Avec ou sans chamallows ?

Partenaire : Kitoe/Jude
Intrigue/Objectif : Astriid retrouve Kitoe par hasard mais suite à un départ mouvementé, Jude prend le dessus et décide de profiter de sa ressemblance avec Neah pour jouer un tour à Astriid.

☙ Skott - Bloodhound

Un air dubitatif peignant ses traits, Astriid resserra la serviette nouée autour d'elle. C'était une piètre barrière contre les crocs du froid qui n'attendaient qu'elle pour lui arracher le moindre fragment de chaleur de son être. Par anticipation, un frisson remonta jusqu'à sa nuque et elle se mit à sautiller sur place dans l'espoir de se réchauffer. L'Ygdraë était déjà frigorifiée avec ses vêtements, elle ne voyait pas comment se retrouver nue dehors pouvait être considéré comme une amélioration de la situation.  Après des journées à peiner dans la neige, à glisser sur des congères, à avoir le bout du nez qui gouttait en permanence et les chausses humides, même elle voyait sa gaieté sapée par le climat implacable de l'Edelweiss enneigée. La rudesse des éléments lui rappelait cruellement la fragilité de son corps et chaque Elfe avait puisé jusque dans ses ultimes réserves pour cette randonnée dans la montagne. Leurs esprits étaient érodés, les langues de vipère se déliaient à la moindre contrariété et lorsque le groupe arriva au village, les Ildras s'étaient concertés et avaient rapidement imposé qu'une journée ou deux à se reposer et à profiter des thermes locales était devenu un bien nécessaire. Personne n'avait rediscuté l'ordre et il avait été décidé d'un commun accord que chacun suivrait son chemin le temps qu'ils demeurent au village. A voyager ainsi ensemble depuis plusieurs mois, même Astriid éprouvait le besoin de voir d'autres visages que ceux de ses congénères.
La rousse prit une grande inspiration, banda sa volonté et armée de son courage, elle s'élança vers l'extérieur avant de freiner brusquement, une bourrasque glacée s'enroulant impatiemment autour de son enveloppe. Ses dents claquèrent aussitôt et un juron en Hyriël lui échappa. Les bras serrés autour d'elle, elle marcha à petits pas rapides jusqu'aux pierres bordant le grand bassin ovale. La fine couche de givre au sol mordait la plante de ses pieds et Astriid marcha à petits pas rapides jusqu'aux pierres plates bordant le grand bassin ovale. Les bras serrés autour d'elle, l'Eskët examina l'étendue d'eau moutonnée d'une vapeur si épaisse qu'elle dissimulait efficacement les baigneurs, réduits à quelques silhouettes sombres. Un nouveau frisson la saisit jusqu'aux os, il n'était plus l'heure d'hésiter davantage, elle ne souhaitait pas finir en sculpture de glace.
Une fois immergée jusqu'au cou, ses cheveux remontés en un chignon approximatif, Astriid autorisa à ses muscles quelques secondes pour se détendre dans l'eau brûlante et ses paupières se fermant malgré elle. Mais l'Elfe ne tenait jamais très longtemps en place et ce ne fut pas long avant qu'elle quitte le bord pour esquisser quelques brasses et explorer le reste du bassin, plus grand que prévu. Un labyrinthe de couloirs rocheux serpentaient et se rejoignaient par endroits jusqu'à des bassins plus petits. Barbotant joyeusement, Astriid se logea dans un de ces derniers et s'enfonça dans l'eau jusqu'au nez en louchant sur les bulles qu'elle faisait. A cet instant, une autre présence se révéla et l'Elfe leva les yeux sur la nouvelle venue. De surprise, ses iris s'élargirent et elle sentit son coeur s'accélérer. Même sans vêtements et en ne l'ayant vue qu'une fois, on ne pouvait tromper la mémoire des Ygdraës si aisément. «Ah... Bonjour !» Elle hésita une fraction de seconde, avant de poursuivre. «On s'est croisées à cet étrange dîner, je ne sais pas si vous vous souvenez ?» Elles n'avaient échangé qu'un dessert et l'Elfe avait rapidement quitté la pièce après l'incident avec la table. Sans pouvoir s'en défendre, elle dévisageait la Démone. Sur sa langue se précipitaient un nombre incalculables de questions mais aucune ne se risquait à sortir. Et que pouvait-elle lui dire ? Désolée, nous ne pouvons pas être amies car Neah ne vous aime pas ? C'était un peu plus compliqué que cela mais c'était pourtant la conclusion qui se dessinait quel que soit l'angle sous lequel elle regardait la situation. «Excusez-moi, je suis surprise de vous rencontrer ici.» Elle se mordit l'intérieur de la joue. La Démone n'avait certainement aucune idée des tourments qui agitaient son interlocutrice. «Vous savez ce qu'il manque ici ?» L'interrogea-t-elle soudainement, prise d'une idée. Les paumes vers le haut, elle fit apparaître deux tasses remplies de chocolat chaud. «Avec ou sans chamallows ?»

Message I | 758 mots
Merci à Mancy et Kitou pour l'inspiration de ce titre.  

Avec ou sans chamallows ?

☙ Danny Elfman - Ice Dance

Astriid souffla doucement sur le breuvage épais, ce qui ne l'empêcha pas de se brûler la langue après. Elle respira quelques secondes avec délices l'odeur richement chocolatée avant de rouvrir les yeux sur la brunette. «Ça va mieux depuis que je suis ici. J'ai réalisé que je n'aimais pas le froid.» Une grimace appuya ses propos et elle étira ses orteils sous l'eau, goûtant le plaisir de ne plus les avoir si recroquevillés dans les bottes qu'elle ne les sentait plus. Sa magie s'était renforcée, mais pas au point d'en faire une barrière efficace contre le souffle cruel de l'Edelweiss et lorsque la température chutait péniblement, l'Elfe avait le terrible sentiment que jamais plus elle n'aurait chaud. Jusqu'à présent. «Oh non, je suis en voyage. Mes amis ont préféré aller se réchauffer ailleurs.» L'Elfe sourit, contaminée par la réaction enjouée de la Démone. Son sourire se ternit en repensant à ce détail. Détail qu'elle avait rangé dans un coin de sa mémoire mais qui rejaillissait avec autant de force qu'un fleuve trop longtemps contraint par un barrage. La malice se dissimulait derrière le minois de son interlocutrice, une envie de faire le mal qu'Astriid n'arrivait pas à comprendre, pas plus qu'elle n'arrivait à se convaincre de la nature malveillante de la jeune fille qui lui faisait face. Elle l'avait lu, elle l'avait entendu, elle l'avait même étudié mais cette réalité lui échappait comme de l'eau entre les doigts. Consciente de la dévisager, la rousse baissa les yeux. «Je réalise que je ne vous ai pas dit mon nom. Je suis Astriid. Et vous ?» Elle marqua un temps d'hésitation mais ne put se retenir davantage de poser la question qui lui brûlait les lèvres. «Vous êtes une Démone, non ?» Elle sonda les yeux sombres de la brune. Les battements de son coeur s'accéléraient à nouveau. Et si ? L'espoir était fou, il était cruel mais elle s'y accrochait comme un matelot perdu en mer tente d'appeler à l'aide le dernier bateau qui pourrait le sauver. Il y avait peut-être méprise. Neah pouvait-il se tromper ? Astriid fronça le nez en secouant la tête. C'était hautement improbable. Rapidement, elle se remémora ce qu'elle savait sur les Démons. Ils avaient subi des lourdes pertes et faisaient profil bas depuis, ce qui expliquait que l'Ygdraë n'en entendit que peu parler.
L'Elfe s'installa plus confortablement, le dos contre le rebord en pierre humide. «J'ai rencontré un Démon une fois. Un étudiant, à Basphel.» Elle sourit au souvenir du sauvage garnement. C'était la première fois qu'elle levait la main sur quelqu'un par colère. Que devenait-il ? Elle se découvrait curieuse de le savoir. Comment Basphel façonnait les enfants tels que lui ? Elle n'arrivait pas à l'imaginer plus calme, plus mature, moins insupportable. Avec retard, elle s'en voulut de son intérêt. Si Neah avait pu lire dans ses pensées à cet instant, il aurait été furieux et emplit de dégoût pour sa curiosité à l'égard de Faust et de Kitoe. Il l'aurait rejetée et jamais plus elle n'aurait pu les revoir, lui, Mancinia et leurs enfants. Et Sif. Les doigts de l'Ygdraë blanchirent autour du mug avant qu'elle ne se contraigne au calme. «Je suis partagée à votre sujet. Je devrais me méfier. Pas de vous en particulier, mais de ceux de votre race. C'est ce qui m'a été inculqué, c'est ce que le bon sens impose.» Elle retint son souffle. «Et c'est aussi ce que quelqu'un de très cher m'a fortement recommandé de faire.» Astriid tordit son nez et se mit à rougir. «J'ignore pourquoi je vous dit ça.» Marmotta-t-elle, consciente qu'elle n'arrangeait pas la situation. «Le problème, c'est que je ne sais pas si j'en ai envie. Je dois perdre la raison.» Elle laissa échapper un rire sans joie avant de croquer férocement dans un chamallow, mécontente du tour qu'avait pris la conversation. «Vous me feriez du mal ?» La question lui paraissait déjà idiote avant qu'elle ne la formule, c'était encore pire maintenant. «Je crois que je préfère ne pas savoir si vous avez déjà fait du mal à d'autres personnes auparavant.» Elle songea qu'elle avait peut-être besoin de l'entendre au contraire. Mais elle se sentait nauséeuse rien qu'à l'idée que son amie puisse être une meurtrière. Devait-elle s'inquiéter qu'elle s'en prenne à elle ? Son sang viendrait-il rougir les thermes car elle avait trop manqué de discernement ? Elle lança un regard inquiet à Kitoe. «Promettez-moi que vous ne lèverez pas la main sur moi.» Puis les mots se précipitèrent follement, plus vite que ses pensées ne se formaient, trop vite pour les retenir. «Vous passeriez un pacte avec moi ?»

Message II | 839 mots
Bon bon bon

Avec ou sans chamallows ?

☙ Skott - Glitter & Gloss

Promis, un jour j'arrêterai de mettre les chansons de Skott dans mes rps.

Face à la mine déconfite de la jeune femme, Astriid se sentit aussi mortifiée que si Kitoe venait de la gifler. Son cœur se recroquevilla de culpabilité et elle se maudit d'avoir lancé ce sujet de conversation. Et oui, elle maudit aussi un peu Neah pour la mettre dans cette situation épineuse. C'était injuste car c'était l'Ygdraë qui laissait ces rencontres survenir mais elle avait besoin de pouvoir rejeter une partie du blâme sur quelqu'un d'autre qu'elle-même. «Moi aussi, je vous aime bien.» Confessa Astriid, les yeux baissés. C'était bien le problème. Pourquoi Kitoe n'avait-elle pas un caractère détestable ? Pourquoi devait-elle paraître si adorable ? Pourquoi ne pouvait-elle pas être un monstre au lieu de la tromper derrière cette façade angélique ? Pourquoi Astriid n'arrivait pas à se sentir davantage en danger en sa compagnie ? Pourquoi n'arrivait-elle pas à la rejeter purement et simplement, sans se soucier des sentiments de la Démone ? Ses phalanges blanchirent autour de sa tasse.
Lorsqu'elle posa sa question, l'Elfe ne s'attendait pas au brusque changement d'atmosphère que cela provoqua en face d'elle. Pour la première fois devant elle, Kitoe se défaisait de ses manières de petites filles pour arborer autour d'elle une aura obscure qui s'accordait sur sa véritable nature. Et juste comme ça, elle redevint égale à elle-même, ou du moins redevint celle qu'Astriid avait toujours connu. «Cette contrepartie me semble raisonnable.» Dit-elle après un instant d'hésitation. Elle soupira et se mordit les lèvres. «Mais en acceptant, je trahirai Neah et toute sa famille.» C'était mettre son âme dans un engrenage où elle perdrait tout. Soudain, le futur lui apparut avec une cruelle clarté. Aucun des chemins face à elle n'était satisfaisant et elle se haïssait pour son incertitude à se décider. Son choix aurait dû être clair. Elle aurait décliné poliment l'offre de Kitoe et aurait quitté les thermes pour rejoindre les siens. Alors, elle irait visiter les artisans du village pour réfléchir à un cadeau à rapporter à Sif pour la prochaine fois qu'elle verrait la fillette. Son regard émeraude se planta dans celui plus sombre de la Démone et elle ne sut plus ce qu'elle devait faire. Elle aurait voulu que quelqu'un apparaisse pour la forcer à prendre la décision qu'il fallait, elle aurait voulu disparaître et ne jamais avoir revu la petite brune. Un frisson parcourut son enveloppe et elle se remémora la question de son cavalier ambigu à Lagherta. Était-elle attirée par le mal ? À cette époque, il avait été facile de répondre. Était-il possible qu'elle se soit voilée la face ? La nausée lui tordit l'estomac comme si des serpents y déroulaient leurs anneaux. Y avait-il quelque chose de tordu en elle ? Comment pouvait-elle tolérer la présence de Sorciers, de Démons, ou d'autre engeance malveillante, sans chercher à fuir ou à les traiter avec la méfiance que son éducation l'avait formée à ressentir ? N'avait-elle pas suivi ses leçons convenablement parmi ses semblables ? Qu'avait-elle raté pour ainsi s'acoquiner avec eux tout en gardant le sourire ? Ces questions, qu'elle ne se posait jamais, la suffoquaient soudain et l'aspiraient dans une bouche béante d'angoisse. Elle éprouvait des difficultés à respirer. Sa tasse lui échappa des mains, le fond de son contenu se mêlant avec l'eau trouble du bassin mais Astriid n'y prêta pas attention. Ses bras croisées devant elle, ses mains crochetaient ses épaules, ses doigts creusant des marques livides sur sa peau malmenée. Des sanglots déchirèrent sa poitrine et elle hoqueta à plusieurs reprises en cherchant à faire passer l'air dans sa gorge obstruée, de grosses larmes roulant sur ses joues devenues crayeuses. Entre deux spasmes, elle réussit à articuler, les mots s'entrechoquant entre ses dents. «J'ai peur.» Misérable, elle enfouit son visage dans ses mains. «J'ai peur d'être anormale.»
C'était trop. D'un geste rageur, elle essuya du bras ses larmes et refusa de recroiser le regard de Kitoe. «Il faut que je parte. Je suis désolée.» Sa voix se brisa sur ses derniers mots mais Astriid fixa sa concentration sur l'échelle en pierre. Il lui faudrait marcher nue un moment pour revenir à l'endroit où elle avait laissé sa serviette mais c'était le dernier de ses problèmes. Les yeux écarquillés, frissonnant dans l'air glacial des Edelweiss, l'Ygdraë quitta d'un pas raide la compagnie de la Démone.

Message III | 769 mots
Une petite crise de panique, une 8D

Avec ou sans chamallows ?

☙ Birdy - People Help The People

Astriid ne se rappelait pas comment elle était revenue dans sa chambre. Brouillé par les larmes, le chemin n'avait été qu'un interminable couloir gris et glacial aux accents d'irréalité. Son cœur battait à grands coups rapides et douloureux dans sa poitrine que l'Ygdraë martelait de son poing serré en marchant en long et en large. Ses lèvres s'agitaient en un murmure angoissé pour former une litanie répétitive de phrases de réconfort qui cherchait en réalité à supplanter l'écho de la voix de Kitoe qui l'appelait alors qu'elle s'enfuyait. Ses cheveux, libérés des épingles, formaient une crinière indomptable et emmêlée par les incessants mouvements de ses mains tirant dessus dans sa détresse. Comment avait-elle pu se montrer si lâche ? Si Neah était mécontent qu'elle ait pu songer être amie avec Kitoe, il aurait été déçu de son manque de courage face à la Démone. Elle ne savait pas ce qui était pire. Sa rage froide ou le masque terne de son désappointement. Encore glacée de sa sortie des thermes, de longs frissons secouaient parfois ses épaules mais peu à peu, à force de tournicoter rapidement dans sa chambre, la rousse finit se réchauffer, le corps à défaut de son cœur. Avec la chaleur vint le calme et elle s'assit sur le bord du lit en reniflant, les jambes coupées par l'épuisement et ses yeux gonflés perdus dans le vague. La crise avait anesthésié ses pensées pour n'y laisser qu'un brouillard obscur où son âme s'étiolait.
Exécutant un exercice de respiration, elle décomposa le problème comme s'il était extérieur à elle-même. Pour commencer, était-elle une mauvaise personne ? Non, évidemment. Ses relations ne définissaient pas sa nature et Astriid n'aurait pas fait de mal à une mouche. Bien. Pouvait-elle le devenir ? Elle n'était pas prophète mais cela lui paraissait hautement improbable. Était-elle honnête avec elle-même ? Aurait-elle fait une crise si c'était le cas ? Sournoisement, une voix réinvita dans son esprit pour susurrer à son oreille. Avait-elle peur du mal ou en était-elle attirée ? «Non !» Protesta-t-elle à voix haute avant de fourrer son menton entre ses deux poings serrés. Une expression contrariée fronçait ses sourcils et assombrissait ses prunelles pour leur donner une teinte sapin. Aujourd'hui comme alors, la question lui paraissait mal formulée. Non, elle n'en avait pas peur tant qu'elle n'y était pas directement confrontée. Non, elle n'était pas attirée non plus par le mal. Intriguée, peut-être, mais les chants du mal n'étaient pas une musique douce à ses oreilles. Si elle pouvait revoir son cavalier au bal, elle le frapperait pour ses questions qui la hantaient au plus mauvais moment. Des cris d'excitation à l'extérieur attirèrent la rousse jusqu'à la fenêtre. Sur le ruban immaculé en contrebas, des silhouettes serpentaient allègrement et l'ombre d'un sourire apaisa ses traits. Exactement ce dont elle avait besoin. Une nouvelle activité qui occuperait à la fois son corps et son esprit.

«ATCHOUMM !!!» Une femme qui passait lui délivra un sourire sympathique alors qu'Astriid s'excusait en s'essuyant le nez. Ces thermes avaient été une mauvaise idée de bien des façons. Elle resserra son écharpe autour de son cou en réprimant un frisson. Il fallait absolument convaincre Raïm d'aller vers des contrées plus chaudes. Insidieusement, le désert fut ce qui s'imposa à elle et Astriid se renfrogna. Penser aux Humains, c'était penser à Mancinia, puis à Neah, puis à Kitoe et le cercle vicieux se refermait sur elle jusqu'à l'étouffer. Puis, parce que le Destin était ce qu'il était, une vaste plaisanterie, son regard se posa sur une petite silhouette dont le roux vif ressortant sur la neige derrière lui était bien trop familier. Elle entendit presque son cœur cesser de fonctionner pour se décrocher et sombrer lamentablement dans ses chaussettes. «Neah ?» Ce dernier lui décocha un sourire et en elle se disputa à l'horreur une joie indicible. La dernière prit le dessus et elle couru vers lui, sentant déjà les larmes monter à nouveau. Ses émotions encore à vif, il lui semblait qu'elle aurait été capable de sangloter pour un rien. Et ce n'était pas rien. Telle une tornade de boucles écarlates, elle s'abattit sur lui, ses bras noués autour de son cou et son visage blotti dans son torse pour cacher ses yeux mouillés. Finalement, elle le relâcha et s'essuya le visage dans son écharpe. «Mais qu'est-ce que vous faites ici ? C'est pour votre travail ? Oh je... Pardon, je ne sais même pas pourquoi je pleure.» En fait si mais elle ne voulait pas s'expliquer. Elle se tourna vers la piste glacée. «J'allais faire de la luge. Je vous aurai bien proposé d'en faire avec moi mais...» Elle hésita, s'empourprant soudain. «Pardon, vous êtes un homme très occupé, vous n'avez certainement pas le temps de vous amuser n'importe quand. Et la luge c'est un peu enfantin. Vous préférez skier ? J'aimerai apprendre et si vous avez un peu de temps, nous pourrions en faire ensemble ?» Surprise de sa propre familiarité, Astriid se tut. Depuis quand était-elle aussi confortable avec l'Ange ? Depuis quand avait-il l'air aussi accessible ? Maintenant qu'elle y songeait, c'était la première fois qu'elle le prenait dans ses bras. Lorsqu'elle avait été téléportée dans l'infâme temple souterrain, c'était à peine si elle avait osé le toucher tant son aura autour de lui était brûlante. Peut-être s'habituait-elle à lui avec le temps ? «Je ne vous ai même pas demandé, vous allez bien ?»

Message IV | 966 mots

Avec ou sans chamallows ?

☙ Thomas Newman - Loverly Spring

Attablés sur des tabourets à une minuscule table ronde dans un des recoins de la pièce, Astriid épiait Neah par dessus les volutes de son thé. Reprendre un chocolat chaud lui avait semblé une mauvaise idée étant donné le sort qui était arrivé au précédent. Avec une culpabilité quelque peu tardive, elle espéra qu'on ne lui en voudrait pas d'avoir souillé l'eau des thermes. La chaleur de l'âtre réchauffait agréablement son dos et jetait des éclats rougeoyants dans ses boucles tout en redessinant des ombres mouvantes sur les traits taillés à la serpe de l'Ange. Remise de sa surprise et sa bonne humeur ravivée par la convivialité de la taverne, elle poursuivit ses bavardages avec le roux. «Est-ce que c'est votre première fois à l'Edelweiss ? Cela doit changer du climat aride auquel Mancinia est habituée. Le changement ne sera pas trop dur à vivre ? Le voyage doit être long aussi, elle risque d'être fatiguée, surtout si elle voyage avec tous les enfants. Malgré tout, je suis heureuse de l'occasion de revoir Sif. J'imagine qu'elle a grandi depuis le goûter organisé à Caelum.» Ses doigts se promenèrent sur le grain usé et gondolé du bois sur la table tandis qu'un sourire attendri adoucissait ses traits. La petite Elfette occupait un espace grandissant dans son cœur et son envie de la protéger était parfois si violent qu'elle avait des sueurs froides à imaginer le moindre mal s'inviter dans la vie de la fillette. La voie des Enök n'était pas la sienne mais s'il le fallait, si cela lui permettait de défendre Sif, elle se sentait prête à couper la pointe de ses oreilles et à apprendre le chant des armes. Elle savait l'importance que le gouvernement accordait à l'éducation physique des Elfes et Astriid se pliait aux volontés de son peuple lorsqu'il le fallait, c'est-à-dire uniquement quand Raïm le décrétait. Néanmoins, selon les critères de ses congénères, et pas que, elle restait une victime incapable de se défendre autrement que par la magie. Toutefois, cela ne pesait pas beaucoup sur la conscience de la rousse qui ne voyait pas pourquoi on s'en prendrait à elle et, tant qu'elle restait aux côtés de son groupe, rien ne lui arriverait.
«Vous savez, c'est grâce à vous et à Sif si j'ai pu éviter de commettre une énorme bêtise aujourd'hui. Je ne veux pas vous ennuyer avec mes problèmes personnels mais je tenais à vous le dire. Parfois, il n'y a que les mots que vous m'avez dit ce jour où nous mangions la Galette qui me retiennent de...» Péniblement, elle déglutit et choisit de noyer son hésitation dans sa tasse. Elle pouvait faire confiance à Neah, derrière sa dureté se cachait un homme qui servait le bien et saurait la conseiller avec bienveillance. Il la jugerait, ce qui était pourquoi elle ne lui dirait pas avoir revu Kitoe ni qu'elle était ici, mais elle voulait aussi pouvoir se confier. En un sens, il était devenu une figure paternelle en l'absence de son propre père resté sur les terres de Melohorë. Elle riva son regard au sien et s'empara de sa main qu'elle serra avec émotion. Son visage était tout proche du sien et Astriid espérait que si ses propos maladroits n'y arrivaient pas, alors il comprendrait en regardant la ferveur au fond de ses yeux. Sa voix n'était qu'un faible filet filtrant à travers ses lèvres entrouvertes, à peine audible par dessus le brouhaha régnant dans la salle. «Vous me permettez de rester sur le droit chemin et en cela, vous êtes un véritable modèle pour votre peuple. Je n'avais jamais mesuré que votre façon de répandre le bien pouvait se faire de façon si traumatisante mais au moins, on ne pourra pas vous reprocher d'avoir atteint votre but. Je n'oublierai jamais ce que vous m'avez dit et j'y repense souvent. Raïm vous aime beaucoup. Je ne l'écoute pas beaucoup alors il est heureux de savoir qu'il y a au moins une personne qui arrive à transpercer la barrière de mon caractère parfois obtus. Il dit que vous êtes la meilleure chose qui me soit jamais arrivée.» Elle fronça le nez pour signifier du peu de cas qu'elle faisait de l'opinion de Raïm et libéra la main de Neah. Elle aimait le Boräk mais son caractère irascible et sa tendance à lui répondre non, quand il ne lui répondait pas du tout, l'irritait grandement. Il n'avait généralement pas la patience de lui expliquer pourquoi elle devait ou ne devait pas faire telle chose, à l'inverse de Neah qui l'avait mise face à ses responsabilités, face à la réalité tout simplement. Adulte, si elle ne l'était pas déjà physiquement, elle le devenait aussi sûrement qu'elle maîtrisait chaque jour ses pouvoirs un peu mieux. Ses coudes sur la table, Astriid cala sa tête contre sa paume. Elle ne parvenait pas à mettre les mots sur le sentiment qu'elle éprouvait mais quelque chose lui paraissait comme décalé, comme si Neah était différent, comme s'il s'était débarrassé de ce manteau impressionnant qui donnait envie de baisser les yeux en se roulant en boule dans un coin en espérant qu'il ne vous remarque pas. À sa manière, l'Ange était effrayant et Astriid n'était pas à l'aise près de lui, au contraire d'aujourd'hui. Pourtant, bien qu'elle soit davantage à l'aise, elle n'arriver pas à se débarrasser de l'impression diffuse qu'elle ratait quelque chose. Peut-être avait-il des problèmes ? Elle se mordit la lèvre, prenant conscience qu'elle devait l'ennuyer avec ses histoires alors qu'un Soldat de son envergure devait avoir d'autres chats à fouetter. «Merci de m'écouter. Que ce soit dans cet horrible temple ou ici, vous m'êtes toujours d'une aide précieuse. Mais je ne fais que parler de moi, c'est terriblement malpoli. Racontez-moi plutôt pourquoi vous êtes arrivé avant Mancinia. Combien de temps restez-vous ? Nous partons après-demain, le temps de nous reposer et de refaire nos provisions pour la suite du voyage mais dites-moi si je peux vous être utile d'une quelconque manière. J'aimerai pouvoir vous remercier pour tout ce que vous avez fait pour moi mais j'ignore comment.»

Message V | 1091 mots

Avec ou sans chamallows ?

Astriid avait retenu son souffle après la réponse de Neah et elle s'était figée comme s'il l'avait frappée au visage. Non c'était pire, elle aurait préféré qu'il la frappe. Une bouffée de chaleur dans son cou, suivie immédiatement par une sensation glaciale dans ses mains troublèrent sa vision. N'avait-il rien compris ? Ou était-ce une forme de menace sous-jacente ? La leçon n'avait pas été retenue. Ou du moins, c'était une leçon trop difficile à appliquer. Elle n'y parvenait pas. Aucun des choix qui s'offrait à elle ne lui convenait, tous la déchiraient sans la satisfaire. Elle rassembla ses doigts autour de sa tasse fumante pour en dissimuler le soudain tremblement tandis que son pied s'agitait furieusement sous la table pour compenser. Ce qui rassurait l'Elfe, c'est que l'Ange semblait autant, sinon davantage, mal à l'aise qu'elle-même. La suspicion s'inséra dans son observation. Une part de lui regrettait-il la dureté et la cruauté dont il avait fait preuve à son égard ? Même sa famille avait été choquée de la sentence qu'il avait abattue sur elle. Elle étudia les traits tendus du roux, à la recherche de la confirmation de ses suppositions. Perplexe, elle fronça les sourcils devant son regard fuyant. Il paraissait avoir trop chaud également. Il était vrai que la salle était étouffante, entre le feu ronflant dans l'immense cheminée et l'aura magique de chacun se mélangeant joyeusement, il y avait de quoi surchauffer. L'Ange, si rigide d'ordinaire, la surprenait avec ce côté humain inattendu, comme si l'épaisse armure invisible qu'il arborait se craquelait pour laisser entrapercevoir sa sensibilité. Presque émue, Astriid baissa les yeux avec pudeur. Cette découverte était comme un trésor précieux qu'elle souhaitait chérir et ne garder que pour elle, une facette inconnue de Neah qui se rappellerait à elle lorsque le souvenir de la Galette serait trop rude, comme un rappel qu'il avait une part de douceur aussi. Une autre question s'invita, avait-il peur parfois ? Pour ses enfants ? Pour Mancinia ? Leur réputation était une lame à double tranchant qui les protégeait autant qu'elle les exposait au danger. Il était si immuable qu'elle peinait à croire que ce soit possible.
La rousse baissa la tête, honteuse, lorsqu'il évoqua sa bêtise et acquiesça misérablement. Le désir de lui confier combien elle avait été proche de la faute était aussi fort que celui de se taire à jamais. Personne ne devait jamais savoir. Pourtant, elle était certaine que ce secret la tuerait à petit feu, comme un mensonge qui empoisonnerait son cœur. Et Neah saurait, un jour ou un autre. Ses capacités psychiques étaient grandes, il était capable à tout moment de percer ses barrières mentales et alors il saurait tout. Sa dissimulation aggraverait son péché. Elle n'était pas une Ange mais aux yeux du soldat, cela ne ferait aucune différence. Il la renierait. « Non, ça ne suffit pas. Pas pour moi. » Les larmes s'agglutinaient traîtreusement sous ses paupières toujours baissées. Elle les chassa de quelques battements, libérant les larmes qui roulèrent sur ses joues rapidement. Aussi perdue qu'on puisse l'être, elle ne savait plus si elle espérait son pardon, sa punition, ou qu'il parte sans un mot pour pouvoir s'abandonner librement à ses angoisses. L'Elfe renifla et s'essuya le visage d'un geste vif en se tournant sur le côté, espérant qu'il n'avait pas vu sa soudaine faiblesse.
Inspirant fébrilement pour reprendre le contrôle de ses émotions, elle verrouilla ses prunelles sur celle de Neah. « C'est possible ? » La surprise le disputait à l'espoir et elle coinça son menton entre deux doigts, ses pensées s'agitant en tout sens. « Je n'en avais jamais entendu parler. » Néanmoins, elle croyait l'Ange suffisamment fort pour être capable de sortilèges assez subtils pour qu'ils ne soient pas accessibles aux plus inexpérimentés. Il avait accès à des sphères de magie trop élevés pour ses connaissances et elle nota dans un coin de sa tête de s'informer sur tout ce qui avait trait aux Anges lorsqu'elle tomberait sur une bibliothèque appropriée. Inconsciente du comportement inhabituel du roux en face d'elle, elle s'était plongée dans l'étude du fond de sa tasse comme pour y trouver les réponses aux interrogations qu'elle lui soumettait à voix haute. « Comment cela fonctionne-t-il concrètement ? Vous dites que je ne serai plus tentée, alors je ne choisirai plus librement mes relations ? » Elle n'était pas certaine que cela lui plaise énormément. « Que se passera-t-il si je change d'avis ? Si vos critères sont trop sévères ? Prenez les Déchus, ils ne sont pas tous méchants mais je suis certaine que vous m'interdiriez de les fréquenter aussi ! » Son dos bascula en arrière et elle croisa les bras. Non vraiment, plus elle y pensait, moins cela lui paraissait une solution envisageable. Son visage se ferma. « Ce que je comprends, c'est que vous ne me croyez pas capable de m'en tenir à vos exigences. » Articula-t-elle lentement, une détermination nouvelle remplaçant l'indécision qui avait caractérisé leur échange. Le regard qu'elle leva vers l'Ange ne vacillait plus. « Sachez que si je ne suis plus digne de vous ou de votre famille, je suis parfaitement capable de prendre moi-même les décisions qui s'imposent. » Elle laissa planer un petit silence, comme pour remâcher les mots avant de conclure. « C'est-à-dire que je cesserai toute relation avec ceux que vous exécrez tant. Ou bien vous ne me verrez plus. » Car au final, il ne s'agissait que de ça. C'était un choix difficile à faire, mais c'était un choix qui lui appartenait, qu'elle devait être libre de faire sans que l'ombre de Neah ne s'y insinue pour biaiser toutes ses relations futures. Sa proposition l'avait blessée, plus qu'elle ne voulait se l'avouer et elle se leva de son tabouret pour récupérer ses affaires pendues à un crochet au mur. « Je crois que ce sera cette seconde voie que je vais choisir aujourd'hui, Neah. Vous m'avez donné amplement à réfléchir et je ne désire pas m'imposer davantage. Saluez chaleureusement Mancinia pour moi. » Elle se détourna résolument, refoulant les nouvelles larmes qui menaçaient de couler et se dirigea vers la sortie.

Message VI | 1081 mots

Avec ou sans chamallows ?

Le vent giflait en rafales le visage à demi-couvert d'Astriid, insensibilisant son front et ses pommettes. Son écharpe rouge enroulée autour d'elle se couvrait de pellicule glacée sous la rencontre entre le souffle moite de l'Elfe et la température qui chutait avec le jour. Ses jambes gainées dans des bas couleur feuille s'enfonçaient parfois dans des paquets de neige moins solides qu'elle ne l'avait cru, menaçant son équilibre à chaque instant. Pressée de trouver un environnement plus accueillant, elle hâta le pas jusqu'à l'auberge, glissant à plusieurs reprises sur les congères luisantes. L'intervalle lui avait été bénéfique et c'est l'oeil vif et le pas léger qu'elle gravit les escaliers. Ressortir n'avait pas été un problème, il lui avait suffit de prétexter avoir oublié quelque chose aux thermes pour quitter les Ygdraë sans éveiller leurs suspicions. Encore secouée de sa journée, elle ne leur avait pas parlé de la présence de Neah aux Edelweiss. Encore moins de Kitoe. Il était facile de se convaincre qu'elle pouvait raisonner en adulte et s'occuper seule de ses problèmes lorsque ces derniers n'étaient pas juste sous son nez. Comme le soleil qui se levait invariablement chaque matin, son optimisme renaissait, infaillible et enrobé du bonheur que procure le déni, pour éclaircir le visage constellé de tâches de rousseur de la Sylvestre.
Une fois devant la chambre six, la nervosité remua dans ses chairs comme un poison que son corps n'aurait pas réussi à évacuer complètement. Son poing frappa deux fois à la porte, puis elle se balança, de la plante des pieds jusqu'à ses talons et ainsi jusqu'à ce que le visage de Neah s'encadre face à elle. Une bulle de silence flotta entre eux, grossissant jusqu'à éclater enfin. « Je suis là. » Constata-t-elle inutilement, un sourire timide recourbant ses lèvres comme une offre de paix après leur échange houleux. Elle s'engouffra dans la chambre à sa suite et se débarrassa de ses affaires pour libérer la masse de ses cheveux rendus électriques par la laine de l'écharpe. Après quoi, elle demeura un moment dos à lui, mâchonnant dans sa bouche les propos qu'elle avait préparés consciencieusement auparavant. Se jugeant incapable de lui parler en lui faisant face, c'est au mur qu'elle offrit ses mots. « Je tenais à m'excuser pour tout à l'heure. Je vous ai manqué de respect, j'en ai pris conscience après. J'étais un peu en colère et vous aviez raison, j'avais peur aussi. Cela m'a rendue impulsive. Je comprendrai que vous soyez fâché mais j'espère que vous saurez me pardonner. » Ses phalanges blanchirent sur le dossier de la chaise. Comme une décharge électrique, cela réveilla la douleur toute fraîche sur son bras après qu'il l'eut malmené lorsqu'il l'avait retenue dans la taverne. Le souvenir de l'étau autour de son bras, de la colère à peine contenue qu'elle avait lu dans ses yeux bleu glace lui donna la force de continuer. « Néanmoins, je crois que je suis heureuse de votre réaction. C'est la preuve que je compte réellement pour vous, que vous vous souciez de moi, plus que je ne l'aurai cru. Vous avez aussi confirmé ce que je ressentais pour vous mais n'avais jamais eu la prétention de dire à voix haute. » Elle trouva enfin le courage de se tourner vers l'Ange. Au cœur des boucles écarlates, son visage avait pris la couleur du sel, comme si le gel avait pénétré jusque sous sa peau pour venir étreindre son cœur et lui dérober sa chaleur. Sa tirade la laissait à vif mais elle s'interdit de renoncer maintenant. Lasse des émotions qu'elle avait traversées, elle se sentait prête à défaillir à tout instant, et seul le lien qui s'était établi dans leur regard la maintenait encore debout. Elle ne voulait pas, ne pouvait pas quitter Neah sans lui dire ce qu'elle avait sur le cœur, ou sans revenir sur sa proposition. « Vous êtes comme une seconde famille pour moi. Au delà de votre réputation, au delà des événements qui nous ont fait nous rencontrer à plusieurs reprises, vous m'êtes aussi chers qu'on puisse l'être. Et c'est pourquoi j'accepte votre offre, ce lien dont vous m'avez parlé. On ne refuse pas un présent de ceux qu'on aime. » Elle eut un petit rire rocailleux. « En revanche, je ne suis pas contre une petite explication sur toute la subtilité de ce lien. Même si j'apprécie votre geste, je maintiens que je tiens à ma liberté. Je ne veux pas que vous contrôliez mes relations ou que vous soyez capables de... de m'espionner. » Avec horreur, elle réalisa avec retard l'insulte sous-jacente à sa déclaration et elle remua ses paumes de main devant elle comme pour effacer ses paroles malheureuses. « Je sais que vous n'êtes pas comme ça, que vous ne me voulez que du bien et que vous n'abuseriez pas à des fins honteuses ! Ce n'est pas dans vos principes et je me suis mal exprimée. Je tiens seulement à clarifier les termes de ce lien, simplement pour savoir dans quoi je m'engage. » Elle se tut, craignant de s'enfoncer davantage.

Message VII | 898 mots

Avec ou sans chamallows ?

☙ Thirteen Senses - Into The Fire

Astriid était reconnaissante à Neah pour sa patience. Il n'y avait rien à attendre de moins de la part d'un Ange mais elle ne l'avait jamais pris pour acquis, pas une seule fois. Le simple fait qu'il pose les yeux sur une simple Ygdraë comme elle avait le pouvoir de glisser de la guimauve dans ses articulations et de transformer sa cervelle en fumée. Aussi, lorsqu'il prenait le temps de lui parler, de lui montrer qu'il s'inquiétait, sa prévenance. Elle était touchée, mais aussi un peu flattée. Elle peinait à seulement y croire et pourtant, elle se souvenait comme si c'était hier de ce jour à Avalon où elle lui était littéralement tombée dessus et où, sans paraître troublé plus que ça, aussi calme que la surface lisse d'un lac par un jour sans vent, il l'avait entraînée à sa suite pour passer une merveilleuse journée. Comment était-ce seulement possible ? Astriid était habituée à la bonté. Son peuple était certes exigeant, mais elle avait grandi dans un cocon tissé de bonheur, d'amour et de sécurité sans que la moindre ombre ne vienne ternir le tableau. Pour autant, lorsque cela venait de Neah, il y avait de quoi s'interroger, pas parce qu'il n'était pas prompt à ces comportements, mais parce que la sylvestre était insignifiante, sa vie comme sa mort ne changerait pas la face du monde ni ne ferait ployer les vents, elle n'avait rien d'extraordinaire alors qu'il brillait déjà par ses actes et ses titres, comme un pilier qui se gravait dans les rouages du temps.

Mais la rouquine ne s'attardait pas sur cette gentillesse exacerbée. Sottement, elle croyait possible que l'Ange eut tant de temps et d'énergie à lui consacrer. Sottement, elle se gorgeait de ses attentions comme une fleur se tournait instinctivement face au soleil. Sottement, elle allait signer ce bout de papier. La vérité, c'est qu'elle faisait trop confiance au soldat pour véritablement étudier les termes du contrat. Pourquoi l'aurait-elle fait ? Ils avaient tant parlé déjà et elle l'avait suffisamment insulté en doutant de ses intentions, puis en lui manquant de respect alors qu'ils buvaient leur thé plus tôt. Hésiter à nouveau serait stérile et elle ne tenait pas à découvrir les limites de sa patience.

Néanmoins, la curiosité l'emportait et le sang charriait dans ses veines les gênes d'une nation d'érudits que la seule vue d'un vélin suffisait à exciter. « Dites donc, c'est très formel. » C'était un soldat après tout, et ses fonctions auprès de Mancinia l'amenaient sûrement à rédiger de nombreuses missives en ces termes pompeux. « J'espère que vous n'aurez jamais à vous téléporter. Vous déranger est la dernière chose que je désire, surtout lorsque vous êtes avec vos enfants ou avec Mancinia. Ou pire, si vous êtes en train de vous battre. » Remarqua-t-elle, soudain mal à l'aise. Elle se mordit la lèvre, de nouveau hésitante. Elle avait été aveuglée par ses sentiments, à tel point qu'elle réalisait seulement maintenant l'égoïsme dont elle faisait preuve. Tout ce temps, ses pensées avaient tourné autour de son nombril. C'était toujours elle, ses peurs à elle, ses doutes, ses actes. Elle eut un goût amer sur la langue, comme si l'image qu'elle avait d'elle-même se fissurait pour découvrir ce moi plus sombre, celui qui n'était que défauts qui ne cherchaient qu'à grandir pour prendre toute la place et l'étrangler. Ce n'était pas digne de l'amitié que lui offrait Neah, il y avait un déséquilibre dans cette relation. Il donnait trop, alors qu'elle risquait à tout moment de le trahir. Ce contrat n'allait-il pas trop interférer avec la vie de Neah ? Ses doigts se tordaient sur l'ourlet de son pull et la honte colorait ses joues. Elle avait envie de déchirer la peau de ses joues avec ses ongles pour gommer ses péchés et repartir de zéro. « Neah, je vous promet que vous n'aurez jamais à vous téléporter auprès de moi. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour me débrouiller seule et je ne considérerai ce contrat que lorsque ce sera nécessaire, en dernier recours seulement. Je ne supporterai pas que vous perdiez votre temps pour moi. Vous en avez déjà trop fait et je ne le mérite pas. »

Par ces mots, l'Ygdraë scellait les dernières conditions stipulées par l'Ange. D'une main qui ne tremblait plus, elle récupéra la plume et apposa sa signature rondelette à l'emplacement désigné. Une brume de chaleur se superposait au parchemin, effleurant ses doigts et son visage penché sur le contrat. Elle reconnaissait là l'effet d'une magie à l'œuvre, combinaison de leurs volontés réunies sur ce morceau de papier. Cela suffirait-il à calmer toutes ses angoisses ? À la libérer de sa culpabilité sans faire peser sur son avenir le joug de l'Ange ? Mais Astriid ne s'inquiétait plus. Elle rendit sa plume au roux, un sourire confiant flottant sur son visage aux expressions encore trop enfantines par moments. Il était un père, un ami, un confident, un modèle à suivre. Il n'y avait plus aucun souci à se faire, il était là pour y veiller, et par ce contrat, l'Elfe s'engageait à ne plus s'écarter du chemin qui lui permettrait de conserver ses liens avec cette famille. C'était un cercle vertueux, comme seuls les Anges étaient capables de cultiver. Une fois qu'il eut signé à son tour, Astriid n'y tint plus et jeta ses bras autour de son cou dans lequel elle murmura, le soulagement perceptible dans sa voix étouffée par les larmes : « Merci pour tout Neah, merci mille fois. »

Message VIII | 982 mots