Rp de Luxurieux

Ces étrangers dont le cœur est uni

Je fixai ma main, esseulée. Une moue s’invita sur mon visage, comme pour signaler que je préférais l’état précédent. J’aimais toucher les autres. Ce n’était pas qu’une question de sexe. C’était aussi une question de chaleur et de soutien. Parfois, il s’agissait de taquinerie. Pourtant, quelle qu’en soit la raison, j’aimais quand ma peau entrait en contact avec celle d’autrui.

Je soupirai et relevai les yeux vers elle. Ses émotions ressortaient toujours.

« Ne le prends pas personnellement. Ceux qui devraient avoir honte sont ceux qui sont au courant du système actuel et qui ne font rien pour le changer. Ceux qui sont trop lâches pour regarder la pourriture de leur gouvernement en face. Et aussi ceux qui ont trop peur. »

Je repris ma main, toujours seule, et la plaçai sur mon genou.

« Ne pas agir lorsque quelque chose nous déplaît revient à l’approuver par défaut et, pire, à le subir. Tout le monde est très doué pour s’habituer et se soumettre, par crainte du pire. C’est aussi pour cette raison que les peuples que l’on appelle communément maléfiques ont souvent l’avantage. Il faut du temps avant que les autres ne comprennent la menace et décident de faire quelque chose. Souvent, c’est trop tard. »

Mon regard tomba sur la paille puis revint vers elle.

« Enfin bref… comme tu dis, on aura d’autres occasions d’en parler. »

Je lui souris.

« Je ne crois pas. Il y a des secrets que je n’ai pas le droit de te révéler. Je préfère avoir de bons rapports avec Jun Taiji. »

Dans tous les sens du terme, même s’il n’y avait pas que lui dans la balance. Il y avait également Léto et tout le peuple chamanique. Cependant, je ne pouvais pas en parler avec elle. C’était un morceau de mon existence qu’elle devrait ignorer, jusqu’à ce qu’elle résolve les énigmes par ses propres moyens.  

Mon regard se tourna vers la porte.

« Non… Je crois qu’il ne viendra pas. »

Je l’avais presque oublié entre temps.

Je me détachai de la sortie de la grange pour la regarder une nouvelle fois. Peut-être devrais-je vraiment demander à avoir cette grange, pour la rénover. Ce serait du travail parce que je n’y connaissais rien et que la magie, ici, était bannie presqu’autant que les Sorciers. Certains l’utilisaient mais c’était involontaire, comme les transformations subites en Ange ou en Démon. Quoi qu’il en soit, ce serait une occupation comme une autre. Serait-elle encore possible ensuite ?

« Freyja ? »

Je me mis à genoux à mon tour et allai chercher sa main une nouvelle fois.

« Écoute, je ne sais pas comment tout ça va se terminer. La guerre c’est… Disons que, pour le coup, je pense qu’il y aurait eu moyen d’obtenir réparation d’une manière ou d’une autre. Une Thur est tombée au siège d’Arcadia mais si les Réprouvés ne changent pas d’avis et vont marcher sur Amestris, ce ne sera pas qu’une Thur qui tombera. Je disais tout à l’heure que les maléfiques avaient souvent l’avantage, et c’est souvent le cas de tous en cas d’attaque. Pourtant, attaquer un peuple sur son propre territoire, en ayant conscience des nombreux désavantages que l’on possède, c’est du suicide. »

L’air, dans mes poumons, y stagna quelques secondes, avant que je ne relâche la pression.

« Ce que je veux dire c’est que… Tu sais, les Réprouvés de Bouton d’Or sont très proches les uns des autres. Il y a ta famille ici et des gens que tu as connus enfant. Je pense que tu le sais, au fond, mais plus qu’au combat, il faut aussi que tu te prépares à la perte. »

Je déglutis. C’était étrange, comme sensation.

« Enfin, je sais que tu le sais. C’est surtout moi que je cherche à rassurer j’imagine. C’est juste que j’ai l’impression que rien ne sera plus pareil après. Alors… »

Je remontai nos mains et liai nos doigts.

« Promets-moi que tu m’aideras avec ma grange, que même si ton cœur n’est plus que des lambeaux, tu m’aideras quand même. Et je te promets que je serai là pour toi après si tu en as besoin, et même si tu crois ne pas en avoir besoin. »

J’avais envie de l’enlacer mais me retins. Elle allait probablement s’offusquer et ce serait contre-productif.

« Il vaut mieux que les peines s’écoulent librement. »

Je lui souris, d’un air un peu triste peut-être.

« Et évite de mourir. »

Je ris pour cacher ma peur. Je priais pour que Kaahl ait été suffisamment stratège pour prévoir toutes les possibilités.

765 mots - Fin
J'ai la tête dans le cul depuis une heure mais ça c'est fait