avait écouté, bien sûr. Mais difficile dans ces conditions de parvenir à lui arracher le moindre sourire. Agacé contre lui même, le Dædalus toussota et tâcha de reprendre consistance. « Il faut toujours rester sur tes gardes. Les clients, comme tu dis, se révèlent parfois bien avenant que de prime abord : N'ai confiance qu'en ceux qui méritent cette confiance. ». Du bon sens ou de l'instinct paternel refoulé, difficile de savoir qui s'exprimait à cet instant. Toujours est-il que soudain, entendre jaillir de sa bouche ce qu’il avait vécu en parfois pire, tout en sachant qu’elle lui cachait certainement les pires parties de sa vie d’aventurière, tout ça devenait extrêmement perturbant. Il se morigéna en silence – une fois de plus – et fut pris au dépourvu lorsqu’elle lui demanda de lui parler plus avant de sa vie. Quelques secondes, il prépara ses mots. Bien évidemment, hors de question de lui raconter la véritable histoire. « Nous nous sommes rencontrés sur un refuge de montagne, alors que Mori était dans une de ses rares sorties de Megido. ». Jusqu’ici, il collait à la réalité. « De fil en aiguille, nous avons fini par discuter. ». Après qu’il soit allé lui débiter quelques mesures de son habituel orchestre de charme. « Nous avons parlé jusqu’au petit matin, sans voir la nuit passer. ». Une partie de cette discussion s’était toutefois limité à des exclamations plus ou moins contrôlées. « Après ça, nous avons échangé quelques lettres, dans lesquelles elle me parlait de toi. ». Une unique missive, en réalité. Mais puisqu’il avait répondu, on pouvait considérer qu’il s’agissait de « quelques » lettres. « Elle commençait à avoir certains doute sur ta première fugue, c’est pour cette raison que j’étais présent – au cas où. Le fait est qu’elle n’avait pas tort, hé hé. ». Accessoirement, il l’avait surveillée pendant quelques semaines avant cela ; elle n’avait pas non plus besoin de le savoir. C’en était effarant de voir qu’à peine rencontrée, il était obligé d’oblitérer la vérité pour ne pas se faire détester par sa propre descendante.

« Voilà en quelques mots pourquoi et comment j’ai rencontré ta grand-mère. Le reste a peu d’importance. ». D’une main distraite, il lissa sa barbiche et repoussa une mèche derrière son oreille. « Le reste de mon parcours… Disons que j’ai quitté la Garde d’Avalon pour essayer de trouver le calme d’une vie banale. Mais il faut croire que ce n’est pas pour moi ; l’expérience aura duré quelques années, avant que je ne me tourne vers des tâches plus hétéroclites. J’ai pris un peu d’avancement, j’ai acheté une petite propriété. ». Si peu ; il était devenu Seigneur d’une Cité, roi d’une nation, et le territoire Déchu s’était vu augmenter de plusieurs milliers d’hectares. « En fait, j’ai remis un peu d’ordre là où je travaille. L’administration avait besoin d’un coup de balai et j’ai pris la place du responsable en charge. ». Il avait fomenté et réussi un coup d’état contre une reine tyrannique. « Et ça c’est mieux passé que ce que j’espérais, au final, j’ai mis quelques personnes de mon côté. ». Soixante-mille environ, au dernier recensement public. « Rien de très intéressant en somme. Mais je t’ennuie avec mes histoires. Dis-moi plutôt… ». Un large sourire vint étirer ses traits : « Pas de petit ami ? ». La fin de la phrase sonna claire et sans hésitation dans son esprit : « Que je puisse m’assurer de sa bonne volonté à ma manière ? ».



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Mar 25 Nov 2014, 20:47

Eerah semblait partager un trait de caractère avec Cemilia, à savoir la réticence à s’épancher en détails lors d’un dialogue. Il se montra aussi succinct qu’elle à propos de sa vie, si vague même que la jeune femme ne put s’empêcher de penser qu’il avait tu autant d’épisodes de sa vie qu’elle l’avait fait pour elle-même – et même assurément plus, étant donné que l’homme devait avoir près du double de son âge. Un maigre sourire étira ses lèvres. Il était amusant de constater à quel point il était profondément inscrit dans la nature humaine de vouloir protéger autrui du moindre trouble ; il en résultait une tendance certaine à taire de nombreuses choses qui, parfois, auraient mieux fait d’être dites, d’être avouées. Le silence était versatile : le vrai silence, celui que partageaient les amis et les amants, transmettait souvent bien plus que tous les mots de l’univers ; mais le silence dépourvu de sentiments avait la fâcheuse tendance à omettre les sujets les plus importants dans une vie.
Et, pour heureuse qu’elle soit de revoir Eerah, Cemilia avait pour le moment le sentiment qu’il s’agissait de cela, sous les abords de leur discussion joyeuse.
L’Orisha fut parcourue d’un long frisson, et éclata de rire à la question inquisitrice d’Eerah. Ainsi, il s’intéressait à sa vie émotionnelle ? Quelle absurde idée de penser qu’ils ne parlaient que de choses insignifiantes, l’homme était aussi curieux qu’une tête chercheuse.
-Hé ! s’exclama-t-elle d’un ton indigné, malgré son grand sourire démentant toute tentative de bluff. C’est personnel, ça !
Néanmoins, elle finit par avouer après une courte pause :
-Il y a bien... quelqu’un. Dois-je te le présenter, et quérir ta bénédiction ? ajouta-t-elle avec une once d’ironie.
Le fait que Lestat fasse irruption dans sa discussion avec Eerah donnait un drôle de sentiment à Cemilia. C’était comme confronter passé et présent, superposer le calque des deux temps pour tenter de les concilier. Pour le moment, le dessin final restait flou.
Inutile de préciser qu’en un sens, le Vampire était bien plus qu’un simple « petit-ami » - drôle d’appellation pour Lestat, cela ne correspondait pas du tout à l’idée qu’elle se faisait de leur relation –  pour la jeune femme ; ils étaient liés par le Lien du Destin, ce pouvoir propre aux Orishas. Un peu de l’essence de son amant s’était déversée en elle, un peu de sa propre essence vivait en Lestat.
Au vu du ton qu’avait pris Eerah lorsqu’il avait posé sa question, elle n’était pas sûre qu’il apprécie d’apprendre cela. Cette constatation amusa grandement Cemilia. N’était-elle pas en train de confondre l’homme avec le père qu’elle n’avait jamais eu ? Elle se surprit à s’inquiéter réellement de l’avis de ce dernier à propos de sa relation avec Lestat, ce qui lui valut une claque mentale.
Tu rêves un peu trop, ma belle, se houspilla-t-elle intérieurement.
Il était étrange à quel point certaines rencontres pouvaient s’imprimer à l’encre indélébile dans la mémoire d’un être. Elle n’avait vu Eerah qu’à deux reprises, celle-ci comprise, et pourtant les sentiments à l’égard d’autrui qui les liaient étaient plus forts qu’elle aurait pu le soupçonner. Mélangeait-elle vraiment réalité et désir, en changeant peu à peu le visage froid et effacé de son père biologique en celui, doux et troué d’un regard aveugle, d’Eerah ? N’oubliait-elle pas un peu trop qui elle était, et où elle en était dans sa vie, en se faisant miroiter une enfance idéalisée qu’elle tentait à présent d’atteindre ?
Le sourire avait disparu du visage de Cemilia, sans même qu’elle ait eu le temps de remarquer son changement d’humeur. Mais quelle idiotie de se laisser aller à une telle morosité alors qu’elle se devait de profiter de chacun de des instants inespérés en compagnie de l’une des figures essentielles de son enfance – la vraie, celle-ci.
À présent, les deux compagnons avaient fini par dépasser le Quartier des Femmes, et mettaient le pas dans les arrondissements les plus aisés de la ville. Cemilia n’avait pas eu l’occasion de s’y rendre souvent, car ses parents résidaient dans le quartier modeste – et d’une manière générale, la jeune femme ne ressentait pas un attrait particulier à l’égard de ces grandes habitations et de ces jardins proprets et bien soignés, qui auraient pu en ravir d’autres.
Alors qu’elle avait la tête levée vers l’un de ces toits lointains qui semblaient toucher les nuages, Cemilia lança soudain :
-Tu déménages, as-tu dit ?
Son regard se décrocha de son perchoir sur le toit, et retrouva le visage mangé par la barbe d’Eerah. Elle souriait à nouveau.
-Je ne relèverai pas ta terrible trahison envers le charme irrésistible de Megido, commenta-t-elle avec malice. Mais si jamais tu as besoin d’aide, je suis prête à déplacer quelques cartons pour toi.
Pas qu’elle se lassait de flâner dans les rues de la ville – au contraire – mais autant faire quelque chose de cette journée ensoleillée.

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Eerah
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Eerah
Sam 04 Avr 2015, 16:39


Eerah tâcha de garder le sourire, même après avoir constaté par lui-même qui était l’heureux inconnu. Il était de plus en plus difficile de lui cacher quoi que ce soit. Or ce « Lestat » était un Vampire. Le Déchu avait toujours été fier de la tolérance qu’il éprouvait envers chaque race, et même à l’encontre des Anges ; mais puisqu’il existe toujours une exception à la règle, il avait bien fallu que cela tombe sur un peuple en particulier, et il s’agissait des Vampires. Il haïssait purement et simplement leur façon d’être, d’exister. Il n’avait jamais croisé un buveur de sang qui ne soit pas un traitre ou un menteur, et même leur reine lui avait laissé un gout de cendre la dernière fois qu’ils s’étaient rencontrés, à l’occasion du Conseil des Chefs. Des bêtes sans âme ni parole, prêtes à tout pour subtiliser à leur victimes quelques centilitres de ce précieux nectar qu’ils affectionnaient tant. Aussitôt avait-il pris connaissance de l’information qu’il songea à faire surveiller le prétendu amant. On lui avait parlé plus jeune de cet espèce de drogue qui consistait à se laisser mordre par un mort-vivant, et quelques années plus tard, il s’y était essayé. Ça avait effectivement quelque chose de grandiose, mais après que sa partenaire se soit un peu trop laissé prendre au jeu, il avait failli y laisser la vie, il avait dû l’achever lui-même alors qu’elle s’était transformée en bête sanguinaire.

Toutefois, alors qu’il effleurait les zones de l’inconscient de la jeune femme, il pouvait sans peine déceler les traces d’un véritable sentiment amoureux. De la magie Orisha, sans doute, mais quant à savoir où commençait le sortilège et où terminait l’amour véritable, il y avait un pas qu’il n’était pas prêt à franchir. De la même façon qu’il existait des Déchus aux mœurs écœurantes, on devait pouvoir trouver des Vampires plus mesurés que d’autres. Du moins, il l’espérait pour sa petite fille. S’il venait à s’apercevoir que l’individu en question ne se servait d’elle que comme d’un garde-manger ambulant, il aurait tôt fait de lui planter un pieu dans le cœur. Il ne pouvait que prier pour ne jamais avoir à en arriver à de telles extrémités, seulement s’il s’écoutait, le génocide était de rigueur. Une partie de lui-même était bien consciente que quelle que soit la race de celui avec qui la jeune fille avait décidé de partager son corps, il aurait de toute manière fait une enquête et trouver une manière de justifier ses actes. Mais un vampire, tout de même...

Elle changea de conversation, et évita à Eerah de répondre. Le déménagement, oui ; il avait l’impression qu’en quelques minutes, ils avaient remis à jour plusieurs années d’existence commune qui n’avaient jamais pu avoir lieu. Il s’était à ce point plongé dans ses pensées qu’il en avait oublié la raison de sa présence à Megido. Peut-être pouvait-il proposer à Cemilia de faire de même, d’aller vivre à Avalon. Là-bas il savait qu’il pourrait la garder à l’abri du reste du monde ; mais il était peu probable qu’elle ne l’entende de cette oreille. Parfois, son propre paternalisme l’affligeait. Elle était plus âgée que lui lorsqu’il s’était retrouvé pour la première fois en prison, elle devait l’être suffisamment pour savoir prendre les bonnes décisions. Une voix trottait dans sa tête, pourtant ; les mortels sont bien prompts à faire les mauvais choix lorsqu’il s’agit de meubler leur courte vie. Eerah se promit d’aller la chercher si un jour elle venait à rejoindre les rangs de la Citadelle Blanche ; elle ferait une excellente Déchue. Il rit à sa provocation bravache et répondit avec tout autant d’amusement : « Je regrette ma chère, mais rien ne battra plus jamais Avalon en terme de magnificence ! ». Puis il déclina sa proposition d’un geste de la main. « Non, je te remercie, mais j’ai déjà engagé des gens pour s’occuper de ça. ». Des soldats, en vérité, mais puisqu’ils n’étaient pas en guerre, il pouvait bien profiter de son autorité pour se simplifier la vie. « Il faudra que je t’y invite un jour. Nous aurons plus de temps alors pour parler. ». Entre autre, du fait qu’il était roi. Mais ce n’était pas encore le jour.


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