Pyrophobia
Quête

Playing with fire ~ Hyunjin

Intrigue:

"Arrête de rêvasser Hazok." Du moins ce sont les mots qu'il t'a semblé entendre au loin. Tu presses le pas, abandonnant avec regret la contemplation de l'immense bâtisse qui te faisait face. Ton père marche devant toi et te jette un regard lourd de menace. Vous n'êtes pas les bienvenues ici, il te l'a dit. A vrai dire les Fils du Feu ne sont les bienvenus nul part, parfois pas même sur Yangin, leur propre île toujours riche en conflits internes. Tu as insisté pour venir alors qu'en temps normal les jeunes Asgjës comme toi n'ont guère l'autorisation de quitter l'île, ils n'en ont même pas l'envie, trop concentrés qu'ils sont sur leur enseignement et la recherche de leur élément. Mais ta curiosité avait besoin d'être assouvie, tu voulais voir Aeden de tes propres yeux et te voilà donc dans la cité appelée jadis capitale. Ce que ton père avait à y faire, tu l'ignores, tu n'as même pas pris le temps d'y penser. Pourquoi a-t-il accepté de t'emmener ? A cette question non plus tu n'as pas de réponse. Pour l'instant tu savoures en trottinant fièrement derrière le Müellim, gonflant le torse d'une manière qui te semble impressionnante mais qui frôle en réalité le ridicule.

"Attends moi ici. Et ne te fais pas remarquer." Ta petite visite est rythmée par les ordres secs et équivoques de Rakhajj Mirsaälak. Tu hoches la tête et te plantes sur le côté de la route pavée, contre le mur. Ton père a déjà disparu lorsque tu tentes de le suivre du regard. Tu hausses les épaules et reportes ton attention sur la multitude de Lyrienns autour de toi. Savoir que la plupart d'entre eux sont des hérétiques qui prient un autre Dieu que Shaana te dégoûte profondément et pourtant tu ne peux pas t'empêcher de les observer avec avidité. Personne ne te remarque, gamin même pas encore imprégné qui traîne sur le bord de la route. Et pourtant... tu as l'impression de sentir une présence plus écrasante que les autres, un regard sur tes épaules que tu ne parviens pas à surprendre. Tu es mal à l'aise. La curiosité fait place à l'inquiétude. L'inquiétude se mue en panique. Tu es seul sur une île pleine d'éléments qui te sont opposés, qui pourraient te vouloir du mal, qui souhaiteraient peut-être éliminer le futur Fils du Feu que tu es. La chaleur étouffante mais rassurante de Yangin te manque subitement. Et ce regard toujours présent qui te glace la nuque. Tu entrevois deux yeux bleus froids qui disparaissent une fraction de seconde plus tard.

"Tu m'as l'air inquiet." Une voix grave et calme, avec une pointe d'amusement. Le choc. A deux doigts de t'évanouir, ton sang battant impitoyablement tes tempes tu fais volte face. C'est lui, tu le sais, c'est lui le regard. Ses pupilles saphir te clouent sur place et la température semble chuter de quelques degrés. Tu as la gorge trop sèche pour répondre mais tu arrives à reprendre ta respiration rapidement. Sa présence est écrasante, au moins autant que celle de ton père et pourtant d'une façon très différente à laquelle tu n'es pas habitué. L'homme semble avoir la trentaine et est habillé de riches étoffes couleur de jais. Des habits de haute qualité mais fonctionnels, parfaits pour se mouvoir dans un combat. Il porte une espèce de masque métallique noir qui dissimule la moitié de son visage. L'objet accentue la pression des yeux de couleur vive qui ressortent dans cet amas de vêtements sombres. Il a de longs cheveux noirs retenus en un parfait catogan.

Ta bouche s'ouvre pour répondre enfin, mais comme un poisson hors de l'eau les mots n'ont pas le temps d'atteindre tes lèvres que la porte d'un bâtiment s'ouvre en trombe."Temujin, éloigne toi de lui. Immédiatement." Le regard de braise de ton père se pose sur toi et tu sais d'ores et déjà qu'il te considère responsable de cette situation. L'inconnu qui s'avère donc porter le nom de Temujin incline la tête et tu devines un sourire carnassier sous son masque à la façon dont ses yeux se plissent. "Rakhajj ! Mais quel agréable plaisir de te voir ici ... ton fils je présume ? " Même toi qui n'a pourtant pas la réputation d'être le couteau le plus aiguisé du tiroir, tu comprends le sarcasme du Lyrienn aux yeux de glace. La tension est palpable. Ton père s'immobilise à quelques pas de toi sur ta droite face au dénommé Temujin lequel est plus en avant sur ta gauche. Votre trio formant ainsi un inquiétant triangle. L'étranger reprend alors sans se départir de ce qui te semble toujours être un faux sourire. "Je l'ai reconnu tout de suite à son air béat. Il te ressemble beaucoup tu sais." Tes yeux s'écarquillent en glissant du provocateur à ton géniteur. Les deux présences se font face et t'écrasent sans scrupule. Aucun mot ne peut franchir la barrière de tes lèvres, tu n'es qu'un pauvre spectateur.

Mots : 876

Pyrophobia
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Le visage de ton père se crispe et l'air se réchauffe. Tu connais cette expression. Il va exploser. Pourtant tu entends sa voix qu'il tente de maîtriser. "Rappelle moi quel air a ton fils déjà ? Oh non j'oubliais il ..." La fin n'a pas le temps d'arriver, un mot sifflant, lancé comme un poignard se fiche dans la conversation. "Attention." Les yeux de Temujin ne sont plus plissés mais grondant d'une colère glaciale. Sa voix grave et tranchante se fait de nouveau entendre. "Fais très attention à ce que tu dis Rakhajj. Ou je pourrais parler de ta pathétique épouse..." Et c'était le mot de trop. Les flammes jaillissent en même temps que les pics de givre et tu as un mouvement de recul, affolé par le combat qui s'annonce. Terrifié par le feu qui crépite déjà à tes oreilles. Tu t'es éloigné des flammes par instinct et cette fois Temujin te regarde avec curiosité. Il semble soudainement prendre conscience de la situation, abandonne sa position de combat et les glaces qui l'entourent pour réarmer son sourire moqueur. Tu ne comprends plus rien. "Eh bien Rakhajj. Tu peux être fier de ton garçon. Belle journée à vous." Il te dévisage de la tête aux pieds puis tourne les talons non sans un signe de la main qui se veut gracieux.

Ton visage implorant se tourne vers ton père mais l'expression que tu lis dans son regard est la pire de toute : une profonde colère mêlée de dégoût. En baissant la tête tu prends honteusement conscience que la peur a laissé une marque humide sur ton pantalon de toile. Sous tes yeux des larmes d'humiliation perlent, que tu retiens avec peine. Le retour sur Yangin se fait dans un silence déchirant, une véritable torture psychologique. Tu attends que vous soyez arrivés sur la berge sombre, étouffante mais familière de votre île pour oser prendre la parole. "Père, je suis désolé pour cet incident... je ne me suis pas rendu compte que j'avais..." La violence de la gifle qui s'écrase sur ta joue te fait perdre l'équilibre et tu te rattrapes de justesse à une espèce de tronc d'arbre mort. Le sang pulse sur ton visage tandis que tu essaies de reprendre tes esprits.

"Que tu te pisses dessus, passe encore. Tu n'es qu'un put*in de gamin. Mais c'est pas ça le problème Hazok. Tu as peur du Feu. Tu es un futur Fils du Feu, élevé sur Yangin, qui prie Shaana tous les jours, descendant d'une Impératrice du Feu, MON PROPRE FILS !" Les mots s'écrasent contre tes tympans avec violence. "Et tu as peur du Feu. Tu as préféré te rapprocher de ce fils de chienne d'Akull, te rapprocher de la Glace par peur de l'élément qui t'a vu naître ! " La colère déforme les traits de Rakhajj d'une manière presque inédite pour toi. Tu connais bien la colère de ton père mais celle-ci t'était jusqu'alors inconnue. Et tu aurais préféré qu'elle le reste. Maintenant que tu repenses à la scène, tu te rends compte qu'il a raison. Et par ailleurs, que ta réaction instinctive de t'éloigner des flammes quitte à te jeter sur la glace est l'élément qui a perturbé le Lyrienn aux yeux froids. Cela explique le regard étrange et étonné qu'il t'a lancé, diversion suffisante pour qu'il abandonne intelligemment le duel, non sans t'humilier un petit peu plus avant de partir... Mais tu n'as pas le temps de repenser au passé. La crainte te maintient dans le présent. Tu sais que ton père aimerait que tu lui tiennes tête là maintenant. Que tu lui prouves que tu as hérité de son caractère explosif, de sa colère dévastatrice. Tu arrives d'ailleurs bien souvent à l'imiter. Mais aujourd'hui la peur te noue le ventre et ton instinct de survie te hurle de ne pas le provoquer, d'être plus intelligent que ça, de réfléchir calmement à tes options.

"Et tu ne dis rien. Tu me regardes comme une saleté de clébard apeuré. D'abord tu es reçu à l'Obsidienne au lieu du Charbon. Et maintenant tu m'humilies devant un Müellim ennemi. Tu oses me faire ça, A MOI ? " Il se passe une main dans les cheveux et laisse s'échapper un rire sans joie. Un sourire cruel s'installe sur son visage tandis qu'il remonte avec soin les manches de sa chemise de lin. "Puisque la brûlure de ton cou n'a de toute évidence pas été suffisante, on va combattre le feu par le feu Hazok."

Mots : 789

Pyrophobia
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Il te fait peur. Plus que n'importe qui, que n'importe quoi. Plus encore que la mère d'Os'Akull, l'espèce de crocodile titanesque aux nageoires de poissons que tu as vue dans la mer quelques années auparavant. Il te terrifie. Tu le vois s'approcher de toi. Si ta vessie n'était pas déjà vide elle t'aurait lâché une nouvelle fois. Un cri de panique s'étouffe au fond de ta gorge et tu te redresses pour fuir. Mais tu n'es clairement pas assez rapide. Il te saisit par les cheveux à l'arrière du crâne et te traînes avec lui dans la forêt d'arbres morts, toujours plus profondément, ignorant avec superbe tes sanglots mêlés de suppliques. Ton cerveau réfléchit à toute allure à une échappatoire mais tu ne connais pas cette partie de l'île, c'est la première fois que tes pieds foulent ce sol. Après ce qui te semble être une éternité, ton père finit par te projeter au sol avec véhémence.

"Bien. En bon père que je suis,  je vais t'aider à guérir de ta peur ridicule. Que Shanaa m'en soit témoin, tu mourras asphyxié ici ou tu reviendras brûlé et digne d'être un Mirsaalak." Il s'éloigne de quelques pas pendant que tu te masses l'arrière du crâne dont des touffes de cheveux manquent, certainement restées entre les doigts délicats de Rakhajj. Tu entends avec appréhension le vrombissement des flammes prendre naissance sur ses bras musclés. "Tu as jusqu'au lever du soleil pour sortir de ce labyrinthe de flammes vivant. Sinon je reviendrai moi-même chercher ton cadavre fumant au petit matin." Les flammes grignotaient ses bras, prenant de plus en plus de puissance et de chaleur. Puis il ajoute : "Ne me déçois pas à nouveau." La déflagration est d'une brutalité sans pareille et tu te sens projeté dans un océan de feu infernal.

Tu étouffes, l'air brûlant empli tes poumons bientôt suivi par une fumée âcre qui s'épaissit de plus en plus. C'est un véritable cauchemar, tu as l'impression de revivre le traumatisme de ton enfance avec cette brûlure d'une laideur sans nom qui court le long de ton cou. Ton père sait très bien que ta peur vient de là. Du moins c'est ce que tu te dis Hazok. Tu ne réfléchis pas plus à la fascination manifeste que tu as eu pour ces pieux de glace plus tôt dans la journée ni à quel point le froid mordant avait réveillé ton corps. Tu t'étais senti pendant un bref instant plus vivant et plus alerte au contact du Müellim ennemi mais tu ne veux pas y réfléchir maintenant. Ni plus tard d'ailleurs. Et de toutes façons, ce sont des informations stockées dans ta mémoire mais dont tu ne peux rien faire pour l'instant.

A quelle conclusion pourrais-tu bien arriver, hein ? C'est une évidence : le feu va t'embraser d'un jour à l'autre, il faut juste te montrer patient. Et survivre à ce nouveau test imposé par ton père. Oui survivre. C'est là dessus que tu dois te concentrer Hazok. Après tout le Feu est l'élément le plus dur à contrôler, c'est bien connu. C'est d'ailleurs pour ça qu'il est aussi le plus noble et le plus puissant. Peut-être est-ce l'épreuve qui révèlera ton don ! Mu par la volonté de rattraper ton impardonnable erreur et de prouver ta loyauté à ta famille et à ton île, tu te relèves rapidement en prenant appui sur l'écorce brûlante et fumante. C'est aujourd'hui que le feu te choisira, par Shanaa tu le sens !

Haut les coeurs Hazok, il est hors de question de crever lamentablement ici dans ton pantalon imbibé d'urine avant même d'avoir pu passer ta cérémonie de Révélation. Il te faut un plan et vite. L'air est de moins en moins respirable et tu n'as pas fait assez attention à ton environnement pour réussir à discerner le Nord du Sud. Il faut dire que tu étais beaucoup trop concentré sur la douleur qui inondait ton crâne et ton cuir chevelu sous la poigne d'acier de ton père que sur les zones topographiques que vous traversiez. D'après ce que tu en sais vous êtes arrivés par le Sud-Ouest de l'île, c'est la dernière chose dont tu es sûr depuis que tu as débarqué. Ne reste plus qu'à prendre de la hauteur pour savoir quelle direction choisir. Tu as envie de te rassurer, de te dire que quelqu'un finira bien par se rendre compte de ces flammes immenses et venir t'aider mais tu sais qu'un incendie de ce genre est monnaie courante sur Yangin. Et qui plus est, connaissant ton père, il s'est certainement assuré de choisir un secteur reculé sans grande demeure à proximité abritant des familles qui pourraient venir contester le territoire....

Mots : 838