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 [Q] La Productrice

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Ven 14 Jan 2022, 23:31

Objectif : Jadélynka cherche des contacts pour lancer son entreprise.

Jadélynka
La Productrice
-Hm...

Les doigts de sa main droite pianotaient sur la surface de son bureau, alors que l'autre supportait l'une de ses joues. Elle scrutait le plan du meuble comme si de celui-ci dépendait les décisions qu'elle était sur le point de prendre. Le bureau était impeccable. Elle veillait à ce qu'il le fût toujours, car elle détestait la poussière autant que les affaires en désordre. Aussi, chacun de ses biens et de ses documents était parfaitement rangé dans les tiroirs. Rien ne s'empilait. Il n'y avait que quelques plantes, des plumes et leur portoir ainsi qu'un encrier. Bien entendu, ce n'était pas elle qui était à l'origine d'une telle organisation, mais son Mur. L'Alfare rangeait très rarement les choses. Depuis l'enfance, elle était habituée à ce que les objets qu'elle laissait négligemment trainer fusse rangés par les domestiques qui passaient derrière elle. Ainsi, elle pensait pouvoir davantage se concentrer sur des tâches plus importantes, les vrais efforts qui la mèneraient vers la gloire. Néanmoins, Jadélynka n'était pas aussi familière avec son bureau que l'on aurait pu le penser. Hormis pour ses études lorsqu'elle était plus jeune, quelques échanges épistolaires et les dernières mesures administratives qu'avaient requis son union à Raemiel, l'Alfare ne l'utilisait presque pas. Le reste de son travail se passait généralement dans le salon, où elle avait pris l'habitude d'inviter ses convives, ou bien elle le dictait à son Mur. Dans ces cas-là, exceptionnellement, celui-ci avait l'autorisation de s'asseoir sur son siège, le temps de la rédaction.

-Renata ?

-Oui Madame ?

Comme à son habitude, sa subalterne s'était placée près de l'encadrement de la porte, bien droite, les bras croisés dans son dos. Renata regardait droit devant elle. Trop souvent, Jadélynka trouvait qu'elle ressemblait à un automate. Certains Murs étaient étranges, mais elle avait fini par s'y faire. Renata était la domestique la plus efficace qu'elle avait jamais connu.

-Tu te souviens de Drarohi ?

-Bien sûr.

Personne n'oubliait les célébrations de la nouvelle saison, mais Renata avait une mémoire particulièrement bonne. Elle était capable de réciter des discours entiers au mot près.

-Te souviens-tu du garçon avec qui j'ai longuement discuté à Tinnugardh ?

-Oui Madame.

-Comment s'appelait-il et que faisait-il déjà ?

-Si ma mémoire est bonne, il s'agissait de Finn Dasae. Répondit-elle après seulement deux secondes de réflexion. Un jeune homme fraichement diplômé qui avait pour projet de créer une entreprise de...

-Cosmétiques, merci.

Des fois néanmoins, Jadélynka était jalouse de sa capacité à retenir ces choses. Alors quand elle le pouvait, elle terminait ses phrases à sa place. Elle s'en souvenait bien maintenant. D'un autre côté, elle ne pouvait pas se blâmer d'avoir oublié un homme d'un si faible rang social. La plupart de ces gens étaient très peu charismatiques et leur confiance en eux lui faisait davantage pitié qu'autre chose.

-Finn Dasae. Pourrais-tu trouver où il en est ? J'aimerais le recontacter.

-Oui Madame. Je m'y mets tout de suite.

-Merci.

***

Cela lui avait pris quelques jours. Renata avait écrit une lettre à la maison Dasae. Ne connaissant l'adresse exacte, elle n'avait précisé que le nom et le Plateau du destinataire. Sans succès. Le Mur avait donc choisi de se déplacer directement. Elle avait d'abord commencé par interroger les établissements publics. A force, elle avait fini par obtenir un quartier et avait concentré ses efforts sur le porte-à-porte. Finalement, Renata avait trouvé une maison.

-Alors ?

Elles ne s'étaient pas revues depuis lors. Le Mur ne se montrait jamais avant d'estimer sa mission terminée. Sa venue était donc naturellement indicatrice de nouvelles – bonnes ou mauvaises. Renata venait à peine de faire un pas dans le bureau de sa maitresse. Elle joignit ses pieds dans un geste militaire, dans l'encadrement de la porte.

-Il est mort, Madame.

Il y avait quelque chose de froid dans l'air. Un frisson avait parcouru l’échine de l’Alfare et elle avait tourné sa tête autour de son axe pour étirer les muscles de sa nuque et se défaire de cette sensation désagréable. Ensuite, elle s'était éclairci la voix. Une voix aiguë, qui anticipait une blague.

-... Pardon ?

-Finn Dasae. Il aurait été assassiné par un Näg après en avoir tué un autre.

Le problème de Renata, c'était qu'elle était parfois si efficace qu'elle omettait l'importance des silences. Jadélynka ne réagit pas tout de suite, le temps pour elle d'assimiler l'information. Les secondes qui s'égrainèrent laissèrent le temps à une sorte de rire de se former au fond de sa gorge. Puis elle claqua sa langue contre son palais.

-Décidément...

Jadélynka reposa sa joue contre son poing. Ses doigts libres avaient repris leur tapotement sur la surface de bois sombre. Au bout d'un moment, elle chassa son tracas d'un revers de manche. Parce que ça n'avait pas à être un problème.

-Ça ne fait rien. Elle saisit la petite pile de parchemins devant elle. Il n'y a qu'à s'occuper des suivants.


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Mar 01 Mar 2022, 22:47

Jadélynka
La Productrice
-Tu as trouvé ce que tu cherchais aujourd'hui ?

Jadélynka dénoua la ceinture qui maintenait sa robe de chambre fermée et se glissa sous les draps. Le lit était déjà tout chaud. Tous ses muscles se détendirent. Raemiel tendit son bras pour qu'elle vienne se blottir contre lui. Elle adorait ça, poser sa tête contre son épaule ou sur son torse et l'enlacer tendrement. Depuis leur mariage, c'était devenu son moment préféré de la journée. Sentir son corps, sa chaleur, son odeur, c'était son remède à tout à présent. Son tout. Parfois, elle se surprenait à penser qu'elle aurait aimé se fondre en lui pour que cette sensation d'apaisement pur ne la quitte plus jamais.

-J'avais une piste...

Une moue boudeuse décorait son visage triste. L'une de ses mains se mit à parcourir la couverture et en lissa les plis, qui se reformaient aussitôt ailleurs jusqu'à ce qu'elle vienne les aplatir à leur tour. Elle regardait ailleurs et lui suivait le tracé de ses doigts.

-Mais... ?

Elle retînt une inspiration, soudain prise d'un doute. Si elle lui disait, cela allait-il lui mettre la puce à l'oreille à lui aussi ? Et s'il prenait cela comme une menace ? Un mauvais présage ? La prendrait-il pour une pestiférée ensuite ? Bon sang, si elle continuait de trop penser, elle allait se mettre à avoir honte de toute cette situation ! De toute manière, c'était trop tard pour faire machine arrière.

-Mais il est mort.

-Hm. Ça le fit vaguement sourire. Dommage.

Il la serra un peu plus contre lui. Jadélynka fut surprise de sa réaction mais ne se tourna pas vers lui. En fait, c'était trop tard : elle avait déjà atteint le stade de la honte.

-Tu en trouveras d'autres. Compléta-t-il.

Ses mouvements circulaires sur la couverture s'arrêtèrent.

-Oui, peut-être. Mais ça m'agace.

-Pourquoi ?

Pourquoi faisait-il exprès de poser la question ? L'Alfare savait pertinemment qu'il avait compris de quoi elle parlait. Il avait compris depuis le début et il essayait de lui sortir les vers du nez juste pour la faire souffrir. Alors c’était ça qu’il cherchait avec elle ? Il voulait la tourmenter ? Est-ce qu'il l'aimait pour de vrai ? Ne s'était-elle pas trompée ? Jadélynka se posait souvent ces questions. Elle ne parvenait toujours pas à croire qu'elle avait trouvé l'amour, le vrai, et qu'elle faisait à présent sa vie avec lui. Il était plus facile de concevoir que Raemiel se moquait juste d'elle et lui faisait croire tout ce qu'elle voulait.

-Ce n'est pas le premier qui meurt autour de moi.

-Beaucoup de gens meurent, Jade.

Elle se redressa, quittant la chaleur de son étreinte. Ses sourcils étaient froncés, mais elle n'était pas en colère contre lui. Plutôt contre elle-même.

-Je sais. Mais là ce n'est pas pareil. Il y a un truc. Je le sens. Et si... Et si c'était un message de Dothasi ? Si elle me faisait comprendre que je ne suis pas du tout sur la bonne voie, en les faisant tous tomber comme de vulgaires moustiques à la première gelée ? J'en suis au point où je ne peux plus entamer un quelconque lien sans craindre pour la vie de la personne. Alors que je ne devrais même pas m’en soucier !

Un frisson parcourut son échine. Elle détestait le schéma qu'était en train de former toutes ces "coïncidences". Ça lui faisait penser à ce Vampire, qu'elle avait contre son gré rencontré à deux reprises. De la même façon, cela ne pouvait pas être le fruit du hasard. Il y avait quelque chose, quelqu'un qui voulait les lier… Non ? Ça paraissait évident et en même temps, tellement obscur... Jadélynka tenta de chasser l'image de Dorian de son esprit. Cet insecte avait eu des paroles tellement acerbes à son égard que ça lui donnait toujours de l'urticaire. Cette ordure l'avait menacée. Il avait osé critiquer son mariage alors que celui-ci n'avait pas encore eu lieu ! Elle se mordit l'intérieur de la joue. Et si c'était vrai ? S'il avait prédit ce qui arriverait ensuite ? Elle secoua la tête. Non, c'était insupportable à concevoir. Elle ne devait plus y penser.

-Je ne me vois pas faire autre chose que la voie dans laquelle je m'engage... J'ai envie... J'ai envie de couver, de voir d'autres grandir sous mes ailes. Un peu comme des enfants.

Des enfants sous son emprise. Des enfants qui travailleraient pour elle sans qu'elle n'ait à faire d'effort, si ce n'est négocier. Ça sonnait drôlement malsain vu comme cela, mais c'était l'essence même de leur société. Et Jadélynka aimait sa société.

-Viens là.

Raemiel la resserra contre elle et déposa un baiser dans son cou. Elle sourit. Elle se sentait bête, tout à coup, avec tous ses doutes. A chaque fois, c'était la même chose : sa phase d'angoisses bien entamée, il ne suffisait que de quelques secondes à Raemiel pour la rassurer. Elle comprenait alors qu'elle se fourvoyait sur toute la ligne et qu'il n'y avait aucune tromperie. Ses doutes s'envolaient comme une poignée de poussière et elle croyait de nouveau en tout : en elle, en ses projets, en lui et en eux. Elle se souvenait qu'ils s'aimaient réellement, qu'il n'y avait aucune illusion, et c’était le plus beau sentiment du monde.

-Ceux qui trépassent n’étaient pas voués à un grand avenir, c’est naturel. Je suis sûr que les plus prometteurs finiront par arriver. Quant à moi, je n'ai pas l'intention de mourir. Il murmurait à son oreille. Son souffle chaud la faisait frémir. Si je suis ton raisonnement, alors je pense que nous avons été réunis pour une bonne raison. Regarde : tous ceux qui sont morts l'ont été avant que tu n'entreprennes quoi que ce soit avec eux. Pas moi. Nous sommes mariés et heureux, non ?

Au fur et à mesure, son emprise devenait caresses. Jadélynka se détendit complètement. Elle acquiesça. Ce qui était fou, c'était que Raemiel avait raison. Il avait toujours raison. Il l'embrassa. Son ton changea du tout au tout.

-En parlant d'entreprendre... Tu disais que tu voulais des enfants ?

Elle sourit, puis se tourna vers lui. La main de son mari quitta son épaule et coula jusqu’à sa hanche. Jadélynka gloussa, puis l'embrassa.

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Sam 14 Mai 2022, 11:41

Jadélynka
La Productrice
Castellia Cordaell était une étudiante du Plateau de Tinnugardh. Elle était relativement banale pour une adolescente de son âge, ce qui voulait objectivement dire qu'elle était relativement brillante. A l'école, elle se montrait douée dans toutes les matières. Mais ce qu'elle aimait particulièrement, c'était l'art. Elle n'avait pas encore reçu son Anoraë, mais elle était déjà persuadée que celui-ci le mènerait vers la voie du Lotus Rouge. Il ne pouvait pas en être autrement. Même si elle excellait dans tous les domaines qui lui étaient enseignés, ce qu'elle n'avait fait que pour plaire à ses parents, aucun ne l'avait jamais autant passionné que le dessin et la peinture. Castellia avait une imagination débordante. Elle ne comptait plus le nombre de carnets remplis de croquis qui attendaient dans sa chambre qu'elle se procure suffisamment de toiles pour pouvoir concrétiser ses esquisses et ses projets. Du haut de ses seize ans, elle se voyait déjà dans sa propre galerie, perchée sur les hauts Plateaux de la ville, à accueillir les plus belles expositions. Des événements comme ça, la jeune Alfare en avait aussi conçu, noircissant des pages entières de ses cahiers. Elle avait déjà des projets de thématiques. Malheureusement, les revenus de ses parents ne lui avaient pas permis de s'acheter du matériel suffisamment professionnel. Elle pratiquait, mais sur des toiles bas de gamme, avec des pinceaux bas de gammes et de la peinture bas de gamme. Visiblement, le Deuxième Plateau ne donnait pas lieu à un niveau bien plus élevé que le Premier. Castellia le savait, même si elle n'avait jamais vécu sur ce dernier. Suffisait de voir à quel point le fossé se creusait entre chaque échelon social. Il était de plus en plus gigantesque, de plus en plus monstrueux avec l’ascension.

Depuis la fin d'après-midi, Castellia avait vu ses projets se concrétiser ; ou du moins, avait eu l'espoir qu'ils se concrétisent. Cela avait pris la forme du parchemin qu'elle tenait dans sa main alors qu'elle rentrait chez elle après une longue journée de cours. Elle n'arrivait toujours pas à croire ce qu'elle avait lu sur ce papier et à vrai dire, elle ne pouvait s'empêcher d'être prise par une pointe de scepticisme. Toutefois, la joie de voir ses rêves devenir réalité était plus forte que tout. La nervosité à l'idée de montrer cela à ses parents n'était pas grand-chose en comparaison.

Castellia attendit le moment le plus opportun pour leur dire. Elle voulait que ses parents soient tous les deux disponibles à cent pourcents. Pas à écouter d'une seule oreille tout en analysant un papier administratif. Tout naturellement, elle choisit donc de patienter jusqu'à la fin du dîner, le jour même. L'adolescente prit une grande inspiration.

-Père, mère. J'ai trouvé une annonce intéressante sur le tableau d'affichage de l'école. Je voulais vous en parler.

Elle avait arraché la feuille punaisée pour leur montrer. C'était tout réfléchi. Ainsi, elle diminuait aussi les chances qu'un concurrent ne saisisse l'opportunité à sa place. Elle voulait être la première, si ce n'est la seule, parmi ses camarades. Son père ajusta ses lunettes et tendit le bras pour lire l'intitulé. Castellia se mordit l'intérieur des joues, plus nerveuse qu'elle ne l'aurait cru.

-.... Une productrice ?

-Oui, pour la peinture. Si cette personne me trouve prometteuse, elle pourrait me supporter financièrement pour m'acheter du matériel adéquat et lancer ma propre galerie.

-Hm hm...

Le silence retomba, le temps pour Abellan de terminer l'analyse de l'annonce. Elle passa ensuite entre les mains de sa femme, qui passa les mêmes mots au peigne fin. C'était interminable.

-Ma chérie, tu n'as pas encore terminé tes études. Ton avenir n'est pas encore tracé.

Castellia lança ses épaules en arrière. Elle avait prévu cette question, et des milliers d'autres.

-Je sais mère, mais rien n'empêche d'anticiper un peu. Sachant que je devrais obtenir mon diplôme très prochainement...

Encore une fois, un silence. L'adolescent voyait bien qu'ils étaient sceptiques. Elle était déçue qu'ils ne partagent pas son enthousiasme et en même temps, c'était parfaitement normal.

-Ce qui m'intrigue, c'est que je n'ai pas entendu parler de cette femme avant et qu'elle dit provenir du Quatrième Plateau... Renchérit le père.

Castellia haussa les épaules. Ça l'interpelait aussi. Mais c'était pour cette raison aussi que l'annonce lui avait plu.

-Rien n'empêche de lui écrire une lettre pour en savoir plus. Pourquoi pas la rencontrer en personne.

Bien entendu, elle croyait beaucoup moins à cette seconde hypothèse, mais rien ne coûtait d'essayer.

***


Jadélynka lança un regard par-dessus son épaule, puis déplia le petit papier qu'elle avait emporté avec elle avant de se référer de nouveau à la porte devant laquelle elle se tenait. Oui, c'était la bonne adresse. Elle avait vérifié quinze fois et s'il y avait eu la moindre erreur, Renata l'aurait avertie. L'Alfare épousseta ses vêtements, vérifia qu'elle se tenait bien droite et s'arma de son plus beau sourire. Elle frappa à la porte.

-Mademoiselle Cordaell, quel plaisir de vous rencontrer enfin. Fit-elle, rayonnante, dès lors que la porte s'ouvrit.

Elle avait reconnu la fille car elle avait l'air d'une adolescente et n'était pas habillée comme une servante.

-Bonjour Madame Voëhdan ! Un sourire sincère illumina son visage et Jadélynka se sentit plus importante que jamais. Le plaisir est partagé, entrez je vous en prie.

La Déléis ne se fit pas attendre et pénétra dans la maison, sa seconde sur ses talons. Elle attendit qu'on la débarrasse de son manteau, ce que Renata s'empressa de faire avant qu'elle ne paraisse pour une idiote. Jadélynka s'efforça de ne pas réagir par la surprise. Le service ici n'était pas déplorable, mais inexistant. Cependant, à quoi aurait-elle dû s'attendre ? Elle était parmi les basses classes de la société ici.

-Je vous présente Renata, mon Mur.

Honnêtement, elle avait hésité à prendre celui de quelqu'un d'autre également pour assurer sa sécurité. Elle craignait que les quartiers ici ne fussent pas assez sûrs... C'était d'ailleurs la raison pour laquelle en ce jour, elle s'était munie d'un long manteau à capuche afin de passer le plus inaperçue possible. La robe qu'elle portait actuellement était magnifique. Qui sait ce que quelqu'un qui jalousait son statut aurait pu lui faire ? Le seul fait d'y penser lui donna des frissons.

-Mes parents sont dans la pièce à vivre.

-Très bien.

Jadélynka lui offrit son plus beau sourire et la suivit. A vrai dire, elle était aussi nerveuse que sa candidate. Les parents... Aucun doute là-dessus, ils risquaient de lui donner du fil à retordre. Ils étaient tous comme ça, elle ne le savait que trop bien et ne pouvait que trop les comprendre. Tous désiraient le meilleur avenir pour leur progéniture.

-Bonjour.

L'annonce qu'elle avait passée devait faire d'effet d'une offrande tombée du ciel pour eux. Même si, à l'heure actuelle, ils étaient un peu trop austères à son goût, elle n'en doutait pas une seule seconde. Les deux parents se levèrent comme un seul homme.

-Bonjour ! Madame Voëhdan, c'est cela ?

-Tout à fait ! Je peux ? Elle désigna le fauteuil vide près du couple.

Ils acquiescèrent en cœur. Jadélynka s'installa et Renata se posta derrière elle, les mains jointes. Aussitôt, elle se mit à parler. Elle ne comptait pas aller par quatre chemins. Si elle prenait les devants maintenant, l'entretien serait certainement plus facile à gérer.

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Sam 14 Mai 2022, 14:27

Jadélynka
La Productrice
-Votre fille Castellia m'a envoyé une lettre très... motivée. Je vous avoue qu'elle a su éveiller mon attention.

Jadélynka avait surtout reçu assez peu de réponses et ce n'était pas faute d'avoir essayé. Pour arriver à ses fins, elle avait fait afficher des appels à projets un peu partout dans la Majestueuse : dans les écoles, sur les places publiques, dans les bibliothèques... A l'exception du Premier Plateau, bien entendu. La jeune femme était généreuse, mais il y avait des limites à ne pas dépasser. Elle ne souhaitait pas faire de son entreprise une affaire de mauvaise graine. En commençant par le Deuxième Plateau, elle s'assurait d'un minimum de distinction de la part de ses futurs clients. Toutefois, ceux-ci ne semblaient pas aussi réceptifs qu'elle ne l'aurait voulu. La méfiance, très certainement.

-Vous faites des peintures. Elle s'adressait directement à la fille. Je serais très curieuse de voir votre portfolio. Même des esquisses.

-Madame Voëhdan. Appela le père. Nous entendons votre enthousiasme et nous vous en remercions, seulement nous avons quelques interrogations nous aussi.

-Oh, elle passa une jambe par-dessus l'autre, bien sûr, je vous écoute.

Le père s'enfonça dans son fauteuil.

-Vous vivez à Istgardh, c'est bien cela ?

-Hm hm. Affirma-t-elle avec un air un peu hautain.

Que voulait-il, qu'il lui montre ses laisser-passer ? Sa tenue de haute facture ne suffisait-elle pas à prouver sa haute appartenance ?

-Dans ce cas-là, nous ne comprenons pas très bien : que faites-vous ici ?

Elle eut un petit rire.

-Voyez-vous, je commence tout juste cette nouvelle entreprise. Il s'agit de financer et de faire connaitre les projets les plus prometteurs afin de faciliter leur élévation. Non seulement cela permet d'obtenir rapidement une stabilité, mais c'est un tremplin garanti pour les jeunes entrepreneurs. Tout est mis en œuvre pour assurer leur réussite. Ironiquement, c'était réciproque. En échange de ce service, je me vois en droit de demander une petite commission. Mais rien de méchant, je vous l'assure. Tout sera scellé par un contrat. Le père leva un sourcil. De plus, très peu de nouveautés jaillissent du Quatrième Plateau à proprement parler. Et aucune d'entre elles n'a besoin d'un quelconque soutien : de là-haut, elles ont déjà tout à disposition pour succéder.

Le cas échéant, c'était qu'elles ne le méritaient pas, tout simplement. Lorsqu'on était au centre, on pouvait soit monter, soit descendre. Alors que lorsqu'on était en bas... on ne pouvait que monter.

-En revanche, ici, les potentialités sont énormes.

-Et d'où vous vient l'argent ?

-De la banque, bien entendu. Je m'en chargerais. Une entreprise a davantage de poids qu'un particulier pour emprunter. De plus, j'ai mon réseau.

Son mari avait un réseau, nuance.

-Et vous y connaissez-vous en peinture, Madame ? S'enquit la matriarche.

-Bien sûr. Je suis une Déléis, ma famille abrite beaucoup de membres de l'Ordre du Lys Noir, certes, mais aussi un large nombre d'artistes. Ma propre mère en est une.

La jeune femme était plutôt satisfaite par son propre discours. Il fallait dire qu'elle l'avait préparé des jours avant sa venue. Jadélynka essaya de déceler ce que les deux parents pensaient. Au bout d'un moment, la mère prit une inspiration.

-D'accord. Dans ce cas-là Castellia, je pense que tu peux lui montrer quelques-unes de tes peintures. Voyons ce que vous en pensez.

Ça sonnait comme un air de défi.

***


-Alors ?

-Hm...

Jadélynka ne savait pas quoi penser. Castellia avait indéniablement du talent, de la technique. Plus qu'elle-même n'en aurait jamais – l'art avait toujours été son point faible, alors il fallait dire que ce référentiel était discutable. Heureusement, les longues heures de cours lors de ses études lui avaient aussi appris une chose où au contraire, elle excellait : juger. Ainsi, elle avait développé sa capacité à reconnaitre le travail de qualité. C'en était. Mais à quel point ? A quel point cela plairait ? A quel point cela parviendrait-il à percer ? C'était un pari à faire, plus compliqué qu'elle ne l'aurait imaginé. Maintenant qu'elle faisait face à la décision, elle n'était plus certaine de pouvoir réellement juger de la qualité de ce travail.

-Très intéressant. Castellia a clairement le potentiel de devenir une grande artiste.

-Il y a un mais ? Demanda l'adolescente impudemment.

Cela fit sourire la productrice. Elle l'aimait bien. Elle aimait les gens qui osaient, même si c’était insolent parfois.

-Non, pas vraiment. L'Alfare se pencha légèrement vers elle. Vous êtes encore étudiante. Vous devez vous doutez que je ne peux pas vous proposer un contrat de suite. Mais cela ne fait rien. Ce que je peux vous proposer, c’est la chose suivante : gardez mon adresse, obtenez votre diplôme et votre Anoraë. Si vous êtes toujours intéressée par ma proposition d'ici là, vous saurez me contacter.

-D'accord !

Jadélynka se redressa, adressa un regard à ses parents pour connaitre leur avis sur la question. Mais visiblement, ils ne voyaient pas d’objection. Il n’y en avait pas.

-Parfait alors. C'était un plaisir de vous rencontrer, Mademoiselle Cordaell. J'espère que nous nous recroiserons très prochainement.

Jadélynka revêtit son manteau et partit, Renata sur les talons. Elle était ravie. Un sentiment de victoire étirait ses lèvres. Ce n'était peut-être pas un premier contrat, mais c'était une première promesse. Toutefois, une ombre planait sur le tableau, que l'Alfare  tentait délibérément d’ignorer : ne restait plus qu'à ce que Castellia n'ait pas le temps de mourir avant de lui faire connaitre du succès.

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Mar 24 Mai 2022, 22:35

Jadélynka
La Productrice
Bien entendu, Jadélynka ne s'était pas arrêtée là. La jeune femme avait continué ses sorties quasi-quotidiennes dans divers lieux et événements et le temps avait fini par porter ses fruits. Elle avait fini par recevoir quelques réponses à ses annonces. Un écrivain, un ébéniste, un couturier...

-Raemiel ?

Elle venait tout juste de rentrer de son entretien. L'épouse avait pris le temps de réfléchir sur le chemin pour rentrer chez elle, et plus elle y avait pensé, plus son sourire s'était agrandi. Investir dans Jetil lui semblait être une meilleure idée à chaque minute qui passait.

-Ma chérie ?

Jadélynka n'avait pu résister à l'envie de s'intéresser d'abord au troisième, le couturier. Tout était prétexte à remplir et raffiner sa garde-robe, alors lorsqu'il s'agissait de prendre sous son aile un créateur qui pourrait à l'avenir devenir le sien, l'affaire était vite réfléchie.

-J'ai trouvé quelqu'un.

-Un premier client ?

Elle acquiesça. L'homme s'appelait Jetil Muen et était originaire du Troisième Plateau. Il possédait déjà un petit atelier et son célibat promettait son implication tout entière dans son projet, au moins pour son lancement. Comme par hasard, celui-ci appréciait particulièrement concevoir des tenues pour femmes et comme par hasard, il avait gagné des points dans le cœur de l'Alfare. Elle avait pu voir ses croquis et quelques-uns des tissus qu'il avait modestement commencé à travailler. Elle avait découvert ses goûts et ses inventions parfois étranges. Pas sûr qu'elle se vit porter toutes les pièces de son client, mais il n'empêchait qu'il était ambitieux et qu'elle aimait son énergie. C'était le plus important. Jetil avait tout le temps de faire évoluer son style, en même temps que la demande. Et s'il était en fait un avant-gardiste incompris ?

-Il est prêt à me faire confiance et n'attend plus que l'argent pour se lancer.

-Je vois. Aurais-je droit à des présentations ?

Elle glissa ses mains dans celles de son époux, puis se posta sur la pointe des pieds pour lui voler un baiser.

-Je n'attends que ça.

***


Ils y étaient allés ensemble cette fois-ci. C'était la première fois que Jadélynka présentait une trouvaille à son mari. Elle aurait aimé être plus confiante. Elle aimait tellement Raemiel et elle était si enjouée à l'idée de s'associer au couturier qu'elle avait du mal à imaginer les choses tourner autrement que par la conclusion d'un contrat. Malheureusement, lorsqu'il s'agissait d'être professionnel, Raemiel était exigent. Son épouse ne l'avait pas vraiment vu à l'œuvre pour ce genre de négociations, mais à échanger avec quelques-uns de ses collègues, à la soirée de leur mariage, elle avait eu à chaque fois le même retour : il était intransigeant.

-Bonjour, Monsieur Muen.

Raemiel lui offrit une poignée de main ferme. Jetil semblait intimidé, beaucoup plus qu'il avait pu l'être lorsque Jadélynka l'avait rencontré seule. Elle jeta un œil à son mari. A force de le fréquenter elle s'était habituée, mais il était clair qu'il dégageait quelque chose d'imposant. Elle se sentit très fière.

-Bonjour Monsieur Voëhdan. C'est un honneur de vous rencontrer. Madame Voëhdan. Venez, entrez.

C'était un drôle d'homme. Bien qu'il fût propre, on voyait tout de suite que prendre soin de lui-même n'était pas sa priorité première. Il ne se tenait même pas droit. Le couple s'engagea avec lui dans un long couloir. Raemiel lança un regard curieux à sa femme. Elle comprenait. La demeure de Jetil Muen était singulière. Plus petite que la plupart de celles de ce plateau, l'intérieur était particulièrement sombre et pas aussi parfaitement entretenu que ce que l'on aurait attendu d'une personne de ce niveau. D'ailleurs, l'homme, qui n'allait pas tarder à passer la trentaine, semblait vivre seul. Pas même avec un domestique. Jadélynka posa une main rassurante sur son bras. Elle avait été aussi surprise que lui au départ, voire plus. Mais au final, elle n'avait pas été si déçue.

-Je suis heureux que vous ayez considéré ma candidature, Madame Voëhdan.

-J'ai cru comprendre que vous viviez seul, Monsieur Muen. Questionna Raemiel.

-Pour le moment. Je préfère me consacrer à ma vocation d'abord. Ensuite, je pourrai retaper cette maison et enfin songer à une famille.

-Maison familiale ?

-Ancienne, oui. Mais je ne m'entends pas avec eux, c'est pourquoi je n'ai hérité que de ça à la mort de mes parents. Si ça avait été le cas, croyez-moi, je n'aurai pas fait appel à vous. Voilà, nous y sommes.

Il les invita à s'introduire dans son atelier. Il était assez exigu, sobre et surtout, très mal rangé. Des chutes de tissus et des créations plus ou moins abouties recouvraient le moindre meuble, la moindre table. Par-dessus, quelques bobines de fil, des aiguilles, des papiers à tout va. Le tout était éparpillé dans une organisation que lui seul connaissait.

-Depuis notre dernière entrevue, Madame Voëhdan, j'ai fait de nouveaux croquis. Venez voir.

Il leur tendit une liasse de parchemins. Il y en avait bien une quinzaine. En les regardant de plus près, Jadélynka fut bluffée par les détails qu'il avait apporté à chaque tenue. Seulement quelques jours séparaient les deux visites, et il avait quand même réussi à inventer... tout ça. De son côté, Raemiel découvrait l'envergure de sa créativité avec des yeux ronds.

-C'est...

-Oui, je sais. Coupa Jetil. On me l'a déjà dit.

***


Ressortir de la maison, après avoir salué son propriétaire, fut comme une bouffée d’air frais que Raemiel s’empressa d’inspirer.

-Eh bien. Il ne va pas par quatre chemins.

-Je sais.

Jadélynka passa son bras sous celui de son mari. Jetil ne leur avait même pas proposé un thé pour les accueillir, ni de prendre place pour une petite conversation avant de passer aux choses sérieuses. Chez eux, on avait tendance à appeler ça de l'indélicatesse. Mais curieusement, c'était ce qui plaisait à la jeune femme, chez lui. Muen n'était pas comme les autres Alfars et ce n'était certainement pas ce que l'on attendait de quelqu'un de son Plateau. Pourtant, c'était sa franchise et sa manière d'aller directement aux choses qui la marquait. Quand il parlait, cela n'était jamais impoli au contraire : il s'exprimait avec une sincérité déconcertante. Elle se demandait s'il n'était pas un peu fou. Peut-être pas au sens clinique du terme, mais il n'y avait pas de doute sur le fait qu'il lui manquait quelques cases, ou bien que ces cases fonctionnassent différemment de ce qui aurait dû être. En fait, il ressemblait un peu à un enfant, obsédé par une seule passion et qui ne faisait rien d'autre de ses journées. Car il ne devait rien faire d’autre de ses journées.

-Qu'en as-tu pensé ?

Ils marchaient en direction du Plateau supérieur, de leur maison. Comme d'habitude, Renata marchait derrière eux, aussi silencieuse qu'une tombe.

-Tu veux que je sois totalement honnête ?

-Bien sûr.

-Si tu n'avais pas insisté, jamais je n'aurais mis les pieds dans une grotte pareille.

Elle s'en était douté. Une semaine plus tôt, elle-même ne se serait jamais imaginée y mettre ne serait-ce qu'un orteil. Seulement, son début de carrière demandait des sacrifices.

-Et est-ce que je t'ai convaincue ?

-Etonnamment, oui. Il m'inconforte, mais il dégage une passion tellement forte. A l'usure, ce pourrait être quelque chose.

-Oui, c'est ce que je pense aussi.

Le sourire de Jadélynka s'élargit. Elle était tellement heureuse. Elle en était sûre : elle était sur le point de signer un contrat. Son premier contrat ! Elle poussa un soupir de contentement à cette idée.

-Cette journée est parfaite.

-Vraiment ? Il leva un sourcil. Même si nous avons dû mettre les pieds en-dehors d'Istgardh ?

-Oh, oui.

-Et pourquoi cela ?

-Tu veux vraiment le savoir maintenant ?

-Évidemment.

Elle le força à s'arrêter et lui fit face. Elle avait prévu de lui annoncer plus tard dans la soirée mais en fait, elle n'y tenait plus elle-même.

-Je suis enceinte.

La lueur dans les yeux de Raemiel changea du tout au tout. L’attitude confiante et glacée laissa la place à l'émotion, puis à une joie intense.

-Par Dothasi, si nous n'étions pas en public, je te jure que je t'embrasserai.


~1341 mots~
Fin
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[Q] La Productrice

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