Babillages et pâtisseries
Susannah & Bellada

Merry Go Round of Life - Howl's Moving Castle (Joe Hisaishi)

Bellada s'approcha du plan de travail où était déjà installée l'adolescente. Elle avait un air bougon qui en aurait dissuadé plus d'un à l'approcher. Cela n'empêcha pas madame Ward de s'y aventurer. Elle avait élevé quatre filles et toute une tripotées de petites-filles, de nièces et de cousines. Les années d'expériences lui avaient enseigné comment naviguer sur les eaux tumultueuses de l'adolescence féminine. Cela requérait avant tout une bonne oreille, beaucoup de patience et de bienveillance, des armes que l'aïeule avait acquit et aiguisé avec l'âge. « Bonjour mademoiselle. » fit la magicienne pour attirer l'attention de sa future partenaire. Elle se para d'un sourire sincère. « Vous êtes Susannah ? » interrogea-t-elle, connaissant déjà la réponse. Les places avaient été attribuées et affichées sur un tableau. En arrivant, la cuisinière avait pu découvrir le nom de sa camarade. « Enchantée. Je suis Bella. » informa-t-elle en tendant sa main pour échanger une poignée. Une fois fait, elle s'installa sur le tabouret.

« C'est excitant, n'est ce pas ? » continua la mage bleue avec entrain. « Ca fait longtemps que je n'ai pas participé à un concours de cuisine. » raconta-t-elle. Ce n'était pas tout à fait vrai. Deux semaines auparavant, sa cuisine avait été la scène d'un relais culinaire, où Kitoe s'était illustrée par son pragmatisme et son esprit de dirigeante. Elle avait mené son équipe à la victoire. Bien évidement, ce genre d'animation était récurent dans la chaumière des Wards et, surtout, ça n'avait rien d'aussi grandiose que ce type d'évènement. C'était Alizée, sa petite dernière, qui avait entendu parler du concours organisé par le célèbre Emiliano Tanccinello, un Déchu de la Gourmandise qui avait fait le tour du monde pour se spécialiser dans toutes les gastronomies. Il donnait parfois des cours mais sa renommée avait fait monter ses tarifs et il était pratiquement impossible d'y assister. Ce concours-ci était une aubaine : l'inscription avait été gratuite, et les participants avaient été tirés au sort. La jeune fille avait inscrit sa maman sans lui en parler et, lorsque son nom était ressorti gagnant, elle avait fait la surprise à sa mère qui en avait été grandement ravie. « J'ai un peu l'impression de me retrouver à la Coupe des Nations, vous ne trouvez pas ? » plaisanta la grand-mère. Elle était impatiente et excitée, l'adrénaline courait dans ses veines. Essayant de canaliser son euphorie, Bellada se tourna vers sa voisine. « Aimez-vous cuisiner vous aussi ? Quelles sont vos spécialités ? »

433 mots.

Babillages et pâtisseries
Susannah & Bellada

Don't rain on my parade
Oui tout ce qui est jazzy pour moi c'est le mood de Bella qui cuisine.
Oui je suis un cliché ambulant. 8D

« Mon engouement est peut-être un peu présomptueux, vous avez raison ma chère. » convint Bellada avant de lâcher un rire léger. Elle était étonnée de constater que la jeunesse, de nos jours, ne s'émerveillait plus autant que dans son temps. S'il n'y avait rien d'aussi grandiose que l'évènement sportif, le concours n'en restait pas moins un défi qui faisait vibrer la cuisinière. Qu'il y eut une foule pour l'acclamer ou non, elle se sentait aussi fébrile qu'exaltée, et l'idée de cuisiner pour un grand chef de la gastronomie déchue réhaussait l'enjeu du concours. La magicienne songea que ce manque d'enthousiasme était peut-être un masque, ou bien dû à la haute naissance de l'adolescente : ces gens nés avec des privilèges n'avaient pas la même notion de valeur que le bas peuple dont était issue la vieille dame. « Oui, je comprends. De quoi remplir nos estomacs gourmands, n'est ce pas ? » plaisanta l'aïeule lorsque sa voisine évoqua le premier prix.

Alors que l'organisateur rappelait les consignes, les deux participantes parlèrent fourneaux. « Mmh, je n'ai pas vraiment de spécialité. » avoua la cuisinière. Elle aimait se diversifier un peu partout. Mais de ce fait, elle n'excellait nulle part non plus - bien qu'elle n'eut pas à jalouser son niveau général, tout à fait respectable. « Mais je me suis entraînée pour aujourd'hui. » Elle avait passé des heures devant ses saladiers, avec ses fouets et ses épices. Ca n'avait pas été pour déplaire à sa tripotée de petits enfants, ni à ses amis à qui elle rendait visite pour distribuer ses surplus de pâtisserie et avoir un retour constructif - elle savait pouvoir compter sur l'avis tranchant de ses amis du club de lecture, ou sur la critique assidue de ses camarades du club de poterie. La magicienne avait plongé le nez dans ses grimoires de cuisine, et avait ressorti les gazettes où l'on pouvait retrouver des interview de Emiliano Tanccinello et les recettes qu'il donnait, s'imprégnant de ses astuces et de ses conseils. « Mais j'avais songé partir sur un mille-feuille de chocolat noir. Qu'en pensez-vous ? » Une fois qu'elle eut obtenu l'accord de sa binôme, Bellada enfila à son tour son tablier et commença à remonter ses manches sur ses bras. « Bien, dans ce cas, pas d'inquiétude, je vous guiderai pas à pas. Je suis certaine que nous formerons une équipe efficace, avec une apprentie aussi déterminée que vous ! » Son entrain l'avait indéniablement ravie, et la Mage bleue avait du mal à laisser repartir son sourire.

« Bien, s'il n'y a pas de question, commençons. » Le déchu retourna le sablier. Aussitôt, les cuistots se mirent à grouiller. Les deux femmes, puisqu'elles avaient déjà discuté durant les explications, avaient gagné un peu d'avance sur leurs adversaires : elles n'avaient plus besoin de se mettre d'accord sur quel plat partir. « Bien je vais travailler sur la pâte, et vous pouvez vous occuper de la crème pâtissière. » proposa-t-elle tout en se lavant les mains dans la potion désinfectante mise à côté de chaque plan de travail. « Commencez par peser tous les ingrédients, ce sera plus simple ensuite. » Bellada s'empara d'un cul-de-poule et y versa la farine et de la margarine tout en listant les ingrédients et leurs mesures. Elle commença à malaxer la préparation avec ses mains nues, puis étala le carré qu'elle commença à passer sous le rouleau. « Bien, maintenant, prends une casserole et verses les liquides dedans. Sur un feu doux, voilà, parfait. Tu pourras ensuite ajouter la fécule en la passant au travers de la passette pour ne pas laisser de grumeaux. » expliqua la plus expérimentée tout en lui indiquant l'ustensile.

De son côté, Bellada prit sa pâte et se dirigea vers la boîte à froid mise à disposition des participants. Celle-ci était bien plus performante que celle qu'elle avait chez elle. Elle dû se faire violence pour ne pas s'extasier devant les capacités de cette invention sophistiquée des Lyrienns - le temps était précieux. Heureusement, cette merveille de magie permettait à la magicienne de diminuer drastiquement la durée de refroidissement de sa préparation. Elle retourna aux côtés de son apprentie. « Voilà, c'est mieux, maintenant, tu peux rajouter le cacao. » Le vouvoiement s'était évaporé dans un souci d'efficacité. « Ensuite, tu devras mélanger jusqu'à obtenir une mixture bien crémeuse. Je t'aiderai si tu as un doute. »

755 mots.
Le dessert ressemble à ça : Mille feuille de OhFaan. D'ailleurs si vous passez sur Marseille, je vous conseille vivement d'y passer, c'est délicieux et ils sont trop poupous. Les recettes sur lesquelles je vais m'appuyer : pâte feuilletée - Mille-feuilles.

Babillages et pâtisseries
Susannah & Bellada

In the kitchen - Mree

Partager son plan de travail pouvait être une expérience aussi agréable que désastreuse. Si l’on n’y faisait pas garde, il était aisé de s’éparpiller, de laisser ses petites manies empiéter sur l’espace de l’autre, et ainsi de créer de la discorde au sein du duo. Pour les petits cuisiniers tels que la magicienne, qui avaient leurs petites habitudes bien rodées, il était parfois difficile de voir quelqu’un fonctionner différemment et ne pas respecter ses codes. Bellada s’y était déjà essayée, à une époque où elle ne concevait pas que l’on pût laisser traîner sa vaisselle au lieu de la faire au fur et à mesure, profitant d’un instant de répit dans la préparation pour faire un brin de rangement. Ça avait créé quelques tensions. Fort heureusement, la mage bleue avait acquis de l’expérience, et avec elle, la sérénité de s’adapter à ses partenaires de découpe et de cuisson. Aussi n’était-elle pas si surprise de voir son équipe fonctionner avec la jeune Basphélienne. Celle-ci se montrait d’ailleurs très impliquée, démontrant une volonté de faire au mieux, et d’appliquer ses conseils à la lettre. Madame Ward avait la sensation d’être parvenue à dompter une lionne en cage, et de l’avoir transformée en chat de salon. Bien sûre, elle n’aurait jamais eu l’audace de le dire tout haut : elle s’avait que l’adolescence comportait cette part de fougue qui se voulait libre et tempêtueuse, qui se rebellait à la moindre approche de domination, sous quelque forme que ce soit. Même chez les magiciens, l’adolescence pouvait se révéler être un passage belliqueux.

Satisfaite, la cuisinière contemplait leur œuvre. « On a fait du bon travail, toutes les deux. » complimenta la vieille dame avec engouement. Même si elles ne remportaient pas le meilleur prix, elles pouvaient être fières de ce qu’elles avaient accompli. « On a nos chances, en effet ! » répondit madame Ward lorsque Susannah afficha son assurance quant au résultat de la compétition. Il ne fallait néanmoins pas sous-estimer les autres compétiteurs. Ni prendre la victoire pour acquise trop rapidement. C’était ainsi que l’on se retrouvait déçu, sans rien retenir d’autre que l’échec, et ternir les souvenirs de leurs efforts. « Même si le chef en vient à une autre conclusion, sache que j’ai été très contente d’être pairée avec toi. C’a été un plaisir de partager mes ustensiles en ta compagnie ! » déclara la gentille avec un sourire tendre et chaleureux à l’attention de l’adolescente. Cette dernière avait cependant retourné son attention vers les autres plans de travails, où les équipes adverses exhibaient également leurs créations.

Lorsque la vicieuse exprima son idée de stratégie, Bellada en écarquilla les yeux de stupeurs. « Ce serait de la triche, voyons ! » s’offusqua-t-elle, profondément choquée par une telle proposition. « Il n’y aurait plus rien d’accidentel, maintenant que tu l’as prémédité. » souligna-t-elle tout en sortant sa baguette de sa poche. D’un coup de poignet, elle usa de sa magie, et le matériel qui n’avait pas encore été lavé se dirigea de lui-même vers l’évier. « Et puis, une victoire acquise de la sorte n’a pas de valeur, ni de saveur. Où est l’honneur, quid de la fierté de voir son travail assidu récompensé à sa juste valeur, et non pas au rabais ? » La mage bleue n’était pas totalement dupe pour autant. Le peuple ondin était dit très exigent, et le sexe féminin possédait cette exigence à la perfection. L’échec devait être considéré comme une tare, sous l’océan. Peut-être que dans ces conditions, la fin justifiait tous les moyens. « Non non, crois-moi. Tu préféreras amplement voir le visage de tes adversaires rouge de jalousie de savoir que tu es véritablement la meilleure. S’ils ne peuvent rien objecter à ton talent, ils sont contraints d’admettre leur défaite. S’ils sont victimes d’une injustice, ils protesteront, et ils resteront, en un sens, invaincus. » La gentille ne tirait aucun plaisir à voir la contrariété se peindre sur le visage des autres, lorsqu’elle était elle-même ravie d’avoir gagné. Mais elle savait que cette vision ne déplaisait pas à tout le monde. La mage releva ses manches et se mit à la plonge. Elle ne voulait pas assigner cette tâche ingrate à sa commise. Elle garda cependant un œil sur la Bleue. Si elle suspectait la moindre triche, elle vendrait la mèche, leur ôtant toute chance de victoire.

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