Une brise fraîche caressait mon visage. Je sentais le vent s'engouffrer dans mes vêtements. Doucement, je remuais le bout de mes doigts engourdis. J'étais si faible, si las. Mais de toute évidence, j'avais dormi, ce qui était en soi une assez bonne nouvelle. Cela faisait tellement longtemps que je n'avais pas trouvé le repos. J'étais soulagé de ce petit somme inattendu. Heureux, je ne m'inquiétais pas même des étranges images qui ponctuaient mes songes. Mais je n'avais guère l'impression d'être allongé près de l'immense fontaine qui menait aux Esprits du Temple. Au creux de mes mains, je sentais du sable froid. L'air qui soufflait avait un arrière-goût de sel. Avec peine, j'ouvris les yeux en me redressant lentement. Mes prunelles ocres glissèrent avec surprise sur les flots tranquilles. La berceuse douce des vagues ne parvenaient cependant pas à balayer une petite appréhension. Que diable faisais-je ici ? Certes, la vue était des plus magnifiques. Je me trouvais sur une plage, à n'en pas douter celle d'une île. Je n'avais guère l'impression d'être sur un continent. La végétation derrière moi était sauvage et hostile, quoique enchanteresse. Au loin, je percevais la terre et les lueurs de la vie. Dans un soupire, je courbais la tête pour scruter les cieux. La pureté des lieux sublimait davantage les constellations. Je ressentais leur chaleur et me nourrissais de leur énergie. Cela faisait du bien de se ressourcer un peu. Mais j'étais quelque peu inquiet de mon humble présence en ces terres inconnues. Je choisis cependant de patienter, et me rallongeais dans le sabre pour profiter des bienfaits de la lumière céleste. Paupières closes, je me mis à rêvasser.

Mais que voyais-je ? Ces fichues images qui troublaient mes nuits et mon sommeil continuaient à m'assaillir. Ainsi, je ne m'étais pas débarrassé d'elles. La finalité de tout cela n'était donc pas que j'apaise les tourments de Rêve. Qu'attendait-on de moi à la fin ? Je détestais n'être qu'un patin pour des mains plus habiles. D'une humeur exécrable, je finis pas décider de mieux observer ce que l'on voulait absolument que je contemple. Tout était flou, et si rapide. Comment pouvais-je capter le moindre détail de ce flot intarissable d'informations ? Je voyais d'étranges formes aux couleurs criardes s'étirer, se dessiner en figures improbables pour s'en aller dans une fumée épaisse. Je ressentais peine, chagrin et souffrance, sans pouvoir déterminer à quoi ces douleurs appartenaient. J'étais persuadé de voir des sons. Drôles de sensations qui me fit douter de moi même et de ce que j'avais pu prendre pour en arriver à là. Dans un élan de rage, je me relevais vivement en poussant un léger cri. Je ne devais me laisser aller à la faciliter et plonger dans la colère. Mais confronté aux nouveaux, j'avais bien du mal à demeurer calme. Perdu dans un île dont je ne savais rien, j’espérais qu'on ne m'en voudrait pas de désespérer un tantinet. J'étais un monstre qui évoluait dans les ténèbres, un monstre sans visage aux airs d'ange qui aimai se repartie de la clarté. Je me sentais donc mal à l'aise en ces lieux. Que me voulait-on ? Qu'étais-je censé accomplir ? Que signifiait toutes ces vision ?

Quelques secondes passèrent lentement, tandis que je levais doucement la tête pour que mes yeux contemplent les astres. Mon regard glissa sur le Miroir de la Plume, allant jusqu'à sa pointe pour trouver Rêve. « Je m'en remets à vous, une nouvelle fois.» murmurais-je d'une voix basse. J'entendis un petit rire clair résonner. Au moins, elle n'était plus malheureuse. « Caleb Suellan. Encore toi ? Je t'ai manqué ?» - « Vous ne m'avez jamais quitté.» J'étais persuadé que si une étoile pouvait rougir, celle-ci se serait empourprée. « Ton esprit doit être embrumé par des flots de questions. Laisse-moi t'apporter le début de quelques réponses.» - « Je vous écoute avec une grande attention.» Avais-je d'autres choix ? Peu à peu, l'océan se déchaînait. Je ne pouvais ni passer par la mer, ni rebrousser chemin car l'île paraissait planifier ma mort. « Tu as quelques brides de vérité en ta possession.» - « Plaît-il ?» - « Mais il te manque des éléments.» continua Rêve sans répondre à mes interrogations. « Encore une fois, fais moi confiance et je te promets réussite. Es-tu prêt à me suivre? » - « Autant de fois qu'il le faudra.» - « Mais les informations que je te donne mérité une contre-partie.» Surpris, je me contentais d'attendre la suite. « Chante avec moi. S'il te plaît.» Je ne sus quoi répondre à pareille demande tant elle était inattendue. Moi ? Le pauvre Rehla sans âme ? Chanter avec l'une des magnificences de l'univers ? C'était tout bonnement impensable !

Avais-je cependant le choix ? Mes possibilités étaient maigres. Soit j'acceptais la condition de Rêve et elle me livrait les instructions à suivre, soit je me rebellais contre elle, ce qui ressemblait à s'y méprendre à de la trahison, et je me débrouillais pour m'en aller de mes propres moyens. « Que voulez-vous que nous chantions ?» - « Ce que tu désires. J'aimerais que tu m'apprennes un air que je ne connais pas. Contente-toi de songer à lui. J'arriverais à t'accompagner si tu m'ouvres ton cœur et ton esprit. » Je réfléchis quelques instants. Que convenait-il de chanter avec une étoile de cette grâce ? Rêve n'était pas n'importe quel astre. Et voilà que j'étais pris de peur que je n'avais encore jamais ressentit. L'on m'avait souvent complimenter sur ma belle voix, alors que je chantais dans les bars et les cabarets en jouant un peu de piano pour gagner quelques pièces. On me répétait que j'étais un ténor à la douce voix mélancolique. J'avais acquiescé sans broncher à l'époque. Je ne pensais pas avoir un don en chant, mais je n'étais pas le pire. Mais chanter avec Rêve .. et si elle me trouvait lamentable ? Je décidais de mettre tout cela de côté, car on ne fait décemment pas attendre une étoile. Et je me mis à chantonner un air que Lily-Lune m'avait appris. N'arrivant pas à me souvenir de toutes les paroles en Niseis, je préférais la langue commune, bien que les rimes soient absentes, le texte me parlait.

« Le temps est à maturité, il fait honneur à tes larmes froides. Recherchant la lumière, tu ouvres la portes aux ténèbres. Un chant écarlate imprègne ton cœur, comme une mélodie désirée pour l'éternité puis éparpillée à la hâte. Dans le silence du ciel lumineux se trouve mon jardin, au-delà du rivage que tu atteindras un jour. Les ténèbres de la nuit protègent la lune qui te chuchote une berceuse, jusqu'à ce que les yeux de l'enfant qui ne pleure pas soit en larme même en plein rêve. Je te fais mes adieux, ma belle, car nous ne nous reverrons plus. Comme si la nuit m'arrachait tendrement le cœur en pleine folie. Dans le silence du ciel lumineux se trouve ta demeure. Au delà des ténèbres évanouies de la lune, tu t'en retournes à tes origines, par cet étroit chemin.»

Le silence revint. Je rouvris les yeux, puisque de toute évidence, je les avais fermé durant le chant. « Merci.» Je souris. Cette expérience m'avait semblé fascinante. Le cœur battant, je m'assis dans le sable. J'avais vraiment aimé chanter avec Rêve. J’espérais qu'elle aussi. « Tu vas devoir te mouiller, mon pauvre Caleb. Pour avancer, tu dois trouver une pierre. Elle est de la taille de ton poing et d'un blanc teinté de violet, translucide. Plonge dans l'eau glacée pour la trouver parmi les flots. Tu devras la ramener à tes supérieurs. Il sauront te guider.» Je me raidis. « Mes supérieurs ? Je n'ai rencontré que peu des miens durant mon existence. Je ne les connais pas, je n'ai rien à faire avec ces gens, Rêve.» - « Tout cela va changer, Caleb. Accepte ta destinée. Tu es promis à de grandes choses. Aies confiance en moi.» Une fois n'est pas coutume, je réfléchis à mes options. Je n'en avais guère. Et j'avais envie de croire Rêve. Je ne pouvais que céder. Lentement, je fis quelques pas sur la plage pour me rapprocher des vagues. « Plonger.» - « Il le faut.» Je soupirais. Une petite baignade nocturne était loin d'être dans mes projets. Cependant, je détachais rapidement les quelques boutons de ma chemise blanche pour l'abandonner sur une branche, avec mes chaussures et mes chaussettes. Et c'est en pantalon que je sautais dans l'eau sans cérémonie. Elle était plus que froide. Voilà pourquoi j'étais entré d'un coup. J'aurais pu changer d'avis, sinon.

J'étais plutôt bon nageur. Cependant, je n'étais pas sûr d'être réellement taillé pour le rôle qu'on voulait que je remplisse. Je ne pouvais en appeler qu'à ma ruse, ma force et mon souffle. Ma magie ne serait d'aucun secours une fois immergé. Au moins la pierre avait-elle le mérite d'être reconnaissable. Pour peu que je sache où chercher dans l'immensité des eaux. Décidément, Alice n'était jamais là quand j'avais besoin d'elle. Et pas une autre sirène à l'horizon à qui demander un petit service. « Ne perd pas espoir, Caleb. Nous t'avons mener sur une île proche de la pierre que tu dois trouvé. Nous la faisons s'illuminer pour toi. Chercher une pointe lumineuse dans les abîmes.» Je fis quelques brasses, les yeux rivés sur les profondeurs. J'ignore durant combien de temps je dus scruter les fonds. Mais mes bras me suppliaient de cesser leur supplice. Je continuais cependant, inlassablement, mes recherches. Et enfin, je vis une petite lueur éclaircir les fonds marins. Je plongeais.

Je n'avais pas pensé que la pierre serait si profondément posée. Le souffle court, je brassais l'eau comme un fou pour m'accrocher aux pierres et saisir celles qui m'intéressait. En manque d'air, je me propulsais pour sortir. Mes poumons furent soulagés de cet apport. Pressé, je nageais vivement jusqu'au rivage. « Que dois-je faire, maintenant, Rêve? » demandais-je tout en sacrifiant ma chemise pour panser les plaies de mes mains, coupées par les roches marines. « Il te faut fuir !» Elle semblait paniqué. Intrigué, je tendis l'oreille. « Qu'est-ce ? Un bateau ?» Je fermais les yeux, maudissant silencieusement les dieux. Je n'avais guère mis de temps à comprendre. Des pirates. Je me mis à courir. Mais dans leur direction. Discret ,et comptant sur mon statut de Rehla pour me faire oublier, je me faufilais à bord pour leur emprunter de manière définitive une barque avec dans l'idée de ramer jusqu'à la terre ferme. « N'oublie pas les provisions.» me souffla Rêve alors que je m'apprêtais à partir. Elle avait raison, autant prendre de quoi survivre au passage. J'avais de la chance. Les Pirates suivaient une carte au trésor. Fous et enthousiastes, ils étaient tous de sortie et me laissais le champ libre pour agir. Je partis en silence, à la force de mes bras déjà endoloris.