L'altruisme? Ce n'était pas vraiment la tasse de thé de Mana. Pourquoi se fatiguerait-elle à aider les autres alors qu'elle avait déjà tant de mal avec sa propre personne? Et qui viendrait à son aide si elle en avait besoin, elle, une démone? Elle était trop fière pour cela, trop difficile aussi, et trop éprise de son libre-arbitre, de son indépendance. Elle était même prête à avouer sans détour qu'elle préfèrerait mourir bêtement plutôt que laisser le sort de son existence entre des gens de peu d'envergure, ou même des humains... surtout des humains. Elle avait beau faire, elle méprisait toujours autant ces créatures faibles bien que sa haine n'avait rien de logique... et elle le savait. L'irrationnelle. C'était elle. Elle acceptait la chose ainsi.

Quoiqu'il en fut, pour une raison qui échappait une nouvelle fois à toute la compréhension du monde, Mana continuait son éternelle fuite, celle de la foule et du monde. Toutefois, pour cette fois là, ses pas l'emmenèrent dans le désert le plus torride que l'on pouvait trouver... mais cela était tellement peu comparer à celle de l'enfer, cette chaleur. Ici, le soleil était doux comparé aux flammes de l'autre monde, ici, vos poumons ne s'embrasaient pas à chaque respiration. De toutes façons, Mana était de ces femmes qui supportaient un tel environnement, et sa peau brune pouvait sans nul doute en être le témoignage le plus éloquent. Ce fut donc dans des circonstances totalement fortuites qu'elle se retrouvant à vagabonder au sein des dunes jusqu'à ce que sa nonchalance naturelle prenne le dessus. Elle en avait déjà assez. Cela ne faisait que quelques heures mais cela l'épuisait déjà. Sa paresse aurait peut-être raison d'elle mais qu'importait.

Portant alors son regard sur l'horizon, elle crut pendant un instant discerner des ruines, du moins ce qu'elle interpréta comme tel. Cela pouvait être un mirage, une illusion, une tromperie de ces yeux... mais elle se fit simplement à son instinct qui la guida... au pied d'une pyramide. Qui avait pu construire une telle chose en plein cœur du néant? La réponse lui importait peu, elle préférait simplement trouver un petit coin d'ombre où elle pourrait dormir. Juste dormir. Qu'importait les scorpions ou les pillards du désert, il regretterait sans nul doute de la réveiller.

Quelques minutes, quelques heures... allez savoir le temps qu'elle s'était assoupie. Jusque là, elle avait ressenti la chaleur des rayons du soleil sur sa peau, de ce ciel qui ne se voilait jamais. Mais brusquement, une ombre se pencha sur elle, comme si elle cherchait à vérifier si elle était en vie... en guise de réponse, elle ouvrit brusquement les yeux, surprenant alors l'intrus qui, surprit, recula. Il faisait bien car si il y avait une chose qu'elle ne supportait pas, c'était d'être réveillée brusquement. Et pour rien surtout. Se relavant maladroitement, essuyant alors les quelques grains de sable qui la gênaient, elle pointa alors ses yeux sur l'individu gênant avec une expression sévère.

" Une question stupide ne mérite pas de réponse. "

La voix de la jeune femme était grave et vibrante... et autant dire qu'elle n'était que peu heureuse sur l'instant.

" Je dormais. Et si je cherchais quelque chose, je ne le ferais certainement pas les yeux fermés. "

Sur ces paroles peu avenantes, Mana tourna directement le dos au jeune homme et entreprit de reprendre la route sans poser la moindre question. Il fallait dire qu'elle n'était pas spécialement curieuse et la vie des autres ne l'intéressait pas le moins du monde... elle ne s'intéressait à plus personne depuis déjà bien longtemps, cela n'apportait que du malheur.

Citation :

" Une question stupide ne mérite pas de réponse. "

" Je dormais. Et si je cherchais quelque chose, je ne le ferais certainement pas les yeux fermés. "

"Alors ça, ça a le mérite d'être clair ! Elle veut pas de toi...". Oui mais malheureusement Cocoon avait besoin d'aide pour trouver ce qu'il cherchait. Il rattrapa la jeune femme qui s'éloignait prestement et lui tendit un bout de papier.

-Je dois retrouver cet homme, on m'a dit qu'il cherchait des gens agiles et robustes pour effectuer un travail, en échange de réponses.

Il hésita un moment.

-Il paraitrait qu'il est dans le désert... Vous le connaissez ?

Le papier toujours à la main, inscrit du nom du type dessus, il dégagea son visage du turban. La chaleur du désert le faisait suffoquer, et à vrai dire, il était un peu perdu. Cette jeune femme ne devait pas être là par hasard, se dit-il, elle saura surement l'aider. Mais la mine sévère de la jolie créature lui laissa un certain bénéfice du doute. Sa peau le brulait malgré ses voilages blancs et il avait constamment quelques grains de sable dans la bouche. Un peu irrité de cette situation il fini par dire :

-Peut être pouvons nous nous aider ? Si vous cherchez quelque chose et moi aussi, ce serait peut être plus agréable de s'aider de manière à sortir rapidement de cette fournaise.

"A voir comment elle se porte, elle n'a pas l'air aussi accablée que toi par la chaleur idiot... !" ...certes. Mais cela ne répondait pas à sa question, l'Autre était bien gentils mais trop sarcastique en ce moment. D'une pensée il le fit disparaitre de son conscient de manière à se concentrer sur la jeune femme, lui, et leur conversation. Le fait de rester planté là l'angoissait que plus. Si la jeune femme refusa -et c'était tout à son honneur- il devra y aller seul, et trouver lui même ses réponses. Elle avait l'air peu heureuse qu'il l'ait réveillée et encore moi qu'il lui adresse la parole mais à ce moment il se sentit dans la détresse. Perdu, au milieu d'une mer de sable, sans pouvoir s'orienter un instant, et une créature atypique, ici, avec lui... Il prit ça comme une main tendue. Il se disait que l'occasion était là, il ne pouvait pas la laisser filer. Une espèce de tourment se lisait des ses yeux bicolores. Tourmenté à l'idée que cette dame parte, qu'il ne trouve pas le type dont le nom est inscrit sur le bout de papier, et tourmenté aussi à l'idée de devoir rebrousser chemin dans un endroit où les sens d'orientation sont erronés. Pour lui. Une espèce de pitié du se lire dans ses yeux. Bon sang, en être réduit à ça... Inspirer de la pitié. "Oui mais là on est perdu et seuls, alors faut bien que tu t'en tire !" ...saloperie de conscience.

Mana avait déjà tourné les talons que l'impudent qui l'avait réveillé la rattrapa. Bien entendu, la jeune femme ne put retenir un soupir qui était long de sens avant de se retourner vers lui, et de pointer son regard étrange sur lui. Il était moins sévère qu'il y avait quelques secondes mais trahissait aisément son agacement. Et la démone n'était du genre à cacher ce genre de chose. Bien qu'elle n'était guère spécialement intéressée par l’inopportun, elle daigna tout de même se saisir du bout du papier qu'il lui tendit et lut le peu qui avait inscrit. Là, tout aussi vite, elle lui rendit mais ne lui fournit aucune réponse. Ne pensez pas que l'on obtenait aussi facilement des réponses de la bouche d'une femme si peu avenante et taciturne.

" Est-ce que j'ai l'air d'être un guide touristique? "

La voix de Mana était profonde et vibrante mais dénuée de cruauté. C'était d'ailleurs plutôt curieux. Mais il fallait dire que la jeune femme était un sacré phénomène dans son genre, à la fois en tant que démone, mais aussi en tant que femme. Dans tous les cas, d'après son attitude, elle n'était pas prompte à vouloir rendre service à l'orisha, trahit par ces yeux vairons.

" Qu'est-ce qui vous fait dire que je suis ici parce que je cherche quelque chose? "

Est-ce que cela pouvait être tellement visible ou n'était-ce qu'une impression à cause de la rudesse du paysage? Il était évident que peu de personnes partiraient se promener dans le désert pour la beauté de ses dunes ou pour vivre une drôle d'expérience farfelus au travers des mirages que la chaleur pouvait vous faire percevoir. Mais en revenant au sujet principal, Mana ne cherchait rien de particulier, mais elle avait entendu beaucoup de choses, de légendes, ou des trucs du genre. Peut-être que dans son subconscient, elle espérait qu'elle tomberait sur une chose qui la surprendrait. A la place, elle avait droit à un homme qui affichait un air de chien battu. Bizarrement, cela lui rappelait quelqu'un, qui avait tenté d'attirer sa pitié en jouant les imbéciles... bien que dans notre cas, l'orisha semblait bien désespéré, lui.

L'observant toujours avec silence, elle n'avait pas sourcillé une seule fois... et elle reprit la route. Sans donner de réponse, sans se retourner, elle reprit simplement sa marche... Mais alors qu'elle partait, sa voix s'éleva soudainement, comme si la providence était du côté de l'orisha.

" L'homme que tu cherches est le propriétaire du galion des sables. Des pillards lui ont volé depuis des années maintenant... et personne n'a réussi à le retrouver et à se débarrasser des voleurs. Si tu veux vraiment le trouver, va falloir chercher son navire. "

La voix de Mana se faisait de plus en plus faible au fur et à mesure qu'elle continuait sa route, mais brusquement, elle s'écria plus fort.

" Ne crois-pas que je vais t'attendre l'orisha. Si tu souhaites mettre la main dessus, va falloir me suivre... ou sinon nos chemins se séparent ici. "

La jeune femme leva la main, comme si elle daignait lui offrir un signe d'au revoir, sans qu'elle ne se retourne. La route serait pénible, longue, difficile, et brûlante. Le désert ne ferait pas de pitié au faible et il était déconseillé de rester sans rien faire quand on ne pouvait supporter un tel climat...

D'accord, aux premiers abords elle n'était pas très gentille, même pas du tout, assez antipathique et taciturne.

Citation :

" Est-ce que j'ai l'air d'être un guide touristique? "

Non c'était le moins qu'on puisse dire. Ni l'air, ni le physique, ni même l'impression. Et visiblement elle ne voulait pas l'aider.

Citation :

" Qu'est-ce qui vous fait dire que je suis ici parce que je cherche quelque chose? "

Hum... C'était le moment pour Cocoon de creuser sa propre tombe. Cette femme ne cherchait rien, elle était dans le désert pour une raison inconnue et visiblement, la plus évidente ne l'était pas. Ils étaient là, tous les deux, il pensait qu'elle était un don du ciel, un signe quelconque, et elle, elle trouvait juste que c'était un petit être qui l'importunait. Et puis son visage afficha encore plus de désespoir. C'était perdu d'avance. Vraiment. Mais contre toute attentes, la jeune femme lui attrapa son papier et lu d'un coup d'œil. Elle lui rendit. Elle partit. Comme ça, simplement. Elle partit. Et alors que Cocoon allait tomber à genoux, sous cette chaleur accablante, la tourmente en plus et le désespoir pour cause, sa binome lança en s'éloignant :

Citation :

" L'homme que tu cherches est le propriétaire du galion des sables. Des pillards lui ont volé depuis des années maintenant... et personne n'a réussi à le retrouver et à se débarrasser des voleurs. Si tu veux vraiment le trouver, va falloir chercher son navire.
Ne crois-pas que je vais t'attendre l'orisha. Si tu souhaites mettre la main dessus, va falloir me suivre... ou sinon nos chemins se séparent ici. "

Oh bordel ! Malgré son corps alourdie, il se mit à trottiner dans les dunes pour rattraper l'être qui ne subissait en rien la chaleur. Bizarrement il se sentait bien mieux en marchant et gigotant, qu'en restant statique ! Qu'à cela ne tienne. Il rattrapa bien vite la créature et la suivit sans un bruit pendant un moment.

-Au fait, mon nom est Cocoon. Ca pourra peut-être être utile.

Et puis il se tut.
Au bout de quelques minutes, peut être quelques heures -le temps ne semblait jamais finir ici- Cocoon commençait légèrement à traîner la patte. La marche silencieuse, sans savoir où cette femme l'emmenait, ne faisait qu'empirer cette sensation de panique au fond de lui. Et puis, alors qu'ils gravirent une dune plus haute que haute, il aperçut un petit village pittoresque et asséché. Des genres de huttes, construites en un cercle, formait le hameau. En son centre trônait un grand arbre vert.

-Tu crois que le type est là dedans ? Ca a l'air sans vie...

Effectivement, cela semblait désolé, mis à part l'arbre. Mais sans se laisser démonter, l'orisha se dirigea vers les bâtisses, descendant la grande dune de sable. Rien n'avait l'air très accueillant et personne n'était dehors. En même temps avec la chaleur qu'il faisait cela se comprenait. Cocoon remarqua qu'une des huttes était plus grande et plus large que les autres. Une fois sous l'arbre, et dans le peu d'ombre qu'il offrait, il fit un signe de tête vers la grande chaumière.

-Peut-être que celui qui habite là dedans est quelqu'un comme "l'ancien du village" ou "le sage". Tu sais quelque chose là dessus ? Peut être ce n'est pas bon de s'aventurer dans ces maisons...

L'orisha se ravisa de tous gestes inopportuns, préférant se fier à la femme avec qui il faisait route. Elle avait sans doutes beaucoup plus de connaissances que lui de ce milieu.

Mana pouvait être une femme particulièrement nonchalante, si ce n'était pour dire que tel était sa nature. Elle était la dernière personne qui voudrait se salir les mains, surtout quand elle ne portait aucun intérêt à la chose. L'altruisme? Trop peu pour elle. Cela ne lui rapporterait rien si ce n'était une perte de temps. Aider les autres pour avoir bonne conscience? Elle était une démone, elle n'avait guère ce genre de considération. Aimer ou être détestée, elle s'en moquait, comme la majorité des remarques que l'on pouvait bien lui faire. Mana était une personne qui estimait n'avoir plus rien à perdre si ce n'était sa propre vie. Lourd fut le châtiment que lui imposa sa famille en la répudiant de leur royaume, et la trahison fut d'autant plus grande que Mana trompa les siens au prix d'un sacrifice que ces derniers ne pouvaient comprendre. Si la mort lui avait été offerte, elle aurait été plus douce que l'existence d'errance à laquelle elle s'abandonnait. Peut-être pour se punir elle-même, choisissait-elle cet étrange style de vie vagabonde? Où bien était-elle vraiment pourvu d'une indifférence si grande envers le monde qui l'entoure? Cela était bien difficile à dire, mais elle s'en accommodait ainsi.

Se moquant alors de savoir si l'orisha rencontré suivait ses pas, la démone avançait dans le désert comme si elle connaissait sa route. Ce n'était guère vraiment le cas. On ne pouvait connaître le désert car il était changeant. Les dunes se modelaient et se remodelaient au grès du vent, les paysages changeaient inéluctablement... Mais elle préférait continuer à marcher plutôt que de rester immobile car sinon, le danger caché sous les sables pourrait avoir raison de leur personne. Elle ne pourrait connaître leur position uniquement lorsque la nuit tomberait et que le ciel présenterait les étoiles. Là, et uniquement à ce moment là, la démone serait apte à savoir si ils se trouvaient sur le bon chemin ou non. Toutefois, ce fut un détail qu'elle ne prit pas la peine de donner à l'homme qui la suivait.

A vrai dire, Mana ne se donna pas la peine de dire quoique se soit à celui qui se présenta comme se nommant Cocoon. Elle ne daigna guère lui donner sa propre identité, ni même à lui porter la moindre attention. Non. Seul le silence pesant de la démone serait le compagnon... et cela ne changerait pas jusqu'à ce qu'il atteignit le sommet d'une haute dune. De leur forte position, les deux jeunes gens purent percevoir plusieurs petites huttes modestement construites, formant un cercle ou ce qui s'apparentait à une sorte de village miniature, voir tout simplement un campement. Le plus étrange - et le plus suspect - était que ces pauvres habitations gravitaient autour d'un arbre feuillu et bien vert. Autant dire que cela n'était guère banal dans un désert. Soit cela signifiait qu'il y avait de l'eau sous ses racines, soit qu'il existait une magie derrière ce miracle.

Alors que la démone observait sagement, elle n'eut guère le temps de répondre à Cocoon que ce dernier se dirigea en direction des pittoresques bicoques en contrebas. Face à un tel comportement qui manquait de prudence, Mana ne put retenir un soupir alors que ses yeux roulèrent comme des billes dans ses orbites. Le suivant alors simplement, presque sagement, l'orisha se mit à l'ombre de l'arbre et semblait avoir cerner une manifestation de vie dans la plus grande des huttes. Mais puisque personne ne semblait les accueillir, aux yeux de Mana, ce n'était guère encourageant. Un piège? Peut-être.

" Ce n'est pas bon de s'aventurer dans ces maisons, dis-tu? Rappelle-moi qui est descendu rapidement dans ce coin sans réfléchir, l'orisha. Si tu souhaites mourir, alors fais-le seul... mais si je me tiens à tes côtés, ne te montre pas inutilement imprudent. "

La voix de la démone résonna de manière tranchante et montrait qu'elle n'était guère heureuse de cette situation, comme au début d'ailleurs. Mais qu'importait...

" Mais puisque nous sommes là, autant demander si on peut nous aider. Va frapper à la porte pour te renseigner. Comme tu as pu peut-être le remarquer, je ne suis pas la mieux placer pour faire bonne impression. Demande simplement si ils possèdent le moindre renseignement sur le navire que nous cherchons... ou même sur les pillards. Plus nous les cernerons, mieux nous pourrons les trouver. "

Et bien entendu, paresseuse comme elle était, elle obligea littéralement l'orisha à quémander de l'aide alors qu'elle s'installa près de l'arbre, au pied duquel elle s'allongea.... Moins elle en faisait, mieux elle se portait... Cocoon avait guère de chance d'avoir trouvé une telle partenaire...

Antipathique. Taciturne. Autant d'adjectif qui pouvait parfaitement correspondre à ce que l’intrigante Mana laissait échapper de sa personnalité. Pour beaucoup, cela pourrait suffire à la cerner mais cela serait bel et bien un tord, ou tout du moins, cela ne pourrait être à la hauteur de la réalité de sa complexité. Mais ce n'était pas comme si la démone tentait d'être ce qu'elle n'était pas ou bien s'appliquait à produire le moindre effort pour entrer dans le moule de la complaisance. Non, elle ne serait pas douce, elle ne serait pas tendre si elle n'en avait le désir. Non, elle ne serait pas aimable si son cœur ne l'inspirait pas. Non, elle ne serait pas charitable pour seulement se donner bonne conscience. Pourquoi courrait-elle après la satisfaction des autres? Est-ce que les individus qui l'entouraient lui porteraient la même considération qu'ils réclamaient de sa part? Qu'importe les personnes qu'elle croisa sur sa route, ses oreilles avaient toujours ouï la même rengaine, des demandes, des vœux, des attentes que l'on guettait de sa part sans se soucier un temps soi peu de ce qu'elle désirait véritablement pour elle, sans se soucier si ce qui lui servait de cœur était d'accord, sans se soucier si elle pouvait être de ces gens que l'on blessait... Une apparence solide, un regard sévère, ne pouvait vous parer des meurtrissures du temps et de l'existence, seulement vous permettre de faire bonne figure avec un visage qui ne vous trahirait pas. Si seulement le monde savait... si seulement le monde savait l'humanité qui brillait dans la pénombre de ses sentiments endormis. Lorsque l'on était une âme froissée, bien long serait le chemin de la guérison.

Allongée avec la nonchalance qui était la sienne, la jeune femme ferma simplement les paupières à l'ombre de son arbre, tendant légèrement l'oreille en direction de l'orisha qui s'était appliquée sa suggestion. Toutefois, la démone ne daigna pas tourner la tête vers les pauvres gens qui ouvrirent la porte de son camarade, ni même les observer. Leurs voix, leurs tons, étaient amplement suffisants pour qu'elle se fasse une légère idée de l'étrange couple qui se tenait ici, sans doute identique à tous les autres. Vieux, ennuyeux, grabataires. Rien d'exploitable en sommes.

Mana guetta alors simplement que l'orisha vienne à ses côtés, qu'il parle tout en attendant peut-être une réponse de sa part, réponse qu'il n'était pas assuré d'avoir. Mais les miracles avaient parfois lieux contre toute attente.

" Le désert n'est pas plus grand que n'importe quelle autre contrée. Chose qui n'est pas le cas en ce qui concerne la stupidité humaine... "

Elle ne le visait pas bien entendu car il n'était guère de ce peuple, mais c'était une remarque qu'elle ne put contenir. Et si l'orisha venait à l'interroger sur ces propos, il était peu probable qu'elle lui donna satisfaction par une explication. Afin d'éviter cela, elle préféra simplement enchaîner sur les questionnements du jeune homme.

" ... et si tu es en train de me comparer à eux, sache que ce n'est pas le désert que tu devras craindre. "

A cet instant là, Mana ouvrit enfin les yeux, mais resta toujours allongée. Elle dirigea son regard sévère en direction de Cocoon montrant sans doute qu'elle ne plaisantait pas. Mais aussitôt, elle préféra porter le sujet de leur conversation sur l'objet de leur recherche.

" Il faudrait en savoir plus sur les pillards. Pourquoi ils auraient volé un vieux galion? Je ne vois pas l'intérêt de quelque chose d'aussi encombrant... M'enfin, nous devons privilégier notre recherche sur le navire, nous trouverons son propriétaire plus tard. Au pire, il le cherche aussi et nous le croiserons forcément. Quant à ces vieux villageois, acceptons leur hospitalité... il semblerait qu'une tempête de sable se lève... "

Mana pointa alors du doigt un énorme nuage au loin, ou plutôt, la dite tempête qui s'avançait à pas de géant. Il n'était guère approprié de continuer une route avec pareil danger aux trousses avec tout ceux qui existaient déjà. Se relevant enfin avec une énigmatique souplesse, la démone porta son attention vers une cahute dont les volets étaient ouverts. Pour une fois, cela signifiait simplement que le lieu était inhabité - après tout, si quelqu'un y habitait, avec un soleil aussi lourd, ils les auraient fermés.

" Nous dormirons dans cette bicoque. Enfin... nous nous reposerons. Nous reprendrons la route après que la tempête soit passé. Au pire, nous reprendrons la route cette nuit. Il fera plus frais et le ciel sera dégagé pour poursuivre notre route. "

Sans demander son reste, la jeune femme s'embarqua dans la maisonnette sans demander la moindre permission, ni même attendre la réponse de l'orisha.... mais maintenant, le jeune homme devait y être un peu habitué.