Voyager par la voie des airs était une expérience unique et fantastique. Sans effort, je montais et descendais au gré du vent. Regardant vers le sol, j’avais calculé rapidement le risque de chute mortelle. La conclusion ne fut pas bien difficile : si je tombais, j’étais mort. Néanmoins, j’avais une confiance aveugle en Lysis. Je savais qu’elle me tenait fermement. Alors, je me laissais porter vers les cumulus que j’effleurai des doigts. C’était humide et froid. Si bien souvent, je recevais quelques gouttes en punition d’avoir perturbé le paisible repos du nuage, je trouvais cela amusant. Lorsque nous redescendions un peu plus bas, j’avais tout le loisir d’observer les volatiles qui flottaient autour de nous. Certains étaient colorés et amusant alors que d’autres, plus terne, semblaient étranges voir effrayants. Je m’amusai comme ce n’avait jamais été le cas. Je me demandais si, moi aussi, je serai capable de voler comme mon amie.

La route vers le port était longue mais je ne le ressentis pas. Je m’amusais beaucoup trop pour me rendre compte du temps qui s’écoulait. Je me questionnai. Voyager avec Lysis serait-il toujours aussi drôle ? Je l’espérais car, dans ce cas, de magnifiques aventures m’attendaient à ses côtés. Pour le moment, nous recherchions mes parents ou, tout du moins, mon père. Pour se faire, nous allions changer de continent et explorer le Continent du Matin Calme. De ce que j’en savais, c’était un continent très peuplé. D’où tenais-je cette information ? Je n’en avais aucune idée. Je supposais que ce devait être quelque chose que ma mère m’avait appris lorsque j’étais encore au grand manoir silencieux.

Soudain, l’élémentale de vent me demanda de m’accrocher. J’obéis rapidement en voyant le plongeon que nous faisions. C’était une chute presque verticale. En cet instant, un sentiment de peur et d’excitation me parcourrait. J’avais des frissons sur tout le corps et des chatouillis dans mon ventre. Je ne savais plus parler, le seul son qui sortait de ma bouche était un cri que j’essayais de contrôler.

Nous approchions de plus en plus rapidement du sol. Le contact était imminent quand, brusquement, elle reprit de l’altitude. J’avais le souffle court de par cette sensation forte. Je repris ma respiration, lentement. Notre destination était en vue. Nous nous y rendîmes rapidement, après moult voltiges et galipettes dans les airs.

Pied à terre, j’eus la tête qui tourne. Sans doute était-ce normal après toutes les acrobaties que nous venions de faire. Nous étions face à l’Océan. Le soleil offrait à l’eau des éclats scintillants qui la sublimait. Trois pontons de bois pénétraient cette robe de saphir. Cependant, il n’y avait aucun navire à cette heure. N’avions plus qu’à attendre.

Il n’y avait pas de ville à proprement parler. Il y avait un petit village là-bas, au loin. Néanmoins, le port n’était en fait que l’union de trois embarcadères au milieu d’une nature sauvage. Faune et flore se développait à leur gré sans qu’aucune intervention de l’homme ne vienne les déranger. C’était assez étrange pour un lieu fréquenté quotidiennement par bons nombres de voyageurs. Peut-être ce lieu était-il maudit ? Je chassais cette idée ridicule de ma tête. J’avais d’autres choses plus intelligentes à penser. Je me tournai vers Lysis.

« Tu pourrais m’apprendre à utiliser mes pouvoirs ? Et à voler aussi ? »

Si je devais partir à l’aventure avec elle, je ne voulais pas être un poids mort. Je voulais être capable de me défendre et également de la protéger si on l’attaquait. Actuellement, je ne savais rien faire. Mes flammes allaient et venaient à leur guise et j’arrivais à peine à modifier la forme du métal. J’étais inutile. Je voulais pouvoir maîtriser tout cela. Aussi, il n’y avait qu’elle qui pouvait m’apprendre.

Lysis était incapable de m’enseigner à contrôler le feu qui brûlait en moi. Cette puissance incommensurable était condamnée à rester enfermé pour le moment. Cela m’attristait quelque peu. Ce pouvoir me semblait si grand, si puissant, si dévastateur… Je voulais plus que tout arriver à comprendre mon élément, à l’apprivoiser, à le manipuler. Je voulais embrasser le monde de mon incandescence. Je voulais me sentir moi.

Cependant, l’élémental d’air proposa tout de même de me familiariser avec son propre élément. J’imaginais déjà toutes les possibilités qui pourraient s’offrir à moi. Je serai sans nul doute capable de voler, de projeter des bourrasques, de déclencher des tornades… Devenir aussi fort que Lysis serait amusant et très gratifiant même si ça risquait d’être long. Cette idée me fit sourire.

Elle prit ma main et m’entraina sur le ponton. J’étais à quelques centimètres de l’océan, Je pouvais sentir la brise marine glisser sur ma peau. Mes cheveux voletaient en tous sens, découvrant mes petites oreilles. Là, elle m’expliqua ce que je devais faire. Il fallait que je ferme les yeux et que je vide mon esprit. Il fallait que laisse l’air me pénétrer. Il fallait que je croie en lui. Il fallait que je sois patient. La jeune femme relâcha ma main et s’écarta de moi. J’étais seul. Seul face à l’immensité de l’océan. Je fermais les yeux et ne pensa plus à rien.

Je ne sais combien de temps je restai dans cette position sans que rien ne se passe. Soudain, l’air se fit plus vif, plus imposant, plus violent. Je sentais mes vêtements vibrer sous cette nouvelle pression. Tout mon corps était emprisonné dans une sorte de bulle d’air. C’est alors que j’entendis une petite voix chétive.

*Il n’a pas l’air bien méchant. *

*C’est un feu ! * dit une autre, plus ferme.

Je voulais ouvrir les yeux mais j’avais peur de les faire s’enfuir. Je les gardais donc bien fermé.

« Bonjour ! »

Les voix se turent. Avais-je fais quelque chose de mal ? Il fallut que j’attende quelques minutes avant qu’elles reviennent.

*Ne parles pas, ce n’est pas nécessaire. Nous entendons ton appel.*

*Mais nous n’y répondons pas favorablement. *

* Tu n’y es pas favorable. Mais tu n’es pas la seule à décider. *

* Parce que tu… *

* Oui. *

* Mais c’est un feu ! Et en plus, il n’est même pas entier ! C’est un demi-être ! Et de surcroît, c’est un enfant !*

*Cessez donc de vous chamailler vous deux. Nous savons toutes que cela ne sert à rien. Cet enfant a parvenu à nous atteindre. Nous devrions le féliciter, non ?*

*Mais... Bon d’accord… mais il n’a pas toute ma confiance ! Ça reste un feu*

*Nous t’aiderons petit garçon mais sache qu’il faudra du temps pour que tu saches apprécier notre aide à sa juste valeur. Maintenant, va. Elle t’attend.*

Le vent qui m’entourait devint plus calme. Je pouvais bouger librement. J’ouvris les yeux et remarquais qu’il faisait déjà nuit.

P.S.:

Lysis me félicita. Elle semblait fier de ce que je venais de faire. Cependant, il était trop tard pour commencer mon entrainement maintenant. Désormais, il était temps de se reposer. J’acquiesçai. Mes yeux commençaient à piquer tellement j’étais fatigué. Après tout, j’avais déjà utilisé une grande quantité de magie le matin-même en faisant brûler la chaumière du maire. Je restais près de mon amie tandis qu’elle s’approchait d’un arbre. Ni d’une ni de deux, elle sectionna deux branches qui tombèrent lourdement sur le sol. Je regardais son arme. Il faisait trop sombre pour que je la décrive correctement. C’était une sorte de lame coupante en forme de cercle. L’élémentale d’air rassembla les feuilles en un petit tas qu’elle recouvrit de sa cape.

Je souris au ton qu’elle emprunta pour me dire que le lit était prêt. Je la regardais Dans le noir, ses yeux ressortaient davantage. Je m’allongeai sur la couche. C’était la deuxième fois que je dormais sur quelque chose d’à peu près confortable. Auparavant, je m’étais toujours reposé à même le sol dans la glace. L’arrivée de la jeune femme dans ma vie l’avait changée du tout au tout.

Il fallait que je me repose correctement. En effet, elle venait de me promettre que mon entrainement commencerait demain. J’étais si excité à cette idée. Je voulais devenir aussi fort qu’elle. L’élémentale m’embrassa sur le front et, rapidement, Morphée m’appela à ses côtés.

Mes rêves furent un aperçu de ce qui m’attendait le lendemain. Je me voyais projeter des ondes de vent qui bouleverserait le sens des vagues. Je me voyais déchainant une tornade au milieu de l’océan. Je m’imaginais m’envoler. J’avais hâte d’être capable de réaliser toute ces choses. D’ailleurs, dans mes songes, il m’arrivait souvent d’ordonner à tous les éléments. J’étais capable de dresser le feu, d’appréhender l’air, de maîtriser l’eau, de quémander à la nature, d’ériger le métal, d’élever la glace et de révolter l’électricité. Tous les éléments m’obéissaient et j’étais le plus fort de tous. Ces douces chimères me berçaient d’illusion.

Les premiers rayons du soleil vinrent chatouiller mes yeux. Bientôt, la lumière me dérangea tellement que je n’eus plus d’autre choix que de me réveiller. Lysis n’était plus là. Mon cœur se serrait. M’avait-elle abandonnait ? Je fis quelques pas avant de me rendre compte qu’elle se tenait là, debout face à l’immensité de l’océan. Je m’étirai et attrapai un fruit avant de la rejoindre en courant.

« Bonjour ! »

Je lui lançais un grand sourire. Je sautillais d’excitation. J’avalai rapidement mon déjeuner avant de continuer.

« On va commencer ? »