Il ne serait guère étonnant d’entendre de la bouche d’un disciple du Temple que, parmi les nouveaux Esprits, c’est en compagnie de la douce Abigaëlle que l’on se sent le mieux. Il est vrai que placée au beau milieu de cette étrange troupe, la Déesse est une figure de tendresse et de compassion. Si elle inspire respect et considération, elle évoque moins la crainte que l’admiration. Pourtant, Abigaëlle est une Æther dont il serait plus sage de se méfier car elle n’est pas forcément ce qu’elle prétend être ou paraître. Divinité de l’Eloquence, elle manie l’art du discours et de la belle phrase comme personne et serait capable de faire croire tout et son contraire par la simple force de ses mots à un auditoire qui n’aurait pas d’autre choix que de l’écouter, tant elle est une oratrice d’exception. Elle ne parle jamais pour rien dire : chacune des syllabes qu’elle prononce est utile et efficace à un but qu’elle poursuit et dont elle ne révèle jamais les objectifs. Elle choisit ses mots avec un soin infini si bien qu’on ne pourrait imaginer changer le plus petit détail de ses adjectifs, de ses verbes et même des respirations et des pauses qu’elle marque. Abigaëlle ne s’adonne pas à cet exercice que pour la beauté du geste et des paroles : elle est une manipulatrice hors pair, dotée d’une capacité de persuasion admirable. Elle embrouille les esprits et les idées pour les façonner selon ses désirs, jusqu’à faire croire par ce qu’elle murmure et ses sourires qu’elle est quelqu’un de bien. Lorsque vous sortirez d’un entretien avec elle, vous aurez en tête exactement ce qu’elle voulait, et vous ne le saurez même pas. Abigaëlle est souvent représentée avec un gros livre ouvert, aux lettres noirs et à la couverture rouge. Elle se présente sous les traits d’une femme sans âge, aux cheveux roux et au regard juste et droit. Toujours vêtue avec élégance et de noir, elle semble porter en elle une mélancolie dont jamais elle ne vous parlera. La Déesse possède son Temple le plus important à Drosera, au cœur de la Capitale des Alfars qui sont parmi ses plus fidèles croyants, avec notamment le peuple des mers et le Temple de Rhéa Latia. Contrairement à la plupart des Dieux, il n’existe aucun texte ou psaume à réciter en l’honneur d’Abigaëlle car il est de coutume d’inventer une nouvelle prière à chaque fois que l’on souhaite s’adresser à elle, dans un effort d’éloquence et d’imagination. D’après une légende, il aurait existé il y a des siècles de cela, un ouvrage répertoriant les discours les plus marquants de la Déesse, qui aurait fait faveur à ses disciples en apparaissant. Des mécréants auraient ensuite subtilisé l’ouvrage et l’auraient brûlé, déchaînant la rage de l’ Æther, qui les enferma dans un conte dont ils devaient sortir pour pouvoir vivre, avant de causer l’incendie de la demeure dans lequel le livre se trouvait.