Priam et Laëth ~ Ange ~ Niveau III ~ ◈ Parchemins usagés : 3428 ◈ YinYanisé(e) le : 02/02/2018◈ Âme(s) Soeur(s) : La bière et le saucisson | L'adrénaline et les problèmes ◈ Activité : Berger [III], traducteur [II], diplomate [I] | Soldat [III], violoncelliste [I]
Ven 09 Déc 2022, 11:02
Unknown
Les Portes – Chapitre V
En groupe | Dastan
Rôle :
Ludoric De Tuorp est le fils de Gustave De Tuorp et d'Eléontine De Tuorp. Il passe beaucoup de temps à étudier. Il a comme projet de devenir militaire afin de défendre le Royaume des potentiels envahisseurs. Il est au courant du libertinage de sa mère, pour l'avoir surprise plusieurs fois avec ses amants et Hermilius. Il sait néanmoins tenir sa langue, puisqu'il a, lui aussi, un énorme secret. En effet, Ludoric De Tuorp entretient une relation clandestine avec le fils du Roi, Placide De Lieugro, duquel il est amoureux. Ludoric est homosexuel et n'a donc jamais ô grand jamais été attiré par une femme. Il garde ses goûts pour lui puisque son père ne le supporterait pas. Il essaye donc de plaire à son père en draguant les femmes qu'il lui désigne. Il espère pouvoir se marier rapidement pour être débarrassé de la présence paternelle et pouvoir continuer sa relation avec Placide tranquillement, dans le dos de sa femme.
Un haussement d’épaules pour toute réponse, un mouvement agité, bondissant d’inquiétude. Il était incapable de dire s’ils les avaient entendus, et ce qu’ils avaient entendu. Mentalement, l’aspirant soldat se flagella. Jamais il n’aurait dû prononcer son nom ; mais ses lèvres aimaient autant le modeler qu’elles aimaient l’embrasser. Il aurait pu le répéter des jours durant, à voix haute, à voix basse, en soupirant, en murmurant, en criant, en riant, en pleurant, en gémissant, en marmonnant, en souriant ; en l’aimant, tout le temps. Il ne se lassait pas de son mouvement sur sa langue et de ses courbes éclatées contre son palais ; il ne s’en lasserait jamais. Il en était convaincu. L’amour qu’il ressentait pour Placide surpassait tous ceux qu’il avait pu voir autour de lui – il était plus puissant que celui de ses parents, mort bien avant l’âge, plus puissant que celui de leurs amis, qui finissaient toujours par s’éloigner. Les adultes semblaient avoir perdu le sens des sentiments ; eux, ils ne l’oublieraient jamais. Il s’en faisait la promesse, et il le promettrait au blond dès qu’il le pourrait. Il ne voulait pas qu’ils fussent séparés. La mort passée trop près de lui le tenait encore aux tripes. Il l’accompagnerait, où qu’il allât, où que la vie les conduisît.
Lorsque Childéric d’Ukok entra dans le salon indigo, Ludoric ne put s’empêcher de retenir sa respiration. Il suivit le tracé de son doigt sur le meuble, serti d’une appréhension désagréable et qui, lui semblait-il, luisait jusque sur son front. Aux premières phrases du guerrier, celle-ci ne fit que s’accroître. Il essayait de conserver un air brave et calme et d’éviter tout mouvement qui aurait pu trahir sa nervosité, mais il ne pouvait empêcher sa mâchoire de se contracter, sa gorge de déglutir et ses pupilles de se dilater. Qu’avait-il à dire ? Allait-il l’arrêter ? Coline l’avait-elle averti de ce qu’elle avait deviné ? Souhaitait-elle le faire emprisonner ? Le pouvait-elle ? Pourquoi l’aurait-il attiré ici plutôt que de lui enserrer directement les poignets dans des menottes ? Son « quoi ? » stupéfait fit parfaitement écho à celui de Placide. Assassiné ? Ludoric se fit violence pour ne pas regarder en direction de son amant. Qui avait voulu le tuer ? Pourquoi ? Une vague de colère se fracassa contre les falaises de son impassibilité. Il fronça les sourcils et pinça les lèvres, toute l’expression de son visage tendue par l’ire et la peur. Il ne réagissait pas comme il l’aurait dû, et il le savait. S’il n’avait pas eu conscience que Placide se tenait juste à côté de lui, il n’aurait probablement pas pu assimiler l’information. Lorsqu’elle aurait commencé à planter ses racines en lui, il n’aurait sans doute pu retenir ni ses larmes ni ses cris. Là non plus, il n’aurait pas agi comme il l’aurait dû. Mais il n’était pas ce qu’il aurait dû être ; et les masques ne pouvaient pas tenir éternellement. L’assassinat de ce fils de paysans les frappait, Placide et lui, tel un coup de tonnerre chargé de cette vérité. Il y aurait toujours quelque chose pour les confondre.
Les iris de Ludoric ne quittaient pas celles du chef de la garde. Dans cette entreprise, il engageait tout son courage. Il avait conscience que cette idylle, peut-être, lui barrerait des portes. Celle de l’armée, peut-être. Il voyait dans les yeux du gradé la vérité qu’ils avaient passé tant de temps à cacher. Il s’humecta les lèvres. « Je le sais, en effet. » Il inspira. « Je ne dirai rien sans l’accord du Prince. S’il n’était pas dans cette maison de campagne et s’il reste introuvable, c’est probablement parce qu’il ne désire pas l’être. » Il ne ferait rien, rien, sans l’aval du blond. Si la peur l’emportait et qu’il refusait d’avouer, Ludoric lui serait loyal. Si la vérité fuitait, si quelqu’un parlait, si Childéric se livrait au Roi, il le protégerait. S’il ne pouvait défendre le royaume, il défendrait le Prince. Face aux attaques, il serait son bouclier. Et s’il devait se battre, il se battrait.
Dans son dos, la porte tinta. Il lui jeta un bref coup d’œil, avant de reporter son attention sur Childéric. Le rouge lui monta aux joues lorsqu’il lui fit signe d’essuyer sa bouche, mais il obtempéra, sortant un mouchoir de sa poche de veste. En même temps, il l’écouta, et la surprise le saisit. Ce qu’il disait, c’était qu’il ne les trahirait pas. Pire, il voulait bien mentir pour Placide, pour eux. Prendre des risques. Pourquoi ? Cela n’avait aucun sens. Qui risquerait sa carrière pour deux jeunes amoureux homosexuels ? Quel sujet ferait souffrir son Roi pour la liberté d’un Prince ? Il n’eut guère le temps de plus s’interroger, car déjà, il les congédiait pour recevoir le médecin De Xyno. Le roux acquiesça et salua le militaire, avant de se rendre dans la pièce adjacente. Il ferma soigneusement la porte, non sans adresser un dernier regard à la salle qu’il venait de quitter. Lorsqu’il pivota vers Placide, celui-ci était assis sur une méridienne. L’expression de sa figure lui serra le cœur. Il s’approcha et s’agenouilla devant lui. Délicatement, il prit ses mains dans les siennes. « On ne fera rien que tu ne veuilles pas faire. » assura-t-il en pressant ses doigts avec douceur. « Je ne sais pas. Peut-être. » Il inspira. « C’est sûr que s’il sait que tu n’es pas mort ou s’il l’apprend… » Un soupir franchit ses lèvres. « Mais je ne crois pas qu’il faille vivre dans la peur. On y a déjà vécu trop longtemps. » Ses iris cherchèrent ceux de son amant. « Je ne sais pas pourquoi Childéric est prêt à t’aider, mais je comprendrais que tu aies envie d’accepter sa proposition. Si tu veux te faire passer pour mort… » Il pinça les lèvres. « On fera comme ça. Je ne te demanderai pas de subir l’humiliation qui ne manquerait pas de t’affliger si la cour apprend que tu es venu ici travesti en femme pour me retrouver, ni de devoir affronter ton père et ses décisions. Mais si c’est ce que tu veux faire, je serai là pour toi, je te soutiendrai et je te défendrai. » Ludoric inspira. « Les seuls problèmes, c’est que… » Un nouveau soupir le traversa. « Ta sœur est au courant, et les deux d’Etamot peut-être aussi. Si nous mentons, ils pourraient vouloir parler. Les gardes savent que tu es en vie. Je ne sais pas à quel point ils resteraient fidèles aux ordres de Childéric. On pourrait fuir, mais je ne suis pas certain que cela change grand-chose. Ils pourraient parler quand même. Et je pense, très honnêtement, que ce serait pire si la vérité venait d’eux plutôt que de nous. » De ses pouces, il caressa le dos des mains du Prince. « Peu importe la façon dont elle se répandra, je crains qu’elle ne finisse par éclater, d’une manière ou d’une autre. L’assassin cherchera probablement à t’atteindre à nouveau et… » Il serra ses phalanges entre les siennes, avant de mêler ses doigts aux siens. « Je te protégerai, Placide. L’armée aussi, si nous restons ici. Si on avoue tout, une enquête va être lancée et j’aiderai Childéric à trouver le meurtrier autant que je le pourrai. » Pour que justice fût rendue et surtout, pour lui. « Je sais que ça implique beaucoup de choses pour toi. Est-ce que tu serais prêt à vivre tout ça ? » Parce que ça ne tenait qu’à lui ; et s’ils devaient fuir et supporter une vie entière de silences et de mensonges, par amour, Ludoric le ferait.
Message XIII – 1276 mots
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Quand je vois une bêtise plus grosse que moi et que je décide de la faire.
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Merci Kaahlinou
Priam et Laëth ~ Ange ~ Niveau III ~ ◈ Parchemins usagés : 3428 ◈ YinYanisé(e) le : 02/02/2018◈ Âme(s) Soeur(s) : La bière et le saucisson | L'adrénaline et les problèmes ◈ Activité : Berger [III], traducteur [II], diplomate [I] | Soldat [III], violoncelliste [I]
Rosette est la fille de Madeline et Lambert d'Eruxul. Depuis toute petite, elle est amie avec Natanaël D'Ukok, Elzibert D'Etamot, Deodatus D'Etamot et Yvonelle D'Etamot. Ils se sont jurés une amitiés à la vie à la mort. Leur histoire a, bien entendu, été ponctuée de hauts et de bas mais ils s'en sont toujours sortis. Ils ont été en cours ensemble, en vacances ensemble etc. Rosette adore les oiseaux. Elle s'en occupe tous les matins et tous les soirs. Elle reçoit d'ailleurs beaucoup de poème et fantasme sur l'expéditeur. Elle aime également le jardinage ainsi que les travaux pratiques. Si elle parait prude, cela fait bien longtemps qu'elle couche en cachette avec Natanaël, alors même que celui-ci est fiancé à Yvonelle. Néanmoins, comme les deux filles sont particulièrement proches, elle sait qu'Yvonelle couche avec Elzibert. Les deux se gardent simplement d'informer Natanaël de la situation.
Il ne se détournerait pas. L’oisillon de Rosette s’agitait si fort qu’elle craignait qu’il ne s’effondrât. Mille et un vers de Clémentin tourbillonnaient dans son esprit. Elle avait passé des soirées à les apprendre par cœur, à se les répéter avant de dormir, à supplier les Dieux de lui révéler l’identité de cet artiste brumeux. Elle avait demandé à Natanaël de lui écrire des poèmes, mais jamais ils n’avaient égalé la beauté et la grâce de ceux du mystérieux écrivain. Parfois, cet attrait avait viré à l’obsession : elle avait fouillé des bibliothèques entières à la recherche d’une plume qui pût s’apparenter à celle qui la faisait vibrer. À chaque fois qu’elle trouvait une similitude, un détail balayait ses certitudes. Elle avait collectionné des ouvrages dont elle se persuadait qu’il les avait lus, sans jamais pouvoir en être sûre. Elle avait observé tous ceux qui fréquentaient les espaces peuplés de livres, mais jamais elle n’en avait abordé un seul. Désormais, alors qu’elle possédait enfin la vérité, cette quête lui paraissait presque ridicule. Comment aurait-elle pu retrouver un garçon d’écuries entre des rayons de reliures parcourus par la noblesse ? Entre ses bras, elle sourit. Elle détenait la clef du plus merveilleux des secrets. Ils lisaient tous de grands noms, mais jamais leur cœur n’avait bondi comme le sien d’un vers à l’autre. Jamais ils n’avaient ressenti le violent frisson d’excitation qui la parcourait lorsqu’elle voyait une enveloppe déposée dans sa volière. Jamais ils n’avaient éprouvé la peine de n’y rien trouver. Et jamais ils ne connaîtraient la saveur de ce mystère enfin élucidé. Ils croyaient côtoyer les âmes des poètes en s’imbibant de leurs textes, mais ils ne faisaient qu’effleurer l’inatteignable. Les mots plaqués sur des feuilles n’étaient pas vivants ; ils ne donnaient qu’un aperçu de l’esprit qui s’incarnait dans la main écrivaine. Elle, elle avait la chance de pouvoir plonger son regard dans l’âme de son poète. À cet instant, pour rien au monde elle n’aurait abandonné ce privilège. Elle voulait le célébrer, avec lui. Elle voulait découvrir tout son être et le laisser explorer le sien. Il était son poète, elle était sa muse ; ce soir-là, ils n’avaient, l’un sans l’autre, aucune existence.
Et elle œuvrerait pour que cela pût se poursuivre encore après. Elle ne pouvait rien promettre à Clémentin, sinon qu’elle éprouverait toujours un plaisir immense à lire ses vers et qu’elle souhaitait qu’il continuât à noircir des feuilles en son nom. Elle ne pouvait lui offrir aucune vie à ses côtés. Là où ses poèmes pouvaient faire miroiter mille chimères, les devoirs de Rosette balayaient les rêves et imposaient la réalité. Ce soir-là, elle les chassait. Elle songerait plus tard aux implications de leurs actes et, surtout, à leur devenir. Elle ne voulait pas qu’il se détournât, et elle ne voulait pas devoir le faire non plus. « Vous ne me forcez pas. » La rousse lui donna un baiser, doux, rassurant. « Ne vous forcez pas non plus. » Les mots lui échappèrent, tirés hors de sa bouche par une inspiration soudaine ; tout à coup, elle percevait le palefrenier comme un oiseau merveilleux. Il y avait une forme de cruauté à vouloir le garder près d’elle, à vouloir le connaître, à refuser de le repousser. C’était comme l’enfermer dans sa volière, qu’il avait si souvent pénétrée de son plein gré. Ils appartenaient à deux mondes qui se rencontraient sans se mêler ; là où il volait, elle ne pouvait que marcher. Son amour pour elle lui couperait-il les ailes ? Ce n’était pas ce qu’elle désirait, et cependant, l’imaginer prendre son envol pour s’éloigner d’elle fissurait son cœur. La rousse se pressa un peu plus contre lui. S’il s’envolait, peut-être pourrait-elle s’accrocher à lui et le suivre ? L’inconnu dévorait le sol sous leurs pieds. Elle voulait bien tomber, au moins ce soir. Elle lui rendit chacun de ses baisers, chacune de ses caresses, chacun de ses soupirs. Elle se laissa guider à nouveau jusqu’à la table. Là où elle n’avait pu goûter qu’à l’intangible de ses mains et de sa bouche, elle sentit sur elle toute la ferveur de ses vers, et bientôt, tout l’impact de son corps. L’oiseau fit vibrer ses cordes vocales du chant mélodieux de l’amour. Dans leur étreinte, la poésie des gestes remplaçait celle des mots.
Message XIII – 720 mots
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Quand je vois une bêtise plus grosse que moi et que je décide de la faire.
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Merci Kaahlinou
Dorian Lang ~ Vampire ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 112 ◈ YinYanisé(e) le : 22/08/2022◈ Activité : Chômeur grincheux
Ezidor a décidé de revenir dans ce Royaume après l'avoir quitté, jadis. Médecin et fin connaisseur des poisons et des drogues, son plus grand plaisir dans la vie est de droguer femmes et hommes afin d'abuser d'eux. Il n'a aucune limite. Sans le savoir ni même le vouloir, il est le père de Natanaël d'Ukok. En effet, il a violé sa mère, Ernelle, après l'avoir droguée, il y a de cela des années. Après avoir fait le tour de plusieurs Royaumes pour y perpétrer ses crimes abominables, le voilà de retour dans celui qui l'a vu naître, pour le pire. Son objectif ? Abuser de toute personne assez naïve pour boire les breuvages qu'il confectionne.
À l'intervention du garde, Ezidor se détacha de sa partenaire. Il n'était pas très avancé sur cette femme et fouler un terrain inconnu lui déplaisait profondément. Irène était dangereuse et Ezidor avait vécu trop d'années pour la croire sur parole quand elle agissait comme étant de son côté. Pour le moment, il accepterait son aide mais garderait sa vigilance intacte. Il lui faudrait tisser un piège similaire à celui de Gustave autour de son joli cou gracile pour assurer ses arrières et il se promit de se mettre à l'ouvrage en rentrant du bal. « J'arrive. » Fit-il au garde avant de prendre la main de la blanche pour déposer un baiser sur son dos. « Veuillez m'excuser ma Dame. Ma fonction ne m'offre jamais le loisir de profiter des avantages de ma noblesse autant que d'autres. Mais je ne doute pas que nous nous reverrons. »
Le médecin quitta sa déconcertante compagnie pour rejoindre celle plus familière de Childéric. Que pouvait-il lui vouloir ? Avait-il besoin de son savoir-faire pour faire avouer à Déodatus son crime ? Il avait bien quelques potions dans sa mallette qui déliait les langues les plus rigides, même s'il doutait que quiconque remette en question la parole de la princesse d'Uobmab. Quel intérêt aurait-elle eu à mentir ? Ezidor ne connaissait pas tous les tenants et aboutissants de cette histoire mais il était heureux de savoir qu'Adénaïs ne connaîtrait pas un sommeil paisible de si tôt. La fatigue n'était pas recommandée pour les souffrants mais puisque Childéric lui-même ne voulait plus de sa présence à son chevet, qu'y pouvait-il ?
Il poussa la porte pour y découvrir, non pas le jeune d'Etamot, mais le fils de Gustave et une blonde dont l'identité lui échappait. Le salon indigo sourdait une tension palpable et le médecin prit bonne note des expressions tendues des deux jeunes personnes. Manifestement, la déclaration du commandant les avait pris de court. Que s'était-il passé ? La curiosité faisait luire ses yeux mais il resta silencieux, dos au mur jusqu'à ce qu'ils quittent la pièce.
« Quelqu'un est mort ? » Fit-il pour toute réponse, scrutant ce dos qui s'était élargi. Il était devenu musclé, peut-être même davantage que Gustave et un frisson d'anticipation le parcourut. La possession était un plaisir intarissable.
Il songea à ce que le brun venait d'admettre. De toutes les drogues qu'Ezidor avait pu proposer au d'Ukok, il n'avait pas prévu qu'il ferait lui-même partie de cette liste. Au fond, peut-être qu'en son absence, le soldat avait dû trouver d'autres bras pour accueillir ce trop plein d'amour qui exsudait de ce pauvre cœur fragile. Présenté ainsi, c'était de sa faute s'il s'acoquinait désormais avec la catin, c'était donc à lui de rectifier les erreurs de son disciple. C'était son rôle de le guider dans la masse noire et opaque dans laquelle il n'avait jamais réellement cessé de baigner. Il n'avait juste plus de main à tenir pour en arpenter les tortueux chemins, il s'était perdu mais ce n'était rien d'irrémédiable.
Son verre dans la main, il plongea son regard dans le sien et dut pour cela lever un peu la tête. « Il y a des années de ça, c'était moi qui était plus grand que toi. » Remarqua-t-il à voix basse. « Aujourd'hui, tu me dépasses et tu me parles de coup d'état. » Il leva son verre. « Je vais donc boire en ton honneur. » Il s'exécuta et vida la moitié de son verre avant de froncer les sourcils. Se pouvait-il qu'il soit si aveugle ? Toutefois, Ezidor n'était pas de ceux qui exhibaient leurs faiblesses au grand jour, pas même à Childéric. « Je ne suis du côté de personne sinon du mien, tu le sais bien. » Il se rapprocha d'un pas jusqu'à ce que la silhouette du commandant envahisse l'entièreté de son champ de vision. « Mais si tu as besoin d'une réponse plus claire à tes doutes, j'ai toujours aimé penser que je serais de ton côté pour la simple et bonne raison que tu m'appartiens. Je t'ai façonné plus qu'un géniteur n'aurait pu le faire. De ce fait, tu es une extension de moi-même et - » Il cligna des yeux, dérouté et soudain incapable de se souvenir de la fin de sa phrase. « Là où je veux en venir, Childéric, c'est que tu pourras toujours compter sur moi, tout comme je sais que je peux compter sur toi. Je n'autorise personne à te faire du mal, il n'y a que moi qui ait ce droit. » Il leva sa main libre pour la placer sur le flanc de son cou et son pouce retraça la ligne de sa mâchoire. Son monde s'était rétrécit sur cette bouche. « Fais-moi confiance. Mais n'agis pas sans réfléchir. N'oublie pas qu'il y a un roi dont la réputation n'est plus à faire ici, et je ne crois pas qu'il soit présent par courtoisie. Si tu penses que j'ai pu commettre des atrocités, ce n'est rien à côté de ce que Judas peut faire. Si tu veux retourner ta veste, fais-le intelligemment. Use-moi. » Les contours du faciès du brun se troublaient, comme avalés par la pénombre de la pièce et bien qu'il le sentit au bout de son bras, il paraissait s'éloigner. Sa main s'accrocha au col du vêtement comme pour le retenir, ou pour se soutenir lui-même. Ce n'était pas normal. « Qu'est-ce que... » Articula-t-il avec difficulté, la bouche pâteuse. Son verre s'échappa de sa main pour se briser au sol mais le bruit était filtré par un mur de coton. Sa main libérée vint imiter sa jumelle pour s'accrocher au vêtement de Childéric. La compréhension faisait reculer la progression du poison dans ses veines et sa conscience se débattait avec la rage de la trahison. « Tu - Pourquoi ? » Ses genoux fléchirent en premier et Ezidor l'entraîna dans sa chute. L'esprit alourdi d'un épais brouillard, il peinait à aligner deux pensées cohérentes. Ses mains se refermèrent en poings qui frappèrent le torse du brun, mais ses forces l'avaient trop quitté pour que l'autre en ressente une quelconque douleur. « Pauvre imbécile. » Ses yeux se murèrent derrière la barrière de paupières devenues trop lourdes et sa respiration s'égalisa quand son front vint se recueillir sur l'épaule de Childéric, son esprit délité en une multitude de tentacules brumeux jusqu'à ce que le noir l'englobe.
Message XI | 1134 mots
Je crois qu'un beau "Cheh" s'impose.
Merci Jil :
Adriæn Kælaria ~ Sirène ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 242 ◈ YinYanisé(e) le : 20/01/2021
Lambert d'Eruxul est le mari de Madeline d'Eruxul. Il n'entretient avec sa femme que des rapports courtois. C'est aussi le frère de feu Déliséa De Lieugro, la femme du Roi, morte en couche. Très proche de sa sœur du temps de son vivant, il entretient avec Montarville De Lieugro une réelle amitié. Les deux hommes passent beaucoup de temps ensemble, à se promener à dos de cheval, à converser, etc. Lambert étant un fêtard patenté, il organise souvent des bals auxquels il convie son ami afin d'essayer de lui remonter le moral. Lui, a fait son deuil, ce qui n'est pas le cas de Montarville. Il voit d'un très mauvais œil la présence de Garance à ses côtés. Pour lui, c'est une opportuniste. Peut-être pense-t-il cela puisque, étant jeune, il a fricoté avec celle-ci ? - c'est ce que diraient la plupart des gens - néanmoins, Lambert est un homme qui a la tête sur les épaules et il juge souvent très bien les gens. Il se place lui-même en tant que protecteur du Roi.
Lambert était assis autour d’une table. En face de lui, Garance se tenait. Les yeux de l’homme étaient fixés sur le bois du plateau, entre les deux tasses de thé et la théière. Ils avaient dû demander aux invités de rentrer chez eux. Il n’y avait pas eu d’autres solutions et la situation ne faisait qu’empirer d’heure en heure, au fur et à mesure que les gardes et espions faisaient leur rapport. Ils avaient donc convenu de parler de tout sauf de ce qu’il se déroulait, le temps d’avoir une vision claire des événements. Plus tôt, ils avaient commencé à envisager des solutions mais celles-ci avaient été balayées par l’arrivée d’un nouvel imprévu, à savoir la disparition de la Princesse Coline, visiblement enlevée par le Roi d’Uobmab. Il paraissait évident, à présent, que le Royaume serait bientôt plongé dans un chaos particulièrement prégnant et que des décisions allaient devoir être prises. L’instabilité grondait et le blanc ressentait une forme de peur. Pas pour lui mais pour Montarville. L’annonce de la succession n’avait pas encore été faite que la future Reine se trouvait entre les mains d’un homme qui l’avait peut-être déjà assassinée. Lieugro disposait pourtant des enfants de Judas, ce qui étonnait Lambert. Le brun avait-il fait une erreur stratégique ou se moquait-il du monde ? Il était difficile de le savoir. Le Roi du Royaume d’Uobmab était imprévisible.
Le regard de Lambert se détacha de la théière pour se poser dans les yeux de Garance. Ils avaient discuté, plus tôt, des tentatives de Merlin. Si la sœur de Montarville parlait, le Prince d’Uobmab serait mis sous les verrous à jamais. Judas le savait-il ? Était-il au courant des plans de son fils ? Était-ce pour cela qu’il avait enlevé Coline ? Afin d’obtenir une monnaie d’échange ? D’un autre côté, le Souverain n’avait pas cherché à laver l’honneur de sa fille. Merlin s’en était chargé. À quel point ces enfants étaient-ils livrés à eux-mêmes ? À quel point étaient-ils forts ? Il manqua de parler d’un mariage qui arrangerait la situation mais ils avaient convenu d’attendre. Ça lui faisait étrange de se retrouver ainsi installé en face de Garance. C’était comme un aveu silencieux de son impuissance à sortir son meilleur ami de sa dépression et des faiblesses de son cœur. Il ne savait pas quoi faire et il lui paraissait impossible de favoriser Garance au mépris de Montarville. Il savait ce qu’elle voulait mais il ne pouvait aller dans son sens. Pas comme ça. Pas maintenant. Il devait rester la béquille qui soutenait le Roi. « J’ai vu sur les plans cadastraux que Judas a une maison à Lieugro, proche d’une propriété qui t’appartient. » Il n’avait pas envie de la mettre en cause dans quoi que ce fût. Les faits l’avaient interpellés lorsqu’il les avait constatés. « Ce qui m’étonne avec lui c’est qu’il n’a jamais cherché à annexer Lieugro. Il aurait pu à de multiples reprises par le passé… Montarville est clairement affaibli depuis la mort de Déliséa et ses soutiens se réduisent. Même toi tu… » Il s’interrompit. « Qu’importe. Ce que je veux dire c’est qu’il aurait été très facile de convaincre quelqu’un de tuer Montarville ou bien de corrompre les familles les plus influentes. Judas semble préférer agir par la force mais je doute qu’il se contente de ça. C’est peut-être ce qu’il dit… mais on ne conquiert pas autant de Royaume uniquement par la force et l’audace. » Il prit la théière et versa son contenu dans les deux tasses. « Alors pourquoi est-ce qu’il n’a rien fait ? Lieugro est un Royaume paisible, économiquement viable. Il aurait à y gagner. » Il s’adossa à sa chaise. Il ne savait pas s’il devait en parler mais il tenta. « J’ai entendu quelques… rumeurs. Je n’y avais pas franchement prêté attention à l’époque parce que ça me semblait être des commérages de bas étage mais… » Lambert ne connaissait pas beaucoup Judas mais il savait qu’il avait été à de nombreuses reprises à Lieugro durant son adolescence. « J’ai entendu dire que Judas épiait souvent Montarville de loin quand ils étaient tous les deux ados. Personnellement je n'en garde pas un souvenir très clair mais peut-être que… je ne sais pas. Peut-être qu’il lui plaît ? » Il rit. Prononcé à haute voix, ça semblait stupide. « Ou qu’il lui plaisait disons. » Il porta la tasse à ses lèvres et but. Ça manquait cruellement d’alcool. « Je ne sais pas ce que tu en penses. Je n’ai pas l’impression que Montarville le connaisse plus que ça et ça m’étonnerait qu’il fasse semblant de ne pas le connaître même avec moi… » Il fallait bien passer le temps. Toujours est-il que Lambert savait bien que les sentiments pouvaient faire commettre des erreurs aux puissants. « Peut-être faudrait-il que je me rende dans les Royaumes voisins afin de demander de l’aide. » En évitant la Reine de Tahc. On disait qu’il s’agissait d’une grande conquérante et qu’elle avait coupé les parties des Rois qu’elle avait fait plier. Ces parties avaient ensuite subi les techniques propres à la thanatopraxie et la légende voulait qu’elle les portât autour du cou lors des grandes cérémonies. « Ou simplement inviter Judas à discuter de ses intentions. »
Hemilius De Tuorp est le cousin et amant d'Eléontine De Tuorp. Amoureux de sa cousine depuis leur adolescence, il se lasse petit à petit d'elle. Bien entendu, il prend toujours beaucoup de plaisir à manigancer avec elle mais, quelque part, tout ceci a comme une odeur de renfermé et un goût de déjà-vu. Il se lasse et aimerait passer à autre chose, à commencer par se marier et fonder une famille qui ne sera pas menacée par le déshonneur qui ne manquerait pas de frapper si la foule venait à connaître ses activités. Il souhaite donc arrêter, bien que l'opération soit délicate. Il redoute d'avoir à s'expliquer avec Eléontine puisque, si cette dernière ne consent pas, elle pourrait révéler à tout le monde ce qu'ils font ensemble et ce qu'ils font aux autres. Il pense que leurs manigances sont restées entre eux et songe que si elle ne lui laisse pas le choix, il devra sans doute l'éliminer, d'une manière ou d'une autre. Il est amoureux depuis peu de Clémentine d'Ukok, une femme qu'il juge "bien comme il faut" - le genre qu'il n'a pas l'habitude de côtoyer en somme.
« Je ne sais pas. » articula Hermilius à l’attention d’Yvonelle. Il croisa le regard de Clémentine mais détourna les yeux rapidement. Ce qu’il faisait, il le faisait à desseins. À présent que la d’Ukok était présente, il voyait très clairement se dessiner une autre opportunité. Il ne savait pas pourquoi est-ce qu’elle se montrait si distante avec lui mais il saurait la rassurer, jusqu’à ce qu’elle oubliât le reste. Dans tous les cas, si son accord avec Garance tenait, il finirait par l’avoir. Ce n’était qu’une question de temps. Il était patient. « Adénaïs, respirez. » murmura-t-il, à son oreille. Elle était dans un tel état qu’il lui était difficile de faire quoi que ce fût. La vision de sa fille sembla néanmoins le requinquer quelque peu. Elle semblait avoir peur pour ses enfants. « Elzibert ? » Par réflexe, il tourna les yeux vers Yvonelle. Il les avait vus ensemble à peine plus tôt. Leur mère avait-elle des doutes ? Et où était parti le jeune homme, en si peu de temps ? Il ne devait pas être bien loin. « Vous savez où il est ? » demanda-t-il à la blanche, tout en restant à proximité de sa mère. Elle semblait être sur le point de s’évanouir et mal jauger ses propres forces. Il la vit défaillir et se précipita pour la retenir, soutenu par le garde. « Je ne sais pas ce qu’il se passe mais il semble que Dame d’Étamot aille mal. Avez-vous des informations à me communiquer ? » Le garde le fixa et finit par parler de la situation : le viol de la Princesse Zébella – qui ravit particulièrement le bleu, à l’exception près qu’il aurait été bien plus heureux s’il avait commis l’acte lui-même – et l’implication de Déodatus d’Étamot dans ce dernier. Il parla du duel. Quant à la mort de l’adolescent, il n’était pas au courant. « Je vois. » répondit-il, avant de se tourner vers Yvonelle. Il ignora Clémentine, comme si l’urgence de la situation la faisait passer en second plan. « Je vais tenter de trouver votre frère. Votre mère a raison, vous devriez rester avec Dame d’Ukok. C’est une personne de confiance qui ne vous fera pas de mal. » Il précisa. « Maintenant que la foule pense que votre frère est un violeur, elle pourrait se retourner contre vous ou accuser également Elzibert d’être de mèche. » Il s’arrêta et regarda enfin Clémentine. « Si ça ne vous dérange pas, peut-être serait-il préférable que vous ameniez les d’Étamot chez vous le temps que ça se calme. J’ai peur que cette histoire prenne des proportions plus importantes et qu’ils ne soient pas en sécurité dans leur propre demeure. » Il baissa un instant les yeux. « Ce serait juste pour cette nuit. Demain je prendrai mes dispositions pour les accueillir dans l’une des dépendances du domaine de Tuorp. Je vous laisse réfléchir. »
Il tourna les talons et s’éloigna. Dans la salle de bal, il n’eut aucun mal à trouver Elzibert, en compagnie de Gustave. Comme il n’avait pas spécialement envie de parler au mari d’Eléontine, il demanda à un domestique d’aller prévenir Elzibert que sa sœur et sa mère l’attendaient dans les jardins. Il ne perdit pas plus de temps et entreprit de trouver Déodatus. Avec un peu de doigté, peut-être réussirait-il à le faire libérer, au moins le temps de son procès. Il ne pouvait pas croire que cette histoire de duel fût vraie. Néanmoins, dès qu’il se fut éloigné de la salle de bal, les bruits de couloir se firent bien plus sombres. Les murmures disaient que le Prince Merlin d’Uobmab avait assassiné le coupable. D’autres s’élevaient, sur un tout autre sujet. Ezidor de Xyno avait disparu, alors même qu’il devait concocter une potion pour la Princesse. Hermilius plissa les yeux. Il commençait à faire les liens entre les événements. Bien. Très bien.
« Excusez-moi ? » « Oui ? » « Le docteur de Xyno m’a demandé d’apporter ce remède à la Princesse. Avec les événements, il est particulièrement occupé et ne peut pas gérer sur tous les fronts. » Il tenait entre ses doigts une fiole. Elle contenait ce qu’il avait pu trouver ici et là. C’était une mixture sans aucun doute infame et, bien entendu, elle n’avait rien d’un abortif. « Il a précisé que je devais lui remettre en mains propres. L’affaire est importante. » Des fois qu’on décidât de l’effacer au profit d’un quelconque domestique proche de la royauté.
Lorsqu’il entra dans les appartements, il la vit directement, nue et seule. Elle avait l’air différente. Du moins, il la percevait différemment. Ses muscles donnaient à sa silhouette une apparence qu'il ne lui aurait pas deviné posséder plus tôt. Il posa ce qu’il tenait sur une table, en prenant soin de ne pas paraître détailler ses formes. Il ne s’excusa pas de son interruption. Si elle se promenait nue, ce n'était pas de son fait. Il inspira. « Quand j’étais enfant, j’allais souvent prier à l’église du village proche de la demeure familiale. Un religieux m’a vite pris en affection, jusqu’à me prendre tout court. » Il fixa la fiole. « J’en ai parlé à mes parents. Ma mère a été scandalisée et a commencé à avoir des comportements bien trop protecteurs avec moi. Mon père ne voulait rien entendre. Pour lui, c’était ma faute et, dans tous les cas, bien trop honteux pour être révélé. » Il la fixa dans les yeux. « Au début je me sentais mal et sale. Je n’avais pas compris avant de voir la réaction de mes proches et il s’est avéré que leur regard m’a été plus préjudiciable que l’acte lui-même. Mais en grandissant j’ai commencé à me dire que le seul moyen de laver l’affront était d’agir. Le monde m’avait baisé alors je baiserais le monde. » Il croisa les bras sur son torse et déclara, de but en blanc : « Je vous plains un peu. Ils vont tous vous voir comme la victime de Déodatus à partir de maintenant. Vous ne serez plus Zébella. Vous serez Zébella, la princesse violée. Et si vous essayez de vous montrer forte, ils diront que c’est à cause de votre traumatisme. Quoi que vous fassiez, vous serez coincée. » À vrai dire, il aurait été elle, il serait revenu sur ses accusations. Il valait mieux passer pour une menteuse que pour une victime. Néanmoins, il ne le lui précisa pas. « Néanmoins, si je puis me permettre, je vous conseille de ne pas attendre trop longtemps pour le refaire. Vous devriez également boire le remède que je vous ai amené rapidement et un deuxième, afin d'être sûre. » Même si ça lui plaisait d’imaginer qu’elle tomberait enceinte et qu’elle devrait se faire avorter en se plantant une aiguille à tricoter dans le vagin, il ne lui souhaitait pas vraiment. « J’ai entendu dire que votre père était parti et que votre frère avait tué Déodatus d’Étamot… Je ne sais pas quel comportement je trouve le plus scandaleux, entre celui qui vous ignore et celui qui vous infantilise. » Il risquait gros depuis tout à l’heure, et il le savait. De base, il avait voulu voir Zébella pour la supplier de relâcher Déodatus – en feignant d’ignorer sa mort – dans l’espoir que son comportement arriverait aux oreilles du plus grand nombre – et notamment de Clémentine – mais il se demandait à présent s’il ne serait pas plus efficace de combattre Uobmab par Uobmab lui-même. Son sentiment, lorsqu’il avait vu Zébella, c’est qu’elle semblait bien seule ; trop seule pour que ses proches lui portassent un amour réel. Peut-être pensait-elle n’avoir besoin de personne mais personne ne survit seul. « Les hommes sont le plus souvent décevants. Peut-être devriez-vous discuter avec Garance de Lieugro, la sœur du Roi. Je pense que vous pourriez avoir des intérêts communs. » Peut-être. Garance voulait sans aucune doute le trône. Et Zébella, que voulait-elle ?
1233 mots Elle peut lui casser la gueule ellipsiquement 8D /sbaf
Latone ~ Orisha ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 2242 ◈ YinYanisé(e) le : 24/05/2014◈ Activité : Horticultrice
Sam 10 Déc 2022, 17:09
Les lamentations d'une mère possédaient le singulier pouvoir déchirer le voile de la voûte céleste. De tous, ce timbre précis – un hurlement bien plus puissant que l'appel des loups – ameutait l'attention et une pléthore de sentiments si contradictoires. Empathie, indignation, mépris, tant de regards différents flottaient dans le champ de vision d'Ernelle alors que sa peine ne se cautérisât point. Dans le même temps, la détresse d'Adénaïs D'Etamot semblait s'être éteinte ; en quoi : des sanglots, de la rage, ou la résignation morbide ? Tout comme sa sœur, la D'Ukok n'aurait pas hésité à voguer à l'aide de la veuve, tant les crocs semblaient être de sortie en cette insolente soirée. Était-ce encore de la faute de Hermilius ? D'autres rapaces œuvraient ? Comme elle l'avait tant spécifiée à son amie, elle était lasse de ces scénettes. Ces mensonges, ces scandales, ces pitreries qui n'avaient plus lieu d'être. Lieugro lui apparaissait comme un Royaume de saltimbanques et, au fond d'elle, une partie ne se porterait pas à contrecourant de sa ruine. Elle n'aurait alors plus qu'à s'éloigner des cendres pour reprendre sa vie en main.
Ernelle ne se dirigea aucunement vers Adénaïs, puisqu'avec la désolation de leur cercle, elle craignait que son fils fût touché de près ou de loin par une main scélérate. Son absence ne lui disait rien qui vaille, alors qu'elle avait toujours connu Natanaël comme un jeune homme amplement extravagant et aisément repérable. Il devrait être avec sa fiancé ou les autres enfants, mais plus elle récoltait les affirmations des convives, plus son espoir s'émietta. Que se passait-il, au juste ? Pourquoi avait-elle la nette impression que les accusations de la Princesse Zébella provoquèrent un chaos ? Certes, si le fait s'avérait, la gravité de cet acte risquait d'être porté à hauteur d'un crime d'État. Pour autant, ceci ne devrait toucher que les hautes sphères de la cour. Alors, encore une fois, pourquoi ? Pourquoi avait-elle ce désagréable sentiment de reculer en s'avançant ? C'était aussi pénible que de bloquer sur un mécanisme pourtant évident aux premiers abords. Tic, tac, tic, tac, et ça repartait. Ici, la machine ne voulait pas se lancer parce qu'elle ne trouvait tout bonnement pas le bouton. Elle avait besoin de son support, elle avait besoin d'aide ; la mère avait besoin de son fils.
" Ernelle D'Ukok ? Vive, la noble pivota vers la voix salvatrice, soulagée qu'un instant qu'on la tirât de ce cauchemar à venir. Hélas, en se confrontant au froid du plate, son sang se glaça. Je vous prierai de nous suivre : votre fils a besoin de vous. "
Piégée, son instinct maternel la traîna sur la route des chevaliers, happée et ébranlée comme une coupable capturée sur le fait accompli. Son fils la demandait, c'était du moins ce qu'elle comprenait. D'ordinaire, Ernelle se serait écriée sur ces gardes afin de grapiller le maximum d'informations. Elle était une battante, elle aurait dû laisser sa voix clamer tout son mal. Toutefois, elle percevait les armures comme des coquilles vides auxquelles il lui serait vain d'exprimer la moindre attente. À moins de les disséquer sur place avec son œil de compas, l'effort demeurerait vain. Elle ne voulait pas y retourner. Elle avait supplié Lénora, mais c'était trop tard ; la mère se retrouvait face à son fils convalescent, baigné dans du sang.
À cette vue macabre, Ernelle parut aussi pâle que la chair de sa chair. Peut-être pourrait-elle sous l'inattention des hommes armés, dans cette chambre inconnue, à l'abri de tous, hors de portée de tout. Qui serait assez cruel pour présenter son Natanaël mort, ainsi sans avant-propos ? Son fils ne pouvait pas être décédé, ce qui renforçait davantage son trouble face à ces taches de sang qui ne trouvaient source nulle part dans cette pièce. À qui appartenait-il ? Pourquoi son propre descendant en était couvert ? Qu'est-ce qui avait bien pu provoquer son évanouissement ? Son crâne se remplissait d'un trop-plein d'hypothèses et de théories, ce qui la rendit quasi hermétique aux palabres officielles de son escorte.
" Ma Dame, votre fils est témoin d'un crime passionnel. Nous avons besoin de son témoignage pour permettre au Roi d'émettre son jugement. Étant donné son état, nous vous le confions à vos bons soins. Cependant, nous n'avons d'autres choix que de le confiner au palais afin de récolter s— "
" Laissez-le… "
L'exhalation la fit paraître comme un fantôme. Qu'une poignée d'entre eux pouvait anticiper son tourment, alors que le reste de l'assemblée se montrait aussi confus qu'une poule face à un pelage roux.
" Mes plus sincères excuses, mais nous avons pour ordre de le surveiller. "
" LAISSEZ-NOUS ! Sortie du cœur, son cri succéda à celui d'Adénaïs et aurait pu faire tinter le métal de leurs protections. Je vous en supplie… Elle s'agenouilla au chevet de son tendre garçon, abattue. Laissez-nous… "
Tic… Tac.
852 mots ~
By Jil ♪
Min Shào ~ Orine ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 269 ◈ YinYanisé(e) le : 25/03/2022◈ Âme(s) Soeur(s) : Elle m'attend quelque part.
Dim 11 Déc 2022, 13:42
Image par Pauline Voß
Les Portes - V
Alors que mes pieds me ramenèrent dans la salle de Bal, mon esprit flottait vers d'autres contrées. Le goût du baiser chaste de mon amie restait ancré sur mes lèvres comme une promesse. Avouer mon secret à ma plus proche confidente m'avait ôté un poids si lourd que je m'étais envolée au-delà des étoiles. L'effet avait été complètement inverse à ma confession auprès de la Princesse, quelques heures plus tôt. Ernelle n'avait pas seulement une oreille attentive : j'avais trouvé dans son regard et son étreinte un puissant réconfort. Parce que le cœur d'Ernelle accompagnait sa parole. Ce n'était pas qu'une facade. J'avais redouté que notre lien se soit tari à l'épreuve du temps. Qu'elle se détourne de moi en comprenant que mon cœur avait d'autres élans. Mais en un regard, elle avait effacé tous ces doutes qui m'ancraient dans les abîmes du désespoir. Elle m'avait donnée un nouveau souffle. J'étais remontée à la surface et le monde m'apparaissait sous un nouveau jour.
Mes yeux fouillaient la salle à la recherche du Roi. J'étais prête à lui avouer. Il me suffisait de l'isoler, seulement pour un moment... mon esprit avait dérivé si loin du château que je ne remarquai pas tout de suite le maëlstrom qui aspirait la famille Royale. Mais quand il m'apparut que Montarville était absent, je captai la détresse dans le comportement de Martin. Il s'affairait à coordonner la fermeture du buffet. Les domestiques allaient et venaient, mêlés aux invités qui remettaient leurs manteaux de fourrure pour affronter le froid nocturne. Pourtant, il y avait encore beaucoup de choses de prévues pour le Bal. Qu'avait donc provoqué cette fin précoce ? L'accusation de la Princesse d'Uobmab, ou encore autre chose ? Et où était le Roi ? Un frisson me parcourut l'échine. Je remarquai du coin de l'oeil Ernelle qui se précipitait dans un couloir, l'air visiblement perturbée. Près d'elle, Adénaïs D'Etamot avait perdu conscience.
« Qu'est-il arrivé à Dame D'Etamot ? » demandai-je à un musicien qui rangeait son violon. « Je crois que quelqu'un est décédé », murmura-t-il à mon intention. « Son fils, il me semble. » Ce dernier semblait très perturbé, tout comme les autres musiciens. Mon sang se glaça à l'idée que quelqu'un ait pu perdre la vie, mais il s'agissait potentiellement d'un violeur, et non pas du Roi. Cette idée me permit de balayer le drame dans un coin de mon esprit. Les musiciens pouvaient être doublement perturbés par cela : il n'avaient pu jouer ne serait-ce que la moitié de leur programme. Seraient-ils payés en conséquence ? Je savais qu'ils avaient prévu une minute d'improvisation, à laquelle je m'étais réjouie d'assister. L'art avait déserté ma vie de subalterne et je regrettais de ne pas avoir pu profiter de leur performance. « C'est terrible... » murmurai-je en l'aidant à plier son pupitre. Mon regard alla se poser sur les plats du buffet qui revenaient en cuisine. « Sachez que vous serez les bienvenus dans nos quartiers », annonçai-je à l'adresse des autres musiciens. « Nous avons presque tous mangé avant le Bal, ce serait dommage que de si bons plats finissent dans le gosier des cochons. »
Si j'étais apparue comme une supérieure hiérarchique, cette allusion aurait certainement été mal prise. « Ah oui ? On va vous rejoindre, alors », s'exclama un flutiste avec un enthousiasme non-dissimulé. Je souris et redonnai le pupitre au violoniste. « C'est bien noble de votre part », commenta-t-il avec un sourire que je devinai pourvu d'arrière-pensée. Je ne m'en formalisai pas et me dirigeai vers Martin pour l'aider. J'avais délaissé mes tâches pendant trop longtemps. « Lénora ! Enfin, t'es là. Amène vite les pichets d'eau ! J'ai entendu que les écuries avaient pris feu. » Mes yeux s'arrondissent comme des soucoupes. « C... comment ?! » A côté de moi, une autre domestique l'avait entendu et s'en chargeait, alors que mon esprit empilait les mauvaises nouvelles. « Oui ! Va prévenir les servantes qui sont dans les jardins ! » Et il s'envola avec quatre pichets dans les bras. Alors que je m'apprêtais à sortir, mon regard se posa sur Adolestine, qui venait de piocher dans une assiette avant qu'elle soit retirée du buffet. Elle semblait plongée en pleine réflexion. Le temps lui était compté et la servir restait ma priorité absolue, puisque le Roi m'avait investie de cette mission en personne.
Je m'emparai d'une assiette et empilai un assortiment de desserts, puis le lui apportai en trottinant. Je ne remarquai pas que mon serre-tête ornée d'une plume d'hirondelle venait de tomber de mon tablier. « Princesse. » Je m'inclinai et lui tendis l'assiette. « Voici de quoi vous sustenter. Si vous avez encore faim, je pourrai vous commander un repas à apporter dans votre chambre. » Je m'adressais à elle comme si nous n'avions jamais eu cette conversation privée. Mais soudain, une autre lueur anima mon regard et je baissai la voix. « Un feu s'est déclaré dans les écuries. Si vous voulez... enfin, si vous restez sur votre décision, je me dois d'éloigner les équidés des écuries sans plus tarder. » Je songeai que, peut-être, quelqu'un les avait déjà repérés et ramenés en sécurité. Si c'était le cas, je pouvais abandonner tout espoir de discrétion. Cela dépendait de quel côté l'incendie était parti. Mais si je prenais un raccourci en utilisant ma clé et feignais de les amener au pré en urgence, je pourrais certainement rejoindre le bosquet sans être repérée et à temps.
D'ailleurs, il n'était pas seulement question d'incendie : les événements du Bal pourraient avoir des conséquences diplomatiques désastreuses. A moins que la mort de Déodatus n'ait finalement épargné les risques que le Royaume aurait couru en essayant de rendre justice ? D'expérience, permettre aux D'Uobmab de partir le plus vite possible était la voie la plus sûre. C'était malheureux, mais il me semblait que le pire était cruellement évité grâce à ce drame. Quoiqu'il en soit, le moment était mal choisi pour que Coline prenne la succession. Adolestine allait être embarquée dans ces tracas et l'opportunité ne serait plus aussi belle que ce soir. Surtout si Merlin s'amusait encore à la tourmenter. De quoi était-il capable ? Était-ce lui qui avait précipité Déodatus à sa perte, ou son père ? La fête était finie et le retour à la réalité frappait tel un couperet.
Mots : +1000
Rôle:
Lénora est l'une des domestiques du palais royal. Elle tente, par tous les moyens, de cacher aux autres sa culture et ses manières. Car Lénora est une princesse d'un Royaume voisin qui, pour échapper au mariage, a décidé de fuguer. Depuis, elle se déguise en domestique et tente de passer inaperçu. Néanmoins, à force de côtoyer le Roi, elle a fini par en tomber folle amoureuse. Elle se retrouve alors dans un dilemme : essayer de l'approcher, quitte à devoir tout lui révéler, ou continuer à fantasmer sur ce dernier dans l'ombre, pour rester en sécurité ? Telle est la question.
Min Shào ~ Orine ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 269 ◈ YinYanisé(e) le : 25/03/2022◈ Âme(s) Soeur(s) : Elle m'attend quelque part.
Dim 11 Déc 2022, 14:50
Les Portes - Chapitre V
Rôle:
Natanaël est le fils d'Ernelle d'Ukok et d'un père inconnu. Il forme, avec ses cinq comparses, un groupe particulièrement soudé depuis leur enfance. Natanaël se sent chanceux dans la vie. Il a réussi à être fiancé à Yvonelle D'Etamot, qu'il trouve au demeurant fort sympathique et, en plus, il se tape sa copine, Rosette D'Exuru. Il plaint régulièrement les deux autres garçons du groupe mais adore l'idée qu'il ne leur ait rien laissé et qu'il puisse continuer sa petite liaison dans le dos de tous. Il n'a absolument pas idée du fait que sa fiancée couche régulièrement avec Elzibert (et étant donné qu'ils sont frère et sœur, ça ne lui vient même pas à l'esprit) et que Rosette est bien plus bavarde qu'elle n'y paraît au sujet de ses exploits sexuels. Plus tard, il veut travailler dans la marine. Il adore l'océan.
Natanaël eût l'impression de s'éveiller d'un sommeil ancestral quand il reprit ses esprits. Pourtant, quand il distingua la robe de sa mère, ce dernier comprit qu'il était encore à cette maudite soirée. Pendant un instant béni, le drame dont il avait été témoin ne lui était pas revenu en mémoire. Il était simplement dans les bras de sa mère, en sécurité. Son esprit confus l'avait ramené à son enfance, quand elle lui racontait des histoires pour l'endormir. « Maman... » Il ferma les yeux et resserra son étreinte. Ce dernier était transporté dans un autre temps. Il revoyait sa chambre et son doudou près de son oreiller. Mais un tremblement dans la voix d'Ernelle le tira de son mutisme.
Natanaël rouvrit les yeux et les plongea dans ceux de sa mère. Et soudain, la réalité le frappa de plein fouet. « Déo... » Sa voix se brisa. Sa gorge se noua. Il ne pouvait pas en parler. C'était trop dur. Silencieux, le blond fixa un vase posé près d'eux et s'immobilisa, pris dans un tourbillon d'élans contraires. Ernelle le rassura comme une mère savait le faire. Elle lui disait que tout allait bien se passer, que c'était fini. Sa main s'agrippait à la sienne, comme pour le retenir d'être emporté dans un torrent de ténèbres. Non, tout n'allait pas bien se passer. Pouvait-elle faire revenir Déodatus d'entre les morts ? Non. Alors, pourquoi mentait-elle comme ça ?
Un sentiment de colère s'intensifiait alors que sa mère le rassurait. La vérité s'imposait, froide et cruelle. « Non ! » Cria-t-il soudainement en balançant la main d'Ernelle contre sa poitrine. Il se leva d'un coup et serra les poings devant elle, ce qui lui arracha un rictus de douleur. Ses épaules étaient devenues aussi douloureuses que son coccyx, à force de se débattre contre l'emprise des domestiques D'Uobmab. « Tu ne peux rien faire. Personne ne le peut ! Ce salop est entré et... » Le souvenir de Merlin dégainant sa lame le frappa. L'image le dégoûta au plus haut point. Il eut un mouvement de recul et porta la main à sa bouche, comme s'il allait vomir. Mais il réprima le réflexe et secoua la tête.
« Putain ! » La colère s'était embrasée dans son corps tout entier. Il donna un coup de pied à la commode dans un élan incontrôlé et sentit le bois craquer contre sa botte. Natanaël se plia en deux, essoufflé. Il tapa faiblement du poing. Ses forces l'abandonnèrent aussi vite qu'elles l'avaient submergé. « Ces putain D'Uobmab », chuchota-t-il d'une voix tremblante. C'était ça, le fléau qui s'était abattu sur leurs vies paisibles. L'expression mauvaise du meurtrier lui revint en tête. « Merlin l'a poignardé, maman ! Il l'a tué juste devant moi. Et je pouvais rien faire. » Il resta ainsi, penché sur la commode abîmée, à se battre contre une culpabilité insupportable. Sa mère ne se formalisa pas de sa colère et revint vers lui. « Tu ne pouvais certainement rien faire. Et tu n'aurais rien fait, car tu n'es pas comme lui : tu n'es pas un monstre assoiffé de sang. »
Natanaël voulait la croire. Mais il en était incapable. S'il avait réagi un peu plus tôt, il aurait pu anticiper l'emprise des domestiques et s'en défaire. Ses phalanges devenaient blanches alors que son visage se rougissait de colère. Il ne s'était jamais senti aussi impuissant. Ernelle écourta la distance qui les séparait et l'embrassa de son étreinte. Cette fois, le blond ne s'éloigna pas. « Mon fils... Je partage ton chagrin autant que je le supporterai avec Adénaïs. Ce qui s'est produit est hors de notre portée et je t'interdis de laisser la vengeance t'aveugler. Crois en la justice de ton oncle et de notre Roi. Déodatus... Nos maisons ne laisseront pas cette infamie impunie. »
Comment pouvait-il croire en son Roi alors qu'il était celui qui avait amené les D'Uobmab chez eux ? Comment penser que les pêcheurs seraient punis alors que Merlin respirait encore ? Non, la vérité n'était pas si clémente. Elle était crue et dégueulasse. Son odeur putride s'infiltrait dans les narines de Natanaël et lui rappelait que la mort était là, dans la pièce d'à côté. « Oui. Il y aura des représailles », souffla-t-il entre les dents. Son regard se replongea dans les iris de sa mère. « Avant de... Déo... il m'a dit quelque chose d'étrange. » Le souvenir de ses derniers mots avait été éclipsé par le choc terrible de son meurtre. Mais maintenant que le blond se résignait, il les entendait encore résonner dans la pièce.
« Il m'a dit que Merlin n'était pas le fils de Judas. » Dans son dernier souffle, son ami de toujours lui avait donné une arme pour ces représailles. « C'étaient là ses ultimes mots. Il n'aurait jamais, jamais menti. » Et il comptait bien l'utiliser. Il devait se reprendre. Le plus vite possible. « Où est Yvonelle ? » Ernelle lui avait rendu un semblant de contrôle sur ses émotions, mais c'était de sa fiancée qu'il avait besoin. Avait-elle déjà appris la mort de son frère ? Son cœur se serra à l'idée du deuil qui s'était abattu sur toute sa famille. Lui en voudrait-elle ? Pourrait-elle lui dire quoi faire ? Yvonelle savait toujours quoi faire. Elle était son îlot de tranquillité dans un océan de tourments. Il avait besoin d'elle, maintenant.
Mots: 926
C'est dit:
Kyra Lemingway ~ Déchu ~ Niveau III ~ ◈ Parchemins usagés : 4556 ◈ YinYanisé(e) le : 22/03/2016◈ Activité : Tenancière d'un Bar à vin (rang I) ; Négociatrice (rang I) ; Brasseur (rang I) ; Reine du monde des contes à mi-temps
Avant d'avoir le temps d'avaler ce qui devait être au moins le dixième canapé, je vis du coin de l'œil approcher Garance. Le temps de son intervention, je suspendis mon geste, l'écoutant, désemparée et fixant la gourmandise que je tenais, bien moins appétissante à présent. Je le reposai alors, contrariée. Jusqu'au bout il fallait qu'ils sèment le désordre. Les domestiques s'agitaient autour sans que je n'en fasse grand cas. Comment une soirée pouvait-elle virer au cauchemar à ce point. À trois, je vais me réveiller, songeai-je en fermant les yeux. Le décompte passé, je les rouvris sans que rien n'eût changé autour de moi. Alors j'exhalai un souffle, dépitée. Rien ne sera plus comme avant. Papa n'autorisera jamais qu'une telle justice soit rendue, néanmoins les d'Uobmab semblaient ne pas avoir grand-chose à faire des avis et règles des autres. Une nouvelle présence coupa court le fil de mes pensées. « Lénora. ». Il m'était étrange de la voir se comporter comme une domestique à présent que j'avais connaissance de la vérité. « Garance m'a fait savoir qu'une bouteille avait été empoisonnée par Merlin. ». Je décidais de faire fi des titres que cette famille pouvait bien posséder. Pourquoi devrait-on respecter une famille qui méprisait son égal ? « Que rien ne garantissait qu'une assiette ne l'était pas également. » lui confiai-je sur un ton monocorde. « Il serait plus sage de jeter tout cela. Inutile de faire de nouvelles victimes et semer plus encore le chaos entre ces murs. ». Je profitai de cet aparté pour réfléchir à ce qu'elle m'avait également annoncé. Pourquoi avait-on mis le feu aux écuries ? Pour détourner l'attention ? De quoi ? De qui ? A moins que ce ne soit pour empêcher toute évasion ? A nouveau, qui et pourquoi ? Le ton qu'elle employa pour m'adresser ces mots me fit d'ailleurs comprendre le sous-entendu énoncé, ce qui eût de quoi m'étonner. Elle était celle qui avait cherché à me détourner de mes envies d'évasions. À présent elle me proposait de m'aider à quitter les lieux. Partir maintenant avait de quoi apparenter la chose à une fuite cette fois. Était-ce une bonne idée alors qu'un viol venait d'avoir lieu et qu'une tentative d'assassinat de masse s'était préparée ? Que le trône était en pleine transition, que l'homosexualité de Placide allait peut-être éclater au grand jour, qu'un incident diplomatique d'envergure avait eu lieu, que l'on s'amusait à semer la terreur et répandre le sang sous notre toit ? « Ma tête... ». Du pouce et de l'index, je soutins mon front barré d'un mal de tête assommant, tandis que je me trouvai plongée dans un dilemme duquel je n'arrivais pas à sortir. D'un côté, il me paraissait plus important de rester pour ma famille. Placide aurait besoin de soutien et mon père plus encore. De l'autre, les murs surprotecteurs du palais m'étaient devenus barreaux d'une cage mortelle. Notre royaume s'était trouvé être épargné des ambitions de Judas jusqu'à présent. La présence des d'Uobmab m'avait laissé l'espoir qu'une entente pouvait avoir lieu plutôt que de subir directement les flammes conquérantes d'un homme mégalomane et amoral. Le viol de Zebella et les révélations de Garance avaient changé ma vision des choses. À présent, j'avais peur. « Allez sauver les chevaux oui. Ils n'ont pas à subir eux aussi la folie de nos voisins. » répondis-je finalement en ancrant mon regard dans le sien. Partir, et se sauver. « Qui plus est, je dois aller voir Placide. » ajoutai-je avant qu'elle ne s'en aille. Au moins si quelqu'un apprenait sa participation à ma potentielle échappée, elle aurait une excuse à fournir. D'autant que, selon ce que répondrait mon frère, peut-être ferais-je demi-tour. Je l'ignorais encore. L'avenir ne m'était jamais paru si incertain. Papa était bon, et c'était cette bonté qui avait préservé le royaume. Ce qui m'était jusqu'alors apparu comme une qualité me semblait être aujourd'hui un défaut. On n'arrêtait pas un d'Uobmab par la bonté et la justice. Ces valeurs leur étaient bien trop inconnues pour ça. Les événements de ce soir l'avaient bien montré, et je craignais pour ma famille et pour mes terres.
Quelques instants après Lénora, je pris à mon tour le chemin des écuries. On m'empêcha cependant d'aller au-delà des balcons, un garde m'interpellant avant même que je mette un pied sur le chemin de terre. « Princesse veuillez m'excuser, cependant il est déconseillé pour vous de vous éloigner. » - « Et pourquoi cela je vous prie ? » interrogeai-je le garde. Que se passait-il encore ? « Pourquoi ? » insistai-je. « Répondez-moi c'est un ordre. » lui injectai-je, plus autoritaire, face à son hésitation et son malaise grandissant. « La Princesse Coline a disparu. » - « Disparue ? » répétai-je après un lourd silence. « Comment ça "disparue" ? Elle était avec Judas, trouvez Judas et– » - « Sa Majesté d'Uobmab est également introuvable. Ses chevaux également. » me coupa-t-il, comprenant qu'il n'avait d'autre choix que tout révéler. « Judas est parti ? » soufflai-je, soudain inquiète. Qu'est-ce que ça voulait dire encore ? « C'est pour cela que– » - « Je dois aller voir Placide. » tranchai-je à mon tour en ignorant la tentative du soldat de me retenir. Ses protestations, bien que j'aie fait mine de ne pas les entendre, parvinrent tout de même à mes oreilles. On avait attenté à la vie de Placide ? Je dissimulais mon effroi derrière ma résolution. Ça ne suffit toutefois pas pour apaiser les tambourinements de mon cœur. Cette dernière nouvelle me permit au moins de prendre une décision. Je ne resterais pas plus longtemps en ces terres. La succession des événements était terrifiante et me donnait l'affreux sentiment que ce n'était pas fini, et que personne n'était à l'abri. Je retrouvais ainsi rapidement Lénora, à l'écart, ma monture avec elle. « Merci Lénora. » lui soufflai-je en glissant une main dans la large poche cachée de ma robe. « Prenez ceci, il s'agit de la clé de mes appartements. » commençai-je en glissant la clé dans sa main. « Vous irez dans ma chambre. Vous y trouverez plusieurs enveloppes. » continuai-je rapidement sans la lâcher. « Il y en a une pour mon père — dans laquelle je lui disais de ne pas s'inquiéter pour moi, que je ne l'abandonnais pas, que je me libérais seulement, et surtout, que je l'aimais — une pour Placide — dans laquelle je lui exprimais tout mon soutien et mon amour, et qu'importât la distance je serai toujours là pour lui — et une pour... ». Je marquai un temps. Voulais-je réellement que ce message lui parvienne ? Plus vraiment. « Une pour Clémentin. » conclus-je un ton plus bas. Dedans, je m'y excusais. Pour l'avoir tant ennuyé à quémander des histoires sur le monde. Pour l'avoir impliqué dans cette histoire avec Merlin. Pour ne pas l'avoir écoutée et être finalement partie. « Ce sera la dernière chose que je vous demanderais, distribuer ces lettres. ». Je m'écartai enfin. « Prenez garde à vous. Princesse. ». Ce dernier mot, je l'avais murmuré avant de sauter sur mon cheval. Un brasier se dessinait au loin et ils étaient trop peu à le voir. La couronne de Lieugro était menacée de toute part, et il était folie que de s'obstiner quand le vent n'était pas en notre faveur. Sans un mot supplémentaire, je m'échappais finalement.
Garance est une femme aux allures douces et aimables mais qui, en réalité, est une véritable vipère manipulatrice. Pas encore mariée, elle déteste son frère qu'elle accuse intérieurement de lui avoir volé SON trône. Elle est prête à tout pour le récupérer et tente de manipuler celui-ci pour avoir de plus en plus de pouvoir. Elle aimerait le tuer et faire un mariage avantageux avec un abruti afin de s'accaparer la couronne. Elle compte sur l'aide de son amant, Gustave De Tuorp, pour arriver à ses fins. Bien entendu, elle le laissera tomber comme une vieille chaussette à la fin pour un meilleur parti. Il faudrait également qu'elle élimine les enfants de son frère afin de réussir au mieux ses projets. Dans sa jeunesse, elle a eu une aventure avec Lambert d'Eruxul et est même tombée enceinte de lui. Elle a fait une fausse-couche et n'en a jamais parlé au concerné. Elle le considère à présent comme un insecte à écraser.
Le fracas du monde résonnait encore entre les oreilles de Garance. La musique vivifiante du bal ; le silence assourdissant de Montarville. S’il avait fallu encore une preuve de la déliquescence du souverain, cela en constituait une que personne ne pouvait ignorer. Son frère avait peut-être pu éblouir par sa prestance, étant plus jeune et fringuant, amoureux et heureux ; aujourd’hui, son esprit croupissait dans la souffrance de son deuil. Son univers se délitait lentement, et avec lui, il entraînait tous ceux qui lui étaient liés. La Princesse était en colère. Elle exécrait ses parents pour avoir fait de lui un Roi qui ne méritait pas de l’être ; ils avaient toujours su que, bien qu’elle fût plus jeune et pourvue d’un sexe féminin, elle était celle qui avait le plus l’étoffe d’un monarque. Ils s’étaient laissé étouffer par leur orgueil tapissé de traditions absconses et vieilles comme le monde. Ce choix-là, celui de faire d’un homme qui ne voulait rien un Roi qui n’entreprenait rien, les avait menés jusqu’ici, aux portes du chaos. Le souverain d’Uobmab avait fui avec la Princesse Coline et laissé derrière lui ses deux enfants ; Garance, contrairement à Lambert, ne pouvait ni ne voulait croire à un geste erratique. Judas n’avait pas agi sans ignorer les possibles conséquences de ses actes. Il n’était pas certain qu’il fût au courant de la tentative de son fils – celui-ci ayant envisagé de l’éliminer aussi –, cependant, elle était convaincue qu’il n’avait pas enlevé Coline sans dessein. Si Silas avait survécu, il aurait peut-être pu parler, malheureusement, quelqu’un avait cru bon de lui trancher la gorge. Était-ce Judas ? L’un de ses alliés ? C’était un détail, mais aux yeux de la blonde, ce détail avait de l’importance. Quelqu’un avait-il participé sciemment au rapt de la future reine ? Était-ce un allié récurrent du souverain d’Uobmab ? Elle inspira, pressant d’un côté et de l’autre ses doigts entremêlés. Son regard azur était fixé sur Lambert. Elle se demandait s’il aurait le courage de formuler l’évidence. Elle en doutait. Il n’avait jamais su voir plus loin que son idiote loyauté.
« En effet. » approuva-t-elle, impassible. Elle le détailla. Leur relation avait subi bien des tourments, depuis l’âge heureux de leurs premières amours. La confiance qu’il avait pu placer en elle à l’époque avait volé en éclat des années auparavant. Elle tournait trop autour de ce qu’il protégeait. Combien de temps auraient-ils pu tenir, si elle ne l’avait pas quitté ? Elle se le demandait, parfois, lorsque ses yeux s’égaraient dans l’invisible du monde. « Même moi ? » reprit-elle. Mais il ne termina jamais. C’était le défaut de Lambert. Il n’allait jamais au fond des problèmes. Il était trop conciliateur. Parfois, il fallait taper du poing sur la table. Elle tendit sa main vers la tasse et la ramena vers elle. Les volutes odorantes du thé passèrent devant son visage, sans troubler l’expression qu’elle posait sur l’homme. Ses soupçons, en revanche, lui arrachèrent un sourire. « Si Montarville est tombé éperdument amoureux du Prince du royaume voisin, il ne m’en a jamais parlé. » La moquerie vibrait doucement dans sa voix. Il y avait eu plus que des rumeurs. « Je ne pense pas qu’on s’abstienne de la conquête d’un royaume pour les beaux yeux de son souverain, Lambert. » Elle porta la tasse à ses lèvres et but une petite gorgée. « Il n’y a pas nécessairement de logique à trouver dans les actes de Judas. Je crois qu’il agit toujours à dessein, mais qu’il a une façon particulière de raisonner. » Elle reposa la tasse fumante, qui tinta au contact la coupelle. « Et je ne crois pas qu’il serait très bavard, si tu le convoquais. Mais tu peux essayer. » Elle lui sourit. « Peut-être qu’il serait plus réceptif à la discussion s’il avait face à lui quelqu’un capable d’avoir un minimum de répondant. Je ne crois pas que le Roi serait très réactif, dans son état actuel – difficile de lui en vouloir. » Elle s’interrompit un instant. « Peut-être qu’il a essayé de le tuer dans ce but. Peut-être qu’il a échoué, ou peut-être qu’il y a quelqu’un qui s’apprête à planter un poignard dans le cœur de mon frère ? » Son regard céruléen scrutait celui de son interlocuteur. Elle laissa planer un silence, avant de reprendre : « Je crois qu’il se joue de nous. À l’heure qu’il est, il s’amuse probablement plus que de raison, dans sa maison de campagne ou ailleurs. Il doit se demander quel va être notre prochain mouvement. Lui envoyer une invitation ou demander de l’aide aux pays voisins, comme tu le suggères ? Ne rien faire ? » Elle soupira et baissa les yeux sur son thé. Du bout des doigts, elle y fit tourner sa cuillère. « Je ne suis pas certaine que la diplomatie fonctionne avec lui. On pourrait essayer d’échanger Coline contre ses deux enfants, mais je doute qu’ils lui importent de la même façon. » À sa place, elle aurait fait émasculer l’homme qui avait touché sa fille. « Et ceux qui ont essayé de négocier avant nous n’ont eu que leurs yeux pour pleurer quand les armées d’Uobmab ont déferlé sur leurs terres. » Elle inspira et releva les yeux vers Lambert. « Si nous demandons de l’aide, que demanderons-nous ? Un appui militaire ? » Elle le détailla. « T’engagerais-tu dans une guerre, Lambert ? Mon frère le ferait-il ? J’en doute. » Lentement, elle croisa les bras sur la table et s’inclina vers lui. « Tant qu’il ne décide pas d’agir, nous sommes pieds et poings liés. » Tant qu’il serait Roi. « Cela dit, nous pouvons toujours tenter de placer nos pions. Je peux essayer de rencontrer Judas. Tu peux avertir les royaumes voisins. Dans ce genre de cas, mieux vaut se préparer au pire. » Elle se recula. « C’est amusant. Cela me rappelle d’autres discussions que nous avons pu avoir. » Un sourire énigmatique ourla ses lèvres, qu’elle noya dans une autre gorgée de thé.
Message XIII – 1001 mots
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Quand je vois une bêtise plus grosse que moi et que je décide de la faire.