Partenaire : – Intrigue/Objectif : Afin d’évaluer son niveau de connaissances en matière d’ingénierie, Shigure fera passer un examen supplémentaire à Elyot, son nouvel apprenti. Ce sera l’occasion pour ce dernier d’avoir un premier contact avec les inventions des Enfants de Yanna.
Malgré sa nuit de sommeil agitée, Elyot aurait tant espéré que ses quelques heures de repos eussent été suffisantes pour le revigorer. Malheureusement, en ouvrant les paupières, il sut immédiatement que son espérance n’eut été qu’une vaine utopie. Ce fut le constat auquel il arriva lorsqu’il prit conscience, au bout d’un moment, qu’il ne s’était pas réveillé par ses propres moyens. Penché au-dessus de lui, le regard de Micaiah semblait lui porter un jugement silencieux. Peut-être que les effets de la fatigue affectaient encore sa perception de la réalité, mais il eut l'impression que ses prunelles se moquaient de lui, comme si elles tentaient de lui dire : « Croyais-tu vraiment pouvoir t’en tirer aussi facilement? Ne me fais pas rire. » Grommelant des propos incompréhensibles entre ses dents, l’Ygdraë s’apprêtait à se retourner sur son oreiller, mais une poigne ferme l’en empêcha brusquement. « Il est temps de se lever, Al. Tu as déjà fait la grasse matinée. » Afin de lui montrer qu’elle ne plaisantait pas, la sylvestre retira sans la moindre douceur les couvertures dans lesquelles il était emmitouflé, laissant un courant d’air frais pénétrer à l’intérieur de son lit. Frappé de plein fouet par le brusque changement de température, le jeune Elfe émit un gémissement plaintif, mais renonça tout de même à ramener ses draps vers lui. « C’est bon, j’ai compris. », marmonna-t-il rudement. « Je me lève maintenant. »
Se redressant lentement sur le matelas, il étira les bras vers le plafond en bâillant bruyamment. Puis, il se frotta les yeux du revers de ses deux mains. « Quelle heure est-il? », demanda-t-il distraitement à son amie. Des cernes aussi profonds que des gouffres pendaient en-dessous de ses yeux violets, lui donnant un air semblable à celui d’un mort-vivant. L'Ygdraë ne lui répondit pas sur-le-champ, s’écartant plutôt de son lit afin de placer un peu d’espace entre eux. « Le soleil n’est complètement levé, mais l’aube est déjà passée. » Il sursauta. « Quoi? Déjà? », s’exclama-t-il sur une intonation horrifiée, quittant à toute vitesse le confort de sa couche. « Pourquoi tu ne m’as pas réveillé avant? » L’Elfe haussa nonchalamment les épaules. « Aralee m’a raconté ce qui arrivé cette nuit. J’ai simplement pensé que tu apprécierais le geste si je te laissais dormir un peu plus longtemps. » Elyot soupira, visiblement exténué par la tournure des événements. Cependant, lorsqu’il reprit la parole, son ton s’était considérablement radouci. « J'en ai bien conscience, et je t’en remercie. », lui admit-il avec gentillesse. « Mais à cause de ça, je risque d’être en retard à mon rendez-vous. » - « Pas si tu te dépêches. » Sans crier gare, la jeune femme lui jeta des vêtements entre les mains. Néanmoins, en raison de la fatigue qui engourdissait ses sens, l’Eskët n’arriva pas à les réceptionner à temps : il reçut les habits en pleine figure, ce qui lui arracha involontairement un juron. Sa réaction fit sourire la garde du corps. « Tu devrais te passer de l’eau sur le visage avant de partir. Ta mine fait peur à voir. » - « Merci. », grogna-t-il, sarcastique. Pour autant, il pressentait que le conseil de Micaiah avait bel et bien lieu d’être. Si ses traits reflétaient le même épuisement qui étreignait son esprit, alors il n’osait pas s’imaginer à quoi il ressemblait devant un miroir.
Se penchant au sol pour ramasser la tenue qu’il avait malencontreusement échappée, l’Ygdraë rétablit peu après le contact visuel avec son interlocutrice. « Peux-tu te retourner s’il te plaît? Je vais m’habiller. » Cette dernière roula des yeux, sans conteste amusée par la nature de sa requête. « Vraiment? Depuis le temps qu’on se connait, tu as encore peur de te déshabiller devant moi? » Ses propos n’étaient rien de moins qu’un tissu de mensonges. En réalité, ils ne se connaissaient que depuis quelques mois. Toutefois, afin de maintenir leur mascarade, ils devaient constamment prétendre le contraire. « Micaiah, je t’en prie. » - « D’accord, d’accord! », lui concéda-t-elle. « Si ça te permet de te dépêcher un peu… » Pivotant sur elle-même, la sylvestre se retourna en direction du mur. Heureusement pour elle, son attente ne fut pas bien longue. Elyot enfila rapidement son uniforme, insérant tout d’abord ses jambes à l’intérieur de son pantalon, avant de glisser ses bras dans les manches de sa chemise. Après avoir boutonné son haut, il plaça son manteau par-dessus ses épaules. « C’est bon, tu peux te retourner. », annonça-t-il à son amie. Puis, sans plus attendre, il se dirigea à l’intérieur de la salle d’eau afin de se nettoyer le visage et de recoiffer ses cheveux en bataille. Lorsqu’il retourna dans la chambre, la sylvestre l’attendait avec un sourire aux lèvres. « Prêt? » Le jeune homme acquiesça en hochant la tête.
« Vous êtes en retard. » Tel un coup de tonnerre, le reproche avait vibré dans ses oreilles dès l'instant où il s’était introduit à l’intérieur de l’atelier. Honteux, Elyot n’osa pas rencontrer le regard de Shigure, qui attendait patiemment une réaction de sa part. Assis derrière son bureau, le Maître d’Équipage affichait la même expression stoïque, celle dont il était si souvent affublé, mais ses yeux, eux, trahissaient ses véritables sentiments : il était agacé, comme le témoignait la lueur électrique qui crépitait au creux de ses pupilles orageuses. En baissant la tête, l’Elfe s’était assuré de ne pas les confronter directement. Pour autant, il pouvait ressentir leur poids, leur accusation silencieuse, peser sur lui comme des sacs de briques, ce qui lui fit réaliser l'inefficacité de ses propres tactiques. Pour une raison qu'il ne comprenait pas, la sensation s'avérait, en réalité, être plus intenable qu'un contact visuel direct, comme si le fait de ne pas apercevoir son regard réprobateur accroissait irrémédiablement son niveau d’anxiété. Le sang lui monta promptement aux joues. « Veuillez m’excuser, mais je… » - « Ça ne m’intéresse pas d’entendre vos excuses. », l’interrompit sèchement l’homme. Pétrifié, le sylvestre n’eut pas le courage de protester. « La prochaine fois, contentez-vous d’arriver à l’heure. Me suis-je bien fait comprendre? » L’Ygdraë hocha vigoureusement de la tête. « Bien. » Se levant de sa chaise, Shigure réduisit progressivement la distance qui les séparait, avant de s’immobiliser à quelques mètres devant lui.
« Savez-vous pourquoi je vous ai convoqué aujourd’hui, Alvys? » Aucun mot de salutations ni même un commentaire pour savoir s’il allait bien : le Maître d’Équipage était visiblement pressé d’écourter cette discussion. C’est pourquoi son interlocuteur crut qu’il serait plus judicieux de ne pas lui adresser la parole inutilement. Il secoua donc la tête. « La raison est simple. D’après mes renseignements, vous avez suivi une formation en ingénierie à Melohorë, n’est-ce pas? » - « Oui, c’est exact. », confirma-t-il en prenant involontairement une intonation aiguë. Si le timbre de sa voix irrita le lieutenant, ce dernier se garda bien de le montrer. « Depuis combien de temps exercez-vous votre métier? », lui demanda-t-il sur un ton placide. « Seulement depuis un an. Je suis toujours au stade de ma formation. » Malgré l’intérêt qu’il semblait accorder à ses informations, Shigure ne prenait aucune note. Pour autant, Elyot se doutait qu’il en ait réellement besoin pour retenir le contenu de ses propos. « Je vois. », dit-il simplement. « À vrai dire, vos années d’expérience m’importent peu. Ce que je veux réellement connaître, c’est votre niveau de connaissances dans le domaine. » - « Que voulez-vous dire? » L’homme ne répondit pas immédiatement, se murant dans le silence pendant quelques secondes avant de reprendre la parole. « Je souhaite évaluer vos compétences en ingénierie. Contrairement à la majorité des nouvelles recrues, vous avez l’avantage de détenir un bagage professionnel. Cela vous donne automatiquement de l’avance par rapport aux autres, que ce soit en théorie ou en pratique. » Il marqua une autre pause. « Puisque l’Erärkas tient à faire preuve d’équité envers tous les membres de son équipage, il serait inconcevable de vous forcer à suivre la même formation que vos pairs, alors que vous possédez déjà plusieurs acquis. » Il fit mine de réfléchir. « C’est pourquoi il me parait nécessaire de vous faire passer un test afin d’évaluer vos connaissances, voir où vous en êtes rendu dans vos apprentissages. » - « Quoi ?! » Son exclamation de surprise était partie tout seule. « Encore un examen? », s’indigna-t-il d’une voix plaintive. « Cesse de te plaindre. », lui ordonna Shigure en renonçant au vouvoiement.
Il n’avait même pas haussé le son de sa voix, mais la froideur qui en émanait suffit à faire taire le jeune Ygdraë. Ravalant le flux de protestations qui chatouillait ses lèvres, ce dernier se crispa instinctivement, serrant la mâchoire afin de réprimer les larmes qui menaçaient de tomber. Même s’il avait conscience de la puissance aberrante du Maître d’Équipage, il sous-estimait constamment l’effet qu’elle provoquait sur lui. Son aura était si oppressante, si monstrueuse, qu’il devait solliciter toute la force de sa volonté pour éviter de prendre ses jambes à son cou. Paradoxalement, il désirait en connaître davantage sur cet homme qui l’effrayait autant qui le fascinait. Bien que le courage de l’interroger lui fisse toujours défaut, il n’en restait pas moins déterminé de parvenir, un jour, à lui tirer les vers du nez. Puis, comme s’il lisait dans ses pensées, Shigure s’autorisa à lui sourire vaguement. « Montre-moi ce dont tu es capable, et j’accepterai de répondre à tes questions. » Sous le choc, l’Elfe ne souffla pas un mot, se contentant de le dévisager avec ahurissement. Ce qu’il ignorait, c’était que le Maître d’Équipage avait encore bien des surprises à lui dévoiler.
« L'objectif du test est simple : je veux que tu rédiges la fiche technique de cette objet (il lui indiqua du doigt la machine de gauche) et de celui-ci, (il pointa, cette fois, l'appareil sur sa droite) puis que tu me fasses une analyse comparative des deux par la suite. C'est bien compris? » L'Ygdraë acquiesça en hochant de la tête. « Tu disposes de toute la journée et de celle de demain pour compléter l'examen. Je resterai ici pour te surveiller, mais ne répondrai à aucune de tes questions. », le prévint Shigure. Les deux hommes avaient quitté le bureau dans lequel ils se trouvaient précédemment afin de descendre dans la salle des moteurs. Pour autant, ce n'était pas dans cet endroit où le Maître d'Équipage s'était arrêté, guidant plutôt son élève jusqu'à une pièce isolée du vacarme ambiant. Celle-ci ne contenait pas grand-chose, à l'exception d'une table, de vieux appareils qui tournaient lentement et d'une étagère pleine à craquer. L'homme lui avait expliqué qu'il s'agissait d'un entrepôt dans lequel l'équipage du Vaisseau rangeait la plupart des machines usées, de même que les pièces d'équipement défectueux. Néanmoins, pour les besoins du test, il avait ordonné à des Matelots d'y transférer des appareils neufs pour permettre au sylvestre d'accomplir la tâche qui lui était demandée. Par mesure de sécurité, les machines en question avaient été branchées à part des autres pour minimiser les risques de court-circuit.
Conscient que le temps lui était précieux, Elyot s'approcha promptement des deux engins. S'accroupissant à la hauteur des appareils, il amorça un premier survol de leurs composantes respectives. Après plusieurs minutes d'analyse, le jeune Elfe fit trois constats : les deux machines étaient non seulement de conception différente, mais celle de droite portait la marque d'une œuvre ygdraëenne, tandis que celle de gauche était une invention typique des Enfants de Yanna. Subitement, il prit conscience du véritable but de l'examen. Plus qu'une analyse comparative, Shigure désirait évaluer sa capacité à distinguer la technologie de son peuple d'origine à celui de l'Empire. En quoi étaient-elles si différentes? Comment leurs mécanismes fonctionnaient-ils? Quelles étaient les forces et les faiblesses de l'une par rapport à l'autre? Laquelle détenait le meilleur potentiel énergétique? Leur puissance s'équivalait-elle ou non? Il s'agissait sans conteste des questions auxquelles Shigure espérait qu'il réfléchisse assidûment afin de bien préparer son rapport d'analyse. Soucieux de faire bonne impression auprès de lui, l'Ygdraë se consacra immédiatement à ce devoir en se concentrant au maximum.
Les deux appareils étaient sans conteste des batteries qui servaient à alimenter l'éclairage d'un bâtiment. En les inspectant de plus près, le jeune homme s'aperçut de la similitude de fabrication entre les deux engins. Certes, les machines étaient censées remplir les mêmes fonctions, donc les ressemblances n'auraient pas dû le surprendre autant, mais il ne se serait pas attendu à ce qu'elles soient si nombreuses. Aux premiers abords, les deux appareils se distinguaient à peine l'un de l'autre, excepté sur les plans des couleurs et de la forme. Cependant, en ouvrant leur revêtement protecteur, le sylvestre put constater quelques différences dans leurs mécanismes respectifs. En effet, la structure de la batterie des Enfants de Yanna semblait plus complexe, plus... Il hésita à employer le terme « plus méthodique », notamment parce que la technique utilisée par les ingénieurs elfes était difficilement comparable à celle qui façonnait les inventions de l'Empire. C'était un peu comme comparer des pommes avec des choux-fleurs, et selon les goûts de chacun, l'un paraîtrait toujours meilleur que l'autre. Cependant, il devait admettre que les créations de l'ancienne Caste possédaient un degré de raffinement qui était complètement absent des œuvres fabriquées par son peuple. Nulle était son intention de remettre en doute le savoir-faire des siens, mais il s'efforçait réellement d'entretenir un point de vue objectif sur ce qu'il étudiait consciencieusement. Est-ce que les inventions qui faisaient honneur à la renommée de la Maison Smara s'avéraient supérieures au plus grand génie des Ygdraë? Sans doute. Est-ce que cela signifiait que les produits sylvestres étaient forcément de piètre qualité en comparaison? Certainement pas. Elyot n'écartait pas la possibilité de cultiver un biais à l'avantage de sa propre nation, mais il croyait sincèrement tenir les bonnes conclusions. S'il est vrai qu'en termes de progrès scientifique et technologique, les Elfes et les Enfants de Yanna n'étaient pas totalement au même niveau, il n'en restait pas moins apparent que l'écart entre les deux peuples était tout à fait minime.
La raison pour laquelle cette disparité technologique subsistait entre eux s'expliquait principalement par le type de ressources qu'ils choisissaient chacun de privilégier. Du moins, c'était la théorie à laquelle le jeune Elfe adhérait pour de nombreuses raisons. Parmi elles, la plus évidente s'articulait autour du fait que les Ygdraë s'avéraient très sélectifs dans le choix des matériaux qu'ils utilisaient fréquemment. Afin d'agir dans le respect et la préservation de la Nature, ils s'abstenaient délibérément de faire usage de métaux dont l'extraction et l'usage constituaient un risque pour l'environnement. Cela avait pour conséquence de limiter sévèrement la variété de ressources à utiliser, car la plupart d'entre elles, notamment les métaux les plus lourds comme le plomb par exemple, ne pouvaient être exploitées à Melohorë, la pratique industrielle étant évidemment illégale sur le territoire. Les ingénieurs sylvestres n'avaient donc pas d'autre choix que de faire importer ces matériaux de l'extérieur, mais seulement en cas de nécessité. En effet, le gouvernement elfique imposait de lourdes taxes sur les produits polluants ou contenant de la matière polluante, ce qui dissuadaient les inventeurs d'en faire la demande auprès de leurs fournisseurs pour maximiser leurs chances de vendre leurs conceptions à des prix abordables. Et puis admettons que ces restrictions n'aient jamais été votées par le Conseil : les Ygdraë se seraient naturellement opposés à la prolifération de ces industries par attachement envers leurs valeurs. S'ils ne pouvaient se développer sans compromettre leurs relations avec Phœbe et Méli, alors leurs avancées technologiques ne valaient pas la peine d'être poussées jusqu'au bout.
À l'inverse, les Enfants de Yanna ne s'astreignaient pas aux mêmes principes. Pour eux, l'amélioration constante de la technologie primait sur toutes autres considérations. Bien évidemment, chacun de leurs membres étaient libres de s'attacher aux valeurs qu'ils souhaitaient, mais dans ce cas, il s'agissait simplement de restrictions personnelles plutôt que d'obéissance pure et dure à l'égard d'une loi. Chaque individu était autorisé à discriminer certaines pratiques au profit d'une autre qui leur paraissait plus éthique, comme il avait le choix de sélectionner leur clientèle pour empêcher que leurs créations ne tombent entre de mauvaises mains. C'était ainsi que Seryndë Borghild, son ancien mentor, fonctionnait et, par extension, qu'il fonctionnait également, considérant qu'il reproduisait les mêmes pratiques que son enseignante. Toutefois, contrairement à elle, les méthodes du jeune homme n'étaient pas totalement déterminées ni fixées sur un modèle bien précis. Il demeurait ouvert à une multitude de possibilités, mais sous certaines conditions. Par exemple, il refusait catégoriquement d'avoir affaire à un Sorcier ou à un Démon, les premiers étant reconnus pour l'immoralité de leurs pratiques et les seconds à cause de leur disposition naturelle à répandre le Mal sur ces Terres.
Alors qu'il actionnait un bouton sur l'appareil de gauche, le jeune Ygdraë se questionna sur l'alignement de Shigure à propos de ce dilemme. Que pensait-il de l'idée de partager ses inventions avec des races maléfiques ou des personnes malveillantes? Cela lui posait-il problème ou, au contraire, l'indifférait complètement? Mieux encore, comment ses opinions personnelles affecteraient leur relation d'apprenti et de maître? Est-ce que le sylvestre aurait le courage de s'opposer à ses convictions ou finirait-il par les absorber en lui? Il s'agissait de réflexions aussi intéressantes que pertinentes, mais étrangement, l'Eskët n'était plus aussi sûr de vouloir en connaître les réponses. L'appréhension le mettait mal à l'aise, d'autant plus que les pouvoirs de l'homme le terrifiaient. Serait-il seulement en mesure de résister à son influence? C'était la peur ne de pas en être capable qui le préoccupait. Après tout, sa puissance était insignifiante comparativement à celle que possédait le Génie, mais ce qu'il ignorait, c'était que la Dagmar Borghild avait déjà anticipé cette probabilité et avait pris les mesures nécessaires pour s'assurer que celle-ci ne se produise jamais. Telle était la force du vœu qu'elle avait formulé auprès de son Serviteur.
Pour autant, empêtré dans l'ignorance comme il l'était, Elyot ne pouvait se douter de la protection dont la Dagmar l'avait doté. Alors il continuait de se méfier de son nouveau mentor, comme s'il s'agissait d'un augure de mauvais présage. Il était sans conteste dangereux, mais à quel point devait-il craindre pour sa sûreté en sa présence? De toute évidence, la réponse était « très peu », notamment parce qu'il était son supérieur et qu'il était chargé de sa protection, mais s'il y avait la moindre chance qu'il cherche à abuser de son pouvoir ou de son autorité, alors l'intégrité du sylvestre s'en retrouverait systématiquement compromise. Il frissonna. Même si l'entente entre son peuple et l'Empire sanctionnait sévèrement ce type d'abus, personne n'en était totalement à l'abri, malgré les conséquences que les fautifs encourraient. Heureusement, Shigure aurait à cœur de montrer l'exemple auprès de son équipage et s'abstiendrait de poser des gestes ou des comportements abusifs à son encontre. Ou peut-être détenait-il un sens du devoir et de la morale plus grand que ce que son futur étudiant s'imaginait.
Seulement, le mal était déjà fait : dans son angoisse, l'Ygdraë activa involontairement sa Magie. Cependant, il ne s'agissait pas de sa Magie à lui, dans la mesure où il était certain de ne jamais avoir utilisé ce pouvoir – jusqu'à aujourd'hui. Crépitant sur le bout de ses doigts, des éclairs plus noirs que l'obsidienne s'étaient formés en se nourrissant de son énergie magique. D'abord discret, le son du crépitement s'amplifia subitement, tirant brusquement l'Elfe de sa rêverie et attirant l'attention du Génie, dont le front se barra d'un pli. « Qu'est-ce que tu fais? », lui demanda-t-il avec fermeté. Pétrifié par la panique, le sylvestre ne réagit pas immédiatement. « Je n'en sais... » Il n'eut jamais le temps de terminer sa phrase. L'électricité explosa littéralement de ses mains en courant sur les câbles de la machine, avant de se propager à travers toutes les autres via le métal des murs. Quelques secondes plus tard, et la lumière s'éteignit, de même que les vrombissements et les bruits générés par la machinerie. Les appareils avaient tout simplement cessé de fonctionner.
![[Q] - Court-circuit Etherb10](https://servimg.com/r/1916180476/etherb10.jpg)
