[Q] L'organisation

Lun 12 Juil 2021, 22:08

Intrigue : Chelae organise son premier événement en tant qu'organisatrice événementielle.

Chelae

L'organisation

-Il faut plus de végétation.

L'artisane lui répondit par des sourcils froncés après avoir passé sa main gantée sur son front. Cela faisait près d’une heure qu’elle déployait toutes sortes de plantes à l’aide de sa magie afin de transformer cette terrasse en décor de rêve – ou de cauchemar, plutôt. On lui demandait régulièrement de céder aux exigences de princesses, mais certaines lui donnaient plus de suées que d’autres.

-Mais, Mademoiselle, vous aviez dit que cela suffirait...

-Eh bien finalement non, il en faut davantage. Admettre plus explicitement qu’elle avait eu tort ne faisait pas partie de ses capacités. Avant de continuer, Chelae vérifia ses notes. Mettez m'en ici, là et là. Droseras et digitales. Vous mettrez quelques ronces ici aussi, mais pas trop. Et des lierres.

L’Alfare s’efforçait de maintenir un ton tranchant et autoritaire, par précaution. Que l'on reprenne ses ordres la stressait. Elle devait être détestable, mais qu’on ne la tienne pas en respect rapidement l’insupportait.

-Très bien...

Chelae nota la modification ainsi que quelques chiffres sur son carnet, qu'elle gardait précieusement avec elle depuis le début du projet : ce serait le prix du supplément à payer. Elle y avait consigné toutes les informations sur l'organisation du mariage. Absolument tout.

-Tout se passe bien ?

Avant de pivoter vers sa cliente, Chelae se para de son sourire professionnel : cordial, inébranlable, mais surtout, modéré. Elles se trouvaient dans la cour intérieure de la demeure des futurs époux. La fête qu’elles préparaient était double : elle célèbrerait l’union, mais ferait également office de pendaison de crémaillère.

-Tout se passe bien. Confirma-t-elle. Je viens de demander à ce qu'on étoffe un peu la décoration pour que cela corresponde à ta demande.

Elle et Vanka se tutoyaient car elles étaient amies. Cette dernière lui avait offert l'opportunité d'organiser le tout afin de donner à ses affaires un bon départ. C'était une première et cela impliquait donc qu'une grande pression était apposée sur les épaules de l'Alfare. L'événement était loin d'être anodin. Les unions étaient ce qui faisait parler, car elles donnaient au couple sa première image publique en tant que tel. De son côté, cette expérience permettrait à Chelae de se faire connaitre des invités et de leur montrer sa capacité à être à la hauteur de leurs ambitions.

-Ça rentrera dans le budget, n’est-ce pas ?

-Oui.

Si ses calculs étaient bons. Et si Vanka ne la faisait pas céder à d’autres de ses caprices, car la fiancée voyait les choses en grand. Si Chelae n’était personne pour la blâmer, les chiffres, eux, avaient de quoi dire.

Jadélynka se serait bien entendue avec Vanka. Chelae ignorait pourquoi elles ne s’étaient encore jamais rencontrées, cela relevait un peu de l’extraordinaire. Elles étaient, à peu de choses près, la même personne. Ces deux caractères forts peinturlurés d’une épaisse couche de superficialité – dans le référentiel alfar, car il allait de soi que tout le monde était superficiel dans cette société – avaient le potentiel de devenir de grandes rivales, mais aussi de grandes amies. L’Arcesi se devrait de faire les présentations. Elle n’avait pas demandé à ce que Vanka invite sa cousine, de crainte de créer une jalousie trop exacerbée chez la dernière. Allant bientôt organiser le sien, la cadette n’y aurait vu que de la concurrence directe, de la frustration, et aurait songé à toutes sortes de machinations pour faire mieux – ou pire, saboter – et exploser la fierté de l’heureuse épouse. En bref, ç’aurait été contre-productif.

-Alors parfait ! Qu’en est-il du traiteur et des musiciens ?

Dans ses notes, elle remonta deux pages en arrière.

-Je dois recontacter le traiteur afin qu’il vous propose le nouveau menu avec les modifications que vous aviez demandé. Les musiciens seront là et effectueront les compositions de la liste. Ils ont répété hier, je suis allée les voir. L'estrade devrait être installée demain avec les chaises, les tables et tout le mobilier.

Quant aux décorations, elles avaient déjà été installées en grande partie afin de se fondre dans la végétation luxurieuse de l'extérieur. Il y avait donc des guirlandes et des lampes autour desquelles les tiges et les sarments des plantes grimpantes et vénéneuses s'enroulaient et s'entre-mêlaient, sous l'influence magique de la jardinière.

-Et le peintre souhaiterait venir une première fois pour discuter de votre commande avec vous.

C'est-à-dire apprendre à connaitre le couple, discuter du lieu où ils poseraient, des tenues et des positions. Ce n'était pas l’artiste que le couple avait demandé, le premier étant surchargé par les commandes et plutôt onéreux. Ils en avaient trouvé un second, moins à leur goût, mais plus abordable. Après l'annonce, Vanka avait boudé pendant quelques jours, alors Chelae l'avait emmenée voir l'artiste en question. En discutant et en observant les œuvres sur lesquelles il travaillait, elle avait fini par se faire à l'idée que les peintres autres que celui de ses rêves étaient aussi compétents.

Apparemment satisfaite par le bref compte-rendu, Vanka lui adressa un sourire.

-Ce mariage se rapproche peu à peu de la réussite. Je parlerai de toi à toutes mes connaissances, tu peux me croire sur parole.

Chelae lui montra sa reconnaissance en retour. Evidemment, elle le ferait si et seulement si l'événement était effectivement une réussite. Rien de plus normal. Mais la jeune femme se sentait soudain plus nerveuse.

~878 mots~

Mar 13 Juil 2021, 23:11

Chelae

L'organisation

-Qu'en est-il de notre mariage ?

Il avait posé la question comme ça, sans avertissement, l’air de rien, alors qu’elle lui expliquait les tenants et aboutissants de son travail. Ils étaient au beau milieu d’une promenade, au bord du Plateau. C’était un chemin agréable car d’ici, ils pouvaient admirer la vue qu’offrait la Majestueuse sur les quartiers inférieurs et la Forêt. Les quelques ponts enjambant les cours d’eau et la végétation des parcs rendaient l’atmosphère romantique aux yeux de n’importe quel jeune couple. Peut-être était-ce pour ça qu’ils avaient choisi de venir ici : pour essayer d’y croire, à ces sentiments. Pourtant, Ihrar venait de faire retomber la tentative comme un soufflé. Chelae avait ralenti le pas.

-Que voulez-vous dire ?

-Nous n'avons pas encore discuté des préparatifs.

-Nous y viendrons dès que j’aurai installé mon cabinet. L’organisation de l’événement des Jevian est décisive. J’espère grandement que nous pourrons en discuter après le leur. Je dois parvenir à les satisfaire.

-Vous y parviendrez.

La date de leur union, bien qu’elle ne fût pas tout à fait fixée, à la demande de la fiancée, approchait à grands pas. Chelae avait pris du temps à signer le contrat qui la liait à présent au Lehvona. Elle avait souhaité se laisser un peu de temps pour stabiliser sa carrière et aussi connaitre celui dont elle partagerait la vie. Elle n'avait pas fini d'en apprendre sur lui, avait souvent du mal à le cerner, mais le temps pressant l'avait contrainte à accélérer sa réflexion, pourtant condamnée depuis le jour où son père lui avait parlé de lui.
A vrai dire, jamais une seule fois elle n’aurait cru craindre de s’engager sur le plan marital. Elle avait préparé ce moment depuis sa naissance. Plus jeune, elle avait même lu l’intégralité du « Guide de la Bonne Epouse Drosérienne » d’Ella Javaeni afin de devenir la femme modèle. Sa mère, Dreska, lui avait souvent répété que si son futur époux devenait un trop lourd fardeau pour sa réussite, elle pourrait se défaire de lui sans scrupules, car c’était ce que faisaient beaucoup de personnes. Tant qu’elle pouvait monter sans jamais faire machine arrière ni être lestée, alors tout irait bien.

-Il le faut. Insista-t-il.

Elle déglutit. Malgré l’impassibilité de son ton, Ihrar affichait sans arrêt un demi-sourire très déstabilisant. Chelae avait du mal à savoir ce à quoi il pensait vraiment, ce qui le contrariait ou non. Elle n’aimait pas ça. Ça lui faisait légèrement peur en plus de l’agacer personnellement. Elle se demandait parfois s’il la prenait au sérieux, ou bien s’il avait un temps d’avance qu’elle ne soupçonnait pas et l’observait se démener ridiculement comme un rat dans une roue de hamster. Tout ce qu’elle savait, c’était qu’elle n’aimait pas ça chez lui. Ça, et sa manie à la contredire dès qu’il en avait l’occasion. A force de le fréquenter, Chelae avait compris que ça l'amusait, de prétendre qu'il avait raison même lorsque c’était faux. Surtout avec elle. Au contraire, il se montrait tellement humble avec ses parents que ça lui donnait la nausée. Ce n'était pas spécialement méchant. Ihrar aimait surtout la narguer et la titiller. Le souci, c'était qu'elle y répondait mal. Cela ne semblait pas le gêner, sûrement parce qu'il estimait qu'il était à elle de faire des efforts. Elle essayait. Mais Chelae était très scolaire. Elle n'avait jamais été forte pour l'humour et la raillerie.

-En tous les cas, nous trouverons un organisateur pour nous seconder. Rétorqua-t-elle pour revenir à leur préoccupation initiale. Et nous avons nos familles respectives également. Vanka et son mari sont seuls.

Les parents de la première étaient morts ; Eloran avait coupé les ponts avec les siens, qui vivaient à présent sur un Plateau inférieur.

-Comment imaginez-vous le nôtre ?

-Je n’y ai pas encore réfléchi.

Il la devança pour se poster face à elle, la forçant à s’arrêter, puis ancra ses yeux dans les siens. Tout à coup, elle le trouva grand.

-Navré, mais je ne vous crois pas. N’avez-vous jamais rien imaginé, même lorsque vous étiez plus jeune ? Comme un défi, elle ne se détourna pas. Cela ne nous engage à rien, ce n’est que de la curiosité de ma part. Vous l’avez dit vous-même, nous devons apprendre à nous connaitre…

Elle aurait aimé soupirer mais se retint. Il n’avait pas tort. Ils reprirent leur marche en silence.

-Je n’ai pas autant le sens de l’extravagance que Vanka. Admit-t-elle finalement. Je ne pense pas que je couvrirais les murs de fleurs à ce point ni exigerais autant de diversité dans les plats pour le dîner. Je privilégierais la qualité de la cérémonie plutôt que la soirée qui s’ensuit. Les festivités seraient relativement sobres et traditionnelles, je préfère la qualité à la quantité. Et… J’aime beaucoup les tableaux. Ma famille, en général, aime beaucoup cela, mais je suppose que vous l’aviez remarqué. Alors je pense qu’au fil du temps, nous en accumulerons beaucoup.

C’était peut-être assez triste et dénué d’originalité, mais Chelae ne comptait pas sur son mariage en tant que tel pour jouer sa carrière. Elle préférait le côté contractuel de cet état, et les manières dont elle pouvait le tourner à son avantage. La partie de façade, purement romantique et décorative, l’intéressait assez peu, bien qu’il fallût effectuer un minimum pour qu’on y croit. Evidemment, l’Alfare avait des désirs, comme tout le monde. Elle aurait aimé trouver le grand amour si elle en avait eu l’occasion et travailler avec cet être si cher. Ça n’était pas arrivé. Il y aurait eu de si faibles chances que cela arrive, qu’elle l’avait à peine espéré.

-Dois-je en conclure que les Jevian privilégient l’abondance à la qualité ?

-Ils ont suffisamment d’argent pour s’acheter les deux. Mais c’est l’idée.

-Je vois…

Cette simple réponse la fit sourire. Tout à coup, elle se sentait redoutable.

~970 mots~

Mer 14 Juil 2021, 18:27

Chelae

L'organisation

-Comment ça, « Nous allons manquer de champagne » ?

Elle tombait des nues. Ça n’était pas censé se produire. En principe, tout était si bien ficelé qu’elle n’aurait plus dû avoir de problèmes, si ce n’étaient les écarts d’invités trop malintentionnés, ivres ou extravertis. Le reste, elle l’avait calculé, vérifié et revérifié dix fois. Ainsi, elle était convaincue de ne pas s’être trompée dans les quantités lorsqu’elle avait passé commande. Et surtout, pas à ce point : ce n'était que le début de la soirée.

-Vous êtes sûr ?

-Oui Mademoiselle. S’enquit le serveur qui était venu lui reporter la mauvaise nouvelle.

Ça n’allait pas, pas du tout. Les verres des invités ne pouvaient pas rester vides. Chelae alla directement chercher le caviste, responsable des fûts pour la soirée.

-C'est tout ce qui a été commandé, Mademoiselle.

A l’appui, il lui montra la facture.

-Eh bien faites-en venir d'autre.

Le prix lui importait peu à présent. Puisqu’il s’agissait de son erreur, il lui fallait la réparer avant tout. Elle trouverait une solution plus tard. L’important était d’assurer la qualité de sa prestation. Cela signifiait qu’il ne fallait pas de manque, encore moins par sa faute. Le caviste ricana. Autour d'eux, la cuisine était en effervescence et les serveurs allaient avec des plateaux vides pour repartir les bras remplis de mets.

-Mes quantités sont limitées, Mademoiselle. Si vous désirez d'autres fûts, il va falloir s'adresser directement à mon fournisseur sorcier. Mais je crains que la marchandise n'arrivera pas à temps.

Pour s’adresser ainsi à elle, il avait du culot. Elle se demandait s’il se moquait d’elle ou si son entreprise était si incompétente qu’elle ne prévoyait jamais des stocks supplémentaires en cas de besoin. De son regard noir, elle l'incita à lâcher le morceau. Mais il n'avait rien de plus à lâcher. Il n’y avait vraiment plus de champagne.

-Ça ne va pas être possible, il nous en faut encore...

-Je peux proposer d'autres alcools ou des cocktails, si cela est vraiment nécessaire. Il reste du vin ici, mais donnez-moi une heure et je me chargerai de rapatrier quelques fûts supplémentaires jusqu’ici.

-Je vais me renseigner.

Elle aurait aimé que l’incident ne se sache pas, mais elle ne voulait pas prendre le risque des initiatives dont le potentiel était bancal. Au pas de course, Chelae alla chercher l'un des époux. En sortant de la cuisine, elle se faufila dans la foule d'invités, tout en prenant garde à ne bousculer personne. Quelque fois, on l'interpelait pour prendre de ses nouvelles ou l'inclure dans une conversation. Poliment, elle passait son chemin en expliquant qu'elle était occupée. Une partie de sa famille était invitée, notamment ses parents et quelques oncles, tantes et cousins.

-Eloran, appela-t-elle lorsqu'elle fut à la hauteur de l'homme. Celui-ci discutait avec trois connaissances. Excusez-moi, pourrais-je vous parler en privé ?

Il s’excusa auprès de ses interlocuteurs et se décala de quelques mètres. Il portait une tenue traditionnelle splendide mêlant bleu, vert et argent sur un tissu ample et riche. Dans sa main, il tenait un verre quasiment vide, qui contentait le fameux champagne.

-Qu'y a-t-il ?

L’Alfare lui expliqua la situation et énonça la proposition du caviste.

-Non.

-Non ?

-Chelae, nous avons choisi cette cuvée car il s’agit de l’une des plus prestigieuses du marché. Elle nous permet de marquer le coup et les esprits, que ces gens sachent ce que nous pouvons nous permettre. Alors vous comprenez qu’il est important qu’il y en ait suffisamment pour tout le monde, n’est-ce pas ? Il n'y en a vraiment plus ?

-Je ne crois pas.

Sa manière de l’infantiliser l’énervait. Il posa ses mains sur ses hanches, mécontent.

-Par Dothasi, je ne devrais pas à avoir gérer ça ! Il aurait dû y avoir la quantité suffisante.

Evidemment, il s'en prenait à elle. Elle était responsable après tout. Chelae tâcha de rester de marbre. Son cerveau tournait à mille à l’heure pour trouver une solution. Assez miraculeusement, elle pensa à une alternative.

-Je peux m'en occuper, dites-moi juste si du vin pourrait suffire en attendant que je trouve une solution ?

Il fit claquer sa langue contre son palet et leva les yeux vers le ciel. Evidemment, ça l'agaçait. C'était son mariage, et ces problèmes d'organisation n'auraient dû rester que chez les employés.

-Soit, faites cela en attendant. Mais j'aimerais que ça soit réglé au plus vite.

-Je vais faire mon possible. Je m’excuse pour l’incident. Ça ne se reproduira pas.

Après un bref signe de tête, ils tournèrent les talons. A pas pressés, Chelae retourna sur ses pas. Elle avait un plan. Il était risqué, un peu pitoyable, mais s’il fonctionnait elle en était sûre, les convives n’y verraient que du feu.

~784 mots~

Mer 14 Juil 2021, 21:54

Chelae

L'organisation

-Allez, ouvre...

C'était la seconde fois qu'elle frappait à la porte. Elle s'était mise à faire les cent pas. Chelae avait quitté la maison de son amie pour trouver personnellement une solution à cette histoire de champagne, ce qui était un acte particulièrement irresponsable de sa part. En tant qu'organisatrice, elle se devait de rester sur les lieux, prête à superviser et à gérer n'importe quel imprévu avant que quiconque ne s'en rende compte. Elle avait laissé un clone d'elle-même là-bas pour simuler sa présence, mais craignait que son subterfuge ne soit découvert. Auquel cas, elle serait foutue. Elle devait donc faire vite.

L’Alfare commençait à se demander s’il était normal d’attendre autant. Connaissant Jadélynka, celle-ci ne devait pas être couchée, alors il devait au moins rester un ou deux domestiques dans les parages. Lorsqu'elle entendit enfin le cliquettement du loquet, Chelae libéra l'air de ses poumons.

-Bonsoir Mademoiselle Arcesi. Il se fait tard, que faites-vous ici à cette heure ? Tout va bien ?

-Bonsoir Renata. Jadélynka est-elle ici ? C'est urgent.

Avec la présence du Mur, la question ne se posait pas, quelque part.

-Elle est dans ses appartements. Suivez-moi, je vais vous y conduire.

Puisque c’était important, Renata adapta sa marche. Elles retrouvèrent la cousine en un rien de temps.

-Chelae ? Mais qu'est-ce que tu fais là ?

Jadélynka était en robe de chambre. Nouant pudiquement sa ceinture autour de sa taille, elle invita Chelae à prendre place dans le salon, mais celle-ci refusa. Elle n'avait pas le temps.

-J'ai un service à te demander. Jadélynka haussa les sourcils, curieuse. J'ai besoin de ta bouteille de champagne. Celle qui ne se vide jamais.

Elle haussa encore plus les sourcils, défiant ainsi les lois de la physique. Elle s’installa dans un fauteuil et désigna celui d’en face.

-Alors là, il va falloir m'expliquer. Installe-toi, vraiment, et dis-moi. Tu essaie de faire parler quelqu'un ? De saboter sa réputation ? Qui est-ce ?

Elle était friande de ce genre de ragots. Urgence ou pas, elle voulait tout savoir. Il était de son droit de connaitre les desseins que servirait sa fabuleuse bouteille.

-Non, il ne s'agit pas de ça. Je suis... au travail, supposément. Promets-moi de ne pas te fâcher – comme si le dire allait fonctionner – mais j’ai organisé un mariage et il y a une fête ce soir dont je suis responsable. Nous manquons de champagne et je sais que tu possèdes ce que je recherche.

Jadélynka réfléchit, se pencha en avant.

-Attends une seconde. Tu organises ça et je ne suis même pas au courant ? Tu ne m'as rien dit ? De qui est-ce le mariage ?

-Vanka et Eloran Jevian. Et je ne t'ai rien dit car tu n’étais pas invitée. Avec tes propres histoires de mariage, je ne voulais pas créer de tensions inutiles.

-Oh, vraiment ? Elle plissa les yeux. Alors tu voulais m’empêcher de me mêler d’affaires qui ne me regardent pas ? Je suis si embarrassante que cela ?

Chelae se sentit rougir. Il y avait du vrai.

-Tu exagères. Je comptais le faire, mais après. Parce que... Elle poussa un soupir. J'imagine que tu comprendras mieux quand tu rencontreras Vanka.

Elle n’avait pas envie d’expliquer et préférait laisser leur lien se créer naturellement, plutôt que de lui donner des à priori.

-Hum hum. Et donc tu me caches ça et en plus, tu veux que je te donne MA bouteille de champagne ?

Même si elle l’édulcorait à l’aide d’un peu de sarcasme, la colère de Jadélynka montait. Elle était profondément vexée et déçue du comportement de celle qu’elle considérait comme une sœur et une confidente. Sa confiance en elle venait de s’écrouler dans sa quasi-intégralité.

-Je te rendrais n'importe quel service en échange. Je pourrais organiser ton propre mariage. Ma prestation serait gratuite, et je t'assure que ce serait le plus beau mariage que j'organiserais jamais.

En l’énonçant, Chelae trouva sa tentative de rachat ridicule. Jade n’était pas non plus convaincue. Les bras croisés contre sa poitrine, une jambe par-dessus l’autre, elle fusillait sa cousine du regard en affichant une moue capricieuse. Elle n’avait clairement pas envie de lui faire une fleur, alors elle cherchait autre chose capable de calmer sa peine.

-Puis-je ajouter une condition à ta proposition ?

-Vas-y.

-Emmène-moi à ce mariage.

Chelae eut à peine le temps de cligner des yeux que sa cousine était déjà debout.

-Pardon ?

-Oui ! Là tout de suite maintenant. Je viens avec toi. Et seulement là, tu auras la bouteille.

-Mais tu n'es pas...

Elle n'était pas apprêtée, pas sur la liste d'invités et si Vanka le découvrait... elle ignorait si elle aurait des ennuis, mais elle ne désirait pas s’y tenter. Elle en avait eu suffisamment pour la journée.

-Je serai sage, promis. Laisse-moi me changer, j'en ai pour dix minutes.

A peine trente minutes plus tard, Jadélynka s’était fondue dans la masse d’invités en promettant une énième fois qu’elle ne ferait pas parler d’elle ni ne tenterait de rencontrer la mariée. Chelae remplissait elle-même les coupes de champagnes sur les plateaux des serveurs qui passaient à la chaine. Ce n’était pas la bonne cuvée évidemment, mais personne ne ferait la différence. L’Alfare avait acheté le silence de ses complices en échange d’une prime. Alors qu’elle faisait la tavernière, son clone déambulait toujours dans la demeure pour s’assurer que tout se passait bien. Tout cela la fatiguait et honnêtement, elle aurait aimé plus glorieux. Mais au moins, à moins que quelqu’un ne se tente à un attentat, ou que sa cousine ne se mettre à se battre avec une mégère plus belle qu’elle, elle était à peu près sûre que la soirée était sauvée.

~948 mots~
Chelae utilise le Champagne traitre

Champagne traitre: