La nuit était calme et chaude et je m'avançais sur le continent du matin calme avec l'étrange impression d'être une sorte de pilleuse de tombe. Je n'aimais pas beaucoup l'étrange atmosphère des cimetière mais j'étais ici pour un but bien précis : chercher si le nom de « Frey » apparaissait sur l'une des tombes. D'un côté, je ne souhaitais pas voir le nom de mon fiancé sur l'une de ces stèles funéraires et de l'autre, cela pourrait m'apporter des réponses. Bien sûr, je savais au fond de mon subconscient que ce nom n'apparaîtrait pas, mais je venais ici tout de même une fois par mois, de nuit.

J'avais d'ailleurs décidé que ce serait la dernière fois que je viendrai car il était temps pour moi de passer à autre chose, de refaire ma vie. J'avais comme projet de me rendre dès le lendemain à l'atelier Shidori afin de rencontrer Orion et de le prier de bien vouloir devenir mon maître. Je n'avais aucun talent mais j'aimais beaucoup confectionner des habits pour mes amies les fées de la rivière éternité. Je me disais que, peut être, le magicien accepterait de me former à ce métier que je trouvais exceptionnel. Enfin, demain serait un autre jour et pour le moment, je me concentrais sur les tombes, marchant dans les allées inlassablement.

Mon rythme était régulier et la raison en était simple : j'étais fatiguée et la nuit rendait difficile la distinction des lettres sur les tombes. Enfin, j'étais déjà venue ici plusieurs fois et les tombes que je parcourais à ce moment même dataient de plusieurs années. Cela me rendait triste de me rendre dans les cimetières car, si au début, certaines tombes étaient joliment habillées de fleurs en tout genre déposées par les proches, plus le temps passé plus ces fleurs fanaient, de moins en moins remplacées. Et puis, au fur et à mesure, plus personne ne venait en ce lieu se recueillir sur les stèles de leurs ancêtres, celles-ci restant grise, seulement décorées par les mauvais herbes et les ronces. Il n'y avait plus aucune note de couleur et cela rendait le tout lugubre. L'oublie était vraiment une chose terrible.

Alors que j'avais presque finis mon tour du cimetière et m'apprêtais à séjourner à l'auberge, quelqu'un vint vers moi me demandant d'une voix étrange ce que je faisais ici. Je ne remarquais pas le fait que la personne soit une sorte de mort-vivant et aussi, je lui répondis, les yeux dans le vague :

"Disons que je me balade...et vous?"

Alors que je me tournais vers la personne, je ne pu m'empêcher d'émettre un sursaut devant le physique en décomposition de l'être qui me faisait face. Cependant, je ne fis aucun commentaire, me disant que peut-être cette personne avait-elle une maladie. A vrai dire, je venais de l'océan et mon statut de sirène me faisait ignorer bien des choses. Après tout, il y a à peine quelques jours, j'ignorai que mon animal de compagnie, qui grognait maintenant contre l'inconnu, était un chien.

J'attendis donc, mon instinct me recommandant tout de même d'éviter de m'approcher de trop près de cet être étrange.

Je ne tardais pas à voir l'être étrange qui m'avait adressé la parole se retirer. Il était vraiment hors du commun et, de ce fait, ne ressemblait à aucun être qu'il m'avait été donné de rencontrer par le passé. Certes, en tant que sirène je ne connaissais encore qu'un ressort limité des terres du yin et du yang et j'étais conscience que ma trop grande estime de moi m'avait empêché d'ici là de m'intéresser vraiment aux autres. Peut-être donc avais-je rencontré des êtres semblables sans m'en rendre compte.

Il ne faisait cependant aucun doute que cette chose n'était pas des plus polie. J'avais peut-être un égocentrisme aiguë mais je connaissais plutôt bien les règles de bien séance sur ces terres et dire bonjour et au revoir était un minimum. Je le pensais vraiment. C'était des signes de respect, de politesse. Alors que j'allais rattraper l'être qui m'avait posé cette simple question troublante avant de disparaître pour lui dire deux mots et, si besoin, lui donner un coup de sac à main, une seconde personne arriva, semblant un peu plus normale quant à elle.

Je regarda un homme qui semblait entre deux âges. D'un côté, il paraissait avoir vieillis bien vite avec ses cheveux blancs et ses sourcils de la même couleur. Sa robe laissait présager qu'il était soit un sorcier soit un magicien mais je ne saurai le dire avec exactitude vu que je ne connaissais pas les membres de ces deux races. En tout cas, cette robe me paraissait dans un bien sale état et je me demandais ce que pouvait bien faire mon interlocuteur de ses journées. Après tout, en ce qui me concernait, j'étais toujours impeccable même si mes tenues étaient vraiment excentrique. Bien sûr, je ne me rendais pas vraiment compte de la chose. J'avais un pantalon s'arrêtant à mes genoux de couleur blanche et bouffante, brodé avec précision par mes soins. Mon haut était un corset qui tombait en queue de pie dans mon dos. J'arborais un serre tête en oreilles de lapin et un noeud papillon venait sublimer mon cou.

Ce qui me troublait chez cet homme était son second côté. Il paraissait vieux mais jeune, les traits de son visage étant resté purs. Cela me semblait quelque peu étrange mais, après tout, peut-être faisait-il partie d'une classe spéciale de mage dont je ne connaissais rien. Il s'excusa pour la mauvaise tenue de son ami et me proposa une petite expérience. Je ne savais pas de quoi il parlait mais il fallait que je me risque à accepter. Si j'avais un côté naïf, je n'étais pas pour autant stupide et je répondis donc à ses attentes de la sorte :

"Je n'y vois pas d'inconvénient mais je préférerai avant tout que vous m'expliquiez de quoi il s'agit et que vous me dévoiliez votre identité."

Je laissai un petit temps avant de dire de nouveau :

"Je m'appelle Edwina Nilsson."

Je ne rajoutai pas "enchantée" car à vrai dire, je ne savais pas encore si je l'étais ou non.