Lily-Lune demeurait immobile au bord d'un petit sentier en terre battue qui parcourait le grand parc renommé du continent du matin calme. Ses grands yeux noirs ensorcelants contemplaient le lointain, fascinés par la beauté des arbres en fleurs. Pourtant, son visage de lys n'exprimait que très peu d'émotion, comme souvent. Il était tellement dur de savoir ce à quoi pensait la jeune reine qui paraissait tellement flegmatique. Les mains jointes, elle se tenait comme d'habitude bien droite, légèrement cambrée, sa posture naturelle. Elle dégageait sans effort une certaine prestance, une élégance à la fois angélique mais avec un petit côté sauvage, insaisissable. Sa si longue chevelure d'ébène était quelque peu remontée en un espèce de chignon sur le sommet de sa tête, mais la plupart de la soyeuse tignasse de la demoiselle était libre, et voletait doucement au gré du vent frais qui soufflait. Comme souvent, elle portait une robe de sa confection, bien plus élégante et complexe que celle qu'elle réalisait il y a quelques années. La robe était noire, sans que cela saute aux yeux grâce aux nombreux motifs blancs, rouges et roses qui la parcourrait. Sans manche, le haut ressemblait à un corset lassé qui soulignait la silhouette élancée de la jeune femme et mettait en valeur ses formes harmonieuses tandis que le bas était plus évasé, vaporeux, et suivait le mouvement des bourrasques qui n'étaient pas désagréable avec la grande chaleur ambiante. Le soleil de midi brillait bien haut dans le ciel d'azur, sans nuage à l'horizon, et ses vicieux rayons frappaient avec violence la peau si blanche de Lily-Lune.

« Ma Dame...»

Lily tourna très légèrement la tête, détournant à regret ses prunelles du paysage pour les poser sur la jeune orine qui venait de prendre timidement la parole. La petite rousse baissa la tête, gênée de devoir contredire les désirs de sa reine. Mais d'un sourire, la jeune femme l'incita à exprimer sa pensée, ce qu'elle s'empressa de faire d'une petite voix:

«Nous devrions y aller si vous ne souhaitez pas rater la plupart des combats.»

Lily-Lune fixa le ciel, pensive. Ce n'était guère dans ses habitudes d'aller à l'arène pour voir des affrontements, mais ces rêves depuis quelques temps l'avaient convaincu de se rendre dans ce lieu de violence. Elle hocha la tête puis rejoignit Johanna, l'orine qu'elle avait choisis pour l'accompagner. Celle ci lui tendit une grande ombrelle blanche, inquiète des effets que pourraient avoir l'agression du soleil sur sa reine. Lily-Lune soupira, lasse, de sa voix claire et douce comme du cristal:

« Je ne suis pas une petite poupée de porcelaine, fragile et délicate.»

« S'il vous plait... Cela me rassurerait.»

« Mais de quoi vais-je avoir l'air!»

« D'une Reine, Ma Dame.»

Lily-Lune laissa un petit rire semblable à des clochettes s'échapper de ses lèvres naturellement rouges comme le sang. Ne souhaitant pas s'attarder sur un sujet aussi futile, Lily prit l'ombrelle.

Le chemin pour arriver jusqu'à l'arène fut assez court, ou du moins, il le parut. Surement grâce au temps plus que splendide, l'air frais ou flottait un doux parfum de fleur. L'ambiance changea radicalement lorsque les deux jeunes femmes pénétrèrent dans le lieu des combats. Par réflexe, Lily-Lune porta ses longs doigts près de son nez, légèrement dégoutée par l'odeur désagréable de sueur et de sang qui embaumait l'air si pur du parc. Les affrontements devaient être acharnés, et la chaleur étouffante avait raison de bien des concurrents. La jeune cheffe laissa son regard vagabonder, à la recherche de quelqu'un de bien précis...

Kévia mordit la poussière. Allongée de tout son long sur le ventre, contre la terre brulante de l’arène, la jeune femme soupira difficilement. Il faisait chaud… Tellement chaud. Mais pour le moment elle n’avait pas réellement le temps de se morfondre sur le temps qu’il faisait et le sifflement qu’elle entendit dans son dos se chargea de le lui rappeler. Elle roula lourdement sur elle-même et évita de peu le sabre qui s’enfonça dans le sol non loin de son épaule. A présent sur le dos, elle prit appuie sur ses mains et frappa aussi fort que possible le buste de son adversaire qui s’était penché pour récupérer son arme. Elle l’envoya voler à plusieurs mètres et le choc avec le sol fut brutal.

La jeune femme se releva. Elle était sale, remplie de terre que la sueur collait à même sa peau. Elle ne portait pas beaucoup de vêtements, pour ne pas être encombrée. Juste le nécessaire pour être présentable. Un simple pantalon de toile moulant et une chemisette sans manche tout aussi près du corps. Kévia essuya avec la sa main sale, la sueur qui coulait de son front et fit rouler ses épaules musclée. Physiquement, elle était plus impressionnante que son adversaire ce qui avait profondément vexé ce dernier. Il n’avait que peu supporter qu’une femme puisse être plus musclée que lui, d’où le fait qu’il ait choisi un combat à l’arme et non un combat à mains nues. Mais à présent, lui n’avait plus son sabre et elle, avait déjà perdu son épée plus tôt.

Alors que l’homme se relevait de son côté, elle se jeta sur lui et lui assena un coup de coude dans la mâchoire lui arrachant un cri de douleur. Les états d’âmes, ce n’était pas vraiment le point fort de Kévia. Elle avait besoin d’argent, cruellement besoin d’argent, et on lui avait proposé une petite somme à chaque personne qui déclarait forfait face à elle ou qui n’était plus en état de combattre. L’homme qu’elle était en train de mettre à terre était le 3^ème . Un homme a qui on avait dû promettre la même chose. Elle se mit à cheval sur lui et leva son poing pour l’abattre sur son visage mais un cri l’arrêta à quelques centimètres du nez…

"STOP ! …Stop… C’est bon… J’abandonne. "

Kévia rejeta la tête en arrière et se laissa tomber sur la terre poussiéreuse relâchant son emprise. Il lui fallait de l’eau et quelques minutes de pause si elle voulait enchainer avec la 4^ème personne. Mais les organisateurs de ce petit tournoi ne le voyaient pas de cet œil et un homme frais et en forme arrivait déjà de l’autre côté de l’arène. Au loin, elle voyait deux autres personnes se battre aussi avec acharnement. Des désespérés sans doute comme elle. Ou des fauchés plutôt. Mais il fallait avouer que c’était une façon comme une autre de se faire un peu d’argent.

La jeune femme leva les yeux vers les gradins pour chercher du regard Arkos. Il était couché l’air désespéré de voir sa maitresse dans cet état là. En le voyant aussi dépité elle eut un pincement au cœur mais ne lui dit rien. Elle finirait ce quatrième combat et s’arrêterait là. Elle allait détourner les yeux pour les reporter sur son adversaire qui approchait mais une silhouette l’interpella. Cette silhouette détonnait tellement avec celle des autres spectateurs. Elégante, posée, il se dégageait une telle prestance que Kévia eut du mal à détacher son regard. Elle ne l’avait pas remarqué lors de son premier combat, mais ils s’enchainaient si vite qu’elle ne pouvait pas dire quand cette dame avait pu arriver. Qu’est ce qu’une personne comme elle faisait dans un tel endroit… Le coup de poing qui s’abattit sur sa joue ne lui laissa pas le temps d’y réfléchir.

« Eh mince … manquait plus que ça ... » lâcha t-elle en crachant du sang. Il venait de lui ouvrir la lèvre. Elle avait pu éviter jusque là les blessures au visage mais celle-là elle ne l'avait pas vu venir.

Lily-Lune observa avec la plus grande attention les combats qui se déroulaient dans cette belle Arène, sous ce soleil de plomb. Demoiselle jeune, élégante et délicate, elle et la jeune Orine qui l'accompagnait ne passaient pas inaperçu dans les parages, dans ce monde de brutes et de violence. Quelques spectateurs détachèrent même leur regard de leur favori qu'ils encourageaient à corps et à cris depuis des heures pour lorgner quelques instants les deux jeunes femmes, qui ne prêtaient guère attention à eux. La souveraine n'était pas ici par hasard, et comme bien souvent, elle avait une petite idée derrière la tête, et elle ne comptait pas se laisser distraire pas de vulgaires enfantillages. Ses grands yeux de poupée vagabondèrent sur le petite assemblée, scrutant chacun des participants qui donnaient jusqu'aux dernières miettes de son âme pour gagner le moindre affrontement. Des hommes, pour la plupart, grands, forts et robustes, aux muscles impressionnants. Lily-Lune afficha une petite moue désappointée mais ne perdit pas espoir. Et c'est alors qu'elle la vit. Un petit sourire étira lentement les lèvres d'un rouge ensanglantée de la jeune femme. Elle apercevait la silhouette imposante d'une demoiselle qui mettait dans chacun de ses coups toute la rage et la détermination qu'elle pouvait, comme si chacun était le dernier. L'Orine l'observa longuement, et vit avec une certaine satisfaction qu'elle remporta la victoire face à un homme d'une race très certainement maléfique. « Excusez moi» murmura-t-elle de sa voix de velours à l'intention d'un des organisateurs qui était assis non loin de là. Le petit bonhomme, immédiatement, se releva d'un bond, le front en sueur et le regard lubrique pour faire face à Lily et lui demander si elle avait le moindre problème.

« Pas le moindre, Monsieur, j'aurais simplement souhaité vous poser une simple question.» - « Avec le plus grand des plaisirs, je vous écoute.» - « La jeune femme qui combat là-bas...» Il ne la laissa même pas terminé sa phrase. C'était le genre à connaître tout les participants d'un tournoi, et ce n'était guère difficile de retenir la seule femme parmi la foule d'hommes. « Ah ah … Vous voulez parlez de cette fiche Kévia? Ne prêtez pas attention à elle, c'est une de ses fichues humaines en manque d'argent qui n'a rien trouvé de mieux à faire pour en gagner un peu.» Lily-Lune fronça délicatement ses petits sourcils noirs. « Pourquoi tant de rancoeur à son égard? Seriez vous embêter qu'une femme se débrouille mieux qu'un homme?» - « Et bien disons que... voyez vous, dans une société, tout le monde à une place bien déterminée. Et celles des femmes est … disons.. comme vous, m'enfin !» Il se tût, conscient qu'il venait très certainement de dire un idiotie. « Comme moi?» répéta lentement Lily-Lune trop lentement et doucement pour que ce ton délicieux ne dissimule pas une grande colère. « Oseriez vous insinuer que les femmes ne sont que des poupée avec lesquelles jouer? Non ne repondez pas. J'en ai finis avec vous. Au plaisir.»

Elle fit quelques pas dans l'arène, sans plus accordez un regard au petit homme qui bafouillait quelques phrases maladroites pour tenter de rattraper son erreur, pourtant irréparable. Lily-Lune ne s'approcha pas trop de la dénommée Kévia qui combattait toujours avec autant d'ardeur contre un nouvel adversaire fraichement arrivé. C'était tellement déloyal... La jeune femme se contenta de la regarder se défendre, en silence. Elle ne s'attendrait guère à ce que l'humaine croise ses yeux et s'en voit troublée, au point de prendre un coup, par surprise. Lily-Lune fit une charmante petite grimace, désolée, se doutant que cela devait être douloureux. Tant pis, elle allait jouer la carte de l'audace. Elle se faufila à travers les différents combats sous les plaintes de la jeune fille qui l'accompagnait mais qui n'osa la suivre, jusqu'à rejoindre Kévia et son adversaire, qui resta bouchée bée face à cette apparition.

« Excusez moi. Je viens vous emprunter la demoiselle que voilà. Considérer donc que vous avez gagné votre combat, Monsieur. Et vous, mademoiselle, ne m'en voulez pas de vous avoir interrompu ainsi et de vous déclarer perdante.»

Elle fouilla distraitement dans les pans de sa grande robe pour en sortir une petite bourse qu'elle lança à la jeune femme. Des tintements métalliques résonnèrent doucement. Il devait y avoir la dedans bien plus d'argent que tout ce qu'elle aurait pu gagner si elle été allée au bout de ce tournoie. « Suivez moi, j'ai une offre à vous faire.» Elle sourit.