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Sól

Intrigue ; tandis qu'elle et son frère se préparent pour Gona'Halv, Sól expérimente quelques événements troublants.

Reverse dance - Andrey Vinogradov

Sól, les yeux clos, écoutait le bruit de la pluie s'abattant sur les champs. C'était un son familier, qui berçait le rythme de sa vie depuis son enfance. Lorsqu'elle était plus jeune, elle avait détesté Gravuun, car les intempéries l'empêchait d'aller jouer dehors, ou bien de se rendre jusqu'à la ferme des Belegad sans finir trempée jusqu'aux os. Cela signifiait également que le travail à la grange, pour la conservation des aliments, se faisait plus intense, et sous la surveillance de Léone et Thorn - elle n'avait pas le droit à l'erreur, si elle ne souhaitait pas se faire disputer, quoi que de ce côté là, Máni avait toujours été moins gâté qu'elle. Enfant, la blonde observait la course de la lune, dans le ciel, attendant avec impatience que son cycle se termine pour que vienne enfin Krah et son ambiance festive. Maintenant qu'elle avait grandit, elle trouvait quelque chose de reposant, dans cette saison autrefois boudée. La pluie se révélait apaisante, calmant d'une certaine façon les tensions internes qui la rongeaient depuis son Yol'Borhd. Et puis, comme disait son jumeau : il suffisait de sortir dehors pour prendre sa douche, pas besoin d'aller jusqu'à la rivière pour prendre un bain. Un sourire amusé étira le visage de la bipolaire, tandis que des souvenirs refaisaient surface dans ses pensées. Elle se trouvait légèrement mélancolique, ce soir.

La Zaam sursauta tandis que des gouttelettes atterrirent sur son visage. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, ce fut pour voir le visage moqueur de son jumeau, penché au-dessus d'elle, en train d'agiter son maillot dégoulinant. « Bah alors, on fait la sieste, sœurette ? » se moqua-t-il avant d'essorer le vêtement et de le renfiler. « J'espère que c'était pas de la sueur, gros porc. » ronchonna la blonde tout en essuyant son visage. « Je suis allé boire un coup chez Ebaar » expliqua-t-il simplement pour justifier l'état de sa tenue - il ruisselait, s'étant sans doute fait surprendre par l'averse sur le chemin du retour. L'accalmie qui avait précédé avait été traître et dehors, on entendait les jurons de quelques malchanceux qui se hâtaient de trouver un abri. « Et toi, qu'est ce que tu glandes ? » Sól soupira avant de reporter son attention sur les bocaux qui jonchaient la table de la cuisine. « Je prépare les conserves pour l'année. » ronchonna-t-elle, reprenant la louche qu'elle avait abandonné et continuant sa tâche, versant le coulis de tomate dans les bouteilles de verre. Mani, qui s'était placé dans son dos, appuya ses coudes sur les épaules de sa moitié et l'observa faire. « Mmh, c'est bien, t'as pas tout bouffé. » constat-il. Un sourire se dessina sur les lèvres du duo. Gamine, Sól avait eu la mauvaise habitude de grignoter dans les réserves et cette gourmandise la suivait encore aujourd'hui. « Aide-moi, plutôt que de raconter n'importe quoi. » Le diablotin grimaça mais, finalement, tira une chaise et commença à sceller les pots.

Le frère et la sœur continuèrent à travailler en silence pendant quelques minutes avant que la plus jeune se décide à le rompre. « Dis, ça va pas te manquer ? » demanda-t-elle sans oser relever le regard vers sa moitié. Elle ne développa pas son propos, sachant qu'il comprendrait à quoi elle faisait allusion : à leur vie ici, lorsqu'ils s'en iraient pour Gona'Halv. Les jours s'écoulaient et leur départ approchait. Dans leur chambre, leurs affaires étaient déjà prêtes, sous leurs lits, témoignant de leur excitation et de leur impatience lorsqu'on leur avait annoncé la bonne nouvelle. Néanmoins, le temps libre laissait le temps de réfléchir, de laisser naître les doutes et les craintes. Trop réfléchir n'était jamais une bonne chose. Lorsque l'on prenait une décision, mieux valait s'y tenir et foncer, plutôt que de tergiverser et de se torturer l'esprit avec mille et un questionnements. Sól le savait. Ça ne menait à rien de bien, de réfléchir. Pourtant, elle n'avait pu s'empêcher d'écouter cette petite voix interne, qui la faisait douter, comme toujours. Comme lorsqu'elle avait du faire un choix, celui de partir ou de rester. Aujourd'hui, son départ était inévitable, ses craintes n'avaient pas réellement de fondement puisqu'elle n'avait pas de choix à faire. Son voyage vers l'île militaire était inéluctable, nécessaire. Pourtant, elle craignait qu'en rentrant, elle retrouvasse Lumnaar'Yuvon différent -après tout, les réprouvés étaient au cœur d'une période trouble, les Zaahin semblant les tester et leur apporter une ère d'évolution. Ou bien peut-être craignait-elle les changements qui s'opéreraient sur elle - elle venait tout juste de se remettre de sa nouvelle part démoniaque et déjà, on l'extirpait de sa zone de confort. Ou pire : si elle rentrait sans avoir suffisamment changé ? Nerveuse, la blonde ne fit pas attention à ce qu'elle faisait et fit couler de la sauce brûlante sur ses doigts. « Bordel ! » cracha-t-elle en lâchant le bocal et l'ustensile, se levant dans un bon pour plonger son doigt dans une bassine d'eau tiède. « Fais gaffe. » ricana le brun tout en continuant sa propre mission.

Le silence retomba entre eux. Cette fois-ci, ce fut Máni qui soupira et rompit le calme. « De toute manière, on sera trop crevés pour repenser à ici. Quand on court pour sa survie, on a pas le loisir de pleurer ce qui nous manque. » conclut-il. Lui aussi, malgré son air fier, possédait sa propre part d'incertitudes.

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Sól

Distant call

La lune était belle. Pleine, ronde, douce. Elle rayonnait, au travers du ciel obscur, déposant sa lumière nacrée sur la campagne dorée de Lumnaar'Yuvon. Les villages aux alentours de la capitale semblaient déserts : les agriculteurs et les fermiers étaient déjà en train de dormir, récupérant de la longue et difficile journée qu'ils avaient eu. Le travail de la terre n'était jamais tendre. Au cœur des champs, là où la population des bipolaires se faisait plus dense que celle des Cerfeuils ou des Bicornes, quelques éclats de voix résonnaient encore - les derniers buveurs titubaient pour retrouver la chaleur confortable de leur conjoint, sous les draps. A part les gémissements de quelques ivrognes, trop bourrés pour différencier leur lit d'un tas de foin dans une étable, le bourg Réprouvé semblait paisible, presque figé.

Sól laissa glisser son regard sur le blé, l'orge, le maïs - toutes les cultures qui formaient une mosaïque spectrale, dans l'éclairage nocturne. Elle était assise sur une charrette brisée, qui avait été laissée à l'abandon. Elle releva sa truffe en l'air et huma les parfums de sa région natale. Même ici, loin de toute l'agitation, on pouvait sentir l'acharnement des travailleurs, celle du sang des combattants et la bière des bons-vivants. Un mélange typiquement réprouvesque. Après quelques secondes supplémentaires, la louve se releva et sauta à terre. Lentement, elle se mit à trotter jusqu'à une ferme, gardée par une petite chèvre blanche. Cette dernière bêla en voyant la figure imposante du canidé, mais ne chercha pas à s'enfuir. Au contraire, elle bondit en avant, comme pour jouer aux cabrioles en sa compagnie. L'animal ne se fit pas prier et se laissa entraîner dans le jeu de la chèvre divine.

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Sól grogna lorsqu'on lui retira subitement la couverture qui avait protéger son corps dénudé de la fraîcheur matinale. « Qu'est ce que tu fous encore au lit ? » tonna la voix grave de Léone. « Mmh. » La blonde essaya de tirer sur ses draps pour les rabattre sur sa tête mais abandonna dans un râle encore ensommeillé tandis que sa mère l'en empêchait. Elle avait l'impression d'avoir à peine eu le temps de fermer les yeux qu'on la réveillait déjà. « Et qu'est ce que c'est que ce foutoir ? Pourquoi y'a plein de terre dans ton lit ? » « Hein ? » grogna l'adolescente en ouvrant difficilement les yeux. Elle ne comprenait pas de quoi sa mère pouvait bien lui parler. « Change tes draps. Pour la peine, t'a gagné le droit d'être de corvée de lessive. » « Quoi? Encore ?!  Mais c'était au tour de Máni ! » s'indigna l'angelote, regagnant un soudain élan de vitalité en entendant cette injustice. Elle s'était redressée en position assise pour faire face à son bourreau. « Et sans râler, si tu veux pas aussi récupérer ses corvées de vaisselle avant de t'occuper des provisions pour le voyage jusqu'à Gona'Halv. » La Zaam grimaça mais se tût. Elle ne voulait pas alourdir sa peine. « Bien. » conclut l'artisane avant de quitter la pièce. Sól soupira et se rallongea. « Tout de suite, pas dans dix lunes ! » s'écria Léone tout en commençant à descendre les marches de l'escalier.

Après avoir sauté dans des vêtements, supporté les moqueries de son jumeau, engloutit un petit déjeuner et regroupé les panières de linge, Sól descendit jusqu'à la rivière pour commencer à laver les draps. Elle constat avec étonnement que les siens étaient, effectivement, couverts de terre. La blonde fronça les sourcils. Ce devait encore être un coup du diablotin. Elle lui ferait manger son poing, en rentrant. Pourtant, après un examen de sa propre personne elle constata avec stupeur que ses pieds étaient noircis, tout comme ses mains et ses cuisses. « Quel con. » insulta-t-elle à voix basse. Non seulement il avait sali son lit, mais en plus ça l'avait dégueulassé elle aussi. Elle était bonne pour un bain, ce soir. La laveuse releva le regard vers le ciel gris. Ou bien un douche, plus vraisemblablement.

Lorsque la jumelle termina sa corvée, la matinée était déjà bien avancée. Aussi, elle ne ralentit pas en arrivant près du petit enclos qui avait été aménagé vers Sandwich. Pourtant, elle remarqua les étranges empruntes qui se mélangeaient à celles de la biquette. Ça aurait pu être celles d'un chien. Ou d'un loup. La blonde fronça les sourcils. « Impossible. C'était qu'un rêve. » marmonna-t-elle dans sa barbe.

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Sól

Distant call

La course faisait battre le sang aux tempes de la louve. Ses pas, souples et légers, foulaient la terre avec une vitesse inhabituelle, imprégnant ses empruntes dans la boue humides. La pluie avait martelé le sol toute la journée durant, le vent soufflant ses rafales sur les plaines dorées des Manichéens. Une fois la nuit tombée, le torrent diluvien s'était changé en bruine éparse, refroidissant les températures de la campagne. La louve ne craignait pas les intempérie. Son épaisse fourrure blanche et grise la protégeait du froid et elle restait indifférente à l'humidité - quoi que sa vue s'en voyait légèrement troublée. Elle parcourut le dernier champ qui la séparait de l'endroit qu'elle désirait inspecter puis s'arrêta. Elle abaissa la truffe et commença à inspecter les environs de la ferme. L'habitation avait longuement été abandonnée - depuis toujours, selon ses souvenirs. Mais l'endroit avait récemment trouvé de nouveaux propriétaires. Un frère et une sœur. C'étaient eux qui avaient attisé la curiosité de l'animal. En pleine journée, lorsque l'obscurité ne lui permettait pas de se dissimuler, la Louve avait soigneusement évité les alentours, avait refusé de s'approcher de la demeure en rénovation et de saluer les traîtres qui séjournaient ici. Leur participation à L'Odon do Dur n'avait pas apaisé les tourments de son cœur et, lorsqu'elle se sentait observée, la Louve apposait une farouche détermination à les repousser, à les juger, à se souvenir du goût amer de leur décision de partir. Pourtant, maintenant qu'elle se savait seule, qu'elle n'était plus épiée, elle se laissait aller plus volontiers à ses véritables sentiments. Une envie de retrouver ses racines ; une curiosité envers celle qu'elle avait autrefois admiré ; le désir de renouer avec cette sœur perdue. La fierté l'étouffait néanmoins, et même sous la lune, la Louve restait à bonne distance, observant silencieusement par la fenêtre les deux Anges passer à table, discuter et rire ensemble.

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Sól laissa échapper un éternuement bruyant avant de renifler disgracieusement. « Eh crache pas sur mes affaires ! » menaça Máni à côté d'elle, éloignant son sac de voyage loin de la malade. « Comment t'as fait pour chopper la crève ? » demanda-t-il, presque accusateur. « J'en sais rien. » grogna la concernée en essuyant son nez d'un revers de la main avant d'entasser quelques vêtements dans son propre bagage - celui qu'elle prendrait avec elle, dans quelques jours, lorsqu'elle monterait à bord de la charrette qui les conduirait jusqu'au port pour leur grand départ à Gona'Halv. Elle n'avait pas prévu d'emporter beaucoup de tenues - quelques chemises, des pantalons, des vestes en laine et des chaussures chaudes. Son attention était surtout portée sur ses pièces d'armures et ses armes. C'était tout ce qui comptait, pour une vraie guerrière. Pas besoin de se charger en futilité. Elle n'était pas une magicienne se préparant pour un bal. « Ouai bah... Me refile pas ta merde, t'as compris ? J'ai pas envie de passer pour un faible comme toi en arrivant au camp d'entraînement déjà malade. » Sól esquissa un sourire narquois tout en glissant un regard en biais à son jumeau. « Quoi, tu as peur de ne pas avoir le temps de guérir d'ici là ? Et puis je croyais que tu avais une santé d'acier. C'est pas un petit rhume qui va t’arrêter... » se moqua-t-elle avant de faire un pas en direction du brun. « Ouai ferme là espèce de - wow, avance pas ! Qu'est ce que tu fous ? Dégage ! » La blonde avait commencé à se coller au démon, étendant ses bras autour de sa nuque pour le piéger dans une prison ferme. Là, elle s'était érigée sur la pointe des pieds et avait rapprocher son visage de celui du diablotin, prête à l'embrasser sur la joues et à le contaminer, juste parce qu'il le lui avait interdit. Máni bloqua toute tentative de sabotage en plaquant sa main en plein milieu de la figure de la blonde, et la repoussa sur le lit sans aucune forme de tendresse. « Arrête tes conneries, putain ! » « Bah quoi, faut bien que j'en profite, non ? A Gona'Halv, je pourrai plus t'embêter. Peut-être que ça aussi ça me manquera... » « Ouai bah moi, ça me fera des vacances ! » cracha le démon en resserrant les ficelles de son sac, qu'il balança sur son dos avant de tourner les talons et de quitter la pièce.

Sól observa la porte par laquelle venait de partir son jumeau, un sourire toujours attaché aux lèvres. Son frère avait toujours été meilleur pour cacher ses sentiments, pour masquer ses craintes et ses incertitudes. Ou bien, peut-être avait-elle simplement été mauvaise pour les discerner. Comme en cet instant, où les réactions du brun lui donnaient l'impression que le changement l'appelait, l'exaltait, lorsqu'il la tétanisait et l'effrayait. Elle savait qu'une fois partie, leurs parents adopteraient un Kiir'Saqhon. Peut-être pas tout de suite. Peut-être leur faudrait-il quelques semaines, quelques mois avant de céder. Mais le départ de leurs enfants créerait un vide, ils auraient besoin de quelqu'un pour les aider aux champs. Ils n'en avaient jamais accepté sous leur toit, peut-être pour ne pas bouleverser la sensibilité de leur fille. Mais une fois que l'Ange et le Démon seraient loin, rien ne les empêcherait d'accéder à cet honneur - et puis, cela leur permettrait peut-être aussi de combler ce vide qu'ils laisseraient derrière eux, quand bien même leur départ ne soit que temporaire. L'inconnu rongeait le cœur de la blonde.

Ces tracas restaient cependant plus supportables que ces rêves étranges qu'elle essayait de refouler. La mine sombre, elle passa une main dans ses cheveux humides. Ils n'avaient toujours pas fini  de sécher. Pourtant, elle était persuadée de ne pas les avoir lavés, la veille. Sans doute avait-elle fait une poussé de fièvre, ce qui expliquait pourquoi ses draps aussi avaient été trempés lorsqu'elle s'était réveillée.

Oui. De la fièvre. Ça ne pouvait rien être d'autre.

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Sól

Distant call

« File moi un maillot ! » Sól ouvrit l'armoire de son frère. La penderie était pratiquement vide, puisque les jumeaux ne tournaient plus qu'avec une dizaine de vêtements qu'ils portaient en boucle pour ne pas abîmer les tenues qu'ils emporteraient avec eux. « Quoi, t'es sérieuse ? Je t'en ai déjà passé un avant-hier ! Qu'est ce que t'en as foutu ? » râla le démon en affûtant sa lame. Sól se renfrogna, sa mâchoire se contractant, ses lèvres se pressant l'une contre l'autre. Elle s'était immobilisée, foudroyant du regard les pauvres vêtements qui ne lui avaient rien demandé, sa mine se faisant plus sombre qu'à l'accoutumée. « C'est pas ma faute. Il était déjà à moitié bouffé par les mites. Les trous se sont juste agrandis. » bougonna-t-elle avant d'attraper une chemise qu'elle passa par dessus sa tête. « Encore ? » le brun fronça les sourcils. Il devenait soupçonneux. Même si sa moitié n'avait jamais été des plus soigneuse, elle ne s'était jamais amusée à détruire les vêtements de son frère. Il se demandait ce qu'elle pouvait bien foutre pour lui rendre ses fringues dans un tel état. « T'as intérêt à le raccommoder vite fait, avant que 'man s'en aperçoive, t'as pigé ? » La blonde soupira en enfilant ses bottes avant d'ouvrir la porte de la chambre. « Ouai, c'est ça. J'vais bouffer, à plus, le moche. » « A plus, la chieuse. » Máni se concentra de nouveau sur sa lame, son esprit restant cependant taraudé part l'attitude inhabituelle de sa moitié. Après quelques secondes de luttes internes, il finit par délaisser sa hache et s'approcha de l'armoire de sa sœur.

Roulés en boule dans un coin, un tas de linges. « Tss, quelle feignasse... » râla le Zaam. Sól avait sans doute juste eu la flemme de laver ses fringues lors de sa dernière corvée de lessive, ce qui expliquait pourquoi elle venait lui emprunter les siennes... Le regard carmin de l'adolescent s'accrocha cependant à une ouverture baillante dans les tenues. Intrigué, il s'empara de l'une des chemises de la blonde. A moitié réduite en charpie, le vêtement était endommagé au delà du réparable.

Quelques poils blancs et noirs étaient restés collés au tissu.

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La Louve s'assit, à une distance raisonnable du troupeau de Cerfeuilles. Les animaux, majestueux, jetèrent quelques regards intrigués en direction de la silhouette du canidé, sans pour autant être affolés. Quelques jeux de regards s'échangèrent. Finalement, Sól se remit sur ses pattes et trotta jusqu'à l'une des bêtes. Sa mise en mouvement agita quelques cervidés qui s'ébrouèrent, mais l'animal qui intéressaient la Louve resta immobile. Il  l'avait reconnu, malgré son apparence. Son odeur, elle, persistait derrière le parfum musqué.

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La fille de Réprouvés fronça les sourcils et soupira bruyamment par le nez, essayant ainsi de repousser la mèche de cheveux qui la dérangeait. Si la démangeaison s'apaisa un instant, elle revint aussitôt que son souffle s'épuisa, lui arrachant un grognement. Encore ensommeillée, elle passa négligemment sa main sous son nez pour se débarrasser de la sensation désagréable. Sa main se referma sur l'épis de blé. S'extirpant subitement du sommeil, la blonde ouvrit les yeux et se redressa en position assise.

La Zaam se trouvait dans un pré de Cerfeuil. Totalement dénudée. Sentant son cœur tambouriner dans sa poitrine à mesure que l'angoisse lui enserrait la gorge, Sól toisa les alentours pour essayer de retrouver ses vêtements. Elle essayait de se souvenir de ce qu'il s'était passé, d'une explication pouvant justifier sa présence ici, dans le plus simple appareil... Aucun souvenir ne parvenait à éclaircir son trouble. « C'est quoi ce merdier... » pesta-t-elle en se redressant finalement. Essayant de ne pas attirer l'attention, elle se pencha en avant et se mit à courir vers la limite du pré. « Bah alors ? » La blonde se figea. Son sang venait de se glacer, son ventre était devenu aussi lourd que si on lui avait fait avaler des galets. « Ton coup du soir est rentré sans te réveiller ? » Sól tourna la tête pour mieux discerner l'homme à qui appartenait la voix - elle connaissait déjà son identité mais espérait se tromper : ce n'était pas le cas. Smoliin la toisait d'un air moqueur. « Il devait avoir peur que tu t'amouraches de lui... On est jamais trop sûrs avec vous autres, les angelots. » Sól grimaça. Finalement, elle décida qu'il valait mieux jouer le jeu... Peut-être que le Kiir’Sahqon pourrait lui en apprendre davantage sur ce qui s'était passé la veille. « Eh bien, le message est passé... D'ailleurs, t'aurais pas vu où cet enfoiré s'est cassé ? Au cas où t'aurais pas remarqué, il s'est cassé avec mes fringues. » L'éleveur esquissa un sourire goguenard tout en toisant la silhouette dénudée de son interlocutrice. « Oh si, j'ai remarqué. » La blonde ignora sa remarque et continua comme s'il n'avait pas parlé. Elle croisa néanmoins ses bras sur sa poitrine, quoi que le geste de pudeur ne masqua pas grand chose. « J'aimerais lui casser les dents. Tu sais, pour lui faire savoir que j'ai compris son message. » L'adolescent éclata d'un rire railleur. « Désolé, il t'avait déjà largué quand je suis venu nourrir les bestioles. » L'ancienne Ange fit claquer sa langue sur son palais avant de tourner les talons. Il ne servait à rien, ce crétin !

« Eh ! Si tu veux pas rentrer le cul à l'air... Je veux bien t'échanger ma chemise contre une pipe ! »

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Sól

Distant call

Máni se réveilla. Encore à moitié la tête dans les vapes, il grogna pour marquer son mécontentement. Sa gorge sèche et sa langue rugueuse lui indiquèrent qu'il avait soif. D'un geste mécanique, qu'il exécuta sans avoir à y réfléchir grâce à des années de répétitions, il tâtonna la surface de sa table de nuit à la recherche de la cruche d'eau. Il effleura la surface du pot en terre cuite, essaya de s'en emparer mais, à la place, renversa le récipient. Le bruit des éclats de vaisselle le tira totalement du sommeil : grognon, il se redressa sur les coudes pour examiner l'étendue des dégâts. Plusieurs morceaux de porcelaines s'étalaient sur le plancher et sous son lit. L'eau glissait entre les lattes en bois, formant une flaque moqueuse. Le diable soupira tout en s'écroulant de nouveau sur son matelas. « Nutaar ! » Le ménage pourrait attendre le lendemain matin. Il devrait simplement faire gaffe à ne pas se lever en mettant les pieds dessus au réveil. En revanche, il ne s'imaginait pas parvenir à se rendormir sans avoir étanché sa soif. D'un geste rageur, le brun repoussa sa couverture et laissa tomber ses jambes hors du lit, se redressant par la même occasion. Ce n'est qu'à ce moment là qu'il remarqua le lit vide de sa jumelle. « Sól ? » appela-t-il à voix-basse, de peur de réveiller leur parents dans la chambre voisine. Le silence nocturne lui répondit.

Haussant les épaules, le Zaam se mit debout et, essayant de ne pas trop faire grincer le sol, gagna les escaliers pour descendre jusqu'à la cuisine. La blonde n'était pas ici non plus. Décidant qu'il était bien trop crevé pour s'en préoccuper, le brun alla se servir un verre d'eau. Il termina sa gorgée dans un soupir satisfait, avant de s'essuyer le menton du dos de la main. Alors qu'il s'approchait du comptoir pour déposer son verre, ses prunelles carmines captèrent la silhouette de sa moitié, dans les champs. Elle marchait d'un pas lent et calme en direction du village. « La menteuse ! » ricana le diable. Il avait entendu parler de sa visite nocturne avec un Réprouvé - tout le voisinage en avait entendu parlé, à vrai dire - mais lorsqu'il avait essayé de glaner des informations, la prude avait démentit toute accusation. Pourtant, il la trouvait debout en plein milieu de la nuit, en train de filer dans les champs... Curieux de découvrir l'identité de l'amant que la blonde gardait si farouchement secret, Máni décida de la suivre discrètement pour la prendre en flagrant délit. Sans doute s'était-elle amouraché d'un ancien angelot. Peut-être craignait-elle qu'on le lui reproche : le sujet avait déjà été abordé autour d'un repas et la conclusion que deux Réprouvés nés anges ne puissent pas engendrer de véritable Bipolaire l'avait grandement contrarié. Tandis qu'elle effectuait un virage pour rejoindre un chemin de terre, le Tynath'thuk se faufila hors de la chaumière, se penchant en avant pour ne pas attirer l'attention de sa jumelle. Il accéléra le pas lorsque la blonde passa derrière une grange.

Máni se stoppa. Sól avait disparu. Fronçant les sourcils, il balaya les alentours du regard, cherchant la présence de sa sœur, dans les airs ou dans la grange. Aucune trace d'elle. « Où est ce qu'elle est passée... » bougonna le vil, contrarié que son plan ait échoué. Alors qu'il esquissait un mouvement pour faire demi-tour et quitter la bâtisse, il s'immobilisa, pétrifié. Un loup se tenait devant lui, assis, l'observant avec curiosité. Leurs regards se croisèrent. Pendant un instant, l'adolescent eu la désagréable sensation de connaître ce regard azuré. De percevoir une lueur familièrement orageuse et défiante. Sans qu'il ne puisse s'en empêcher, le prénom lui échappa. « Sól ? » interrogea-t-il, incrédule. La louve leva le museau, puis se remit sur ses quatre pattes avant de bondir dehors.

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La louve s'arrêta devant la maison endormie. Comme à chacun de ses retours, la chèvre bondit gaiement vers elle et vint se coller à son pellage humide - le canidé avait sauté dans un ruisseau et avait pris un bain de minuit. Elle accueilli sa camarade par un grognement sourd, avant de participer à l'étreinte, puis s'écarta. Son regard se fit flou, tandis qu'elle s'approchait de la porte d'entrée. Ses pattes s'étirèrent et, dans un craquement atténué par les gémissements étouffés, la silhouette bascula sur deux jambes costaudes. D'une démarche lourde, presque chavirante, l'adolescente entra dans la maisonnée. Sans voir le salon, elle se dirigea vers les escaliers, qu'elle gravit pour retrouver la chambre qu'elle avait quitté quelques heures plus tôt.

A la différence des autres nuits, cependant, le démon ne ronflait pas.

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Sól

SOILWORK - Nerve

« T'étais où cette nuit ? » Sól haussa les sourcils. Un rictus se dessina sur son visage tandis qu'elle attrapait la cruche de lait de bicorne. « Bonjour à toi aussi. Je vois à ton teint de magicienne que tu as passé une nuit reposante. » Des cernes ternissaient ses prunelles rubis. Étonnement, l'adolescent ne répliqua rien à la provocation et garda le silence tandis que sa moitié se versait un bol et se préparait une tartine de beurre et de miel. La concernée sentait son regard brûler sa peau, tant il était insistant. Finalement, elle soupira. « Qu'est ce qu'il y a ? » « Où t'es allée cette nuit ? » répéta-t-il. Cette fois-ci, la blonde fronça les sourcils, lâchant un rire nerveux. « Où voulais-tu que je sois ? Dans mon pieux, en train de pioncer. Vu la journée qui nous attend, c'était pas le moment de faire la fête. » Il s'agissait de leur dernier entraînement avec Graedr, avant de partir pour leur service militaire. Autant dire que le vieux guerrier n'allait pas les ménager et se donnerait un malin plaisir de leur mettre une rouste en guise d'au revoir. Sa réponse sembla néanmoins contrarier le diable, qui tapa du poing sur la table. « Je t'ai vu, Sól. Fais pas l'innocente. » L'accusée cligna des paupières, confuse. « Qu'est ce que tu racontes ? » articula-t-elle malgré la bouchée qu'elle mâchonnait. « Dans la grange. » insista son frère. L'ange se tétanisa. Avec difficulté, elle déglutit. Son ventre alourdi par les pierre de . Son regard bleu, préoccupé, se percuta à celui, carmin et empli de dégoût, de son frère. « Mais... T'es en plein délire. » se défendit la jeune femme, essayant de rire de façon légère. Pourtant, son amusement de façade était trop crispé pour paraître sincère. Sans qu'elle ne puisse chasser sa pensée, le souvenir de son rêve se raviva - Máni l'observe, avec un mélange d'ahurissement et de crainte ; elle s'amuse de sa réaction idiote, ricane intérieurement ; il prononce son nom dans un murmure : la tension dans sa voix lui paraît trop réelle, alors elle décide d'aller vagabonder ailleurs, comme elle le fait chaque nuit. « T'as dû rêver, c'est tout. » « Que dalle ! Tu le sais très bien ! »

Les jumeaux se toisèrent en silence. Ils avaient entamé l'un de leurs combats silencieux, de ceux dont ils usaient lorsque leurs parents les grondaient et leur interdisait de se battre. De ceux qu'ils avaient mené mille fois. La fille se complaisait dans son déni, mais celui-ci ne suffisait pas pour cacher l'étincelle de crainte qu'elle essayait de réprimer depuis plusieurs jours. La réalité était trop invraisemblable. Quoi, elle se transformait chaque nuit en loup et parcourait la campagne réprouvée ? C'était impossible. Cela aurait impliqué qu'elle usa de magie. Elle ne savait pas la maîtriser. Elle n'en possédait pas. Elle détestait ça. Non, la seule explication plausible était qu'elle avait des rêves vivides, voilà tout. Le garçon, quant à lui, se heurtait à ce qu'il interprétait comme un mensonge. Il l'avait vu de ses propres yeux. Il l'avait reconnu. Comment pouvait-elle continuer à nier ? Lorsqu'il était rentré se coucher, fébrile, il n'avait pas réussi à trouver le sommeil. Il avait attendu que sa moitié revienne à ses côtés - elle ou la bestiole qu'elle était devenue. Lorsqu'elle était rentrée, il avait essayé de l'interroger. Sa putain de part angélique avait dû prendre le dessus car en voyant qu'elle n'était pas réceptive, il avait jugé plus prudent de la laisser dormir et d'en rediscuter au réveil... Quelle connerie. Sa propre décision l'agaçait désormais et le rendait plus hargneux encore.

Finalement, le brun se pencha par dessus la table. « Comment tu fais ?! » grogna-t-il à voix basse, entre ses dents. Une colère sourde bouillonnait en lui, se heurtant à l'inquiétude viscérale de sa moitié. « Comment tu te transformes ? » Puisque sa sœur se terrait dans le silence, il se pencha davantage vers elle, comme pour l'atteindre plus profondément. « Tu utilises de la magie ? » Dans sa bouche, il s'agissait presque d'une insulte. Une part de lui était répugnée. Le reste se sentait trahie. Se rabaisser à ça, c'était comme nier ses valeurs, son héritage. D'une certaine manière, il se montrait d'autant plus intransigeant qu'une part de lui n'avait jamais oublié l'attachement que la blonde avait éprouvé pour les anges Belegad, et qu'il rejetait farouchement tout ce qui pouvait la rattaché à eux. Sa sœur ne pouvait pas se comporter comme une Tahrodiis. La marque qu'elle portait au poignet le lui interdisait. Désormais, elle était en tout point différent de ces lâches qui rejoignaient les Jardins de Jhen : alors elle ne pouvait pas se rabaisser à user de leur si précieuse magie. Elle n'avait pas le droit. S'il n'avait pas craint les conséquences, il l'aurait dénoncé à leurs parents. S'il n'avait pas douté que l'action de sa sœur eu put retarder son propre départ pour Gona'Halv, il l'aurait vendue. S'il ne s'était pas sentit redevable, depuis cette fois où elle avait pris des coups pour soulager sa propre douleur, il se serait débarrasser d'elle sans vergogne. Seulement voilà : malgré son essence démoniaque, son honneur Réprouvé se rebellait à l'idée de la trahir. Les chamboulements qu'ils partageaient désormais avait apaisé les tensions qui les avaient longuement séparés, dans leur jeunesse. Leur lien s'était renforcé : les symptômes qu'ils partageaient leur permettaient désormais de mieux comprendre l'autre. Dans son cas, il avait perdu cette envie de lui nuire.

L'accusation sembla enfin tirer la Zaam de sa torpeur. Fronçant les sourcils, elle grimaça tout en se reculant. « Je sais pas de quoi t'as rêvé cette nuit, mais ça t'as fait griller des neurones. » se moqua-t-elle, dernier assaut contre les insinuations que l'on proférait à son encontre. « Arrête de mentir. » La gorge de Sól se serra désagréablement. Máni était comme un chien enragé : il avait trouvé un os, et il n'allait pas le lâcher. Un profond malaise s'insinua en elle. La Tynath'thuk sentit son ventre se dérober. Elle n'avait plus faim. « Bon écoute, je ne sais pas de quoi tu parles. Alors sois tu craches le morceaux, sois tu me fous la paix. » La voix de l'adolescente s'était faite basse, lourde de reproches. Elle s'enfonçait dans sa bêtise, au lieu de reconnaître ses torts. L'Orgueil réprouvé s'était cependant inscrit dans ses gênes et elle préférait sortir les armes plutôt que d'abdiquer. C'était sa dernière parade, la seule barricade qu'il restait avant que la vérité ne lui explose au visage et qu'elle n'ait plus aucun rempart derrière lequel se cacher.

Le diable attrapa son antagoniste par le poignet. Il capta l'étincelle de peur qui raviva la tempête des yeux céruléens mais ne desserra pas sa prise. « Comment tu fais pour te changer en putain de loup ?! » grogna-t-il. Malgré son emportement, il prenait garde de ne pas hausser la voix, afin de ne pas alerter leurs parents : si Léone et Thorn les entendaient se disputer, ils interviendrait et jamais il n'aurait le fin mot de cette histoire.

Sól sentit sa lèvre trembler, un long frisson remonter sa colonne vertébrale et son estomac se soulever. Si elle n'avait pas été assise, elle se serait effondrée. Le Vil avait brisé le barrage : elle se retrouvait désormais submergée par toutes les contradictions qu'elle avait choisi d'ignorer, mise face à la réalité qui la terrifiait, forcée d'admettre quelque chose qu'elle ne comprenait pas, un phénomène auquel elle n'avait pas consentit. Les mots faisaient voler en éclat les illusions et l'ancraient dans sa réalité. « Je... » Le cœur au bord des lèvres, elle plaqua sa main libre contre sa bouche. Sa respiration se fit tressautante. « Non c'était... c'était juste un rêve... Ça ne peut pas... » Máni fronça les sourcils. La détresse de sa moitié se répercutait étrangement sur lui. Il avait à la fois envie de la secouer pour lui dire de cracher le morceau et de lui tapoter la tête d'un geste rassurant. Il se contenta de ne pas bouger. Le regard de Sól virevoltait à toute vitesse sans parvenir à s'accrocher plus de quelques secondes sur le même point. Comme si le nuage s'écartait enfin, elle accueillait enfin les souvenirs qu'elle avait refoulé. Comme un puzzle dont les pièces s'imbriquaient enfin. Pourtant, la vérité lui apportait davantage de tourment de que de délivrance. « Qu'est ce qu'il m'arrive ? » demanda-t-elle, vissant finalement son regard à celui de son jumeau. « Qu'est ce que je dois faire ? » Sa voix s'était faite implorante. « Rien. » La réponse de Máni avait été immédiate. « On ne dit rien aux parents. » « Et s'ils le découvrent ? » « Ils ne le découvriront pas, parce que ça ne se reproduira pas. » assura-t-il. « On va trouver un moyen. » promit-il. S'il le devait, il passerait de nuit blanches pour s'en assurer.

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Sól

Distant call

RP lié ; La cachette

Sól s'apprêta à refermer son sac de voyage mais se ravisa au dernier instant. Elle se mordit la lèvre, pensive. Ses affaires étaient fin prêtes pour son grand départ, en théorie. Ne manquait plus qu'une chose, qu'elle n'était pas certaine de vouloir prendre avec elle. Ou plutôt, un objet qu'elle n'était pas certaine de vouloir laisser derrière elle - car il symbolisait le dernier fragment d'espoir qu'elle détenait encore, l'attachement persistant de sa voix d'enfant. La Zaam serra les dents et ferma les yeux, comme abdiquant à sa lutte intérieure. C'était comme ça pour toutes ses décisions, désormais : l'Ange et le Démon en elle se livraient un perpétuel combat pour lui dicter sa conduite. Cette fois-ci, cependant, il s'agissait davantage d'une querelle entre les fantômes du passé et celle qu'elle souhaitait devenir plus tard. L'Ange aimante ou la Réprouvée guerrière. Soupirant, l'adolescente s'accroupit et commença à chercher sous son lit. Plusieurs objets y étaient entassés, tous porteurs de souvenirs : un lance pierre - « Aïe ! Mais ça va pas ? T'as failli m'éborgner ! » « Tu vois que je sais viser ! » - sa première hache, désormais trop petite pour elle - si elle l'avait autrefois brandit avec réticence et crainte, ç'avait été avec elle que la guerrière s'était éveillée et que les premiers combats avaient été remportés - le Sah'vein Réprouvé - qu'elle avait tissé avec sa mère après s'être réconciliées suite à une dispute virulente - quelques jouets de son enfance - un sac de billes et terre cuite, des cornes de bicornes creusées, des pierres avec des formes amusantes. La blonde les ignora tous, les repoussant un à un jusqu'à trouver ce pour quoi elle s'était aplatit : un sac en toile, roulé en boule dans le coin, là où personne d'autre qu'elle n'aurait prit le temps d'aller chercher.

Assise sur le plancher, Sól jeta un regard à l'intérieur de la besace. Elle renfermait une corne de bicorne, un peu semblable à celles qu'elle utilisait autrefois comme jouets. Pourtant, celle-ci renfermait un secret. Une capacité particulière. Le souhait d'un cœur innocent. « J’aimerais trouver un moyen d’avoir de tes nouvelles… Quand je le veux. » De ces paroles étaient apparue la paire de cornes : l'une destinée pour Laëth, la seconde pour Sól. Un moyen de communiquer. La Zaam avait tenté à de nombreuses reprises de l'utiliser, sans jamais que le résultat ne soit concluant. Finalement, l'adolescente avait cessé d'essayer de joindre son amie d'enfance et s'était murée dans son orgueil blessé. Elle n'avait jamais su si ce silence résultait d'un refus de la part de la brune de lui répondre, ou si Norok n'avait jamais tenu sa promesse et n'avait pas fait passer son présent à l'Ange. L'autre possibilité aurait été que l'enfant de Réprouvés eu succombé et ne soit jamais arrivé jusqu'aux Jardins de Jhen, mais la combattante doutait de cette possibilité. L'assentiment s'était ajouté à celui qu'elle nourrissait déjà à l'encontre de la Belegad et la blonde avait finalement cessé d'essayer de la joindre.

Pourtant, la Tynath'thuk se sentait désormais le besoin de se confier. Elle avait besoin de parler avec quelqu'un qui la comprendrait. Qui saurait l'écouter sans la juger, sans le rejeter ni la blâmer. Quelqu'un qui, peut-être, avait déjà été dans sa situation. Incomprise. Incertaine. Une voix qui pourrait la conseiller, lui apprendre comment se maîtriser. Bien qu'elle eu refoulé l'idée à de nombreuses reprises, le visage de Laëth lui était revenu régulièrement depuis qu'elle avait accepté la révélation de sa condition. La gorge nouée, la blonde approcha le creux de l'objet près de sa bouche. « Laëth... Est ce que tu m'entends ? » murmura-t-elle. Elle avait un peu honte et se sentait idiote d'essayer de parler dans ce tube... Pourtant, l'infime partie de Vertus qui vacillait encore en elle s'accrochait à l'Espérance. L'idée folle que cela eu pu marcher la forçait à s'entêter. « Si tu es là... J'aimerais pouvoir... enfin... J'ai besoin... » Besoin de ton aide. Les mots restèrent coincés dans sa gorge. La blonde grimaça. « J'aimerais qu'on parle. Réponds moi. » L'adolescente patienta. Rien ne se produisit. Le silence lui répondit.

Sól fronça les sourcils et, agacée de constater sa propre déception, elle fourra rageusement l'objet dans sa besace, avant de le refaire glisser sous son sommier. Elle devait se rendre à l'évidence. Laëth était sortie de sa vie. Malgré les promesses, malgré les attentes, cela resterait toujours ainsi. Elles n'étaient pas faites pour se retrouver, finalement.

« Sól ! La charrette est là ! » appela Léone. « J'arrive ! » La Zaam attrapa son sac et descendit les escaliers pour rejoindre sa famille.

822 mots

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Sól

Distant call

Sól enlaça une dernière fois sa mère, dans une étreinte étouffante. « Maman, tu peux me lâcher maintenant. » souffla l'adolescente à l'oreille de Léone. Cette dernière pouffa puis relâcha finalement sa progéniture, après lui avoir collé un baiser sur la joue. « Tenez, prenez ça aussi. » « Il y'a plus de place si on veut monter aussi. » protesta Máni. « Bah dans ce cas, t'as qu'à descendre ! Ils auront plus besoin de mes provisions que de ta sale trogne, là-bas ! » répliqua l'agriculteur. La remarque arracha une grimace mécontente au diablotin, ce qui fit rire les Réprouvés. L'envoi des jeunes recrues vers Gona'Halv était toujours l'occasion d'approvisionner l'île avec des denrées locales, et dont ils auraient besoin pour survivre. « T'as qu'à les mettre sur tes genoux. » « C'est bon je sais ! » grogna le brun, contrarié. Thorn, dont la fierté de voir ses enfants partir pour le camp militaire le faisait rayonner, ébouriffa la tignasse de son fils. « Entraînez-vous bien, devenez forts, rendez-nous fiers. » Sól acquiesça, affichant un sourire. « Et toi, veille bien sur ta sœur, c'est compris ? » « Qu'il veille sur moi ? C'est moi qui vais plutôt devoir surveiller son cul, m'assurer qu'il aille pas faire des conneries ou se foutre dans des emmerdes là-bas. » répliqua la blonde avant que sa moitié n'ait le temps de répondre. Le regard assassin que lui dirigea son frère dessina un rictus moqueur sur ses lèvres. « C'est ça, toi, me surveiller ? Pff, Graelf t'as cogné trop fort sur la tronche à l'entraînement ? » Sól lui asséna un léger coup de coude dans les côtes avant de se retourner à l'entente du bêlement. « Au revoir Sandwich. » salua-t-elle tendrement en passant la main par dessus le rebord de la charrette pour caresser la biquette. « Je reviens vite, promis ! » « Mmh, cris pas victoire trop vite... Il faudra bien quelques mois avant qu'ils fassent de toi une vraie guerrière. Peut-être même des années. » taquina son mentor. Sól braqua son regard azuré sur lui. « Il ne faut pas te dénigrer comme ça voyons. Tu n'étais pas si nul que ça, comme entraîneur. » Une lueur de complicité passa entre eux avant que le guerrier passe une main sur le crâne de son second apprenti, lui secouant affectueusement la tête. « Mais faites comme votre père a dit, c'est compris ? Surveillez vos arrières, tous les deux. » Máni glissa un regard contrarié en direction de sa sœur, et cette dernière se raidit légèrement en le sentant. « Ouai, je sais. » ronchonna-t-il.

« Bon, c'est pas tout ça, mais faut encore que j'aille récupérer les recrues du prochain hameau. » dépêcha Patock, qui conduisait la charrette. Plusieurs Zaam étaient déjà à bord, ayant terminé leurs au-revoir. Une fois que tous les Bipolaires auraient été récupérés, on les conduirait jusqu'au port le plus proche pour embarquer sur le navire qui les enverrait jusqu'à l'île. L'ancienne Ange s'installa à côtés de son jumeau avant que Léone dispose un paquet contenant des peaux de bêtes sur ses jambes. Dernières salutations, et ils étaient en route.

Sól écoutait distraitement les conversations excitées des autres recrues. Elle partageait leur enthousiasme mais ne parvenait pas à se réjouir totalement de son départ. Ses craintes ne s'étaient pas envolées. Et si elle ne parvenait pas à se contrôler, à Gona'Halv ? Elle ne s'était plus transformée, depuis la nuit où Máni l'avait surpris dans la grange. A moitié parce qu'elle n'avait plus osé dormir, et aussi parce que sa moitié l'avait surveillé - une nuit, comme prise d'une nouvelle crise de somnambulisme, elle s'était levée : le démon l'avait secoué comme un prunier, jusqu'à ce qu'elle se réveille. Depuis, la blonde avait pris l'habitude de s'attacher les chevilles au pied du lit à l'aide d'un vieux drap. Mais elle n'était pas certaine de pouvoir faire de même là-bas, ne savait pas non plus si elle pourrait dormir avec son frère pour veiller sur elle... Comment ferait-elle si elle se métamorphosait en plein milieu du camp ? Peut-être serait-on plus indulgent avec elle. Après tout, la Magie, même si elle n'était pas bien vu non plus, était plus tolérée du fait que le service militaire enrôlait également des enfants de Keizaal. Peut-être pourrait-elle essayer d'en apprendre davantage à leur côté, juste assez pour savoir comment arrêter ses activités nocturnes.

« Eh, te tracasse pas trop, d'accord ? » Sól cligna des yeux, reportant son attention sur Máni. Sans s'en rendre compte, ses pensées avaient dérivé sur ses tracas et sa mine contrariée avait attiré l'attention du brun. « T'as entendu papa. Je surveillerai tes arrières, d'accord ? » Cette fois-ci, l'Ange n'eut pas du tout envie de rire. Elle esquissa un sourire puis posa sa tête sur l'épaule de sa moitié. « Merci. »

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FIN