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 [Q] - La guerre et l’insouciance

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Priam et Laëth
~ Ange ~ Niveau III ~

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◈ Parchemins usagés : 3843
◈ YinYanisé(e) le : 02/02/2018
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Priam et Laëth
Dim 24 Avr 2022 - 21:30




La guerre et l’insouciance

En solo | Yngvild & co


RP précédent : Sous les tournesols.
RP lié : Que la Lumière rayonne et que l’Ombre dévore.

Intrigue : Yngvild fait sa vie à Lumnaar’Yuvon pendant que tout le monde meurt.


Depuis le départ des troupes, une ambiance étrange régnait sur Lumnaar’Yuvon. Le village oscillait entre ses habitudes bien rodées, une fierté éclatante et une appréhension morose. Parmi ceux qui étaient restés se trouvaient surtout des opposants à la guerre. Leurs craintes résonnaient dans les cœurs de leurs comparses. Il arrivait qu’ils formulassent des hypothèses déprimantes, qu’ils s’énervassent de la bêtise d’une telle bataille ou qu’ils pleurassent les morts en avance. Leurs humeurs flottaient dans l’air et imprégnaient toutes les respirations. Et, plus le temps passait, plus l’orgueil et la détermination laissaient place à l’incertitude et à la peur. Faire partie de l’un des peuples les plus guerriers et avoir foi en sa nation et son armée ne suffisaient pas face à l’idée horrifiante de perdre ses proches. Bien sûr, s’ils mouraient, ils mourraient au combat, et tout l’honneur possible pleuvrait sur eux. Ils rejoindraient les Zaahin : à leurs côtés, ils festoieraient et guerroieraient nuit et jour. Cependant, leur absence balafrerait les poitrines comme la charrue éventre la terre.

Vrael inspira. Sa compagne et sa fille étaient des combattantes aguerries. Ses fils se débrouillaient, et il savait que les deux femmes veilleraient à ce qu’il ne leur arrivât rien. Elles avaient leurs différends et leurs différences, mais là-dessus, elles se ressemblaient terriblement. Elles protégeaient, au péril de leur propre vie parfois. C’était peut-être là le plus grand risque : qu’elles agissent de manière inconsidérée. Il espérait qu’elles feraient attention. La plupart du temps, le cours de ses pensées allait ainsi. D’autres fois, il les haïssait d’être partis, il s’imaginait leur mort, il la prédisait, il voulait les tuer et disparaître avec eux. Il regardait Yngvild et son cœur se brisait en mille morceaux qui se rassemblaient cent fois encore. Elle ne comprenait pas vraiment ce qu’il se passait autour d’elle. Il manquait des habitants, mais elle ne se rappelait pas de tout le monde. Elle était trop jeune. Les activités suivaient leur cours et elle y participait comme elle pouvait, le plus souvent en déconcentrant tous ceux qui s’y adonnaient. Il était rare qu’elle restât longtemps au même endroit. Elle courait partout. Par moment, on n’avait le temps de ne voir passer qu’un éclair roux. Elle lui faisait penser à Dastan, qui avait été si vif. Il avait failli mourir plus d’une fois, piétiné par des bicornes ou tranché par un coup de hache. Aussi, dès qu’elle échappait à sa vue, le Réprouvé cessait immédiatement sa tâche et partait à sa recherche. Ce n’était pas simple. C’était plus facile à deux, mais Asha n’était pas là.

Il essuya son front humide d’un revers de main et leva les yeux vers sa fille. Elle était occupée à gratter énergiquement le chanfrein de Drem, l’une de leurs juments de trait. Un large sourire fendait son visage et il devinait que son regard vert pétillait de malice. L’équidé la poussait de temps à autre du bout de son nez, avec cette délicatesse si inadéquate qu’ont parfois ces grands animaux. Vrael sourit. Au même moment, la Kiir’Sahqon se tourna vers lui. L’expression de joie qui marquait son visage s’intensifia encore. Elle courut vers lui et lui sauta dessus. Il l’attrapa au vol et la porta à bout de bras, avant de tourner sur lui-même. Yngvild rit aux éclats. « Encore ! Encore ! » Il la souleva à nouveau et recommença son manège. Les bras écartés, elle criait de joie. « Encooooooooooooore ! » Sa suspension dura un peu, puis tranquillement, elle perdit de son élan : son père ralentit jusqu’à s’arrêter tout à fait. Il la ramena contre lui. « Encore, papa ! » Il secoua la tête. « Il faut que je travaille, Yngvild. Les récoltes ne vont pas se faire toutes seules, et c’est pas toi qui risques de m’aider si je prends du retard. » La fillette baissa le menton et fit la moue. Blottie contre le torse de son père, elle faisait jouer ses doigts sur le col de son vêtement. « Ce soir, alors ? » - « Si je suis pas trop fatigué. » La gamine fronça le nez. « Bon, d’accord. » Sagement, elle se laissa être reposée au sol. « Je peux aller voir Razhul ? » - « Ouais, si tu veux. Mais restez dans le coin, d’accord ? Et vous approchez pas de la rivière. » - « Oui papa ! » - « Si je vous y chope, je vous y noie ! » La petite fille rit et s’en alla en lui faisant de grands signes de la main. « Et sois là pour le dîner hein ! » Elle cria quelque chose, mais il ne l’entendit pas. Ensuite, elle pivota et s’en alla à toutes jambes pour retrouver son amie.



Message I – 790 mots

Note : Elle a à peu près 5 ans, physiquement.




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Priam et Laëth
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Priam et Laëth
Lun 26 Sep 2022 - 8:30




La guerre et l’insouciance

En solo | Yngvild & co


RP précédent : Que la Lumière rayonne et que l’Ombre dévore (après la venue de Kaahl à Lumnaar’Yuvon).


« Papa. » Yngvild s’avança et posa ses deux mains sur son épaule pour le secouer. Il était là, assis dans le salon, inerte, immobile. « Papaaaaa je te parle ! » - « Ouais ça va, je t’entends. » grogna-t-il en se dégageant. « Putain… » Elle recula d’un pas et le regarda. Il lui paraissait terriblement plus petit que d’habitude, et ce n’était pas seulement parce qu’il était enfoncé dans l’un des fauteuils. Ses épaules voûtées affaissaient toute sa silhouette. D’énormes cernes soulignaient ses yeux. Une barbe hirsute creusait ses joues et ses cheveux salis par les travaux aux champs bataillaient sur son crâne. « Qu’est-ce que tu veux ? » La gamine se rapprocha et posa ses mains sur ses genoux. Elle inclina la tête pour chercher son regard. « Elle rentre quand, maman ? » - « J’en sais rien. » Elle fit la moue et baissa les yeux. Ce n’était pas la réponse qu’elle attendait. Moins d’une seconde plus tard, elle la relevait. « Et Dastan ? Priam ? Freyja ? » Le poing du Réprouvé frappa le bois de l’accoudoir robuste du fauteuil. La fillette sursauta et recula d’un pas. « J’en sais rien, je te dis ! » Face à l’éclat de violence de son père, ses yeux s’embuèrent immédiatement. « Je veux les voir ! Je veux voir ma maman ! » Sa voix se brisa dans les aigus. « Ta gueule, putain ! » hurla-t-il en se redressant brutalement. Il l’attrapa par le col et la souleva. Une force surprenante l’habitait encore, malgré son attitude léthargique et défaitiste. Yngvild cria et se cacha le visage à l’aide de ses deux mains, redoublant de pleurs. « Pour tout ce que j’en sais, elle est peut-être crevée, ta mère ! » Il se leva, maintenant l’enfant qui gesticulait devant son visage. « Butée par ces putains de connards de Sorciers ! » Il la plaqua contre le mur le plus proche. Ses poings tremblaient, ses prunelles aussi. La douleur qui le rongeait était encore plus violente encore que celle qui piquait sa fille. Parce qu’il savait ce qu’était la mort et que, même s’ils étaient tombés au combat, même si les Zaahin les accueilleraient à bras ouverts, lui ne pourrait plus jamais les serrer dans les siens. Sa peine était plus terrible que celle de la gamine parce qu’elle avait toute la vie devant elle, tandis qu’il ne pouvait que regarder en arrière. Il avait tout fondé avec Asha : leur maison, leur famille, leurs amitiés, leurs amours et leurs haines. Si elle ne revenait pas, alors il n’y aurait plus rien. Si elle revenait sans leurs enfants, alors il n’y aurait plus que de la souffrance. Les jours passaient, et il se raccrochait à toutes les lueurs d’espoir qu’il percevait. Il fallait qu’ils fussent en vie. Ce n’était pas possible autrement. Freyja l’était – son putain de Magicien l’avait dit. Priam devait l’être aussi, parce qu’il ne s’était probablement pas bêtement jetée dans la mêlée. Il était de loin le plus réfléchi de la fratrie. Le plus lâche, aussi, peut-être ; mais l’idée qu’il pût être mort poussait Vrael à ne pas songer à lui en ces termes. Dastan avait survécu parce que sa sœur lui avait appris à se battre et parce que sa mère l’avait protégé. Elle était vivante parce qu’elle était l’une des meilleures guerrières qu’il eût jamais connu, et parce qu’il l’aimait. Ils étaient tous en vie parce qu’il n’aurait pas pu le supporter autrement. La seconde suivante, il voyait dans ces espérances des errances cruelles de son cœur blessé. « Faut que t’arrêtes de demander à la voir, Yngvild ! Faut que t’arrêtes ! Tu comprends ? » Sa voix vibrait de colère, mais surtout de détresse. Les pleurs de la fillette lui étaient des griffes qui lui labouraient la poitrine. Elle sanglota : « Mais… Mais elle… elle me manque. » Vrael déglutit. Un souffle saccadé s’écoula d’entre ses lèvres, en même temps qu’un pli de tristesse barrait l’espace entre ses sourcils. « À moi aussi. » Il décolla la petite rousse du mur, la pressa contre lui et la serra dans ses bras. « À moi aussi, ils me manquent tous. » Il renifla. « Je suis désolé. » Le père embrassa tendrement le crâne de sa fille, tandis que les mêmes larmes qu’elle roulaient sur ses joues.



Message II – 733 mots

Allez, je reprends les choses dans l'ordre, héhéhé.




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Priam et Laëth
Ven 21 Oct 2022 - 21:55




La guerre et l’insouciance

En solo | Yngvild & co


RP précédent : On ne touche pas aux papas.
RP lié (antérieur et postérieur) : Rois d’une tragédie.


Yngvild marchait d’un pas aussi vif que possible. Elle parcourait la campagne alentour depuis quelques longues minutes, désormais. Les habitants regardaient sa crinière rousse sautiller entre les hautes herbes avec des sourires amusés, parfois attendris. La gamine s’aventurait souvent çà et là, à la recherche de trésors cachés, de secrets à découvrir ou de membres de sa famille à retrouver. Partout où elle allait, elle pouvait s’imaginer sa mère ou l’un de ses frères et sœurs surgir de derrière un buisson, un coin de grange ou un arrière-train de bicorne. Il n’y avait jamais personne. Ils étaient loin. Après le départ d’Adam, elle avait insisté auprès de son père pour savoir où ils étaient. Sur la terre poussiéreuse qui tapissait le seuil de leur habitation, il avait dessiné les contours approximatifs d’une carte du monde. Seul lettré de la famille, il était aussi celui qui disposait des plus hautes connaissances géographiques. L’implantation de membres de sa famille à Sceptelinôst lui avait peut-être permis d’élargir ses horizons, au-delà de l’insondable océan. Sur sa représentation des Terres du Yin et du Yang, il avait posé deux croix ; l’une représentait Bouton d’Or, et l’autre, Amestris. Seule une mer les séparait, et pourtant, dans cet entre-deux crevé de mystères monstrueux, des centaines de kilomètres couraient. Peut-être même des milliers. Il avait ensuite marqué l’emplacement de Sceptelinôst et lui avait expliqué que les guerriers étaient tous partis de là, parce qu’il s’agissait du plus grand port réprouvé. Quand elle avait demandé où était Stenfek, il avait montré une zone bien au nord de Bouton d’Or, avant de préciser que la nouvelle capitale se situait juste à côté des territoires magiciens et donc des Jardins de Jhēn, où Priam et Freyja vivaient le plus souvent. Eux aussi se trouvaient donc loin de chez eux, encore plus que sa mère, Dastan, Draegr et tous ces gens qu’elle croisait chaque jour. La Kiir’Sahqon avait ainsi découvert, en quelques minutes, un univers bien plus vaste que celui auquel ses courtes jambes la cantonnaient. Et en un instant, elle avait rêvé de lieux impossibles, de voyages incroyables et de mondes inatteignables.

Ses pas la conduisaient bien moins loin ; et pourtant, quand ils heurtèrent le flanc de la personne qu’elle s’attendait le moins à percuter, ils la firent traverser une mer de centaines de kilomètres. À moitié vautrée sur le corps, elle se stabilisa, stupéfaite, avant de partir vers l’arrière pour s’agenouiller et de plaquer ses deux mains sur sa bouche. Dastan. C’était son frère, étendu dans l’herbe et dans une mare écarlate. En divers endroits, sa peau s’ouvrait sur des balafres sanguinolentes. L’enfant demeura figée un long moment, ses yeux verts écarquillés. Puis, elle se releva, prit ses jambes à son cou et retourna le plus vite possible vers la maison familiale. « PAPA ! » hurla-t-elle. Dès qu’elle le vit, elle bondit sur lui et lui attrapa la main pour l’entraîner à sa suite. Il résista. « Qu’est-ce qu’il se passe ? » - « Viens ! » Elle tira sur ses doigts. Il regarda leurs mains ; il vit la rougeur des siennes. « Yngvild ? » Elle pivota vers lui ; la panique flambait dans ses yeux. Elle n’avait jamais vu autant de sang de toute sa vie, mais elle n’avait besoin ni d’expérience ni d’intelligence pour deviner que c’était grave. Son frère avait beau se comporter comme un trou de balle la plupart du temps, elle n’en avait pas plus envie de le voir mort. Vrael la scruta ; il n’y eut pas besoin de plus d’explications. Son bras se détendit subitement et il lui emboîta le pas, trottinant derrière l’enfant qui courait à perdre haleine. Elle fendait le champ qui les séparait de leur but, balayant les épis de blé de violents gestes de sa main libre. Lorsque la silhouette étendue de son frère apparut de nouveau dans son angle de vue, elle s’arrêta et la pointa du doigt. « Là. » Son père resta immobile près d’elle, juste une seconde, puis la lâcha et en quelques enjambées, se trouva à genoux devant son fils. « Dastan. » Il attrapa son visage entre ses mains, puis glissa deux doigts sur sa gorge. L’adolescent ne bougea pas. L’odeur ferreuse du sang maquillait le parfum chaud des céréales. Sans s’attarder, il l’attrapa le plus délicatement possible pour le hisser contre son torse. Yngvild observait, muette. « Va remplir des bassines d’eau claire, vite. » Mécaniquement, elle acquiesça, et partit en sens inverse. Sur ses talons, son père avançait, le blessé gisant dans ses bras.



Message III – 759 mots




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Priam et Laëth
Mer 9 Nov 2022 - 20:07




La guerre et l’insouciance

En solo | Yngvild & co


RP parallèle : Rois d’une tragédie.
RP suivant : Les livres reflètent la beauté du ciel.


Je vous déteste. Dastan soupira et renversa la tête en arrière, la nuque en appui sur son oreiller. Du coin de l’œil, il détailla la silhouette encore gainée de son père. Sous sa chemise de toile grossière, la tension de ses épaules se devinait. « Ça va lui passer. » grogna-t-il en se tournant vers son fils. Ce dernier se redressa légèrement pour le regarder. « Hum. Elle a raison, en vrai. J’aurais dû rentrer avec eux. » - « T’es rentré. C’est tout ce qui compte. » Il le fixa, toujours debout. « Ceux qui doivent rentrer rentreront. Les Zaahin y veillent. » Un long frisson griffa l’épiderme du Kiir’Sahqon. Les Zaahin. Ils lui semblaient être bien peu à côté de ce qu’il venait de vivre. Dans le fracas de la bataille, leur silence avait résonné. Pourquoi n’étaient-ils pas intervenus ? Les avait-il abandonnés ? Avaient-ils cessé de les bénir de leurs grâces ? Souhaitaient-ils confronter leurs enfants à la défaite, à la mort et à la douleur ? Pourquoi ? Quel était le grand but caché derrière cela ? Y en avait-il un ? Il voulait y croire ; parce que les malheurs sont supportables quand ils ont un sens. Ce qui est pénible, ce n’est pas l’échec ou le trépas. C’est leur survenue hasardeuse et injuste. « Oui. J’espère. » répondit-il, la gorge nouée.

Vrael revint près du lit, s’assit et caressa le front de son fils avec douceur. « Je vais préparer à manger. Toi, repose-toi. Je te monterai tout ce qu’il te faut. D’accord ? » L’intéressé acquiesça, avant de suivre des yeux son paternel. Il l’entendit descendre les escaliers, ouvrir et clore des placards, s’affairer. Il ferma les paupières. Il pensa à Érasme, cloîtré dans la grange. Il serait peut-être obligé d’attendre la nuit pour aller le voir. Alors qu’il ébauchait un plan pour quitter discrètement la maisonnée avec des vivres et des couvertures, les pas de son père résonnèrent à nouveau, s’approchant. La poignée de la porte s’abaissa et elle s’entrebâilla. Dans l’embrasure, le visage sérieux du Réprouvé se détacha. « Je vais aller chercher ta sœur, qu’elle me file un coup de main. Je sais pas où elle a filé, mais… » Il soupira. « Je devrais pas en avoir pour longtemps, on s’occupera du repas en revenant. » Dastan le regarda. « D’accord. Mais je crois que… » - « Quoi ? » - « Je crois que je préférerais essayer de faire quelque chose plutôt que de rester là. J’ai pas envie de… penser à tout ça. » Le brun le scruta, un pli soucieux barrant son front. « Fais gaffe à tes plaies en bougeant, alors. Je reviens vite. » Sans refermer la porte, il repartit.

Le Bipolaire n’attendit que quelques secondes avant de se redresser précautionneusement. Ses mouvements n’avaient rien d’agréable, mais rien d’insurmontable non plus. Avec lenteur, il dégagea ses jambes du lit. La sensation du plancher rugueux contre la plante de ses pieds diffusa en lui une fugace sensation de bien-être, comme l’étreinte réconfortante d’un ami. Il était chez lui. À l’abri. Avec les siens – une partie, au moins.

En dépit de sa bonne volonté, il lui fallut plus de temps que nécessaire pour se vêtir et se rendre jusque dans la cuisine. Cependant, une fois qu’il y fut, il n’eut aucun mal à réunir ce dont il avait besoin. Du lard, des pommes de terre, des carottes et des échalotes ; une poêle, une grande marmite et un panier. Il entamait la préparation culinaire lorsqu’un cri le fit pivoter. Son cœur manqua plusieurs battements. C’était Yngvild. « PAPA ! » Elle pénétra dans la cuisine à vive allure. Tourné vers la porte, il la repéra aussitôt. Avait-elle vu le panier posé sur le plan de travail ? Il se maudit de l’avoir sorti trop tôt. « Yngvild ? T’étais où ? Papa est parti te chercher. » Malgré lui, le stress entachait l’attitude seulement inquiète qu’il essayait d’adopter. Il la détailla, et alors il la remarqua véritablement ; elle, ses égratignures, les touches de vomi qui maculaient sa tenue et l’odeur qui les imprégnait, ses joues striées de sillons salés. « Qu’est-ce que tu fous dans cet état-là ? » Contre toute attente, elle se rua sur ses jambes. Ses petits bras enserrèrent ses hanches de toutes ses forces. Il grimaça de douleur. « J’ai vu… j’ai vu un Sorcier ! » Des sanglots secouaient ses frêles épaules. Pourtant, il fut incapable d’avoir un geste tendre à son égard. Son cerveau venait de geler, et son cœur avec. Un Sorcier. Avait-elle croisé Érasme ? Était-il sorti de la grange, malgré ses recommandations ? « Qu’est-ce que tu racontes ? Les Sorciers ne sont pas venus ici… » - « Si ! Un Sorcier avec des veines toutes noires ! » Dastan se figea. Il n’y eut plus rien. Rien d’autre qu’une terreur sourde, qui ronfla et enfla jusqu’à éclater en un violent accès de colère. Ses muscles se tendirent et il jeta pomme de terre et couteau à travers la pièce. « Putain ! » Yngvild sursauta. Il y eut un nouveau silence, un nouvel immobilisme. Puis tout s’activa à nouveau. « Putain de merde ! » Il se tourna à demi, attrapa le panier et le fracassa sur le sol. La gamine recula en pleurant de plus belle. « Il… il venait chercher un garçon qui… qui s’appelait Lucius. » bégaya-t-elle. Il s’arrêta. « Lucius ? » Lucius. Érasme. Ses narines se dilatèrent. « Tu bouges pas de là ! Et tu dis rien à personne ! » s’exclama-t-il, avant de la contourner et de sortir aussi vite qu’il le pouvait.

Dehors, la pénombre de la nuit l’enlaça. Il marcha. « Val’Aimé ! » appela-t-il. Il allait lui arracher la tête. De quel droit foulait-il les Terres de Lumnaar’Yuvon ? Comment pouvait-il, surtout après l’affrontement entre leurs peuples ? Érasme l’avait-il contacté ? Le Chancelier l’avait-il repéré comme il l’avait fait dans la campagne déchue ? Étaient-ils encore là ? D’autres allaient-ils venir ? Les Mages Noirs prévoyaient-ils de raser le village ? « VAL’AIMÉ ! » Pour lui répondre, il n’y avait que le chant des grillons. Plus il s’approchait de la grange, plus le silence engloutissait ses pas. Lumnaar’Yuvon était vide. Vidée par la guerre, vidée par la haine. Vidée à cause de Val’Aimé. Le roux poussa la porte du bâtiment. Là encore, le vide l’accueillit. Il entra jusqu’à disparaître entre les ombres. « Érasme ? » Là où s’était tenu le brun, là où leurs lèvres enflammées s’étaient rencontrées, ne demeuraient que le vide et le silence. Un rictus déforma la bouche de Dastan. Des larmes brûlantes arrachèrent ses cornées. « Putain de Sorcier. » Il lui avait promis de l’attendre ici. Il le lui avait promis, et il était parti. Il l’avait trahi. Je te déteste.



Message IV – 1146 mots




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Priam et Laëth
Mer 22 Fév 2023 - 14:18




La guerre et l’insouciance

En solo | Yngvild, Dastan & co


RP précédents : Les livres reflètent la beauté du ciel ; Que la Lumière rayonne et que l’Ombre dévore.


Le temps s’était étiré sur Lumnaar’Yuvon à la façon filandreuse des nuages au-dessus de la cime des arbres. Pris dans le voile éthéré de l’angoisse et de la morosité, le village murmurait un silence inhabituel, parfois glacé par des cris de colère ou des plaintes lugubres. Le travail se poursuivait dans une atmosphère lourde, que seuls des soupirs ou des tentatives d’humour venaient ponctuer. La nouvelle s’était répandue : les Réprouvés avaient perdu la guerre. À la rage et l’incompréhension avaient succédé la tristesse et l’anxiété. Chaque jour, ceux qui étaient demeurés scrutaient l’horizon depuis le pas de leur porte, les yeux rivés sur cette ligne du bout du monde qu’ils rêvaient tous de voir se mouvoir. Chaque nuit, des visages hantaient les songes, sans que l’on ne sût s’il s’agissait de ceux des vivants ou des morts. Les changements improbables de la carte du ciel et les traînées lumineuses qui le parcouraient achevaient d’embrouiller les esprits les plus certains du dessein des Zaahin. On priait pour le meilleur, mais on s’imaginait surtout le pire. Vrael avait l’avantage d’avoir la certitude que sa fille avait survécu à la bataille, et d’avoir l’un de ses fils, sauf, près de lui. Quant au reste de sa famille et à ses amis, il était livré aux mêmes doutes que les autres. Comme tout le monde, il priait les Zaahin. Il espérait. Dastan l’imitait, Yngvild soupirait. La nuit, parfois, elle entrait en pleurant dans sa chambre pour demander quand revenait Asha, et la journée, il arrivait qu’elle piquât des colères terribles. La disparition de Rahzul, son amie, n’avait rien arrangé. Elle la cherchait partout, mais depuis le retour de son frère aîné, elle était introuvable. La coïncidence n’avait pas manqué d’alimenter les théories les plus farfelues et les tensions, mais tout s’était calmé quand on s’était rendu à l’évidence : introuvable, la gamine était probablement morte, tuée par une bête ou tombée dans une fosse. Quant à Dastan, ses sommeils étaient perclus de cauchemars. La journée, son regard se voilait régulièrement. Parfois, il fondait en larmes ou laissait éclater des colères noires. Il accusait tout le monde puis culpabilisait d’être le seul de retour. Il ne parlait plus du Sorcier qui l’avait réexpédié ici. Il ne parlait guère beaucoup ; le silence était devenu son mot d’ordre. Vrael essayait souvent d’aller vers lui, d’établir une connexion émotionnelle ou au moins affective, mais à chaque fois, l’adolescent se fermait et s’éloignait.


Le jour où le bout du monde s’agita enfin, personne n’y crut. On avait presque perdu espoir, après tant de semaines sans nouvelles. Pourtant, c’était vrai, c’était bel et bien là, sous leurs yeux : l’horizon vibrait et, bientôt, on vit des silhouettes se détacher de la fusion du ciel et de la terre. L’ébahissement passé, le mot parcourut le village à la vitesse de l’éclair. D’abord murmure, il devint tonnerre. Toutes les maisons se vidèrent, et on avança à la rencontre de cette ligne devenant masse, avec autant d’empressement que d’hésitation. Ils étaient de retour ; mais la pensée qu’il en manquât forcément, et peut-être de ceux que l’on aimait le plus, ne quittait pas les cœurs et les esprits. Yngvild tirait sur le bras de son père, impatiente de revoir sa mère – dans son univers, le doute n’existait pas, elle avait forcément survécu. C’était la plus forte, la meilleure ! Elle avait dû terrasser des milliers de Sorciers et leur faire payer leur méchanceté ! Comme Draegr ! Comme Sól ! Comme Maní ! Et puis tous les autres aussi !

Dastan traînait de la patte. Ses blessures superficielles étaient quasiment toutes guéries ; les autres suivaient le même chemin. Seul son mental croulait sous les plaies et le ralentissait. Il culpabilisait, il enrageait, il haïssait, il aimait ; tout se résumait dans des pleurs et des cris, sauf ce jour-là. Il se contentait d’avancer et d’appréhender. Sa mère, Draegr et ses amis devaient le croire mort. S’ils étaient vivants… Sa gorge se noua. Il s’arrêta, tandis que les autres Manichéens continuaient à aller vers le groupement de soldats. Des millions étaient partis ; moins d’une centaine de guerriers se tenaient devant eux. Il repéra en premier la silhouette d’Hazaan, haute et large. Elle lui parut pourtant plus petite et plus frêle, presque voûtée. Il se rappela de la façon dont il s’était battu, du fracas des sabots de son cheval sur les os brisés, de ses cris d’encouragement et de ses alertes. Il les avait conduits vaillamment. Vaillamment, mais vers leur perte. L’Histoire ne retiendrait sans doute que cela. La Bataille d’Amestris souillerait les mémoires bien après sa propre fin.



Message V – 769 mots

Ouaaais, je rattaaaque ! Et cette fois je termiiine [Q] - La guerre et l’insouciance 009




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Mer 22 Fév 2023 - 15:06




La guerre et l’insouciance

En solo | Yngvild, Dastan & co



« Maman ! » Le cri d’Yngvild parvint nettement à Dastan, bien que pour d’autres, il put se fondre dans l’effusion des retrouvailles, ou dans le silence de ceux qui scrutaient encore l’horizon, poussés par l’espoir à l’orée de la folie. Il tourna la tête vers elles. Vrael se tenait à leurs côtés, et dès qu’Asha lâcha la fillette, il l’attrapa, la serra contre lui et l’embrassa. La petite rousse entoura leurs jambes de ses bras trop courts et se pressa contre eux. Leurs mains vinrent caresser sa tête, ébouriffer ses cheveux. Ils se sourirent brièvement – des sourires à la fois tristes et rassurés. Lentement, le cœur du Feu Follet s’éteignit ; tout fait de cendres, il se fendit. Il songea qu’ils formaient une belle famille, sans lui ; qu’elle l’avait définitivement remplacé ; qu’il aurait mieux fait de mourir sur le champ de bataille ; qu’il aurait mieux fait de croiser Val’Aimé en compagnie d’Érasme. La jalousie qui le rongeait depuis l’adoption de sa sœur dévora sa poitrine. Il s’imaginait à sa place, et il la détestait d’autant plus. Son regard furibond, criblé de tristesse, planté sur elle, il ne vit pas sa mère relever les yeux vers lui. « Dastan ! » appela-t-elle. Il sursauta presque – la dernière fois qu’il l’avait entendue prononcer son nom, c’était au cœur du chaos. « Dastan ! » Elle se détacha de son compagnon et de sa fille et se rua vers lui. Ses bras musclés se refermèrent sur sa silhouette et elle le pressa si fort contre sa poitrine qu’il crut qu’elle allait l’étouffer. Aussitôt, des larmes grimpèrent jusqu’aux yeux du jeune homme, puis dévalèrent ses joues. « Je suis désolé. » souffla-t-il entre deux respirations hachées. « Tais-toi. » dit-elle. « Je t’ai cru mort. Je t’ai tellement cru mort. » Il se rendit alors compte que ce n’étaient pas seulement ses mains qui tremblaient, mais aussi le dos de sa mère. Elle était secouée de sanglots. Il ne l’avait jamais vue pleurer. Asha ne pleurait jamais. Elle hurlait, elle frappait, elle détruisait, mais elle ne pleurait pas. « Je suis tellement heureuse que vous ayez survécu, ta sœur et toi. » - « Je ne sais pas où elle est, et Priam… » - « Tais-toi. Tais-toi. » souffla-t-elle plus doucement, en le serrant un peu plus fort. Elle ne voulait pas penser à ses deux aînés, à ce qui avait pu leur arriver. Pas maintenant. Elle n’en avait pas la force. « Dastan… ? » Parmi les cris et les plaintes qui enflaient de tous les côtés, une autre voix perça. Le Réprouvé renifla et releva légèrement la tête pour regarder par-dessus l’épaule de sa mère contre laquelle il s’était affaissé. Draegr était là, debout devant ses deux parents. Son palpitant se fracassa contre ses côtes, puis rebondit vers l’arrière. Il n’avait pas bougé ainsi depuis des semaines. Doucement, Asha le lâcha ; son amante s’approcha de lui, de plus en plus vite, jusqu’à se jeter dans ses bras. « Tu étais où ?! » s’écria-t-elle, des larmes de soulagement dévalant brutalement ses joues. Elle enfouit son nez dans son cou, puis se dégagea et prit son visage entre ses mains. Ses yeux allaient de l’une à l’autre de ses prunelles, comme si elle doutait de son existence. « Ici. On m’a téléporté ici. » - « Comment… ? Peu importe. Par tous les Zaahin. » Elle frappa son épaule. C’était un vrai coup, mais ça ressemblait aussi à une envie de vérifier qu’il était bel et bien là. Il ne broncha pas, se contentant de la scruter. Lui aussi y croyait à peine. Plus les semaines avaient passé, plus il s’était convaincu du pire. « J’ai eu tellement peur ! Nutaar’kra ! (Putain !) » Il sourit vaguement. Dans d’autres circonstances, il se serait moqué d’elle, mais ce jour-là, comme les jours précédents, il n’avait pas le cœur à rire. Il détailla son visage, les marques de la guerre, les cicatrices plus anciennes. Il l’avait vu venir vers lui en boitant – là aussi, il aurait pu plaisanter, mais là non plus, il ne l’avait pas fait. « Je t’avais bien dit qu’on mourrait pas. » souffla-t-il en l’enlaçant à nouveau pour ramener son corps contre le sien. Pourtant, sur le champ de bataille, il s’était vu mourir cent fois.



Message VI – 720 mots




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Mer 22 Fév 2023 - 16:35




La guerre et l’insouciance

En solo | Yngvild, Dastan & co



Hazaan observait la scène qui se déroulait sous ses yeux. Dastan Belegad serrait contre lui Sól Tynath’thuk. Ils n’étaient que deux rescapés d’une gigantesque boucherie. D’autres se prenaient dans les bras, pleuraient, souriaient. Il n’arrivait pas à éprouver du plaisir, ni même du réconfort, en les regardant. Ils étaient l’envers du décor ; l’envers du champ de bataille, l’envers de ceux qui, juste à côté de lui, cherchaient sur la ligne de l’horizon des morts et des disparus. Certains le hélaient, d’autres l’agrippaient par le bras. La plupart ne faisait rien. Parce que leur détresse surpassait leur colère ; parce qu’ils le craignaient un peu, ou au moins la réputation de ses crises de rage et les rumeurs qui couraient à son sujet ; parce que malgré son abattement, il rayonnait de puissance. Il ressentait leur peine, qui le frappait plus fort que leurs coups n’auraient jamais pu le faire. Elle s’étendait jusqu’à lui, s’enrobait autour de son cœur et glaçait le sang qu’il avait sur les mains. Il savait que ce serait un carnage, il savait que la grande majorité d’entre eux mourrait, mais il les avait tout de même conduits aux portes du trépas. Il les avait poussés dans les bras des Zaahin, avec pour seule prière qu’ils pussent y trouver la gloire et l’honneur – parce que dans leur mort, il n’y en aurait aucun. Sur un champ de bataille, dans une guerre perdue d’avance, la mort n’a rien d’héroïque. C’est une donnée factuelle – tout au plus, une fatalité.

Se raccrocher à la suite de la prophétie, qui annonçait un renouveau, ne lui était d’aucune aide. Actuellement, il haïssait cet Équilibre qu’on leur demandait de retrouver, de servir et de défendre. Il n’y avait plus personne pour le faire. Le Thur ferma les yeux et se laissa bercer par les cris, les murmures, les soupirs, les rires. Tout était triste ; le réconfort et la perte déchirait tout un chacun. Plus rien ne serait comme avant. Si, avant et pendant la guerre, il s’était fermement accroché à l’idée que ces sacrifices devaient se faire au nom d’un avenir meilleur, il n’en était plus tout à fait sûr. Sur l’écran baissé de ses paupières, le visage d’Elias Salvatore se dessina. Il savait qu’il avait compris, lui aussi. C’était le lot des grands de ce monde, peut-être : voir l’inéluctable arriver, et ne pas chercher à l’éviter. L’encourager, l’orchestrer. Hazaan inspira, puis souffla longuement. Peut-être devrait-il le confronter à nouveau, un jour ? Il ne pouvait s’extirper cette pensée de l’esprit.

Lorsque les effusions des retrouvailles et le déchirement de la perte s’imprégnèrent de silence, il rouvrit les yeux et releva la tête. Quelques regards s’étaient naturellement tournés vers lui. Certains confiants, d’autres défiants. Il n’avait jamais fait l’unanimité ; au sein des Manichéens, c’était probablement impossible. Leur dualité ne s’y prêtait pas. Le Thur prit une longue inspiration, puis s’humecta les lèvres. « Nous avons tous beaucoup perdu. Je tiens à m’excuser auprès de chacun d’entre vous. J’aurais aimé pouvoir ramener tout le monde. » Des familles entières décimées, des maris, des épouses, des fils, des filles, des frères, des sœurs, des oncles, des tantes, des cousins, des cousines, des voisins, des amis, des amants, des amours. L’usage d’un bras, celui d’une jambe, la présence d’un doigt, l’utilité d’un œil. La tête, pour certains. Des nuits, des jours, des larmes, des cris – pour tous. « Je ne parlerai pas de la bataille aujourd’hui, ni demain. Que chacun prenne le temps de panser ses plaies, de se reposer et, pour ceux qui en ont la chance, de profiter des leurs. » Il parcourut l’assemblée du regard. « Je vais m’entretenir rapidement avec Raguel. » Et peut-être Atthirari, mais compte tenu de son retrait lors de la guerre, il valait mieux ne pas évoquer son nom aujourd’hui. « Et Erza ? » Ses yeux verts se déplacèrent jusqu’à celle qui avait parlé. « Je crois qu’on ne reverra pas Erza. » avoua-t-il. Le silence tomba sur l’assemblée. Il lui faudrait aussi leur parler de Zel’Eph. Il le ferait, en temps et en heure. « On en rediscutera rapidement. » Il passa sa main gauche sur sa joue droite. « Ceux qui étaient en charge ici pourront me rejoindre ce soir ou demain pour me résumer ces dernières semaines. Quant aux autres… » Il baissa les yeux, les releva. « Ma porte reste ouverte. Elle l’a toujours été et elle le restera, peu importe la suite. »



Message VII – 730 mots




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Mer 22 Fév 2023 - 18:04




La guerre et l’insouciance

En solo | Yngvild, Dastan & co


RP précédent : La vie est belle et cruelle à la fois, elle lui ressemble parfois.


Freyja s’arrêta. Son regard balaya l’étendue dorée qui s’étendait sous ses pieds. Les fermes et autres bâtiments agricoles s’égrenaient au fil des prés et des champs, le long des chemins baignés par le soleil couchant. Rien ne semblait avoir changé. C’était une image figée dans le temps. L’Ange descendit le promontoire afin de rejoindre la route principale. Son cœur battait fort. Lumnaar’Yuvon était la première étape. Elle devait prévenir sa famille qu’elle était toujours en vie, et surtout, libre – et elle devait s’assurer qu’ils l’étaient aussi, tous. L’Espoir portait ses pas. Son aura avait gagné en puissance : comme si sa plongée dans les ténèbres avait exhaussé la force de sa lumière. Quelques têtes curieuses se glissèrent à travers les portes et les fenêtres pour la regarder passer, l’œil rond. Aucun doute quant à sa nature ne pouvait subsister ; et en même temps que sa magie blanche affirmait son essence, elle semblait clamer son identité, aussi improbable que cela pût paraître. Elle était de retour, malgré la guerre, malgré le procès, malgré l’esclavage, malgré Jun Taiji. Les questions pleuvraient, chargées de soupçons. C’était inévitable. Elle ne les affronterait pas tout de suite, pas maintenant.

L’Ange marcha droit vers la maison des Belegad. Elle aurait aimé ne pas revenir seule. Être avec Priam. Cependant, à chaque fois qu’elle pensait à son frère, son cœur se déchirait. Elle revivait leur dernière entrevue et, immanquablement, l’image de Kaahl s’imposait. Son palpitant martelait sa poitrine, propulsé par l’adrénaline. Savait-il ? Par moment, l’étreinte fantôme d’Ezechyel l’enlaçait encore. Il avait disparu, comme ça, en un claquement de doigts. Elle s’y attendait, parce qu’il appartenait à un temps qui n’était pas celui-ci, mais la douleur n’en avait pas été moins vive. Seule dans la grange, elle avait pleuré, et encore après. Elle n’avait pas pu se résoudre à quitter immédiatement la ferme Dah Numen. Il lui avait fallu du temps. Pour lui, pour la guerre, pour le procès, pour l’enfant qu’elle avait perdu. L’ironie du sort était acerbe. Elle qui avait refusé l’idée de tomber enceinte exclusivement pour le procès, elle qui avait détesté s’imaginer devoir mentir au sujet d’une fausse couche, se retrouvait à avoir vécu et l’un et l’autre en moins de trois jours. Parfois, elle doutait du fait d’avoir véritablement perdu un semblant de fœtus, un ovule à peine fécondé. Se pouvait-il que ses règles se fussent prématurément déclenchées, comme ça, d’un coup, suite aux chocs subis ? Pour ne durer que quelques minutes ? Elle en doutait. Mais elle n’était pas assez stupide pour croire qu’une grossesse arrêtée pouvait naturellement survenir aussi tôt et de cette façon-là. Il s’était passé quelque chose.

Parvenue devant la porte de la maison familiale, elle toqua, puis entra. La famille était attablée : son père, sa mère, Dastan, Yngvild. Dans ses artères, le soulagement soupira. Ils étaient tous vivants. Son père laissa tomber sa fourchette, qui ricocha dans un son mat contre le bois de la table. La brune déchargea son sac de son épaule et le posa par terre, sans quitter les siens du regard. Yngvild cria : « FREYJA ! », bondit de sa chaise et courut vers elle. Elle se jeta contre ses jambes et posa sa tête contre ses cuisses. L’Ange glissa une main dans ses cheveux, un sourire tremblant collé aux lèvres, les yeux brillants. Puis tous se levèrent et la rejoignirent, la touchèrent, la prirent dans leurs bras, pleurèrent un peu, se répandirent en mille paroles brouillées par celles des autres. « Comment… ? » demanda sa mère caressant ses joues de ses deux mains, comme pour vérifier qu’il s’agissait bien d’elle, de sa fille. « Il m’a laissée partir. » dit-elle. Un vague silence plana. « Qui ça ? » La nouvelle de son achat par l’ennemi de Lumnaar’Yuvon n’était pas parvenue jusqu’ici, pas encore. Ils vivaient loin de tout. « Jun Taiji. » - « Quoi ? Mais pourquoi ? » Elle haussa les épaules. « Ils ne vivent que pour le chaos, surtout lui. L’Empereur Noir va être furieux : rendre sa liberté à celle qui a voulu tuer le Roi et les Archimages, ce n’est pas rien. » répondit-elle, un sourire en coin. Cyrius serait sans doute hors de lui ; pour le reste, c’était un mensonge. Jun n’était plus un Sorcier depuis longtemps. Il n’avait plus rien du monstre que l’on décrivait aux enfants réprouvés. Il en était un d’une autre espèce, à la fois moins humain et plus humain qu’il ne l’avait peut-être jamais été. Et, maintenant qu’elle savait, elle était persuadée qu’il l’avait laissée partir pour deux raisons : d’abord, parce que c’était le Destin, et ensuite, parce qu’il l’aimait.

Fin [Q] - La guerre et l’insouciance 3298876942



Message VIII – 778 mots




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