Boulettes de papier
Léonie & Séméas

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image][Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]. L'univers se conjuguait en rouge et chaque gorgée se cristallisait comme une bouffée d'oxygène d'un monde inexploré et éblouissant. Encore. Non, se ravisa Séméas qui tentait de mettre des mots sur l'indéfinissable pour capturer l'essence de ce délice et ne plus jamais en être séparé. C'était une nouvelle dose de drogue directement injectée dans ses veines, une dont il serait incapable de se passer maintenant qu'il y avait goûté. Encore. Éperdu, il plongea ses doigts dans la crinière bleutée et tira sur une poignée pour exhiber un peu plus sa gorge, un grondement remontant du fond de ses tripes pour affirmer sa prise et défier quiconque d'interrompre cette union.

Dans sa hâte, il aspirait plus qu'il ne pouvait avaler et un ruisseau écarlate s'était frayé un chemin à la commissure de ses lèvres pour dévaler le cou de Léonie en une parure de rubis liquides. Celle-ci ne s'était pas débattue comme il l'avait escompté et les vocalisations lascives versées dans son oreille l'avaient d'abord surpris, mais pas assez pour qu'il cesse de la besogner. Qu'importait la nature de ses cris, il était comme sourd. C'était dans ce qu'il lui prenait qu'il devinait le fondement même de son plaisir. Il y avait une signature indéniable dans ce flux qu'il lui volait, il n'aurait su comment l'expliquer mais il savait, il ressentait et son propre plaisir s'en trouvait exacerbé dans une ascension jusqu'aux étoiles.

Même après que la bleue eut cessé de frémir contre lui, Séméas garda les yeux clos, enfermé dans sa bulle, ventousé aussi fermement que s'il était devenu une partie d'elle-même. Ses appels lui parvenaient de si loin qu'il se persuadât les imaginer. Ce fut plus difficile de dissocier quand un éclair lui fendit le crâne en deux. Sa vision se morcela en un puzzle de couleurs vives et il grogna sourdement contre son cou, s'enfonçant avec obstination encore plus profondément. C'était du moins son intention quand des mains le repoussèrent et il se décrocha pour aller s'effondrer mollement contre le mur. Le souffle court, les yeux entrouverts fixés sur un point invisible, Séméas reprenait peu à peu pied avec la réalité. Encore. C'était la seule chose qui avait du sens. Il en voulait encore.

L'injure de Léonie, répétée pour plus d'impact, lui fit ouvrir les yeux totalement sur elle. Bêtement, il la fixa sans comprendre. « Hein ? » Machinalement, il s'essuya sa bouche humide avec le dos de la main. Il la récupéra recouverte de sang et sans se laisser le temps de la réflexion, il la reporta à sa bouche pour la lécher dans un réflexe primitif. Quand il releva les yeux, ce fut pour rencontrer le regard de la bleue, légèrement éteint malgré la pointe de colère qui persistait au fond de ses iris singulières. Il blêmit, frappé par ce qu'ils venaient de faire. « Merde. » C'était bien résumer la situation. Avec le sang-froid qui lui revenait, la scène sous son nez prenait une réalité un peu affolante. « Merde. Merde merde merde. » C'est à cet instant qu'il aperçut la trace sur son lit. Il remonta la piste jusqu'au fessier de l'étudiante et sa mâchoire se décrocha. « Tu... » Il secoua la tête comme s'il peinait à y croire. « C'est mon pantalon que tu viens de dégueulasser là ? » Demanda-t-il à voix basse. « Tu te fous de ma gueule ? T'es pas sérieuse ? Léonie ? » Entre deux jérémiades, Séméas venait de s'apercevoir que l'adolescente était devenue aussi attentive et réceptive que le mur contre lequel elle était affaissée. Sa peau de teint mâché lui mit la puce à l'oreille et il resta un moment immobile avec seul le son de sa respiration brisant le cocon de silence. Qu'est-ce qu'il allait faire d'elle maintenant ? Est-ce qu'elle était morte ? Sa peau naturellement pâle prit une teinte verdâtre et il se précipita pour passer un index sous son nez pour vérifier qu'elle respirait encore. Le soulagement le submergea et il se laissa tomber sur le lit. Ses mains se portèrent à ses tempes pour s'appuyer sur ses tempes. Une fois sa réflexion aboutie, il se leva et quitta le sous-sol après s'être assuré d'avoir enlevé toute trace de son méfait, tâche qui n'était jamais facile quand on était privé de reflet dans un miroir.

Plus tard, Séméas descendit à nouveau dans son terrier, un sac se balançant au bout de son bras. Il jeta un coup d'oeil au lit. « Ah t'es réveillée. Attrape. » Il lui envoya le sac en espérant que le couvercle du pot à l'intérieur se décrocherait pour renverser le contenu de la soupe sur la bleue. Avec un soupir, il fit tomber au sol les vêtements échoués sur une chaise pour s'y asseoir et faire face à son invitée. « Ça va ? » Finit-il par demander du bout des lèvres comme si ça lui coûtait. « T'es complètement demeurée, tu le savais ? Pourquoi t'as fait ça ? T'as failli crever. Je t'ai ramené de la bouffe. Tu vas manger, et dès que tu vas mieux, toi et tes problèmes, vous allez rentrer à votre petite maison. » Sur le chemin pour aller acheter à manger, il avait réfléchi, et toute la journée n'avait été qu'une succession d'erreurs depuis qu'il avait posé les yeux sur elle. Et même si c'était partiellement de sa propre faute, il était évident à ses yeux que cette enragée au poing facile était le problème. Il se tâta son nez contusionné comme pour consoler la victime des émotions de Léonie avant de braquer un regard suspicieux sur elle. « C'est pas la première fois que tu rencontres un Vampire, n'est-ce pas ? C'est comme ça que t'as deviné que j'en étais un, et comme t'aimes ça, t'as tout fait pour que je te suce. Et maintenant, je suis dans les emmerdes jusqu'au cou à cause de toi. »

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