Les feuilles chantaient dans un léger bruissement sourd, accompagnées par le murmure du vent et le craquement des branchages. Louve laissa ses grands yeux clairs glisser sur le cadre idyllique. La Forêt Enchanteresse était simplement magnifique, avec ces bois colorés aux effluves parfumées. Les Elfes n'avaient pas pour habitude de s'attarder dans ces bois, territoire des Orines. Ils avaient tords de se priver des environs. La Vénus avait déjà précisé à plusieurs reprises que le peuple elfique était le bienvenue. Alors pourquoi ne pas profiter de ce que l'on voulait bien offrir ? Un petit sourire étira les lèvres pâles de la jeune femme. Une brise perçait à travers les feuillages et venait emmêler ses longs cheveux chocolat. Les petites clochettes attachées à deux mèches, qui encadraient son visage en forme de cœur, tintèrent délicatement. Et elle se mit à courir sans bruit à travers la forêt, tenant fermement dans une main son grand arc. Féline, Louve filait comme une ombre silencieuse, passant d'arbre en arbre à la recherche de sa proie. C'était une traque. Du bout des doigts, l'Elfe écarta des lianes. Bien plus bas, elle percevait la silhouette fine et gracile d'un membre de son peuple. Beau et élégant, il avait une longue chevelure blonde d'où pointaient deux oreilles pointues et un regard glacé. Avec une infinie douceur et une lenteur exagérée, puisqu'elle avait peur de faire du bruit, Louve tira une flèche de son carquois en jetant un coup d’œil derrière elle. Et d'un geste vif et précis, elle se mit en position, prête à attaquer, son regard vrillé sur la clairière où était sa cible. « Quoi ?» murmura-t-elle tout bas, troublée. Il n'était plus là. Dans un soupire, Louve ferma les yeux. Derrière elle résonnait le cri d'un corde que l'on tendait. « Je m'attendais à entendre les clochettes. Mais c'est ton ombre qui t'a trahis. » Sans se redresser, Louve tourna de sa branche pour tomber nez à nez avec la pointe d'une flèche. « Tu as plus d'expériences que moi.» souffla-t-elle avec un sourire. « Et c'est pour cette raison que je suis ton mentor.» Il baissa son arc et tendit l'autre main à la jeune femme, qui se releva lentement.

Proches l'un de l'autre, les deux Elfes se dévisagèrent quelques instants, muets. « Merci de prendre soin de moi, Elendil.» Son prénom était merveilleux et lui allait à ravir. Il signifiait ''ami des étoiles'' dans le langage elfique. « Je suis ravi d'avoir été choisi pour cette mission. Qu'aurais-je manqué à ne pas te rencontrer, Lùthien.» Louve sourit lorsqu'elle entendit son surnom, qui puisait son origine dans les mots ''enchanteresse'' et ''fille des fleurs''. « Je ne suis pas une très bonne élève.» Louve tourna les talons et sauta de branche en branche jusqu'à atterrir au sol. Elle fit alors quelques pas pour se rapprocher du petit lac, suivie de près par Elendil. « Tu te sous-estime. Tu es très douée. Je suis juste exigeant pour te pousser à donner le meilleur de toi-même. Ton potentiel est immense. Je ne veux pas le laisser sommeiller.» Louve sourit. « Tant de compliments de la part d'un Haut-Elfe.» - « Hum. Je n'en fais pas souvent, alors profites-en.» - « Penses-tu sincèrement que je puisses réussir ? » Une pointe d'anxiété perçait dans sa voix douce. Elendil glissa lentement ses doigts dans les cheveux soyeux de la jeune femme. « Tu as énormément de talents. N'en doute jamais. Les familles se battront pour toi. Il serait plaisant que tu sois dans les mêmes rangs que moi.» Louve contempla brièvement le rouge qui parsemait les vêtements d'Elendil. « Moi, rejoindre les armées ? » Elle sourit. « Tu te bats déjà très bien.» Le sourire de Louve se fana et elle tourna les talons, pensive. C'était à cause de son passé tumultueux qu'elle savait bien bien se défendre et attaquer. Ses crimes et ses vices passés. Et elle fut danseuse, jadis, elle avait déjà souplesse et rigueur. Elendil, le visage grave, posa ses mains sur les joues de Louve pour l'obliger à lever le regard. « Tu connais les rangs au sein de la hiérarchie elfique. Je te sens prête à aller de l'avant. Tu es apte à t'occuper de ranimer le printemps.» Il lâche Louve pour lui aussi commencer à faire les cents pas. Ses doigts effleurèrent ses poches. Il avait quelque chose pour elle. « Tu maîtrises l'acte, la méditation et les arts martiaux. Tu es proche de la nature. Vive. Intelligente. Une candidate idéale. Seulement, j'ai peur pour toi. Tu ne peux ignorer le mal que subissent les féeriques.» Louve baissa la tête.  « La maladie psychologique.» Elendil acquiesça. « Penses-tu être prête à l'endurer ? » - « J'ai … abandonné mon passé, il y a plus d'un an de cela.» - « Et il risque de revenir au galop.»

Gênée, Louve passa ses longs doigts froids sur sa gorge pour les remonter dans sa chevelure. « Je veux monter dans la hiérarchie. Je veux aider. Elendil, tu ne peux savoir à quel point je me sens bien, aujourd'hui. J'ai l'impression de toujours avoir été faite pour cette vie.» L'Elfe aux cheveux blonds fit glisser ses mains sur le menton de la jeune femme et remonta son visage. « Les oreilles pointues te vont à ravir. Et le Bien est fait pour toi.» Les joues de la demoiselle se tintèrent légèrement de rouge, et elle détourna les yeux, mal à l'aise. « Elendil. Est-ce que tu me ferais une promesse ?» - « Bien entendu. Laquelle ? » - « Lorsque je serais soumise à la maladie, veilles à ce qu'il n'arrive rien à mon fils de mon fait.» - « Tu ne feras jamais rien à Orion. Mais soit, je m'occuperais de lui, comme de toi.» Elendil se détacha de la jolie Elfe. Avec un sourire aux lèvres il articula. « Je devrais te donner une petite mission, avant de te juger apte à être une féerique.» - « C'est évident.» - « Alors la voici. Tu dois retrouver une fleur très spéciale, qui s'appelle la loëlyra. Je ne t'en dirais pas plus.» Louve arqua les sourcils. « Très bien. » - « Je t'attendrais dans cette même clairière.» Louve inclina doucement la tête avant de détaler comme un lapin. Un petit miaulement attira son attention auprès quelques longues minutes de course. « Zero.» L'élégant chat d'un blanc immaculé emboîta le pas à sa maîtresse. « Tu veux m'accompagner mon bébé ?» Elle ralentit l'allure, perplexe. N'était-il pas avec le petit magicien ? « Orion, est-ce que tu es là ?» Le garçon sortit de sa cachette, la mine coupable, mais tout de même souriant. « Je veux t'aider maman.» Attendrie, elle sourit à son tour. « Alors viens avec moi. Mais fais attention. Et je suis en mission.» Les yeux d'Orion s'illuminèrent.

Louve prit quelques instants pour réfléchir un peu. Lentement, elle s'assit sur la branche tordue d'un arbre serpentant. Cela lui faisait un ravissant petit banc naturel. La loëlyra. Voilà ce qu'elle devait trouver. Une fleur. Si Elendil avait donné si peu d'indication, c'est très certainement parce qu'il y aura une certaine évidence. Cette fleur devait être unique. Belle. Radieuse. De celle qu'on ne peut rater. Mais comment la retrouver au beau milieu d'une forêt immense et dense ? Doucement, l'Elfe fit glisser ses mains de son corps pour les poser sur l'écorce soyeuse de la branche. Paupières closes, elle se concentra sur la flore environnante, tâchant de ressentir la végétation, de la questionner, et de savoir où aller. Elle laissa sa conscience filer à travers les racines, plonger dans la terre. Et elle rouvrit soudainement les yeux. Un éclat malicieux illuminaient ses prunelles violettes. Et un sourire satisfait teintait ses lèvres. « Vite Orion. Je crois savoir par où il nous faut aller.» Et elle sauta de son arbre pour courir, pas trop vite pour que Zero et Orion la suivent sans peine. « Non Orion. Ne me suis plus.» finit-elle par lâcher après quelques longues minutes. « Pourquoi maman ? » Louve s'accroupit près du petit garçon dont la mine se fit soudainement boudeuse. Avec tendresse, elle lui ébouriffa les cheveux. « Attends moi ici, avec Zero.» - « Bon d'accord. Mais fais vite hein.» Louve sourit. Elle se pencha doucement pour embrasser la joue de son fils, avant de s'occuper de cette mystérieuse fleur.

L'Elfe arriva dans une nouvelle clairière au parterre tout à fait sublime. Il y avait des fleurs colorés embaumant de toute part. Elles étaient toutes plus belles et merveilleuses les unes que les autres. La jeune femme sentait son regard avide, qui devait être semblable à celui d'une gosse qui découvrirait un tas de cadeaux. « Loëlyra.» murmura-t-elle avec un petit accent elfique. Ce ne pouvait être qu'elle. Plongée dans la pénombre des branches, une petite fleur blanche aux pointes bleutés. Elle se dressait sur un rocher qu'elle encerclait de ses racines. Sublime. Curieuse et intriguée, Louve s'en approcha et l'effleura. La petite Loëlyra se ferma instantanément avant de se rouvrir lentement. « C'est magique.»

« Lùthien !» s'exclama Elendil en voyant la jeune femme arriver. « Te revoilà. Alors ?» Louve sourit. Elle ne se cachait pas de revenir les mains vides. « Alors cette fleur était la plus belle que je n'ai jamais vu.» - « Et tu ne me rapporte point la preuve de cette vision ? Comment te croire.» - « Cueillir une fleur unique qui pousse sur un rocher et est mère d'une centaine d'autres fleurs ?  Hors de question.» Le haut-elfe sourit. « Félicitations.» Il applaudit lentement. « Je suis fier de toi.» Il fouilla dans ses poches pour en sortir un instrument à vent, cadeau qu'il devait faire à sa protégée pour qu'elle soit officiellement une elfe féerique. « Je l'ai choisi pour toi. » Et il fit glisser la flûte traversière dans les mains de la petite Elfe. Elendil massa doucement les tempes de la jeune femme. « Les Savoirs Ancestraux vont vouloir s'imprégner. Tu le sais. Alors la maladie psychologique va débuter.» - « Je...» Elle ne pouvait nier qu'elle se sentait horriblement mal. Son regard était comme voilé. « Par tous les Aetheri. Des oreilles pointues ? Tu es tombée bien bas ma pauvre enfant.» La femme riait. Louve savait qu'elle était la seule à la voir, à l'entendre. Haru. Déchue aux ailes noires et au regard d'un rose pâle, son visage était lisse et terriblement peu expressif. C'était le début. Le véritable commencement. Elle ne pouvait se permettre de simplement faire une croix sur le passé. Elle devait l'affronter, le supporter, et le vaincre. « Maman...» souffla Orion, inquiet. « Ce n'est rien mon chéri. Ça ira. Tout ira bien à présent. Rentrons à la maison.» Elendil embrassa tendrement le front de Louve. Il se pencha à son oreille pour lui murmurer quelques mots.