RP précédent : Ces étrangers dont le cœur est uni.


Dastan roula dans la poussière. Le goût fade et crissant du sable emplit sa bouche. Il râpa sa langue contre son palais et cracha. « Encore. » Il jeta un regard par-dessus son épaule. Une grimace pleine de hargne dévoila ses dents. Debout, Freyja le toisait de toute sa hauteur. Il se releva et se rua à nouveau sur elle. D’une parade bien placée, elle le renvoya à terre. Il frappa du poing contre le sol. « Recommence. » - « Tu te bats comme une Ange ! » cria-t-il en roulant sur le dos pour s’asseoir. Ses yeux bronze la fusillèrent. Il la vit serrer les dents. « C’est peut-être pour ça que les Anges ont toujours eu le dessus sur les Réprouvés. » Le jeune Bipolaire poussa un grognement, se releva prestement et se jeta une nouvelle fois sur sa sœur. Elle lui planta son coude dans les côtes et le balaya avec une facilité déconcertante. Par terre, entre deux quintes de toux, il vociféra : « Traîtresse ! » - « Imbécile. » Elle s’approcha et posa son pied sur son sternum, de sorte à le maintenir au sol. Les poings sur les hanches, elle se pencha au-dessus de lui. « Tu ne peux pas juste sauter sur ton adversaire comme une bête sauvage. » - « J’ai toujours fait comme ça et j’ai souvent gagné contre les autres ! » - « Ça veut juste dire qu’ils sont plus mauvais que toi. » Il la fusilla du regard, mais elle sourit. « Fais ce que je t’ai appris, ou tu ne tiendras pas une seconde à Amestris. » À la fin de sa phrase, son sourire s’évanouit et il vit passer dans ses yeux une lueur triste. Les émotions de sa sœur étaient aussi lisibles que les aléas du ciel. Parfois, ça l’effrayait. Il se demandait si on pouvait voir aussi aisément passer les siennes comme les nuages dans le grand bleu. Il pensa aux yeux d’Érasme. Le grand bleu.

« Tu seras là pour me sauver la peau, comme d’habitude, non ? » argua-t-il, avec un soupçon de colère et une goutte de reconnaissance. Elle le scruta, puis confirma : « Je serai là. » - « Tu vas te battre ? » - « Je serai là. » - « Ça répond pas à ma question. » Elle haussa les épaules. « Si tu te bats pas, t’es la dernière des lâches. » Ce fut à son tour de le harponner du regard. « Et toi, si tu te bats, t’es le premier des abrutis. » Elle s’inclina un peu plus vers lui. « Tu connais l’histoire de la mort de Shezira. Ne t’attends pas à être traité autrement. » Un frisson glacé déchira l’échine du roux. Puis, une lueur paniquée imprégna ses prunelles. « Si ça se passe comme ça, ce qu’on fait sert à rien ! » - « Exactement. » - « Tous les entraînements, ils servent à rien ! » Elle acquiesça. « Il faudrait être stupide pour croire que les Sorciers ne vont pas utiliser leur magie simplement parce que vous ne savez pas vous servir de la vôtre. Au contraire. Les Réprouvés n’atteindront sans doute même pas les remparts d’Amestris. Il y a un paquet de Val’Aimé Taiji qui nous attendent là-bas. » L’horreur dévorait le cœur de Dastan. Il se demanda comment il pouvait ne pas y avoir pensé. Comment avait-il pu croire, lui, que les Manichéens n’avaient ne serait-ce qu’une chance de s’en sortir ? Il repensa à Érasme. Il était si certain de pouvoir le battre qu’il n’avait pas songé au reste, aveuglé par sa haine. Ses poings se serrèrent. Il refusait de mourir. Il ne pouvait pas mourir, puisqu’il devait être Dovahkiin. La promesse du Prince Noir s’extirpa de sa mémoire. Il plissa les yeux. De toute façon, il ne la tiendrait pas. C’était impossible, puisqu’ils allaient devoir périr, vaincre ou s’entretuer. « Tu dois m’apprendre la magie. » La surprise frappa les traits de son aînée. Il insista : « Si c’est le seul moyen de survivre, tu dois m’apprendre ! » Elle secoua la tête. « J’en ai déjà fait ! » - « Tais-toi. » Elle remonta un peu son pied et appuya plus fort, sur sa gorge, comme si elle cherchait à l’étouffer. Il toussa et attrapa fermement sa cheville mais elle ne bougea pas. En se redressant, elle regarda autour d’eux, avant de poser à nouveau ses yeux sur lui. L’Ange leva le talon de sa chaussure et lui tendit la main pour l’aider à se relever. Il était tout juste plus grand qu’elle. « Si tu veux survivre, reste ici. » - « Non. Je dois y aller. Apprends-moi la magie. » Elle fit non de la tête. « Qui t’a mis cette idée dans le crâne ? » Une flamme embrasa le regard de Dastan. « Quand je serai Dovahkiin, il faudra qu’on sache utiliser la magie. Apprends-moi. »

Le silence les sépara. « Je ne comprends pas. Pourquoi un Réprouvé de Lumnaar’Yuvon voudrait-il apprendre à se servir de la magie ? » - « Parce que je me suis rendu compte que… » Il fronça les sourcils et pinça les lèvres, agacé. « On peut s’en sortir sans, mais pas tout le temps. Et quand je serai Dovahkiin, je ne perdrai jamais. Alors je dois apprendre la magie. » Il s’exprimait avec une conviction inattendue. Brûlante. Un voile passa sur ses yeux et il chuchota, l’âme en partance : « Je l’ai vu en rêve. » Les sourcils de sa sœur se froncèrent. Suspicieuse, elle le sonda. « Quoi ? » - « Et tu crois que ça va se réaliser ? » Il la dévisagea, puis se renfrogna. « Le rêve ? Bah j’en sais rien, moi, non, c’est qu’un rêve, mais ça donne des idées, c’est tout ! » Depuis quelques temps, le sujet des songes le mettait mal à l’aise. Dès qu’il fermait l’œil, le grand bleu venait le hanter. Il l’emportait, et à chaque réveil, il avait le sentiment de s’être un peu plus perdu. « Et puis, t’as bien appris la magie alors que t’es née là, toi aussi ! » - « Oui, et c’est aussi pour ça que je suis une traîtresse d’Ange. » Ils se regardèrent, silencieux. Il savait ce qu’il risquait. Peu lui importait. Il se cacherait, comme pour la lecture et l’écriture. Le prix du succès, comme celui de la victoire, n’en était jamais vraiment un. L’ambition du Kiir’Sahqon outrepassait ses préjugés et, s’il le fallait, les règles et les lois. Finalement, elle dit : « Je ne peux pas t’apprendre à maîtriser ta magie en deux jours. Mais on peut commencer à explorer les possibles. Qu’est-ce que tu sais faire ? » Dans un tic nerveux, Dastan se mordilla la lèvre. « J’ai déjà convoqué la forme démoniaque, enfin en partie, et je crois que je peux repousser le feu. » Quelques instants passèrent, durant lesquels l’Aile d’Acier le toisa. Allait-elle le repousser ? Pire, le dénoncer ? Tout à coup, il se sentit stupide d’avoir cru qu’elle accepterait de l’aide et de s’être confié sur ses envies. Même si sa relation avec Freyja s’était grandement apaisée, et qu’elle semblait véritablement se soucier de lui, il ne devait pas oublier son regard, la première fois, à Keizaal. Il serra les dents et les poings, prêt à affronter la sentence. « Viens. » finit-elle par dire. Elle tourna les talons et s’engouffra dans la maison.

Priam était assis à la table de la cuisine. Il dressait un rapport pour Hazaan. La quantité de vivres nécessaires au voyage avait été réunie. Il avait aussi noté les noms de chaque participant, en distinguant les combattants des soignants. Ces derniers temps, ils se préparaient tous pour la bataille : les uns en s’affrontant, les autres en confectionnant des onguents, des crèmes, des bandages et tout ce qui pourrait être utile aux blessés. Lorsque la porte s’ouvrit, il releva brièvement la tête, avant de la replonger dans ses documents. « Salut. T’es allé te rouler avec les cochons, Dastan ? » Un grognement lui répondit, puis la voix de sa cadette : « Rigole pas trop parce que tout à l’heure, je m’occupe de ton cas. » Il se redressa, la regarda et sourit. « J’ai fait des progrès. C’est moi qui vais te faire mordre la poussière. » S’étant approchée, Freyja lui asséna une tape sur l’arrière du crâne. « Sois pas prétentieux, ça va noircir tes ailes. » Elle sourit. « T’es plus doué pour la paperasse alors concentre-toi dessus. » Dastan les observait. C’était toujours un peu étrange de se dire qu’ils étaient ses frère et sœur. Ils n’avaient pas grandi ensemble. Plus encore, le rouquin avait été éduqué comme un enfant unique. L’arrivée d’Yngvild altérait nombre de choses, mais pas nécessairement en bien. Tous ses repères étaient bouleversés et, malgré lui, l’enfant qu’il abritait encore hurlait de désespoir et de colère face à ce changement radical. Partagerait-il avec sa petite sœur la complicité qui liait Priam et Freyja, un jour ? Il n’était pas certain de le désirer. Surtout si elle continuait à brailler et à lui pourrir ses nuits – du moins, celles qu’il ne passait pas à cavaler avec Draegr. « Vous avez terminé votre entraînement ? » Freyja fit non de la tête. « Dastan veut apprendre à utiliser la magie. » Le concerné blanchit. Lorsque le regard interrogateur de son grand frère se posa sur lui, il était à la limite de la liquéfaction. « Vous devez le dire à personne ! » s’écria-t-il. « Promettez ! » Ils promirent.

« Mets-toi là. » lui intima son aînée en lui indiquant une place devant la cheminée. Il s’assit en tailleur à l’emplacement indiqué. Elle fit de même, près de lui. « Les Réprouvés ont tous trois pouvoirs en commun. Tu sais lesquels ? » - « Ouais, y’a le truc qui permet de se transformer en Ange ou en Démon, et le truc que certains utilisent en dernier recours, là, quand quelqu’un pète trop un câble. Enfin ça fait que deux… Pour le troisième, j’en sais rien. » À Lumnaar’Yuvon, on éduquait peu voire pas les enfants à la magie. On tentait tout pour qu’ils ne l’utilisassent jamais. Ils en admiraient parfois les effets lorsque leurs pairs en faisaient usage, le plus souvent par mégarde, ou lorsqu’eux-mêmes la déclenchaient sans s’en rendre compte. Ils apprenaient sur le tas. « Le premier s’appelle l’Invocation du divin chaos. Soit tu accentues ton côté démoniaque, tu mutes pour quelque chose de plus monstrueux, et tu es capable d’utiliser une partie de la magie des Démons, soit c’est l’inverse, avec le pendant angélique. » - « J’ai fait que le côté démoniaque. » Il n’avait pas l’intention d’être un sale pleureur d’Ange, de toute façon. Il se souvint de Charmyë et des larmes qu’il avait versées. La colère et la honte lui bouffèrent la poitrine. Freyja acquiesça. « Le deuxième don vient contrebalancer le premier. Par exemple, si quelqu’un l’avait utilisé sur toi quand tu as eu une crise démoniaque, tu serais devenu angélique. Si un Réprouvé l’utilise sur moi, je perds tout ce qui fait de moi une Ange, et tout se convertit en des pensées et des actions mauvaises. Si tu fais ça sur quelqu’un de plus neutre… disons… » - « Adam ? » proposa-t-il avec un sourire goguenard. Elle fronça le nez. « Oui, si tu veux, Adam. Eh bien s’il est dans un bon jour, il se retrouvera finalement à penser et à faire des choses horribles. Et inversement. Tu comprends ? » Il acquiesça. Il pensa à Érasme. Il pourrait passer des heures à le torturer avec ça avant de le tuer. « Et le dernier, c’est un pouvoir qui permet de contrôler l’ombre et la lumière. » Il fronça les sourcils. « Ça peut te permettre de te camoufler, d’éblouir quelqu’un, d’assombrir un lieu… » - « C’est quoi le rapport avec le reste ? » Elle sourit. « L’ombre, c’est pour la partie démoniaque. La lumière, pour l’angélique. » - « Ah ouais, d’accord. Et comment tu fais pour utiliser ta magie ? » demanda-t-il, impatient. « T’as fait comment, les autres fois ? » Il haussa les épaules. « J’en sais rien. » - « Fais un effort. » Il fronça le nez, vexé. « Pour le feu, j’ai voulu le repousser. » - « Pourquoi ? » - « Bah parce que ça a failli me brûler. » Elle le fixa. « Et ? » L’adolescent leva les yeux au ciel. « Quoi « et ? » ? T’as envie de te faire cramer la gueule, toi ? Vous avez vraiment des délires bizarres, les Anges… » Penché sur ses feuilles, Priam pouffa. « Mais non ! Ce que je te demande, c’est qu’est-ce que ça a suscité ? Tu te sentais comment ? » Silencieux, il la scruta, puis lâcha, visiblement contrarié de devoir le reconnaître : « J’ai eu peur. » Elle opina. « Et la forme démoniaque ? » - « J’étais en colère. » Y penser ralluma une flamme dans son regard. « Voilà. Pour convoquer ta magie, tu peux te servir de tes émotions. » - « Mais c’est pas sur commande ! » s’insurgea-t-il. Freyja plissa les lèvres, et il se rendit compte qu’il était sans doute trop impatient. Il détourna le regard et se trémoussa. « Ce que je veux dire, c’est que tu peux te servir de tes émotions pour déclencher le processus, pouvoir sentir ce que ça fait d’utiliser ta magie, et ensuite chercher à recréer cette sensation pour pouvoir l’utiliser à nouveau. » Visiblement perplexe, il plissa les yeux. « Et c’est quoi, pour toi, cette sensation ? » - « Tout dépend du sort. Mais en général, une chaleur dans la poitrine et les mains, et une impression de bouillonnement. Puis comme quelque chose que l’on déverrouillerait… Une fluidité. » Dastan inspira profondément et orienta son regard vers le plafond. Puis, il tourna la tête vers Priam. « Et toi, Priam, c’est quoi, la sensation ? » L’interpelé leva le nez de ses papiers. « Hm… ça me chatouille la nuque, ça me chauffe au niveau de la tête, et pareil, les mains. Et le même sentiment de déblocage quand le sort s’exprime. Un peu comme au lancer de hache, tu sais. Tu bandes tes muscles et d’un coup bam, tu lâches. Ça ressemble un peu à ça. » - « Hm… » Le jeune Réprouvé fit glisser sa bouche à gauche, puis à droite, apparemment en pleine réflexion. « Après, je crois qu’il y a aussi des gens qui n’ont aucune sensation physique lorsqu’ils pratiquent la magie. » Le roux releva vivement la tête. « Et comment on fait, si je ressens rien ? » - « Il me semble que c’est assez rare. Essaye comme ça. » - « Y’a intérêt que ça marche. » grommela-t-il.

Lorsque sa sœur sourit, de son sourire d’Ange niais aux accents de rictus réprouvé, il sut que ce qu’elle allait dire ne serait pas à son goût. « Ça dépend de toi. Rappelle-toi d’une émotion puissante et essaie de la ressentir le plus possible. » Elle s’interrompit, et il songea : Gnagnagna. « Ou alors, je peux forcer la marche en te parlant de choses désagréables, mais je crois que ça ne te ferait pas plaisir. » Dastan fronça le nez. « Ah ouais ? » la défia-t-il, presque malgré lui. « Ouais. » Il remarqua qu’elle ne souriait plus. Son air n’était pas sérieux, et c’était peut-être le pire : il exprimait une forme de nonchalance à laquelle tout l’épiderme du rouquin réagissait. Pourtant, il s’entêta : « Comme quoi ? » - « On pourrait parler du Prince Érasme Salvatore. » Le jeune Réprouvé se figea, les yeux aussi ronds que fixes. D’abord, il blêmit, puis sa figure adopta une virulente teinte rouge. « Y’a rien à dire. » - « Ce n’est pas ce qu’on m’a dit. » Son cœur éclata. Il repensa à ce putain d’Ange de merde qui avait lu cette putain de lettre de merde, et il eut envie de le tuer. Il ne pouvait pas savoir, ni pour Lucius, ni pour Kaahl ; dans son univers, il n’existait pas d’autre coupable. Il se leva d’un bond. Freyja suivit son mouvement. Il n’osa pas la dépasser. « Je vais le buter ! » - « Le Prince ? » - « Non, l’autre, ce connard d’Ange ! Enfin si, lui aussi ! » Priam avait levé le nez de ses papiers et les observait. « Vous êtes vraiment mariés ? » Ébahi, le jeune Réprouvé dévisagea son frère. Il ne le vit pas, mais sa sœur s’était retournée, surprise. « NON ! Je le déteste ! JE LE HAIS ! » - « Vous êtes vraiment mariés. » répéta son aîné, ses yeux d’or plantés sur lui. « NON ! » Le vide autour de lui oppressait son corps : chacun de ses muscles tremblait, dans l’attente d’un mouvement brutal. Des pointes de magie piquetaient son anatomie et la déformait comme elle l’avait déjà fait, lorsque le Démon se manifestait. « C’est vrai ? » - « Non ! C’est juste… il y a eu une lettre, et moi je voulais pas, et lui non plus, et… » Il secoua la tête. Il ne pouvait pas leur dire. Il ne pouvait pas l’admettre. Il ne pouvait pas… Sa gorge se bloqua. Ses boucles rousses s’agitèrent encore, emportées par la frénésie de la panique. L’air se raréfia, et il se mit à suffoquer. « Dastan. » Il recula. Freyja lui empoigna le bras. La lueur inquiète de ses yeux verts fut la dernière chose qu’il vit.

« Est-ce que tu lis mes pensées, à moi aussi, parfois ? » - « Non. » - « Tu le jures ? » - « Oui. » - « Putain. » Silence. « Mais quand même… T’as pensé à quoi, franchement ? Tu le fais souvent ? C’est inadmissible ! C’est une violation de son intimité. » - « Parce que ça ne l’était pas, d’aborder le sujet du Prince Noir, madame Morale ? » - « C’est pour son bien. Il fallait bien crever l’abcès un jour. » - « Eh bah ça tombe bien, parce que j’ai agi pour la même raison. » Silence. Les voix reprirent, mais il les entendait mal. Leur écho était ouateux, comme si elles provenaient de très loin. Il n’en saisissait pas un mot sur deux. En fait, elles lui donnaient même le tournis. C’était comme si tous les mots s’entrechoquaient. Ça créait un capharnaüm infernal. Il geignit. Un nouveau silence l’enveloppa, aussitôt brisé par des caresses sur son front et des chuchotements près de son oreille. « Dastan ? » - « Ça va ? » - « Arrêtez de crier… » Ils se turent. « J’ai fait un rêve bizarre… » Il se tut à son tour. La peur lui griffa la poitrine. Un éclair terrifié dû passer dans ses yeux, parce que Freyja attrapa sa main et la serra entre les siennes. « On ne dira rien. Promis. » - « Promis. » Il les scruta, dubitatif. Qu’est-ce qu’ils racontaient, ces deux connards ? Ils venaient de le prendre en flagrant délit de trahison, et ils comptaient ne rien dire ? « Vous n’allez pas me dénoncer ? » - « Non. » - « Mais bordel, mais… » Il les dévisagea tour à tour, les prunelles saturées d’incompréhension. « Vous êtes vraiment des putains d’Anges ! Vous… vous êtes des traîtres ! Pires que moi ! » N’importe quel Réprouvé aurait reporté son interdite liaison – aussi indésirée fût-elle – avec Érasme Salvatore. N’importe quel Réprouvé se serait moqué de le voir s’évanouir au sujet de son mariage avec un Sorcier parent de la Couronne noire. N’importe quel Réprouvé l’aurait tué. Et ils étaient là, comme les deux grands abrutis qu’ils figuraient, à le scruter avec leurs prunelles inquiètes et à le couvrir d’attention. « C’est con, un Ange, mais qu’est-ce que c’est con ! » C’était peut-être une forme de remerciement, et probablement la seule qu’ils obtiendraient. « Il va juste falloir nous expliquer un peu, pour qu’on puisse t’aider. » Aussitôt, il se renfrogna. « J’ai pas besoin d’aide. » L’adolescent se retourna dans le canapé pour leur montrer son dos. « De toute façon, on va tous mourir. Tu ferais mieux de retourner baiser Adam, et toi ta putain Magicienne. » Il regretta aussitôt ses paroles. Des larmes silencieuses coulaient sur ses joues. Pour la honte, pour la détresse, pour Érasme ou pour tout le reste. Il ne savait pas. « Pardon. » - « Hm. » - « Je veux être tout seul. Et je veux plus jamais faire de magie, c’est nul. » Dans son dos, Priam et Freyja se regardèrent, mais ne dirent rien. Ils pensaient à la guerre.