Èibhlin fixait son reflet dans le miroir, un air las sur le visage. D'un geste lent, elle entretenait sa chevelure, brossant les longues mèches d'argents qu'elle avait ramenée sur son épaule. Cela faisait pas moins d'une heure qu'on lui rabâchait les oreilles avec cette histoire de Galette. Elle n'était pas venue ici pour s'empiffrer à ce qu'elle sache, mais bien pour apprendre les mœurs de ces Mages Noirs. Cette Galette, ce n'était même pas un truc de Sorcier. Que venaient-ils l'ennuyer avec ça ? « Il est de votre devoir de Dame Noire que de participer aux événements organisés par sa Majesté. ». L'Alfar exhala un souffle, son regard se portant sur sa préceptrice installée en retrait, occupée à jeter des mots sur un papier, le visage de marbre. « J'ai pourtant cru comprendre qu'il s'agissait d'une fête Magicienne à l'origine. » rétorqua enfin Èibhlin en posant la brosse sur la coiffeuse. La domestique fustigea. « Comment osez-vous... » - « N'est-ce pas la vérité ? » la coupa-t-elle en se tournant vers la Sorcière. Le silence lui répondit. Bien sûr que c'était la vérité, mais comment pouvait-elle l'admettre ? Elle-même avait du mal à comprendre la décision de son souverain. Mais c'était ainsi. On ne contestait pas Le Grand Chaos. Et ça elle allait le lui faire entrer dans le crâne à cette gamine, dusse-t-elle le lui ouvrir pour y implanter l'idée directement. D'un geste ample, Èibhlin passa la main sous ses cheveux pour les renvoyer en arrière. En même temps, ce fut comme une cascade qui s'écoula des racines à la pointe de ses cheveux, leurs faisant prendre une teinte bleutée lagunaire. « Je me vois contraint de me répéter Madame. Vous vous devez d'y aller en représentante de l'Empereur Noir et de son peuple. » - « Comment vous trouvez ? ». La domestique marqua un temps de stupeur. « Je vous demande pardon ? » - « La couleur. Vous trouvez ça comment ? ». À nouveau il y eut une pause. Est-ce qu'elle était en train de se moquer d'elle ou... ? « Madame ! » vociféra-t-elle plutôt comme réponse à sa question. Èibhlin roula des yeux. Ne pouvait-elle pas prendre juste une minute pour lui donner son avis ? Pour une fois qu'elle s'adressait à elle de façon amicale. Agacée, elle se saisit d'une boite à bijou et commença à les exposer, un à un, sur le plateau. « Représenter l'Empereur Noir et son peuple ? Officiellement je ne suis même pas encore lié à celui-ci. Non, je ne représente pas le peuple Sorcier. Actuellement mon visage n'est représentant que des bénis de Dothasi, et seulement de ces derniers. ». Pour la première fois depuis le début de leur échange, elle vit sa mentore lever les yeux sur elle. Avait-elle dit une bêtise ? « Laissez-moi discuter avec elle. » déclara Cerys, d'une voix autoritaire en se relevant, son regard tourné vers la Sorcière qui eût un moment d'hésitation avant de se retirer et fermer la porte derrière elle. D'un pas leste, la Senthandas se rapprocha de la jeune Alfar et, d'un signe, elle lui intima de se lever. « Surveillez vos mots jeune fille. Oseriez-vous clamer la même chose face à l'Empereur Noir en personne ? ». Èibhlin se pinça la lèvre, son regard se faisant fuyant. Non, évidemment. C'était une chose de s'affirmer ainsi face à une servante. S'en était une autre de le faire face à l'Élu d'Ethelba. « Vous êtes peut-être maîtresse en cette demeure, vous n'en demeurez pas moins en territoire sorcier. Ce palais est, certes, celui des Dames Noires, il est également — et avant tout — celui de l'Empereur Noir. ». Elle marqua une pause ponctuant ses derniers propos avant de reprendre. « Considérez que chaque mots que vous prononcez entre ces murs et sur ces terres est un mot que vous prononcez à l'intention directe de l'Ultimage. » conclu-t-elle en allant ouvrir la porte à la domestique qu'elle savait derrière. Toutefois, aucun mot n'ayant été dit plus haut que l'autre, et la discussion s'étant tenue en Llandreri, la pauvre n'eut pas la moindre idée des paroles qui y furent prononcées. Elle découvrit toutefois, en entrant dans la pièce, une Dame Noire avec un air troublé et le regard perdu dans la contemplation de ses chaussures. Elle ignorait ce qui avait été dit, mais elle savourait de voir cette impertinente dans cet état. « Tout est réglé. Mademoiselle Mèinn est tout à fait disposée à participer à l'événement de la Galette. Je vous laisse vous occuper d'elle. » lui expliqua seulement la Nyëva. Pourtant, l'air surprit qu'affichât la Sarethi fît comprendre à la Sorcière que le sujet de la festivité n'avait pas été abordé dans leur discussion. La jeune Alfar se contenta pourtant de baisser nouvellement la tête tandis que le bleu de ses cheveux disparaissait pour reprendre la teinte pâle habituelle qu'elle lui connaissait.
Suivit de prêt par un gros bras — qui n'avait pas de si gros bras que ça ne put s'empêcher de relever Èibhlin — , la Sarethi avait l'impression d'étouffer à chaque pas qu'elle faisait, tant par la présence asphyxiante du Sorcier que par ce corset oppressant. « Comment font les femmes chez vous pour supporter cette... Chose ? » souffla-t-elle difficilement après une inspiration qu'elle ne put mener entièrement à terme. « C'est à peine si je peux me mouvoir correctement. » - « Peu importe que vous bougiez tant que vous vous tenez. » siffla l'homme décrochant une grimace de la part de la Sarethi. On l'avait averti. Il y avait des Dames Noires plus récalcitrantes que d'autres. Celle-ci en faisait partie, quoi qu'il ne souhaitât pas la place de celui s'occupant de la Réprouvée. Au moins l'Alfar avait un minimum de savoir-vivre. « Personne n'a jamais encore été asphyxié par ça ? » continua-t-elle en se dandinant pour tenter vainement de trouver une position confortable dans l'habille. « Si, ça peut arriver, s'il est trop serrée et que rien n'est fait. ». Èibhlin se tourna vivement vers le Sorcier. Il plaisantait ? « Vos femmes ne doivent vraiment être que des potiches chez vous pour porter des vêtements comme ceux-là. Les actions sont bien limités dans ce frac. » continua-t-elle à critiquer, à défaut de savoir si le Mage disait la vérité ou non sur la dangerosité du vêtement, comme elle reprit la marche. « Pourquoi Dame Mævan n'est pas là ? » - « Parce que c'est moi qui me charge de veiller sur vous. » - « Ce n'est pas une bonne explication ça... » ronchonna Èibhlin. « Taïmon, c'est ça ? Ça me dit vaguement quelque chose. » reprit-elle à son encontre sans qu'elle n'obtienne plus de précision toutefois, la laissant dans son ignorance et ajoutant à son irritation montante. Son regard balayant le territoire, la verdure environnante et la flore qui s'y épanouissait venaient chatouiller le nez de l'Alfar. « Vous n'aimez pas la nature ? » questionna-t-elle soudain le Sorcier dans un tout autre registre. « Plaît-il ? » - « Je me demandais simplement si, vous, les Sorciers, appréciez ou non la nature. Vos terres sont tellement tristes de verdures. C'est pour cela que je m'interroge. ». Elle n'eut pas le loisir d'obtenir une réponse claire. Ses oreilles s'agitèrent aux murmures qu'elle perçût à quelques pas. Parmi eux, une phrase ressorti clairement aux oreilles de la Sarethi. « L'Empereur Noir est à Vervallée. ». Tout son corps se raidit, devenant comme une poupée de porcelaine. Lui ici ? Mais pourquoi ? « Allons trouver un endroit où s'installer. Éventuellement si vous auriez l'obligeance de défaire, ne serait-ce qu'un peu, ce corset également. Je commence vraiment à ne pas me sentir bien. ». Le Sorcier arqua un sourcil. Se rendait-elle compte de ce qu'elle lui demandait ? « Je ne peux pas. » - « Mais... » - « Je ne suis de toute façon pas certain que le corset soit la cause de votre peine. » - « Par Dothasi, puisque c'est ainsi je saurais me débrouiller seule ! » siffla-t-elle, agacée. C'était peut-être en partie vrai que toute la faute ne revenait pas au corset. Mais elle se sentirait tout de même mieux sans. Saisissant à deux mains le pan de sa robe, elle se dirigea à pas rapide vers une magicienne au hasard, comprenant qu'une partie de son refus venait de la différence de sexe. Le petit groupe auquel appartenait sa cible la fixa avec surprise, leur regard allant de l'Alfar au Sorcier qui lui courrait après. Èibhlin leur offrit une rapide salutation. « Veuillez m'excuser, mesdemoiselles. Pourrais-je vous demander un service ? Cela ne vous prendra que quelques minutes. Ma robe est bien trop serrée et je peine à respirer. Sauriez-vous me défaire de quelques liens avant que je ne défaille ? » - « Oh, évidemment ! » fit l'une en s'approchant de son dos pour jouer des agrafes. « Vous avez du courage. Ce ne doit pas être simple tout les jours. » murmura avec compassion la jeune fille discrètement. Èibhlin ne dit rien dans l'immédiat. Cette bourrique devait la prendre pour l'Ygdraë. Tant mieux, en quelque sorte. N'aurait-elle peut-être pas bénéficiée si aisément de leur aide sinon. Un sourire satisfait se glissa sur son visage lorsque la Magicienne fini son ouvrage. Alors elle se tourna vers elle. « Je vous remercie de votre aide et pour votre sollicitude. En cela, Dame Vaughan est un exemple de Force pour subir ce rôle depuis bien plus longtemps que nous autres. Je vous souhaite une agréable fin de journée. » répondit-elle enfin avant de rejoindre son garde, resté en retrait du fait de la manœuvre, bien trop intime. « Que leur avez-vous dit ? » - « Ce qu'une Magicienne souhaite entendre de la part d'une pauvre Ygdraë prisonnière de la Couronne Noire. ». Le Sorcier ne répondit rien, détaillant l'Alfar en silence. Il se rendait compte de la véritable différence entre la Réprouvée et elle. Celle-ci n'appréciait pas non plus l'étiquette qui lui était imposée. Toutefois elle avait conscience de ce qu'elle était et de l'image qu'elle renvoyait. Il devrait prendre garde autant à ce que le monde n'approche pas la Dame Noire que celle-ci ne l'effleure, lui, pas de trop. Ce genre de personne pouvait vite attirer les ennuis une fois leur potentiel découvert.
Dernière édition par Jämiel Arcesi le Ven 21 Mai 2021, 18:26, édité 1 fois
Astriid ~ Ygdraë ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 2303 ◈ YinYanisé(e) le : 03/04/2020◈ Activité : Empoisonneuse
Sam 15 Mai 2021, 17:48
La Galette
Astriid ne réalisa sa difficulté à respirer que lorsque la pression qui comprimait ses poumons relâcha son emprise. Soulagée de la conclusion moins sévère du couple, l'ombre d'un sourire s'esquissa timidement sur son visage, tel un faisceau de rayon de soleil filtrant à travers les nuages après une longue journée de pluie. Elle avait craint que le Soldat Katzuta reste sur ses positions et que le seul souvenir qu'elle emporterait de leur nouvelle rencontre soit son regard dur posé sur elle. Bien qu'elle affirmait être prête à assumer les conséquences de ce qui était une faute grave pour l'Ange, elle savait que la culpabilité l'aurait rongée longuement et douloureusement après leur dispute. Désormais, il ne tenait plus qu'à elle de faire en sorte qu'il n'ait plus besoin de renouveler ses reproches. Quelque chose lui disait qu'il n'était pas homme à se répéter. «Je ne sais pas comment exprimer ma gratitude, jamais je n'aurais pensé que vous puissiez songer à moi pour votre fille.» Elle sentait qu'elle s'y prenait mal, qu'il fallait y mettre les formes pour remercier l'illustre couple de l'honneur qu'ils lui faisait mais il semblait que toute pensée intelligente l'avait subitement désertée depuis que l'orage avait disparu des yeux de Neah. Ce dernier intervint à nouveau et ses mots firent s'agiter frénétiquement les longues et fines oreilles de l'Elfe. Elle comprit à quoi il faisait référence. Rapidement, elle se repassa mentalement le déroulé du Dîner dans lequel elle avait été téléportée. Dastan aurait pu être un bon candidat avec son caractère colérique mais il n'était pas une fille et il avait révélé ses origines Réprouvées. Sa voisine aux cheveux rouges ? Non, elle lui avait à peine adressé quelques mots. Elle songea à la disposition des tables lors du dessert, le départ abrupt de Dastan, l'androgyne aux cheveux de cendres et à l'aura aussi écrasante que Neah et la jeune fille brune avec qui elle avait partagé sa pâtisserie. À la seconde où elle réalisa enfin qu'elle était la Démone responsable de l'ire de Neah, Astriid souhaita disparaître sous terre. N'avait-elle pas vu l'air terriblement pincé que l'Ange avait alors affiché aux côtés de sa petite voisine ? Elle s'en voulut de ne pas s'être attardée sur les raisons de l'attitude du Soldat à cet instant, cela lui aurait peut-être épargné cette déconvenue. L'exclamation de Mithra arracha la Sylvestre à ses sombres réflexions. L'aînée des enfants lui inspirait une sympathie grandissante et Astriid reconnut dans son attitude le côté conciliant de Mancinia. Elle lui était reconnaissante de ses interventions en sa faveur. «En effet mais parfois, même avec les meilleures intentions, on peut faire des erreurs. Je le réalise maintenant.» Un air sérieux peint sur le visage, elle porta un regard sur Neah, un regard dépourvu de l'incompréhension initiale, un regard chamboulé aussi car elle allait devoir remettre tout en question. Si sous son masque sympathique, cette fille était une Démone, devait-elle se méfier de tous à présent ? Elle était bien trop impulsive pour cela, sa gentillesse excessive qui tendait vers la mièvrerie lui faisait défaut là où elle lui avait toujours été utile. L'adorable gazouillis du bébé attira le regard de la rousse qui se sentit fondre. «Oh je peux ?» Avec toute la délicatesse et la prudence dont elle était capable, l'Elfe mit un temps infini à récupérer Sif des bras de Mancinia et sitôt que ce fut fait, la petite Elfette se nicha dans le creux de ses bras avec un petit soupir de satisfaction. Ne sachant pas trop quoi faire, elle décida de copier les mouvements qu'elle avait déjà vus auparavant et se mit à fléchir légèrement les genoux pour bercer l'enfant. Elle se sentit bête. Elle s'y prenait certainement mal, peut-être même qu'elle lui faisait mal ou bien elle allait la faire tomber. L'incertitude soulevait un vent de panique chez Astriid et elle s'apprêtait à renvoyer l'enfant dans les bras de sa mère quand celle-ci termina sa phrase. «Je... Je...» Balbutia l'Eskët avant de baisser les yeux sur le chérubin qui lui rendit son regard. Elle s'y noya et serra le minuscule corps tout menu contre elle. «Oh oui, je le veux !» S'entendit-elle répondre, comme si une bulle impénétrable s'était formée autour des deux Ygdraës. Soufflée par l'élan d'amour qu'elle ressentait pour ce petit être, elle se pencha et frotta son nez contre celui du bébé qui s'activait à former des bulles baveuses avec sa bouche. Astriid ne vit pas le regard de Raïm qui hésitait entre léger dégoût, désintérêt et attendrissement ni les autres Ygdraës qui commençaient à se sentir de trop. À cet instant, Solenn et Daràdir revinrent, les bras chargés de parts de galettes. Plus expérimentés, les Ildra surent masquer la gêne que provoquait leur proximité avec le Ma'Ahid et saluèrent respectueusement les Ecuyers de l'Aurore et leurs enfants, s'excusant de n'avoir ramené des parts que pour les Ygdraës. «Nous ne savions pas que vous connaissiez Astriid. Voulez-vous que nous allions en rechercher pour vous ?» Dit Daràdir, un peu gêné. Solenn, une petite blonde menue au doux sourire engagea une discussion afin de détendre les autres plus jeunes Elfes et les intégrer à la conversation. «Avez-vous vu ? L'Empereur Noir a fait une apparition remarquée avec une de ses Dames Noires, la petite Vaughan je crois, qui est tombée dans ses bras. Voilà qui va donner de quoi jaser aux Magiciens autour de leurs éternels goûters.» Raïm se renfrogna et émit un grognement qui aurait pu se traduire par : «la simple présence des Sorciers fout le bordel et ça commence à puer sérieusement et j'aurais jamais dû accepter de les emmener à cet évènement.» Mais personne ne fit attention à lui et les parts de galette furent distribuées. Prenant confiance en elle, Astriid préféra faire basculer Sif contre elle en la maintenant avec son bras plutôt que la rendre à Mancinia, déjà sous le charme de la petite qu'elle ne voulait plus lâcher. Le bébé s'empara aussitôt des boucles cuivrées d'Astriid pour jouer un peu avec avant de les fourrer dans sa bouche pour les mâcher avec application. «Qu'est-ce qu'elle est mignonne !» S'extasia l'Ygdraë sans se préoccuper de la douleur de son cuir chevelu malmené et Raïm leva les yeux au ciel, insensible au spectacle peu ragoûtant du bébé baveux. «J'ai cru comprendre que ceux qui trouvaient la fève allaient rencontrer l'Empereur Noir ou bien l'Ultimage.» Intervint Aëvanna et Astriid regarda sa part avec suspicion comme si elle contenait du poison. Le Boräk émit un rire sardonique et lança à la rousse : «Ne fais pas cette tête, je te forcerai à la revendre si tu l'obtiens. Ta mère m'arracherait la tête si elle apprenait que je t'avais laissé rencontrer le Grand Chaos.» L'Ygdraë lui aurait bien tiré la langue mais elle se devait de montrer l'exemple désormais et elle se fendit d'un simple sourire crispé pour toute réponse avant de mordre dans la galette et de reprendre ses risettes avec Sif. Comme si elle voulait le rencontrer de toute façon. Elle allait lui parler de fleurs et il allait lui ronfler au nez, dans le meilleur des cas. L'Ygdraë se souvint des coupures de journal qu'elle avait reçu à Melohorë, tissant des rumeurs dérangeantes sur la relation qu'Elias Salvatore entretenait avec sa fille adoptive Eméliana. Même elle avait assez de jugeotte pour rester loin de ces personnalités problématiques, elle n'avait pas besoin de Raïm pour le savoir, songeait-elle naïvement. «Nous ne voudrions pas vous imposer notre présence trop longtemps. Je vois que vous êtes venus en famille et je ne souhaite pas que nous gâchions ces moments précieux. Peut-être nous reverrons-nous un peu plus tard autour d'une autre des activités proposées ?» Proposa poliment Daràdir.
Message III | 1363 mots Je laisse Astriid dans le tirage, par curiosité huhu Mancy, si tu veux on peut s'arrêter après ça ? Je répondrais peut-être juste à ta prochaine réponse pour te rendre Sif (ou pas nyark nyark)
Merci Mancy pour la signature
Merci Jil :
Kaahl Paiberym ~ Sorcier ~ Niveau VI ~ ◈ Parchemins usagés : 3705 ◈ YinYanisé(e) le : 25/06/2015◈ Activité : Professeur
Sam 15 Mai 2021, 21:32
La Galette
Le cri retentit jusque dans les couloirs du palais. « Mes cheveux ! Mes cheveux ! Qu’est-ce qui… ! Aaahh ! » Il y eut du mouvement. Les futures épouses d’Elias, les Sorcières, n’avaient pas encore intégré le château leur étant destiné. Le Grand Chaos n’avait même pas jugé utile de les rencontrer. Il avait chargé le Chancelier Masskinn de les choisir pour lui à la dernière minute. Je l’avais entendu de la bouche de Réta. L’adolescente se trouvait à côté de moi. Elle tenait à se promener partout accompagnée d’une horrible peluche en forme de chat, ce qui créait un malaise certain. Comme une ombre, elle tentait maladivement de ne jamais croiser la route du Grand Chaos. Tout le monde ici savait qu’il adorait la tuer dès que sa présence l’exaspérait. Je n’avais jamais compris qui elle était : sa fille, sa sœur, sa mère, sa grand-mère, une créature qu’il avait ramenée de l’un de ses nombreux voyages ? Le mystère demeurait entier mais il y avait quelque chose chez elle qui me glaçait le sang, sans qu’elle ne fût impressionnante pour autant. C’était d’ailleurs une victime. Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas croisé Érasme mais je savais que, lui aussi, adorait la tuer. « Comment va le Prince Érasme ? » Le silence s’installa. « Il doit avoir quoi, huit ans peut-être ? » Réta se mit à rire. « Ma pauvre. Tu n’y es pas du tout. Basphel ne te réussit pas. C’est ça de ne pas revenir à Amestris souvent. » Je la fixai un instant. Peut-être que, moi aussi, finalement, je finirais par essayer de la tuer.
Comme les cris avaient fait place aux pleurs et ne cessaient pas, je soupirai bruyamment. « Ne peut-elle donc pas se taire à la fin ? » rouspétai-je, plaçant mon agacement premier contre la brune dans la critique de l'inconnue. « Nous devrions aller voir… » proposa celle qui avait été adoptée par l’Empereur Noir. « Non. Je vais voir. Toi, tu restes ici. En plus, tu n’as toujours pas enfilé ta robe pour aller chercher une part de galette… » Parler de la galette me gêna particulièrement. Imaginer la nourriture proche de mes lèvres me donna envie de vomir, si bien qu’en me levant hâtivement pour échapper à cette vision, ma vue se flouta. Réta m’observa. « Je mangerai ta part. » déclara-t-elle. « D’ailleurs, avant que tu ne partes, peut-être que je tenterai les tests pour Basphel moi-aussi. » Elle disait ça parce que le Grand Chaos ne se montrait presque plus. Il revenait pour les affaires exceptionnelles et repartait aussitôt vers des occupations mystérieuses. Je savais qu’il devait être crucifié mais la date n’avait pas encore été arrêtée. Il était le Roi, il avait le privilège de tout contrôler, même le temps de son supplice. Néanmoins, je ne comprenais pas les fondements de son acceptation. « Bien. » lui dis-je, certaine qu’elle ne réussirait pas et qu’elle ne viendrait donc pas mettre son petit nez de fouine dans mes affaires.
Une fois dans le couloir, j’entendis plus nettement les voix qui s’élevaient. « Ce n’est pas grave Dame Naseph, nous allons arranger ça. » « Mes cheveux ! Regardez-les ! » Je ne la connaissais pas mais cette femme était réputée pour la beauté de sa chevelure. Elle descendait jusqu’à ses reins en de magnifiques ondulations dorées. Elle était d’une délicatesse qui faisait beaucoup d’envieux. Elle était adulte mais ressemblait à une jeune fille. C’était pour cette raison que le Masskinn l’avait choisie, en connaissance des goûts de l’Empereur Noir. Physiquement, elle ne paraissait pas plus âgée que je l’étais. Néanmoins, son apparence avait un coût. Ses parents avaient vu juste, en prévoyant l’accession d’Elias Salvatore sur le trône. Ils avaient parié sur cette situation et avaient tout fait pour préserver la pureté infantile de leur fille. La pauvre s’étalait des quantités astronomiques de crème sur le visage, sans parler de son régime alimentaire et de tout ce qui tournait autour de la divine jeunesse. La magie aidait, certes, mais il était inconcevable de ne parier que sur celle-ci. La pauvre pleurait, après une mésaventure qui ne fut portée à ma connaissance que bien plus tard. Quelqu’un de malintentionné avait versé de la crème dépilatoire dans son masque pour les cheveux. Ces derniers étaient fichus sur une bonne longueur. La supercherie ne s’arrêtait pas là puisque d’autres produits avaient été intervertis ou corrompus. Heureusement pour elle, son malheur ne s'étendrait pas au-delà de ses cheveux.
Alors que je m’apprêtais à retourner dans mes appartements, je perçus un mouvement dans le couloir. C’était un homme, pas très vieux mais adulte. Il me sembla tout de suite avoir une démarche particulièrement étrange, comme s’il souffrait des articulations. Dans l’une de ses mains, il tenait un pipeau. Il ne payait pas de mine mais quelque chose chez lui était princier. S’il était ici, c’était sans doute pour une raison. Lorsqu’il me vit, un sourire macabre s’installa sur son visage et il s’approcha de moi d’un pas décidé. « Tu ne trouves pas que les cris de cette trainée sont réjouissants ? » « Excusez-moi ? » répondis-je, soudainement indignée par tant de familiarité. « C’est amusant parce que tu étais plus grande dans mes souvenirs. » dit-il. « Tu crieras aussi si je t’embrasse ? » J’eus un mouvement de recul. « Je ne vous permets pas ! » Je fronçai les sourcils. Il capitula. « D’accord d’accord. Mais je reviendrai pour toi quand le moment sera venu. » Mais que racontait-il ? « Je vous l’interdis ! » claquai-je. « J’aime quand on m’interdit. Ça me donne d’autant plus envie de forcer. » Il n’insista pas physiquement. Je voyais une forme de retenu chez lui. Ce n’était pas forcément de la crainte mais il y avait quelque chose qui l’empêchait d’aller plus loin. « Fais attention aux monstres sous ton lit, Princesse Eméliana. » Il tourna les talons et partit, en jouant du pipeau avec de nombreuses faussetés qui me cassèrent les oreilles. Qui était donc ce taré ? Le portrait craché de son père mais, pour le reconnaître, il fallait déjà savoir qui était le père en question.
Une fois dehors, mon trouble était toujours présent. Réta s’était habillée, à sa façon. Cette fille était très dérangeante. Ses ténèbres étaient tordues, incohérents. Son corps était joli mais elle me donnait l’impression d’être à moitié folle. C’était sans doute la conséquence des mauvais traitements de l’Empereur Noir. À force de se faire tuer et de revenir, quelque chose ne devait plus tourner rond dans son esprit. « Vous voyez, Dame Naseph. Vos cheveux sont très jolis comme ça. Ils vous donnent même l’air d’être plus jeune. » Je tournai les yeux vers la concernée, dans la rue. Ainsi donc était-ce elle, la Vicomtesse Aure Naseph ? Je ressentis une pointe de jalousie face à ce petit bout de femme qui semblait aussi jeune que moi et, surtout, bien plus belle. J’aurais préféré qu’on lui balançât de l’acide dessus afin de brûler sa peau trop lisse et qu’on lui cramât le cuir chevelu au lieu de lui laisser une chance de s’en sortir à si bon compte. « C’est vrai qu’elle est plus belle que toi. » dit Réta, sans aucun filtre. Mon regard furieux se tourna vers elle et elle ricana gentiment, comme une pauvre idiote. C’était elle que j’allais faire incinérer.
« Lucius ! Ralentis ! N’oublie pas que tu es un gamin dans un grand corps ! Tu vas encore tomber ! » Je ris, à moitié essoufflé par l’effort, avant de me tourner vers elle. « J’aime tellement Vervallée ! » « Oui, mais Vervallée ne va pas s’envoler ! » me sermonna-t-elle gentiment. « Oui madame ! » dis-je, avec amusement. J’étais réellement heureux, malgré la situation qui touchait ma famille. Mon déni était tenace. À Adraha, et parce que j’étais petit lorsque j’y avais été envoyé, j’avais inconsciemment pris soin d’oublier tout ce qu’il y avait de mauvais. J’écrivais soigneusement à Pauline, à Minéphore, à mes anciennes nounous et à mes frères et sœurs qui vivaient, depuis l’assassinat de Constantine, sur Boraür la majorité du temps. Papa avait mis en vente le château mais les nombreuses propriétés qui étaient siennes servaient à accueillir la famille dès qu’il y avait un besoin. La baronnie restait sous sa garde. Cendre habitait une maison proche des Palais de Coelya. Elle l’occupait lorsqu’il n’y avait pas cours et dormait directement sur place le reste du temps. Elle avait décidé de reprendre plus sérieusement des études, d’après ses lettres. Elle aussi, avait été plongée dans le déni un certain temps. Pourtant, depuis peu, elle avait en tête de trouver sa voie et de s'accomplir dans cette dernière. J’étais dans la même optique. Je voulais protéger les miens et évoluer chez les Dragonniers. Je m’inquiétais pourtant pour mon père. Il ne répondait pas à mes lettres, ce qui me peinait. Je n’étais qu’un enfant dans le corps d’un homme et je n’étais pas taillé pour gérer un mal-être si profond qu’il m’était impossible à comprendre. Mon développement cognitif avait été plus rapide que la moyenne et j’avais les moyens de raisonner comme une grande personne mais je manquais de repères. Ma croissance, trop rapide, ne m’avait pas donné le temps de m’habituer. Tous mes comportements reflétaient donc une certaine puérilité.
Quelques lunes seulement s’étaient écoulées depuis les drames mais il me semblait, à moi, que tout ceci s’était passé il y avait une éternité. Je désirais ardemment croiser mon père aujourd’hui. Je savais néanmoins qu’il voyageait avec l’armée. Il ne serait donc pas là, pas plus que la plupart de mes frères et sœurs. J’avais pourtant eu l’autorisation de me rendre chez Cendre afin de récupérer Ilias. Mon petit frère avait fait un caprice si violent pour me voir que Pauline l’avait laissé voyager en compagnie du soldat dévolu à sa protection. Aujourd’hui, il n’y aurait néanmoins pas besoin de gardes du corps. La protection du territoire avait été renforcée pour l’événement. « Les dragons me manquent déjà ! » clamai-je. Lyvie sourit. J’étais infernal avec les dragons. Pourtant, elle était également membre des Dragonniers. Elle savait juste lâcher du lest, là où je ne le faisais jamais. « On rentrera dès que les événements seront terminés. » me rassura-t-elle, en ne sachant pas si c’était ce genre de phrases que je recherchais actuellement.
« Cendre ! » Je serrai dans mes bras la jeune fille. « … Lucius ? » me répondit-elle, complétement déboussolée. Incrédule, elle me regarda de la tête aux pieds. Lyvie crut bon d’intervenir. « Je sais. Ça surprend, n’est-ce pas ? » À l’intérieur de la maison, il y avait un homme blond. C’était son protecteur, tout comme la Dragonnière était la mienne. Elle me faisait bien plus souffrir qu’elle ne me protégeait lors des entraînements. Je n’étais pas bon mais elle avait à cœur de transformer mon corps longiligne et haut en quelque chose de potable. Pour monter les dragons, j’avais besoin de muscles, ce que je n’avais pas. « Lulu ! » s’exclama Ilias, comme si, lui, ça ne le surprenait pas tant que ça. Le petit frère timide que j’avais laissé était toujours là mais il était heureux et ne s’encombrait pas de choses qu’il jugeait peu importantes. Que je fisse un mètre ou un mètre quatre-vingt-cinq, je restais son grand-frère adoré. « Regarde ce que j’ai eu sur Boraür ! C’est un serpent en bois ! » commença-t-il. Il me paraissait tellement petit que ça me fit une drôle d’impression. Même Cendre était devenue minuscule par rapport à moi. « Trop joli ! Tu aimes les serpents maintenant ? » « Oui ! » C’était une nouvelle passion, une que je ne lui connaissais pas. Je relevai la tête vers la Magicienne. « Tu as des nouvelles de papa ? » Elle se pinça les lèvres. « Vaguement par Arsène. » Et il ne lui disait pas tout. « Ne t’inquiète pas, il reviendra lorsqu’il ira mieux. Pauline ne cesse de me dire qu’il lui faut simplement du temps. Il a toujours été là avant, non ? Alors cette fois, c’est à nous de l’attendre et de faire de notre mieux. » Elle ne faisait que répéter les paroles qu’elle avait entendues. « Et puis, tu sais, il a des choses à faire avec l’armée. Tu as entendu parler de ce qu’il s’est passé à Port Dirælla ? » « Non. » « Je vais t’expliquer mais entre d’abord au lieu de rester planté là comme une courgette ! »
Dehors, je tenais Ilias par la main. L’enfant avait des cheveux qui tiraient sur le bleuté et de grands yeux céruléens. Les miens étaient changeants. Parfois, le bleu ressortait. La plupart du temps, le vert dominait. « Il y a tellement de monde ! » dis-je, en direction du Mage. Il hocha la tête. Lyvie nous suivait tranquillement en tenant les trois parts de galette dans les mains. Nous essayions de nous frayer un chemin à travers la foule, près du lac. Sans le savoir, je venais de manquer mon père de peu. Je ne l’aurais, de toute façon, pas reconnu. Néanmoins, mon regard ne manqua pas une silhouette, à quelques mètres de moi. « Oh ! Regarde ! C’est Laëth ! » Je décidai de porter l’enfant et me dirigeai à grands pas maladroits vers elle. Je le posai au sol à deux mètres et m’élançai. Mes bras l’entourèrent. « Laëth ! » « Lucius ! » cria Lyvie. « Tu oublies que… Raa mais ce gamin est infernal ! »
Le parasite avait été retiré, ni vu ni connu, sans que la Sorcière n’eût à souffrir d’un quelconque opprobre. Son père avait voulu la battre, lui faire regretter son acte, mais la mère de la brune ne l’avait pas laissé faire. Non. Au lieu de cela, elle avait pris les preuves qu’elle détenait contre son époux concernant le meurtre de l’une de ses femmes et d’autres affaires douteuses - notamment de la corruption vis-à-vis du pouvoir et quelques réunions politiques dans lesquelles il avait critiqué ouvertement l’Empereur Noir - et était allée les déposer à l’endroit adéquat. Lédovinia savait que ce n’était pas tant l’assassinat de Nazarine qui avait décidé les autorités à agir, ce qu’elle comprenait parfaitement. Plaindre cette truie, ou même chercher à défendre les intérêts d’un boulet parmi la famille Taïmon, n’était pas recevable. Ce qui faisait que son cher et tendre époux était aujourd’hui en prison - après un procès aussi expéditif que prévisible - c’était les paroles qu’il avait proférées à l’encontre du Grand Chaos. La liberté d’expression n’était pas un concept que les Mages Noirs avaient à cœur, surtout lorsqu’il s’agissait de critiques vis-à-vis du pouvoir. Quant à Gézielle, Lédovinia lui avait clairement fait comprendre que si elle restait ici, elle trouverait le moyen de la faire tomber à son tour. Comme la concernée venait de voir de quoi son interlocutrice était capable, elle avait préféré capituler et partir s’installer à la campagne, chez de la famille éloignée, promettant de ne jamais revenir fouler le sol de la demeure.
« Tu comprendras bien vite, ma fille, que le monde appartient aux femmes. » lui avait murmuré sa mère, le jour où Mathias avait été embarqué par les autorités. Cette phrase n’était pas anodine, considérant la famille à laquelle elles appartenaient toutes les deux. Les Taïmon était une famille dirigée par un homme. Le système patriarcal qui y régnait était on ne peut plus sexiste. Les femmes étaient perçues telles des objets de décoration, tout juste bonnes à faire des enfants. Elles n’étaient pas considérées comme aptes à réfléchir et dès que l’une d’elle haussait le ton, elle était accusée d’hystérie et, son mari ou son père, pour ne pas avoir réussi à se faire respecter, devait le plus souvent la battre violemment devant les autres ou même la tuer si la majorité des hommes étaient pour. « Je vais t’apprendre l’art qui est le mien. Mais avant cela, tu vas devoir m’expliquer ce que tu désires vis-à-vis de ces esclaves qui sont tiens. Tu sais à quel point c’est mal vu de s’accoupler avec ces choses. » Lédovinia avait marqué une pause. « Réfléchis à ton projet consciencieusement et, dès qu’il sera prêt, présente-le-moi. En attendant, je vais mettre de l’ordre dans cette maison. Elle a été gérée par un incapable depuis bien trop longtemps. » Puis, sa mère s’était déplacée vers un buffet. « Et lis ça. Ça parle de toi. » ordonna-t-elle. « Autant que tu le saches. » Elle aurait pu reconnaître sa fille entre un million. Les enfants des autres femmes évincés en même temps qu’elle, Morgane devenait l’héritière. Lédovinia se battrait pour qu’elle ait tout.
La galette était normalement un événement magicien mais Morgane n’était pas mécontente de l’union des deux peuples la concernant. C’était un énième moyen de faire la différence parmi la foule. « Lédovinia. Votre fille est en train de devenir une femme, dîtes-moi. Il faudra très certainement commencer à lui chercher un époux, ce qui ne sera pas aisé après ce qu’il s’est passé. » Les langues de vipère étaient à l’œuvre. La Sorcière ne se laissa pas démonter le moins du monde. « Vous avez entièrement raison. Cet événement fâcheux devrait servir d’exemples à bien des familles. Certaines femmes sont bien trop laxistes envers leur époux, alors même qu’ils fomentent contre l’Empereur Noir sous leur nez. Que pensez-vous qu’il adviendrait d’une femme qui, contrairement à moi, ne dénoncerait pas ce type de comportements ? » Parce que le mari de son interlocutrice était un habitué des groupes de paroles auxquels se rendaient Matthias. Les deux femmes le savaient. Lédovinia plissa légèrement les yeux, avant de revenir au sujet initial. « C’est vrai que Morgane grandit vite. Elle deviendra bientôt encore plus belle et, je vous l’assure, malgré les récents événements, bon nombre de Sorciers voudront l’avoir pour épouse. Ils devront alors ramper longtemps car ma fille commence à avoir quelques prédispositions pour le pouvoir. Lorsqu’elle sera accomplie et, eu égard à la réputation de la Dynastie, seuls les plus grands pourront l’approcher. J’envisage même la possibilité de la marier à la Couronne. » Parce que la mère de Morgane n’avait peur de rien affirmer. « Elle sera bien trop vieille pour l’Empereur Noir. » « Oh mais je ne vise pas l’Empereur Noir, ma chère. » Malgré ses dires, Lédovinia préférait sa fille libre de toute attache. Célibataire, elle aurait d’autant plus de pouvoir de persuasion. Elle désirait simplement faire courir la rumeur pour avoir le loisir de rembarrer les jeunes prétendants et l’occasion de discuter avec leurs parents. Le feu du pouvoir s’entretenait. Elle devait asseoir son ascendance politique. Pour ça, il lui fallait des alliés et, et elle le regrettait, sans doute un nouveau mari. Cela dit, elle le prendrait jeune, pour pouvoir le modeler à sa guise. Ce n’était pas la main de Morgane qu’elle cherchait à confier mais la sienne, à un riche héritier de préférence, un riche héritier titré. Le fruit de ses entrailles pourraient alors profiter de cette opportunité elle-aussi.
Plus loin, Morgane était en train de manger une part de galette en compagnie d’amies qui ne cessaient de se jeter des œillades complices. Vu la situation, c’était bien trop tentant de venir baver sur la colombe à terre. La Sorcière, elle, ne s’apercevait pas des stratagèmes à l’œuvre. Elle se fichait de ces gens comme de la première fois où elle avait mangé une carotte. À vrai dire, elle pensait à celles de ses esclaves et comment les utiliser utilement. Sa mère lui avait demandé de lui exposer un projet et ce projet lui plaisait bien plus que la majorité de ses cours. Elle avait envie de se documenter et d’y réfléchir longuement. Lédovinia déciderait de la viabilité de la chose en temps voulu.
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Adriæn Kælaria ~ Sirène ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 242 ◈ YinYanisé(e) le : 20/01/2021
Hermelle ne voulait pas voir Adriæn et c'était une source de disputes fréquente entre elle et Johannês. Læn ne comprenait, en effet, pas ce qui lui déplaisait chez lui. Son aînée était pourtant la plus consciente des deux de la véritable nature du blond. Elle le considérait comme un pervers narcissique, ce que confirmaient ses nombreux livres de psychologie. Il l’avait approchée et elle avait , au fur et à mesure, commencé à ressentir un malaise grandissant entre lui et elle. Il paraissait sympathique, s’attirait de nombreuses amitiés et, lorsque les gens n’allaient pas en son sens, il se plaignait que sa façon d’être n’était pas forcément celle qui était attendue et que, en défiant la norme, forcément, la norme désirait se venger. Ce n’était jamais sa faute. De toute façon, les autres n'étaient que des hypocrites. Il ne s’excusait qu’en public, à dessein, pour que le monde pensât qu’il était la victime. S’énerver contre lui ne produisait rien de bon, tant il avait l’air innocent. Pire, la faute retombait inévitablement sur celui qui s’était agacé. Il fallait être attentif pour déceler le poison. Un suivi minutieux de la relation était nécessaire, car les épines du blond n’étaient que d’infimes morceaux de phrases, sur lesquelles de nombreuses conversations avaient déjà eu lieu en privé. Le public ne savait pas à quel point il appuyait là où ça faisait mal. Le public ne savait pas que son air innocent n’était que le masque d’une connaissance accrue du sujet. Et, dans cette relation malaisante qui était née entre eux, Hermelle n’avait jamais réussi à prouver sa position. Que dire à son frère ? « Johannês, ne traîne pas avec lui, il est néfaste. » ? Non. Parce qu’elle était incapable de justifier ce que son instinct lui dictait. Elle doutait même, parfois. Peut-être avait-elle tort ? Et elle essayait de faire des efforts, en se convainquant que ce n’était que son imagination. Mais, dès qu’elle voyait l’Ondin, dès qu’il lui adressait la parole, dès qu’il essayait de jouer avec elle, alors elle se rappelait ce fait : cet adolescent était un manipulateur et elle ne devait jamais, jamais, le laisser l’approcher de nouveau. Parce qu’il était ainsi. Il était de ceux à comparer, l’air de rien. « Elle est quand même plus attachée à moi que toi. » « Elle, au moins, elle m’est fidèle. Toi, vraiment, je ne sais pas sur quel pied danser… J’ai du mal à savoir si tu m’aimes ou non, vu que tu as tellement d’amis. » « Tu n’as pas le sens des priorités. Moi, au moins, je n’ai que très peu de véritables amis. » « Ce que tu dis n’as pas de sens. » Il était le genre à vouloir accaparer l’amour et l’attention, sous couvert de bonté et d’indépendance, sous couvert d'humour et d'originalité. Il distillait son venin tranquillement. Il aimait recevoir sans donner. Il ne se confiait pas et laissait les autres lui dévoiler leurs secrets. Au-delà de ça, il avait toujours eu de grands projets, des envies de voyage ici et là, des envies d'entreprises qui consisteraient à « donner » aux autres. Il ne les mettait pas en œuvre, jamais. Quand il échouait, c'était la faute des autres ou du système. Il aimait simplement être admiré et, à force de l’observer, elle avait compris à quel point il était vide. Si elle avait douté longtemps qu’il fît exprès, elle avait fini par se rendre compte que, si, il le faisait exprès. Finalement, il avait fini par lui inspirer de la pitié et elle ne pouvait faire que se sentir triste pour Læn, de s’être attaché à un individu pareil. Parce qu’Adriæn ne serait jamais content pour lui. Il ne vivait que par comparaison avec autrui. Si son frère allait bien, alors il n’irait pas bien. Si son frère entreprenait quoi que ce fût, alors il trouverait toujours à y redire. « Vraiment, il ne manquait plus que ça, c’est dommage… » Jamais de compliments, jamais d’encouragements, ou alors à desseins. Il absorbait sa joie. Voilà comment était Adriæn et c’était la raison pour laquelle Hermelle avait décidé de l’éviter le plus possible. Elle ne pouvait pas ne plus le voir, car il venait rendre visite à Læn souvent, mais si elle avait pu, elle l’aurait exclu de son existence à jamais.
Alors, lorsqu’elle ouvrit la porte et qu’elle constata que le blond se trouvait derrière, elle se tendit. « Johannês ? Ton ami est là. » « Tu ne me salues pas, Hermelle ? » « Non. » répondit-elle, avec un sourire aussi crispé que déterminé. Elle ne devait rien lui laisser : aucune place à accaparer, aucune parole qu’il aurait pu retourner contre elle. Il prit un air désolé. « Je ne te comprends pas… » « Il n’y a rien à comprendre. Je ne veux plus ni te voir ni te parler. » « Pourquoi ? » « Les raisons me regardent. » « Je ne t’ai rien fait pourtant… Mais si tu veux… » La mauvaise foi à l’état pur. Encore un moyen de passer pour la victime. « Tu… » commença-t-elle, avant de juger qu'il était préférable de ne pas répliquer. Plus elle se justifierait et plus il aurait d'emprise. Il ne l’avait jamais frappée. Il ne l’avait jamais blessée physiquement. Pourtant, ses mots étaient comme des rasoirs qu’il avait enfoncé profondément dans sa chair. Parce qu’elle l’avait vraiment apprécié avant de se rendre compte que la relation, jamais, ne donnerait quoi que ce fût. Il était incapable d’aimer sainement. Il s’était servi d’elle pour flatter son égo et obtenir ce qu’il désirait. Il aimait la voir souffrir, la voir se morigéner durant des heures à propos d’une conversation qu’ils avaient eu et à laquelle il n’accordait aucune importance. Ce qu’il aimait, c’était la voir s’excuser alors qu’elle n’y était pour rien. Il prenait un plaisir malsain à la voir essayer de recoller les morceaux. Et, à vrai dire, le jour même où elle l’avait laissé là, en décrétant que tout était terminé et qu’elle ne ferait plus d’efforts, il en avait voulu au monde entier, avait soupçonné les autres d’être des messagers de Hermelle venus constater sa blessure. La fausse Magicienne, elle, n’avait jamais fomenté contre lui. C’était fini et c’était tout. Ça, il avait du mal à l’avaler. Qu’elle pût se passer de lui était véritablement douloureux et le ramenait à son ego blessé, à son manque d’estime de lui et à ses propres failles. Il s’était promis de la récupérer parce qu'il voulait être le seul à décider du moment de la rupture mais elle ne lui avait laissé aucune opportunité depuis. Son obstination à le refuser en bloc le rendait impuissant. Tout ce qu'il pouvait faire maintenant, c'était feinter l'indifférence. Finalement, la seule façon de se débarrasser des pervers narcissiques étaient de leur opposer une fin de non-recevoir et de s’y tenir, peu importassent les conséquences. Quant à Johannês, Hermelle espérait qu’il s’en rendrait compte de lui-même.
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Adriæn Kælaria ~ Sirène ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 242 ◈ YinYanisé(e) le : 20/01/2021
« Monte, Adriæn ! » Adriæn leva les yeux vers la cage d’escalier, avant que son regard ne revînt sur Hermelle. « J’y vais. » « C’est ça. » fit-elle, en l’observant se déplacer et disparaître. Une fois qu’elle fût sûre qu’il n’était plus à proximité, elle laissa un soupir de soulagement sortir d’entre ses lèvres et retourna à ses occupations.
Lorsque l’Ondin entra dans la chambre de Læn, celui-ci était torse nu, occupé à désinfecter des plaies. Il s’était encore battu et il n’avait visiblement pas gagné. « Encore ? » lui lança le blond. « Oh c’est bon, ferme-la ! » lui dit-il, de mauvaise humeur, en tentant d’atteindre son propre flanc avec le coton. « Tu pourrais demander à Hermelle de te soigner au lieu de faire ça à l’ancienne… » « Non. Elle me fait chier. » Si Hermelle avait peur pour Læn lorsqu’Adriæn était là, elle n’était pas non plus une sœur aimante et protectrice. La preuve : elle préférait laisser son frère se débrouiller. Elle aurait pu tenter de lui expliquer, en y mettant les formes, que l’Ondin avait des comportements un peu déplacés mais elle n’avait pas envie de s’en mêler. Au-delà de ça, son frère était orageux et s’agaçait vite. Ils oscillaient tous les deux en permanence entre conflits et paix. Les paroles de Johannês dépassaient parfois ses volontés et Hermelle était souvent blessée par sa faute. Ça ne faisait que creuser une forme de fossé entre eux. « Ah ? Pourquoi ? » « Rien qui te concerne. » Autrement dit, dans le langage de Læn, ça voulait dire que ça concernait Adriæn mais qu’il n’avait pas envie de lui en parler.
Le concerné fit un mouvement vers le brun. « Laisse-moi t’aider. » « Non c’est bon. » « Sérieusement ? Vu où c’est, tu ne l’atteindras jamais. En plus je n’ai pas que ça à faire de te regarder te battre avec ce flacon et ce coton. Tu te souviens que j’ai invité un ami à venir manger une part de galette avec nous, nan ? » « Ouais. C’est qui déjà ? » « Ræn Mynceria. » Adriæn marqua une pause. « Ne t’étonne pas s’il ne te considère pas spécialement. Les Ondins sont racistes. Il vient surtout pour moi. » « Ouais bah si c’était lui que tu voulais voir, t’avais qu’à pas venir ici me chercher hein ! » maugréa Læn avec humeur. Son ami sourit en prenant de quoi le soigner. « Quoi ?! » interrogea le faux Magicien. Les doigts du blond amenèrent le coton sur ses côtes. Il resta silencieux. « Quoi ?! » répéta le blessé. Adriæn releva les yeux sur lui. « Je te manque ? » « Quoi ? Nan mais… » Il fit la moue. « Bah… Ouais. Un peu. Normal quoi. » finit-il par avouer. « Tu es jaloux de Ræn ? » « Jaloux ? Nan mais pourquoi je serais jaloux ? Tu te prends pour qui ? Le seul de mes potes ? J’en ai plein d’autres, des amis ! » Pas vraiment. Le problème c’est que même si Læn était attachant, sa tendance à la violence écartait ses proches de lui. Adriæn était le seul ami d’enfance qui lui restait, le seul qui avait réussi à le supporter et qui l’avait défendu. « Je vois. » murmura l’Ondin, en appliquant de la crème sur le bleu qui entourait la blessure. Le bout de son index parcourut sa peau. « Qu’est-ce que tu fais ? » se défendit le faux Magicien, en s’écartant un peu. « Rien, je constate les dégâts. Arrête de t’imaginer des choses. » « Je m’imagine rien ! » « Alors pourquoi tu recules ? » « Je recule pas ! » « Qu’est-ce que tu peux être têtu parfois. » sourit-il, en plaisantant. Le souci c’est qu’il n’était pas que têtu.
« Oui ? » demanda Hermelle, lorsque la cloche au-dessus de la porte retentit de nouveau. Elle avait ouvert le battant et était à présent devant un adolescent grand, à la mâchoire marquée. Il y avait une certaine rigidité dans sa manière de se tenir. Il la regardait avec un orgueil à peine dissimulé. « Ræn Mynceria. » déclara-t-il, avec un fort accent. S’il parlait le langage commun, c’était uniquement parce que le but de sa vie était d’éliminer les Sirènes qui avaient trouvé refuge sur la terre ferme afin d’échapper au courroux de la royauté. Il n’en était qu’au début de ses fonctions mais il avait appris le commun depuis tout jeune. Il le trouvait laid, comme à peu près tous les Bipèdes. « Adriæn m’a donné rendez-vous ici. » commença-t-il à expliquer. Hermelle eut du mal à le comprendre et n’eut pas besoin de faire davantage d’efforts. Læn et Adriæn descendirent les marches bruyamment. « C’est bon t’inquiètes. Retournes à tes trucs sans intérêt. On sort. » lui lança le brun, toujours mauvais par rapport à leur précédente dispute.
Une fois dehors, ses yeux noisette s’ancrèrent dans ceux de Ræn. Ils se ressemblaient un peu mais aucun des deux ne le remarqua. Adriæn, cependant, l’avait constaté assez facilement. Læn avait simplement les traits plus doux. « Ræn, je te présente Johannês, mon ami d’enfance. Je t’assure qu’il n’a rien à voir avec les autres terriens. » « Enchanté. » Il n’était visiblement pas enchanté mais il faisait l’effort de la politesse. « Ouais. Moi aussi. » Pas plus. « C’est quoi, ces choses que tu as sur le visage ? » Adriæn répondit à sa place. « Johannês adore se battre contre plus fort que lui. » Le concerné bouilla. « Oh ? On devrait se battre ensemble alors. » déclara le Mynceria, sans aucune gêne. Les Sirènes, de toute façon, étaient supérieures aux autres peuples. Forcément, s’ils s’affrontaient, il gagnerait. Un rictus se dessina sur les traits de celui qui avait les cheveux longs. « On va manger une part de galette et je t’éclate, si tu y tiens tant. » « C’est ça. » Le blond, déjà, voyait dans la relation entre les deux bruns un moyen de contrôle. Il sourit, avant de passer ses bras sur les épaules de chacun d’eux. « Allez ! On ne va pas se battre aujourd’hui. Vous savez que si on devait le faire, c’est moi qui gagnerais. » « Qu’est-ce que t’es con, du con ! » Répétition, suivie d’un rire. « L’espoir fait vivre, Adriæn. »
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Pulsar Verhoeven ~ Magicien ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 733 ◈ YinYanisé(e) le : 17/08/2018◈ Âme(s) Soeur(s) : June Hautbourg | Magicienne | PNJ ◈ Activité : Organisateur de Soirées [Rang II]
Dim 16 Mai 2021, 22:24
Illustration - Eren Arik
La Galette
En se retournant vers les courbes du bâtiment se dessinant derrière lui, le Magicien se disait que prendre sa vie en mains, s'était quelque chose. Était-il en train de devenir un véritable adulte ? Il y avait quelque chose de grisant et de terrible qui remuait dans son ventre, plusieurs sentiments mêlés, comme l'appréhension ou l'excitation. Après tout, c'était son choix. Pulsar s'était rendu au Ministère des Finances pour recevoir une éducation officielle en matière de gestion financière, comme les places étaient à prendre des mois à l'avance, il avait préféré démarrer par là. En tant qu'héritier, il avait déjà reçu de tels enseignements, mais cela ne concernait pas la gestion d'un manoir. Traditionnellement, c'était à l'épouse de gérer le domaine, ou à une Gouvernante qui avait été diplômée, mais que se passerait-il si sa compagne tombait malade une semaine, voire plus ? Et s'il se retrouvait démuni à quelque chose qu'il aurait dû anticiper ? Non, autant prendre de l'avance, c'était de nouveaux cours, mais on ne perdait rien à l'apprentissage, pas vrai ? La Marquise Leenhardt et le Capitaine Katzuta avaient un impact évident dans ma vie de June, elle ne voyait que par eux et leur Amour quasiment parfait. Ils ne manquaient pas de défrayer les chroniques, d'ailleurs, durant leur dernier voyage sur Boraür, ils les avaient vu danser ensemble. Ils dégageaient vraiment une aura caractéristique. Rien ne semblait être en mesure de les séparer.
Il n'y avait rien de plus agréable que de se promener, laissant librement leurs pas les conduire vers les divers lieux festifs autour du Lac Bleu. C'était vaste, ce qui évitait que l'on ne percutasse malencontreusement d'autres personnes. Monika trouvait qu'il n'y avait rien de mieux que la marche pour que le sang circule correctement dans le corps, elle était d'ailleurs habituée avec les longs trajets qu'elle réalisait dans le cadre de son travail, son endurance était toute correcte pour ses tâches, mais vraiment, la Magicienne ne parviendrait jamais à s'habituer aux talons. Elle avait mal, pourquoi les avaient-elles mis, déjà ? Son hésitation à les retirer revenait toutes les cinq minutes et elle aspirait à ce qu'elle et ses compagnons se posent quelque part pour les ôter discrètement.
— C'est une chance que la Marquise t'est laissée ton après-midi ! dit June en la prenant par le bras pour l'attirer vers elle, ravie. Je suis contente que l'on puisse encore se croiser malgré tes charges ! — Je trouve qu'on se voit beaucoup durant ce genre d'événements, pas toi ? demanda-t-elle en riant à sa cousine, ignorant alors son mal aux pieds. — C'est surtout parce qu'elle te laisse du temps libre ! — Oui, elle voulait du temps avec ses enfants. — Et le Capitaine Katzuta ! — Oui ...
La Magicienne avait un sourire malicieux, presque rêveur, en repensant aux Écuyers de l'Aurore. Elle avait eu la chance de les voir devenirs Prophètes d'Ësse'Aellun, un des Aetheri auquel elle croyait le plus. Même sans être mariés, ils véhiculaient des valeurs d'unité en étant une Humaine et un Ange, créant une Famille baignant dans l'amour et le respect de l'autre en ayant de nombreux adoptés, incluant une Ygdraë. Quant à Monika, son visage s'était troublé. Elle ne cessait de se dire que l'Insaisissable avait une chance inouïe d'avoir une telle personne à ses côtés, mais il lui était dur de comprendre ce sentiment qui lui oppressait la poitrine. Était-ce ... de la jalousie ? Pourquoi voulait-elle autant posséder la Marquise ? C'était un espoir vain, malgré la proximité que les deux femmes entretenaient, mais cela ne l'empêchait pas de rêver d'avoir plus. C'était déroutant, aussi, elle choisissait de l'ignorer. C'était le mieux à faire.
— ... Quoi qu'il en soit, elle nous a permit de nous libérer si nous le voulions.
En accordant leur temps aux Humains et aux Magiciens désireux de ne rien manquer au gré des semaines de célébration. Très rapidement, les deux demoiselles sont rejointes par le Comte Verhoeven, qui s'était absenté durant toute la matinée où elles avaient écumées quelques magasins et deux salons de thé. Les deux amoureux secrets, pas si secrets d'ailleurs, se retrouvaient un peu en sa compagnie avant de se mettre en route pour retrouver leurs amis. June n'avait eu aucune parole de Pulsar concernant son mal-être de l'année dernière. Il y avait toujours cette retenue polie entre eux, était-ce à cause des convenances ? Elle l'ignorait, sans doute le saurait-elle ... Peut-être. Ils se montraient de plus en plus ensemble, alors quelques rumeurs naissaient, mais pas plus que d'habitude. Le Vainqueur de l'Épreuve des Lyrienns était souvent bien entouré.
— La Marquise Leenhardt te traite bien, Monika ?
Cette interrogation soudaine ne la surprit pas. Souvent, le Magicien lui demandait si sa supérieure ne la maltraitait pas, mais elle n'eut pas à répondre par la négative, June paru agacée par ce énième sous-entendu et ne manquât pas de le lui dire.
— Par les Dieux, cela devient une obsession, Pulsar ! Tu devrais savoir qu'elle est adorable avec Monika ! D'où vient cette éternelle suspicion à son égard ? — June, tu es obnubilée par la Marquise Leenhardt, mais ce n'est pas une personne de bien. — J'espère que tu plaisantes ! répliqua-t-elle en fronçant les sourcils. Elle m'a sauvée la vie !
Pulsar s'était arrêté dans sa marche, observant la Magicienne très intensément. Il savait ce qu'il devait à l'Humaine, mais cela n'excusait pas tout.
— Peut-être que si elle avait eu une bonne conduite, elle n'aurait pas entachée sa réputation. — Ne jouons pas sur ce terrain, veux-tu ? — Ne vous disputez pas, intervint Monika. Nous étions aussi présentes et nous l'avons toutes écouter. Et puis, la Marquise, elle ... a présenté ses excuses, mais ... elles ont été poliment refusées.
Ce n'était pas quelque chose de connu et les concernées n'avaient pas ébruiter la situation. Les années étaient passées depuis, progressivement, les choses s'apaisaient dans le milieu mondain, tandis que la Fille du Soleil rétablissait son nom, en agissant envers les Anges de manière inconditionnelle. Les Magiciens étaient têtus, à l'image de Pulsar, mais pas aveugles.
— Oh, mais pourquoi ? demanda-t-il en croisant les bras. C'était un geste d'apaisement, elle aurait pu ne pas l'obtenir. — Qu'importe la raison ! reprit June. Mancinia essaie d'agir au mieux, même si elle commet des erreurs grossières et maladroites, ce n'est pas la première à répandre des rumeurs, ce ne sera pas la dernière ! Alors, cesse de la croire monstrueuse et écoute les personnes qui la connaissent, par les Aetheri ! — D'accord, d'accord, calme-toi ! dit-il en se reculant pour éviter le coup de poing dans l'épaule.
Sa compagne savait le menacer, Monika se mis à rire doucement. Une dispute sans conséquences, mais elle était néanmoins soucieuse. Rapidement, ils mirent la main sur leurs amis, qui dévoraient leur part de Galette. Assise, Monika se penchait pour frotter mes chevilles, tout en maudissant ses talons, qu'elle ôta rapidement pour laisser respirer ses pieds douloureux, avant de replonger ses yeux en direction de la Marquise, dont elle distinguait les traits. Elle était rayonnante. La Magicienne sourit.
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◊ DC de Mancinia Leenhardt ◊
Pulsar Verhoeven ~ Magicien ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 733 ◈ YinYanisé(e) le : 17/08/2018◈ Âme(s) Soeur(s) : June Hautbourg | Magicienne | PNJ ◈ Activité : Organisateur de Soirées [Rang II]
Dim 16 Mai 2021, 23:47
Illustration - Maureen Leymet
La Galette
— Et vous mettez quoi dans votre galette pour qu'elle soit moelleuse comme ça ?
La Déchue s'était mélangée à la foule, tenant négligemment un verre de muscat à moitié vide dans une main et une galette savoureuse dans l'autre. Sa soif de curiosité l'emportait sur celle du gosier et ce dernier devrait attendre pour être rassasiée, même si son envie de dévorer la part à peine achetée en un instant et d'en reprendre trente autres la tiraillait vivement. Sa Gourmandise vaincrait sans doute, à nouveau, sur tous les niveaux. Heureusement qu'elle avait les moyens et ne risquait pas la ruine à ce genre d'événements. C'était une tradition dans leur Famille que de venir sur le territoire Magicien pour célébrer l'événement, loin de vouloir acquérir la précieuse Fève que tous combattaient à obtenir pour succéder à Isiode Yüerell et Aylivae Song. Qui serait le prochain à subir les rumeurs des Mages Blancs et à se tenir aux côtés de l'Impératrice ? ... Qui aurait le malheur d'être près de l'Empereur et de subir les railleries des Mages Noirs ? Tout cela lui importait peu. Si Jeanne était présente, c'était avant tout une histoire de cuisine et de recettes. Certains vendeurs la voyait tous les ans, en compagnie de ses deux enfants et de son mari, d'autres, nouveaux, la découvrait, avec ses dizaines d'interrogation. C'était l'une des goûteuses les plus critiques, car elle savait reconnaitre une vraie réussite culinaire, ou un véritable désastre. Le vendeur qu'elle interrogeait lui répondait poliment, tout en servant ses autres clients.
Sa présence attirait quelques curieux, car les plus connaisseurs reconnaissaient l'Issemsith, qui était une tenancière respectée et reconnue. L'Arrêt au Port était très prisé des étrangers, alors qu'elle sourit et s'amuse à un stand était une publicité remarquable. Vraiment, chaque année était intéressante ! Les diverses galettes rivalisaient d'ingéniosité. Traditionnellement, la base était feuilleté, simplement dorée au four et fourrée de diverses confitures, de la frangipane, des fruits, des crèmes, du chocolat, ou tout autre mélange curieux et réussis. Il y avait aussi ce grand pain sucré en forme de couronne à la pâte plus ou moins aérée, dont le parfum à l'eau de fleur d'oranger ravivait le sens olfactif, ou encore la version de pâte sablée et fourrée de crème d’amandes. Après que tout soit rentré dans l'ordre, elle retournait voir Béatrice, qui était mécontente de ce gaspillage d'argent, même si l'Avarice qui la caractérisait s'y était habituée et en souffrait moins, maintenant qu'elle détenait son propre argent. Ses parts, Cédric les lui offrait volontiers. C'était un bon compromis. Jeanne s'installait auprès d'une demoiselle ayant une tenue originale, presque curieuse à ses yeux. Les Luxurieux l'avait habituée à la légèreté, sans doute que cette robe devait-elle était irrespirable. Pauvre Magicienne.
— Veux-tu bien te tenir droite ?
Sous les paroles de son aînée, Candice redressait immédiatement le visage et le buste. Elle avait une tenue réalisée avec un souci scrupuleux du détail, autant dire que le moindre mouvement de son corps était visible pour la connaisseuse qui se tenait à ses côtés.
— C'est mieux. — Excuse-moi, Alexandra. Je suis incommodée d'être dans cet endroit ...
Être chez les Mages Blancs la crispait tant elle avait ces derniers en horreur. Surtout devant les rumeurs qui circulaient sur la Dame Noire, la Vaughan, avec sa magie bleuté et ses airs candides qui devait donner aux autres épouses l'envie de lui arracher les yeux. Survivrait-elle plus d'une année ? Mieux le valait-il, pour l'Alliance. Cette union n'avait pas été très bien vue, y compris au sein de sa Famille. Même si elle n'oserait pas remettre les décisions du Grand Chaos en doute, ses plans en déroutaient plus d'un.
— Candice, tu es à un âge où tu dois cesser de t'excuser, compris ? — Oui. — Dans ce genre de lieu, tu dois tenir sur tes épaules l'honneur des nôtres et ce, même si personne n'attends rien de toi, assure-toi de ne rien montrer à autrui qu'il ne puisse se servir contre toi, surtout pas une de ces idiotes avec leur rire niais.
Loin d'être mauvais, les conseils de son aînée étaient utiles à la Sorcière. Elle était douée, excellant dans de nombreux domaines qui lui étaient encore défaillants et, bien que dans de nombreuses Familles, il était courant que les héritiers se créassent des ennuis, ce n'était pas leur cas. Il y avait un attachement certain, bien que mesuré et distant. Comment Candice n'aurait-elle pas été éblouie ? Élégante dans sa longue robe noire, agrémenté d'une parure discrète, Alexandra savourait son thé avec douceur, laissant entrevoir ses longs doigts aux ongles manucurées. Si la cadette avait tout hérité des hommes Eberhard, avec des yeux rougeoyants et des cheveux noirs, Alexandra avait hérité du côté féminin de leur mère. Sans doute qu'on aurait pu la croire Magicienne, mais à cette insulte, ses longs cheveux blonds seraient devenus les cordes dissimulées pour étrangler l'impudent, à moins que ses doux yeux émeraude deviennent un violent poison. Aurait-elle tout ce talent, un jour ?
— Avez-vous à redire, mère ? — Non, ma fille, tu seras toi-même une bonne épouse et une bonne mère.
Bientôt, ils l'espéraient tous, bien que la concernée aimait sa relative liberté.
— Candice ne doit pas être de votre avis, sourit-elle en l'observant. — Non, c'est ... J'apprends beaucoup avec toi, ma soeur. Souvent, l'apprentissage est douloureux, mais c'est un mal nécessaire.
Son sourire était sans doute le compliment le plus beau. C'était sans doute mieux que d'entendre parler de l'autre là, l'Humaine. On vantait ses charmes, son talent et ses actions, mais les membres de cette race étaient mieux là, dans les caves, dans les sous-sols, dans les laboratoires, à travailler et à servir la grandeur de la Nation Noire. Une Marquise Humaine chez les Magiciens ? Mais quelle idée. Le vieux qui lui avait céder ses biens devait être ivre, ou fou ! Peut-être avait-elle usé de ses précieux attributs pour le séduire et obtenir gain de cause ? Ce peuple était décidément crétin et soumis. Soudain, c'est elle que Candice vit, c'était un moment qui ne dura qu'un instant, car elle était passée rapidement, mais cela avait suffit à la laisser immobile, l'observant, comme si elle n'avait été qu'un simple plante de décoration.
— La Fille Taïmon.
Autre personne, autre sensation. Elle clignait des yeux en se retournant discrètement vers la concernée, qui riait au loin avec des amies.
— Ne deviens pas comme elle, Candice.
La Sorcière ne la connaissait pas. Pourquoi lui disait-elle ça ?
— As-tu lu ce Conte ? Celui des Trois Royaumes ? — Non, ma soeur. J'ai ... J'ai été accaparée par le Carnet.
Son Carnet, là où elle notait ses recherches, apprenait à réaliser des croquis, reconnaître les plantes, autant leurs vertus que les cauchemars qu'elles engendraient. Ce n'était pas encore le travail d'une chercheuse accomplie, mais qui sait ?
— Tu sais utilisée ton temps à des choses utiles, c'est très bien. Ne te surmènes pas, car cela te mèneras vers des erreurs et si tu as encore en mémoire ton échec à la Coupe des Nations, dis-toi qu'il s'agit là d'une épreuve qui te conduira vers quelque chose de plus grand.
La Sorcière se renfrognait, vexée de si peu. Les bras croisés contre sa poitrine, elle essayait de se trouver des excuses pour se convaincre que ce n'était pas grave de ne pas être la meilleure. Elle était encore jeune, sa magie n'était pas comme celle de ses aînés. Ce n'était rien, pas vrai ? Devant leurs esclaves Humains, mieux valait avoir d'autres forces, comme l'intelligence ou la force. Alors, ce n'était rien. Son échec n'avait pas eu d'impact, car il était prévisible. Ces thons marins n'aurait pas attribuées une place à une ancienne ennemie, ce n'était pas pour rien qu'une adolescente avait été sélectionnée, pour limité la casse dans l'orgueil d'un aîné. Si Candice le désirait, elle serait en mesure de rebondir.
— Je promets que ce ne sera pas sans conséquence.
Si elles avaient été une Famille normale, sans doute aurait-elle prit sa soeur dans les bras, mais jamais elle ne le ferait. Alexandra la gronderait. Ses yeux carmins détaillaient les environs tandis que les conversations dérivaient sur qui obtiendrait la précieuse Fève de leur côté. Qui aurait l'honneur de rencontrer l'Empereur ? Dans ce monde sombre, dégageant une impression de maladie, les Sorciers incarnaient vraiment l'exact contraire des Magiciens qui semblaient n'avoir que des lieux splendides, luminescents et décorés avec goût. Leur manoir n'était pas décorer de manière rustre, mais chaud et agréable, sans doute que cet air sucré ne lui convenait pas. Heureusement, elle n'était pas la personne la plus maladroite. La honte pouvait s'abattre sur une autre tête que la sienne.
1447 mots
◊ DC de Mancinia Leenhardt ◊
Priam et Laëth ~ Ange ~ Niveau III ~ ◈ Parchemins usagés : 3428 ◈ YinYanisé(e) le : 02/02/2018◈ Âme(s) Soeur(s) : La bière et le saucisson | L'adrénaline et les problèmes ◈ Activité : Berger [III], traducteur [II], diplomate [I] | Soldat [III], violoncelliste [I]
L’attitude d’Aliénor surprit Priam. En l’espace de vingt secondes, elle semblait avoir gagné vingt années de maturité et de pratique de l’étiquette dévolue à une Dame Noire. Les mots de l’Empereur Noir, quels qu’ils eussent été, rivalisaient visiblement d’efficacité. D’une certaine façon, tant mieux. L’étreinte avait desservi l’Ailé car elle avait renforcé son impulsivité ; les propos de la Magicienne, tranquillement, le sortait de l’impasse dans laquelle il s’était bêtement jeté. Tandis qu’elle parlait, il la détailla. Il se demanda s’il était possible d’aimer quelqu’un dont l’on savait presque tout. À l’inverse, était-il possible de ne pas en être amoureux ? Son cœur vacillait. Depuis cet étrange rêve, il avait l’impression qu’Aliénor était devenue une partie de lui – et soit on s’aime, soit on se déteste, car il n’existe aucune indifférence à soi. Quand Jun lui avait prédit sa mort, il s’était senti dépérir. Depuis, il comptait les secondes. Le Réprouvé, à chaque fois qu’il mettait la bague, entrait dans une rage et une détresse intenses. Il buvait et se battait jusqu’à ne plus pouvoir ni se porter ni se supporter. C’était peut-être cela, l’amour. Accueillir l’autre comme s’il était une part de soi, aussi belle que délicate.
Aussi, il ne s’offusqua pas des propositions qu’elle émit. Bien qu’il répugnât profondément à être l’initiateur de liens plus approfondis entre Anges et Sorciers, il ne broncha pas. Il comprenait la manœuvre. Son regard doré allait de l’un à l’autre des Mages. Il avait regagné en assurance. Aucun battement de cils effarouché ne venait troubler la quiétude de ses iris. La force tranquille qu’on lui connaissait reprenait le dessus sur les balbutiements de son palpitant. La mention de leur rencontre froissa cependant son visage d’un sourire amusé. « Ou pas du tout. » répondit-il, d’un ton plus détendu. Ils savaient tous les deux ce qu’il en était, désormais. Comme il levait les yeux vers Elias Salvatore, il acquiesça. « Quelques-unes. » Il avait adopté le même ton neutre que ses interlocuteurs. C’était étrange. En quelques secondes, la Magicienne et l’Ange avaient été brutalement rappelés à la raison, comme s’ils sortaient tout droit d’un rêve. Ils avaient réajusté leur façon d’être à celle de l’Empereur Noir.
Il pivota pour voir Laëth. Elle se tenait toujours à l’écart. Sa mine pâle et fatiguée était tendue par le stress. Lorsque le Grand Chaos posa les yeux sur elle, son frère devina qu’elle se raidissait. Si elle passait plus de dix minutes à ses côtés, les probabilités pour qu’elle s’évanouît lui paraissaient grandes. Il eût été préférable qu’il l’écartât de cette proposition. Alors qu’il essayait de trouver une réponse adéquate, le Sorcier prit congé afin de s’entretenir avec l’un de ses Chanceliers. Le répit qu’il lui offrait était apprécié. Son regard revint à Aliénor. Elle avait changé, oui. Cela se lisait dans ses yeux bleu foncé. « Belle adresse. » Il lui sourit. « J’en viendrais presque à me dire que je n’ai pas besoin de m’excuser de ma maladresse. » Elle avait permis à la brune de s’illustrer. Il savait que l’Empereur Noir l’impressionnait – qui n’impressionnait-il pas ? Elle avait fait preuve de courage. « Merci. » Il coula un nouveau regard vers sa cadette. « En revanche, je ne suis pas certain que Laëth vienne avec nous. Elle n’est pas au meilleur de sa forme et je n’ai pas envie de la brusquer. » Il se satisfaisait déjà du fait qu’elle était sortie. Néanmoins, pouvait-il la laisser seule, ici ? Elle aurait pu le croiser.
Lorsqu’Elias Salvatore revint vers eux, Priam se tourna vers lui. Il haussa un sourcil curieux – une manie qu’il avait prise de Nalim – mais ne posa aucune question. Les affaires sorcières, et d’autant plus les affaires royales, ne le regardaient pas. « Je le ferai. » assura-t-il. À la suite de ses propos, son deuxième sourcil rejoignit le premier, et il lança un regard mi-intrigué mi-inquiet à la Fille au Chapeau. Qu’avaient-ils convenu ? Cela ne le concernait certainement pas plus que la politique des Mages Noirs ; mais les sentiments battaient en brèche la raison. Les Ténèbres les asphyxièrent, puis le souverain disparut. Le brun demeura quelques instants livide, tandis que tous les souvenirs et toutes les sensations désagréables que le Roi leur inspirait, à Aliénor et à lui, s’ancraient encore dans sa mémoire. C’était comme si une ombre dévoreuse s’ancrait à son cœur. Comme la noirceur s’estompait, il se redressa, déglutit et se racla la gorge.
Il ne lui fallut que quelques brèves secondes pour prendre conscience de la situation. L’Empereur Noir était parti. Lhéasse devait sans doute se trouver dans les parages, mais il ne le voyait pas. Il était, pour ainsi dire, seul avec Aliénor. Au moment où il regarda sa sœur, il entendit sa voix raisonner dans son esprit. « Je vais vous laisser. » Elle leur adressa un bref signe de la main, un sourire vague, puis elle tourna les talons. « Appelle-moi si jamais ça ne va pas. » Durant quelques secondes, il la suivit des yeux. Puis, il s’adressa à la jeune femme qui se tenait près de lui : « Je la retrouverai plus tard. On marche ? » Après avoir eu son assentiment, il se mit en route.
Les paroles du Grand Chaos tournoyaient dans son esprit. Il y avait aussi le rêve, encore, et le Conte, et Jun. L’Ange s’humecta les lèvres. Il ne pouvait décemment pas tout aborder d’un coup. Ce serait trop. Avait-elle seulement eu connaissance du récit dans lequel ils illustraient d’autres qu’eux-mêmes ? Ses iris dorés étudièrent son profil. Elle aurait parfaitement pu être Aurore. Il fronça le nez. Avait-ce une véritable importance, puisque tout était un tissu de fantasmes et de mensonges ? Il avait simplement peur qu’elle réagît comme Laëth. Mais peu de gens réagissaient avec autant d’intensité que la Belegad. Il pinça les lèvres et détourna le regard. Entre eux, des moments de flottement s’invitaient souvent. Il le rompit. « Il te traite bien ? L’Empereur Noir. Et les autres Dames Noires ? » Ils avançaient entre les étals de fleurs et de galette. L’odeur du sucre se mêlait délicieusement au parfum floral. « Laëth m’a dit qu’il était prévu que vous passiez des contrats avec lui. » Il la détailla. « Il ne t’a rien imposé ? » Il fronça les sourcils et soupira, en esquissant un geste de la main qui lui intimait qu’elle n’était pas forcée de répondre. « Pardon, c’est juste que ce qu’il a dit, sur cette « affaire », m’a fait tiquer. On peut parler d’autre chose, si tu préfères. » Il aurait tout de même aimé savoir.
Laëth ne pouvait pas rester. Kaahl jouait son rôle de roi, elle le savait. Il ne pouvait pas laisser ses états d’âme prendre le dessus sur la posture rigide d’Elias Salvatore. Il ne pouvait pas lui accorder l’attention qu’elle espérait. Elle avait pleinement conscience de tout ça. Pourtant, son cœur hurlait. L’indifférence de l’homme, sa propre lâcheté et les nécessités de leurs positions respectives l’avaient mise en colère. Elle aurait voulu bondir vers lui et lui crier de la regarder, lui crier qu’elle existait encore et qu’elle avait des choses à lui dire. Cependant, l’Ange se contenta de le voir disparaître dans les Ténèbres dont elle craignait tant qu’il ne revînt jamais. Elle ferma les yeux puis les rouvrit et s’éloigna de la scène.
Ses pas la guidèrent sur les pourtours du Lac Bleu. Ses prunelles ne s’accrochaient à rien ; elles glissaient sur les formes et les couleurs sans véritablement les discerner. Son esprit s’était égaré quelque part entre le passé et le futur. Toutefois, le contact qui se noua brutalement autour d’elle l’attira à la réalité. Son palpitant pulsa avec vigueur. La guerrière réagit vivement : son clone apparut derrière son supposé assaillant. Alors qu’il s’apprêtait à lui porter un coup, il se figea. Le même trouble percuta la version originale. Les deux baissèrent leur garde, et le doublon disparut. Laëth se détacha légèrement, jusqu’à rompre tout contact. « Ju- » Non. Ce n’était pas lui. La ressemblance était frappante, mais ça n’était pas lui. Elle en était certaine. Ce n’était pas Kaahl non plus – ce jeune homme faisait presque dix centimètres de plus que lui. Pourtant, un autre élément, en lui, lui paraissait familier. Ses yeux verts… Elle plissa les siens. Une expression dubitative peignit ses traits fatigués. « Vous ressemblez à… » Derrière lui, elle repéra la frimousse de l’un des enfants du Magicien, Ilias. Ses iris revinrent sur « l’étranger ». De toute évidence, il la connaissait. L’hypothèse qui lui venait à l’esprit la troublait ; pourtant, elle se rappelait ce qu’avait dit le Baron au sujet de cet enfant. Il grandissait plus vite que les autres. « Lucius ? »
Message III – 1180 mots
Résumé : Priam est avec Aliénor. Laëth est avec Lucius, Ilias et leur garde du corps dragonnière (merci, c'est gentil <3 sinon elle partait à Cael /sbaf).
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Quand je vois une bêtise plus grosse que moi et que je décide de la faire.
L'éclat qui s'était amoindri dans les iris de l'Ygdraë revint lorsqu'elle vit l'apaisement des Écuyers de l'Aurore. Ce n'était pas encore une âme perdue au travers le Mal rongeant ses terres, autant la reprendre en mains en la guidant vers le Bien. Pour l'Ange, il s'agissait d'une vocation naturelle. Et puis, comment ne pas être étonné de leur choix devant la jeunesse d'Astriid et des liens que Mancinia entretenait avec Maude depuis si longtemps ?
— Je dois admettre que nous non plus, sourit Neah. Comme je vous le disais, c'est venu assez naturellement. — Vous nous avez sûrement tapez dans l'oeil, rit Mancinia, amusée.
L'Humaine s'était ensuite rapprochée pour lui tendre l'enfant. C'était toujours délicat, les premières fois. On avait l'impression que ce bout de chou était d'une fragilité absolue et qu'il allait se briser en mille morceaux si on le prenait mal, mais ils étaient plus résistants qu'on le pensait. Elle était certaine d'avoir agi ainsi lorsque les Jumeaux étaient entrés dans sa vie, tout comme Emelyn, qui avait suivi assez rapidement. Avec Sif, elle avait déjà les gestes acquis et les appréhensions en moins. Emelyn se retrouvait entre les jambes de Rakhshan, qui souriait à sa cadette, tandis qu'Idril observait son papa avec un regard arrondi. Ihsan ne disait rien. Il était calme, ce qui était rare. Sa petite famille, autant dire que l'Imprévisible en était fière. Elle pouvait donner de l'amour et une belle vie à ses enfants, même si aucun lien du sang ne les liât. Neah était retournée vers l'Enfant des Cieux, qui quémandait sa présence en le nommant et en battant l'air de ses bras. Idril était bien la seule à pouvoir lui sommer de venir lui faire un câlin de cette manière, en dehors de sa maman, évidemment et le Capitaine la prit dans ses bras. L'observation intensive des canards n'allait pas se faire seule, mais il demeurait près de sa compagne ... Jusqu'au moment où Astriid acceptait leur proposition, ce qui ravissait Mancinia.
— Bruh, lâchait Sif en bullant. — Faites attention à vos cheveux.
Quelques Ygdraë étaient ensuite venus à leur rencontre, les bras chargés de morceaux de galette prisent non loin de leur position. Ils s'excusaient même de ne pas en avoir pris pour eux. Ils étaient tous si chou !
— Vous êtes adorables, merci, mais ne vous inquiétez pas, nous étions en train de terminer la nôtre.
Une ou deux autres parts de plus ne les dérangeaient pas. Peut-être plus tard. Lorsqu'il eut été mention de l'Empereur Noir, la mine de l'Humaine s'était assombrie. Et pas que la sienne, d'ailleurs. Cet homme avait le don de jeter un froid par sa seule mention.
— La Comtesse Vaughan ... Un mariage diplomatique de ce genre est relativement compliqué. — Tout le monde n'a pas notre chance.
Instinctivement, Mancinia passait sa main sur son Qirān. Si leurs épousailles, décidées depuis quelques années et sous l'égide de leur Amour, se réalisait maintenant, il y aurait également tout un tas de nécessité envers l'alliance qui unissait les leurs. Un signe d'apaisement, de réconciliation, comme ils l'avaient entamé ensemble, en tant qu'Écuyers de l'Aurore. Il y avait des mariages célébrés en ce moment entre les Anges et les Humains, mais aucun ne serait comparable. Lui, comme elle, étaient devenus importants. Sans doute trop. Leur Lien était précieux, il amènerait à le redorer là où son image avait été écornée. Ils y croyaient sincèrement.
— Nous avons de la chance, en effet. Les Aetheri sont de notre côté.
Cela pouvait paraître présomptueux, mais c'était véritablement ce que ces derniers essayaient de transmettre. Être les représentants du Dieu de la Bienveillance et de la Famille ne pouvait que tout dire. C'était avec la même volonté qu'ils avaient choisi Astriid comme marraine, tout en indiquant ce qu'il en était de la tradition Magicienne et des nouveautés inhérentes à cette année exceptionnelle.
— Oui, admit l'Humaine. Il s'agit souvent d'une fève en or à l'image d'une pièce dont l'aspect change chaque année. Comme il s'agit d'une Galette commune aux Mages Blancs et Noirs, les artisans l'ont créé à l'image des pièces d'un jeu d'échec. Si l'on tombe sur la pièce de la Reine, on rencontre l'Impératrice Blanche, si on tombe sur la pièce du Roi, ce sera l'Empereur Noir. — Il y a d'autres particularités cette année, reprit Neah. Exceptionnellement, six autres personnes seront sélectionnées au hasard des galettes pour obtenir une danse privilégiée avec l'un ou l'autre des Souverains lors du Bal des Douze Cycles Lunaires qui aura lieu dans quelques semaines. — Dans ce cas, ce sont des pièces incarnant des cavaliers. Elles sont agrémentés de blanc et de noir pour savoir sur lequel des deux nous est désigné.
Devant quelques mines décousues, l'Humaine prit conscience que si une rencontre ou une danse avec la Souveraine des Magiciens les intriguaient et pouvaient motiver, ce n'était pas le cas d'une rencontre avec son homologue. Autant dire qu'ils risquaient d'être nombreux à vouloir refourguer leur Fève, même sans la faire payer. Ils craignaient trop les représailles.
— Ce n'est pas étonnant, rit Mancinia devant l'intervention de l'Ygdraë. J'aurais moi-même du mal à laisser mes enfants rencontrer l'Empereur Noir. Heureusement, il y a très peu de chance que ça leur arrive !
Les rumeurs le concernant étaient terribles, mais où était la vérité et le mensonge là-dedans, elle ne préférait pas le vérifier. Elle doutait vraiment que les Mages Noirs laissent un homme aux goûts douteux les gouverner après avoir subi les caprices de Lord, mais ils étaient peut-être tellement habitués que cela ne leur faisait sans doute rien.
— Vous ne nous dérangez pas, mais vous devez également en profiter pour découvrir les alentours. Je vais vous donner quelques bonnes adresses !
On aurait certainement pu croire que la Marquise se rendait dans des lieux prestigieux et chers, mais elle détenait quelques coins remarquables et abordables. Que ce soit des salons de thé, quelques magasins de vêtements mixtes ou de quoi faire des cadeaux à la Famille et aux amis. Neah observait la scène en s'occupant d'Idril à droite et Ihsan à gauche, qui mangeaient le reste de leur Galette. Sif, elle, voulait absolument retenir Astriid. Des cheveux roux. Longs. Son papa n'avait pas ça. L'Humaine riait, c'était vraiment mignon. Là devait être son immense point faible, comme bien des mères ...
— Mancinia.
Le ton employé par Neah à son encontre la fit se retourner avec une crainte au fond du coeur, entretenu par le Lien qui s'était glissé dans sa direction. Le visage de son compagnon était grave, tout en tenant Ihsan en train de mâchouiller. L'Ange dévoilait ce qu'il dissimulait dans sa main, une pièce blanche incarnant un Cavalier. Le sourire de l'Humaine se figeait.
— C'était dans la galette d'Ihsan.
— Marquise Leenhardt, c'est donc vous qui avez eu la dernière Fève ! — Non, c'est mon fils.
Sa réponse avait presque été automatique. N'aurait-il pas mieux valu qu'elle mente sur la question ? Elle ne se voyait pas danser avec l'Impératrice Blanche et elle doutât sérieusement que Neah le désirasse. Il lui aurait marché sur le pied exprès. Sans doute valait-il mieux qu'elle soit remise en Jeu pour ...
— Dans ce cas, inscrivez son nom à cet emplacement. — Attendez, intervint la Canine Blanche. Notre enfant n'a que trois ans. Une danse avec la Reine serait un peu ... — Cela n'a pas d'importance, sourit le Magicien. Elle n'a pas à être formelle à tous les niveaux. Il sera bien vu que l'Impératrice danse avec un enfant, surtout celui de la Marquise de Nylmord, désignée par le précédent Archimage ! Ce doit être le destin !
Il avait vraiment un sacré dos, le destin. Mancinia regrettait presque de s'être dite Bénie des Dieux, mais après tout, elle était représentante des Humains chez les Magiciens avec son titre et Ihsan était un Élu d'Hel'dra. Autant pour les Humains, que pour les Magiciens, cet événement impromptu serait le bienvenu.
— Bon, très bien, concéda-t-il. — Si cela pose un quelconque problème, vous savez où nous trouvez. — Et où se tiendra le Bal de cette année ? — Il devrait se dérouler en territoire neutre, à Lagherta.
Les Écuyers de l'Aurore se regardaient. Où allaient-ils mettre ça dans leur emploi du temps ? ...
Post IV - 1355 mots Merci Astriid Je te laisse conclure comme tu le souhaites !
Meuh:
Mancinia & Neah Aimer c'est ce qu'y a d'plus beau. Aimer c'est monter si haut. Et toucher les ailes des Anges ...
By Astriid ♫
By Shanxi ♫
Dernière édition par Mancinia Leenhardt le Jeu 20 Mai 2021, 22:05, édité 2 fois
Kaahl Paiberym ~ Sorcier ~ Niveau VI ~ ◈ Parchemins usagés : 3705 ◈ YinYanisé(e) le : 25/06/2015◈ Activité : Professeur
« Lucius atten… ! » J’entendis à peine le son de la voix de Lyvie, tellement j’étais heureux de revoir Laëth. Mon instinct de survie frôlait le néant. J’étais content donc j’agissais en conséquence. Je ne pensais déjà plus que la dernière fois qu’elle m’avait vu, j’étais beaucoup moins grand que ça. J’oubliais souvent ne plus être un enfant, même si mes articulations me faisaient mal et que mon corps fonctionnait d’une façon maladroite. Je n’avais pas eu le temps de m’habituer, ou si peu. Mes os, ma chair : tout ce qui me constituait se trouvait dans le même cas.
Je m’écartai pour pouvoir la regarder. C’était amusant de la fixer depuis les hauteurs, alors que je l’avais toujours observée de plus bas. « Juste ciel ? C’est ça que tu voulais dire ? » Je ris, tout en la lâchant pour de bon. Elle dégageait quelque chose de magique, une aura à la fois douce et tempêtueuse que je n’avais jamais remarquée avant. Dans mes souvenirs, elle était gentille et simplement… Elle était Laëth. Elle m’avait offert un jouet que j’avais gardé précieusement. Je me souvenais sans difficulté de marcher derrière les jambes de mon père en lui demandant quand est-ce qu’on reverrait Laëth, si elle allait bien, si elle avait toujours tout plein d’animaux, si Priam continuait de monter à cheval, s’il voudrait bien garder mes dragons lorsque j’en aurais tout plein. Je me rappellais ses larmes, sans être certain de comprendre ce qui avait bien pu les faire couler. Je ne voulais pas qu’elle pleurât. Je voulais la protéger et combattre les méchants qui l’embêtaient. « Oui c’est moi ! » dis-je, avec un sourire éclatant sur les lèvres. Le fait qu'elle m'eût vouvoyé m'amusait beaucoup.
« Laëth ! » dit gaiement Ilias, en m’attrapant la main. Il se rappelait d’elle, peut-être pas visuellement mais il en avait beaucoup entendu parler, surtout dans la bouche de Pauline et Gustine qui ne tarissaient pas d’éloges à son propos. Les deux vieilles Magiciennes, à l’époque où l’une d’elle ne dormait pas profondément, n’avaient eu de cesse de projeter des événements impliquant l’Ange et de parler du mariage qui aurait lieu durant des heures. Elles s’étaient demandé quand viendrait le premier enfant, même si elles trouvaient important que l’Aile d’Acier ne mît pas entre parenthèse sa carrière et ses plans. Laëth occupait parfois un après-midi entier, ce qui me ravissait parce que j’adorais entendre parler d’elle. C’était un peu comme si elle était là dans ces moments-là, sans parler du fait qu'il y avait souvent tout un tas de bonnes choses à manger et à boire. « Tu m’as trop manqué ! Mais tu sais, dans mon cœur, il y a encore une grande place rien que pour toi ! » Je souris. « C’est papa qui m’a dit ça un jour quand un garçon a été méchant avec moi. Il m’a dit que je devais réfléchir aux personnes que j’aimais vraiment et auxquelles je voulais faire une place dans mon cœur. Je me suis rendu compte après que ce garçon n’avait pas le droit à une place dans mon cœur et que, du coup, ce qu’il avait dit n’était pas important. Parce que y a que ceux qui sont dans notre cœur qui ont de l'importance ! » Je m’arrêtai et regardai mon frère. « Hein Ilias ? Toi aussi t’as une grosse place dans mon cœur. » « Toi aussi, Lulu. » répondit timidement l’enfant. « Et Laëth aussi. » Je passai ma main dans ses cheveux et les ébouriffai, ce qui provoqua un petit rire amusé de sa part et le rougissement de ses joues.
Lyvie avait fait quelques pas discrets afin de s’éloigner légèrement et nous laisser discuter. De là où elle se trouvait, elle pourrait intervenir sans aucun problème si jamais la situation dégénérait en ma défaveur. Néanmoins, elle en doutait. Le Lac Bleu était un endroit sûr. Ainsi, je pouvais continuer ma conversation sans qu’elle n’eût l’impression d’entendre ce qui ne la regardait pas. « Tu es venue acheter une part galette, c’est pour ça que tu es ici ? Tu es venue avec Priam ? » Je me mis sur la pointe des pieds afin de voir mieux, un réflexe dont je n’avais pas encore réussi à me défaire. Je n’avais plus besoin de me surélever. J’étais déjà suffisamment haut. « Hum… Il n’a pas l’air là ! Mais ce n’est pas grave ! J’ai plein de choses à te raconter et tu pourras tout lui rapporter ! » Je pris sa main dans la mienne. J’avais encore envie de lui faire un câlin tellement j’étais heureux mais me retins. « Tu veux qu’on marche ? » fis-je, en initiant un mouvement de balancier avec nos doigts joints. Je fis de même avec Ilias, ce qui le fit de nouveau sourire. En grand timide, il baissa légèrement la tête, comme pour cacher ses lèvres étirées.
« Vous avez l'air toute palote. Vous devriez manger un morceau, pour ne pas vous évanouir. Avez-vous déjà prit une part de tarte ? » Nymeria ne parvenait pas à détacher son regard du trio infernal. Ils l'effrayaient au plus au point et pourtant, elle se trouvait incapable de détourner les yeux. Comme s'ils exerçaient sur elle un magnétisme tordu. Peut-être était-ce leur aura malfaisante qui lui inspirait tant de peur : si elle baissait sa vigilance, elle serait à leur merci ; elle ne pourrait pas éviter les sortilèges qu'ils pourraient lui lancer. Dans sa torpeur, elle ne réalisait pas que les fixer de la sorte, avec autant d'insistance, pourrait au contraire lui attirer des ennuis. Heureusement pour elle, elle n'était personne : on ne la remarquait pas, perdue au milieu de toute cette foule. « Mademoiselle ? » répéta l'homme qui n'avait toujours pas retiré sa main de l'épaule de la jeune femme. Cette dernière, au prix d'un effort, se força à détourner la tête, reportant son attention sur son bienfaiteur - pourtant, elle ne pouvait s'empêcher de glisser des coups d’œil en direction de l'épouse maudite et de son mari. « Je vais bien. » mentit-elle de nouveau, comme si le répéter suffisamment de fois pourrait transformer ces paroles en réalité. Peut-être que si elle se l'entendait dire assez de fois, elle se persuaderait elle-même, peut-être que cela ferait partir la douloureuse boule qui s'était créé dans son ventre. « Vous êtes certaine ? Peut-être feriez-vous mieux de vous asseoir un instant, pour grignoter et boire quelque chose. » « Non, je... J'ai déjà eu un morceau de galette. » expliqua la brune. Cette affirmation ne sembla pas plaire à son sauveur. Voyant qu'il n'était pas décidé à la laisser partir, elle enchaîna : « J'ai juste été surprise par la venue de l'Empereur Noir. » Elle n'était sans doute pas la seule à avoir pensé qu'il se contenterait de rester dans sa capitale lointaine. Mais non. Il était venu distiller son poison, rappelant la menace qu'il représentait de part sa simple présence. « De toute manière, ma pause est bientôt terminée. Je vais reprendre mon service, je ferais mieux d'y aller... » « D'accord... » finit par accorder le mage blanc. « Mais si vous ne vous sentez pas bien, ou si vous ne voulez pas rester seule... N'hésitez pas à vous joindre à nous. » Nymeria s'intéressa à la famille qu'il désigna d'un geste. Là, elle remarqua le regard insistant d'une vieille dame aux lunettes rouges. Son sang empourpra ses joues et elle acquiesça d'un geste de tête poli.
Alors que la domestique s'apprêtait à prendre congé, un enfant tira sur sa robe, attirant son attention. « Oui ? » Étonnée, elle loucha sur la part de tarte que le minot lui tendait. « Oh, merci... » dit-elle, incertaine, portant son regard dans la direction vague que lui indiquait le petit mage. Il n'y avait personne en particulier - juste un groupe d'amis. Embarrassée, elle se contenta d'étirer un sourire au garçon qui haussa les épaules et rejoignit ses camarades à la table de coloriage. « Je vois que quelqu'un prend déjà soin de vous, ma bonne dame. » fit l'homme en la saluant d'un coup de chapeau. « Peut-être à plus tard. » dit-il en se retirant auprès de sa famille. Nymeria ne répondit rien. A la place, elle haussa les sourcils : elle venait de remarquer le morceau de papier que lui avait confié l'enfant, en même temps que la part de galette. Intriguée, elle le déplia et le lut. Ce fut l'écriture qu'elle reconnu, avant même de voir la signature. Réalisant qui en était l'auteur, la magicienne releva précipitamment la tête, ses yeux cherchant frénétiquement la silhouette familière du déchu. Elle ne le vit nulle part. Le cœur battant, elle releva ses jupons de sa main libre pour faciliter sa marche, se rapprochant à grandes enjambées du groupe de mages bleus. « Bonjour ! » les salua-t-elle avec un peu trop d'entrain. « L'homme qui m'a écrit ce mot - où est-il ? » Il y avait dans sa voix une urgence latente. Les marmots se lancèrent quelques regards avant que l'un d'eux prenne la parole. « Il est déjà partit. » finit-il par avouer. Déçue, la brune ne put s'empêcher de sonder une nouvelle fois la foule autour d'elle, dans l'espoir vain de retrouver son Prince Charmant, comme il s'était désigné lui-même. Sans surprise, elle ne le trouva pas. L'esseulée fronça les sourcils. Ses manières n'avaient rien de celles d'un prince ! pensa-t-elle avec une pointe d'amertume et d'orgueil blessé. Boudeuse, elle maugréa un « Merci. » aux enfants avant de tourner les talons, se dirigeant de nouveau vers son stand.
Instinctivement, Nymeria porta une main à son coup, là où la pierre ambrée de son collier réchauffait sa peau. Elle joua nerveusement avec tout en injuriant le farceur et croquant dans la tarte, oubliant momentanément les réticences qu'elle avait eu à l'égard de la Fève Noire. Lorsque ses dents butèrent sur quelque chose de dur, la réalité s'abattit sur elle. Son corps s'était de nouveau figé, son appréhension avait resurgit ; sa main s'était refermée en point autour du papier qu'avait glissé Rajiv. « Pitié. Pitié, faites qu'elle soit blanche. Une fève blanche. » pria-t-elle intérieurement tandis que, d'une main tremblante, elle venait récupérer l'objet qu'elle avait croqué. Ses yeux s'écarquillèrent. Noire.
« À peu près… » souffla-t-elle, stupéfaite malgré elle. Tous les enfants grandissent, et il paraît qu’ils changent tous trop vite. Dans le cas de Lucius, on se plaçait toutefois à un tout autre niveau. Il avait désormais le physique d’un homme. En possédait-il le mental, ou un petit garçon vivait-il encore dans ce corps ? L’Ange scruta ses iris. Les étincelles qui y virevoltaient ne semblaient pas s’être transformées. Ses yeux parcoururent les traits de son visage, avec une curiosité difficilement masquée. Un voile peiné la recouvrait. Elle l’emmenait partout avec elle. Toutefois, à la vue de Lucius, il s’était intensifié. Il présentait de flagrantes similitudes avec son père et son grand-père supposément adoptifs. Du moins, lorsqu’elle l’avait interrogé, Kaahl avait juste dit que la mère du garçon l’avait abandonné à ses bons soins. Elle avait naïvement supposé qu’il s’agissait d’une amie ou d’une connaissance lointaine. La ressemblance la conduisait à se maudire d’avoir été aussi sotte, et son cœur se serrait sous la poigne de ce nouveau secret. Il avait eu une fille avec Viviane Salvatore, mais peut-être pas seulement. Étaient-ils déjà ensemble, lorsque Lucius avait été conçu ? Elle serra les dents. Elle n’éluciderait pas ce mystère avec les suppositions d’un esprit malade d’amour et de chagrin. Peu importait. Le voir, c’était penser à eux, c’était penser à lui. Immanquablement. Et ces temps-ci, c’était particulièrement douloureux. Les autres émotions murmuraient à peine. Quand on souffre trop, on s’anesthésie. C’est le seul moyen de ne pas hurler en permanence.
Elle baissa la tête vers Ilias. Ça sonnait comme Elias. « Bonjour, Ilias. » Elle lui sourit. Décalage. Fausseté. Mensonge. Dissociation. Brutalement, comme ça, parce que la situation l’exigeait. Elle ne pouvait pas traîner sa douleur comme une longue coulure sanguinolente devant un enfant – elle le refusait. Elle ne pouvait pas l’imposer à Lucius comme elle l’avait fait, autrefois. Un sentiment de honte l’envahit. Se rappelait-il ? Se souvenait-il de la conversation qu’avaient eue les adultes, ce jour-là ? Repensait-il encore aux larmes qui avaient dévalé les joues de Laëth ? Entendait-il toujours les mots qu’il lui avait dits ? Savait-il à quel point cet instant avait été important pour elle ? Et que dirait-il, si elle lui avouait avoir formé un Lien, contre sa volonté et surtout malgré sa promesse ? Comment ne pas haïr la femme qui a trahi son père ? Les grappins des remords s’accrochèrent à son cœur. Elle avait l’impression de les avoir tous trahis. Continueraient-ils à l’aimer, lorsqu’ils sauraient ? Parfois, elle se demandait si Kaahl l’aimait encore. Son silence n’était-il pas une façon de rompre sans initier aucune discussion ? Son erreur ne lui valait-elle pas d’être traitée comme si elle n’avait jamais existé ? L’injustice et la raison se disputaient : cette hypothèse la révoltait et, en même temps, si elle figurait la vérité, alors elle aurait compris. Il l’avait peut-être déjà délaissée. Était-il tombé amoureux de cette Marquise Vaughan dont on disait qu’il avait défendu l’honneur lors d’un tournoi destiné à accorder sa main ? Il avait gagné. Il aurait pu l’épouser. Il était devenu son chevalier. Peut-être n’osait-il pas parce qu’il craignait, malgré tout, de blesser trop profondément l’Aile d’Acier ? Elle ne connaissait pas cette femme. Pourtant, dans ses moments les plus sombres, elle la jalousait. Il avait eu du temps pour la Marquise. Mais pas pour elle. On s’enthousiasmait au sujet des deux Mages, et parfois, on oubliait l’Ange qui souffrait en secret – quand d’autres versions réclamaient à grands cris son union avec l’Honorable. Songer à ce genre de choses – qu’elle aurait trouvées immensément insignifiantes dans ces bons jours, durant lesquels elle était convaincue de partager un amour intense avec Kaahl – la détruisait de l’intérieur. Elle en avait envie de mourir. Comment pourrait-elle continuer à vivre si, pour lui, elle n’existait plus ? Je ne t’oublierai pas, avait-il promis. Être un souvenir était-il suffisant ?
La guerrière barricada tout. Elle barricada tout et elle se concentra sur les mots de Lucius. L’énergie solaire qui se dégageait de lui appelait la sienne. L’Immaculée l’aspirait pour colmater les brèches ténébreuses qui la torturaient et renforcer la lumière naturelle qui l’auréolait. Si elle n’avait pas su qu’il était le gamin qui avait trouvé Constantine, elle n’aurait jamais pu deviner qu’il avait vécu un tel traumatisme. Avait-il oublié ? Lui avait-on arraché une partie de sa mémoire, pour son bien ? C’était possible. Le Magicien s’exprimait comme un enfant. La certitude que son esprit n’avait pas évolué aussi rapidement que son enveloppe s’accrocha au monde de ses idées. Elle sourit. Sa candeur la bouleversait, d’une façon douce et agréable. Elle se laissait enlacer par cette tendresse acidulée. « Vous êtes adorables. » souffla-t-elle. « Vous m’avez beaucoup manqué aussi. » Les derniers événements avaient éveillé son inquiétude. Son regard glissa sur la garde du corps, demeurée éloignée. Tous les enfants de Kaahl étaient entourés de protecteurs. Logique.
Aux questions de Lucius, l’Aile Blanche acquiesça. Elle le regarda avec amusement se dresser sur la pointe des pieds. « Je le ferai. » Elle avait hâte d’entendre les récits de l’homme enfant. Sa vie chez les Dragonniers devait regorger de nouveautés. Brièvement, elle coula un regard vers leurs mains liées, avant de remonter ses pupilles jusqu’à son visage. « Oui, ça me ferait plaisir. » Ils devaient avoir l’air d’un drôle de trio. Certains penseraient peut-être même avoir vu le Baron en compagnie de la Recrue de la Compagnie de Yüerell et d’un enfant. On parlerait, encore.
Ils longeaient le lac. « On pourra peut-être retrouver Priam, tout à l’heure. Il est ici, mais il est parti discuter avec Aliénor Vaughan. » Elle sourit au brun. « Tu me diras, je n’aurai qu’à le joindre par télépathie. » Au vu des circonstances, cela lui sauverait peut-être même la peau. Et ils pourraient rentrer. Et elle ne serait pas obligée de faire bonne figure. Une pointe de culpabilité lui perça le cœur. Elle pouvait bien prendre un peu sur elle. Elle aimait sincèrement les enfants de Kaahl. « Comment ça se passe, chez les Dragonniers ? Ça correspond à ce à quoi tu t’attendais ? »
Message IV – 1022 mots
Résumé : Laëth est avec Lucius, Ilias et leur garde du corps dragonnière. Note pour Kaahl : je crois que j'ai rien oublié de ce que Laëth sait et que j'ai pas fait de boulette, mais si c'est le cas, hésite pas à me le dire <3
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Quand je vois une bêtise plus grosse que moi et que je décide de la faire.
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Merci Kaahlinou
Kaahl Paiberym ~ Sorcier ~ Niveau VI ~ ◈ Parchemins usagés : 3705 ◈ YinYanisé(e) le : 25/06/2015◈ Activité : Professeur
Le Lac Bleu brillait sous les éclats du soleil. J’aimais cet endroit, même si j’avais choisi de faire ma vie ailleurs. « Oui ! C’est génial ! Tu sais que papa a failli être enrôlé aussi ? » Lorsque nous nous étions rendus à Volatys pour mon épreuve, il avait réalisé la sienne aussi, pour une raison qu’il n’avait pas expliquée. Le Dragonnier avait réitéré son offre à son égard, à laquelle il n’avait pas répondu de façon définitive. Son refus n’en était pas un. Il avait simplement argumenté qu’il n’avait pas le temps et qu’avant de monter un dragon, il faudrait déjà qu’il fût capable de chevaucher un cheval. « Enfin, ce moment me semble tellement lointain maintenant. » Je ris. « Surtout que papa a eu un œuf de dragon sur Boraür ! Je ne sais même pas ce qu’il en a fait… » C’était une vraie question. Je ne l’avais pas vu en prendre soin et l’objet s’était volatilisé. Avec les événements récents, je n’y avais pas fait attention. « En tout cas, j’aime beaucoup mon nouveau lieu de vie. Forcément, il y a plein de dragons partout ! Je suis apprenti mais j’aime tout ce que je fais là-bas. C’est très différent d’ici. » Je m’arrêtai, essayant de réfléchir à ce que je pourrais lui dire. « Bon, le seul problème c’est mon corps. Je ne suis pas vraiment habitué. Parfois j’essaye d’attraper des choses et je me rends compte que ma main les a dépassées. Et le matin, quand je me réveille, il m’arrive de tomber du lit ou de me faire mal parce que je prends trop d’élan ! » Je racontais ma vie, sous l’œil attentif d’Ilias qui, lui, préférait ne rien dire et écouter. Il était comme ça. Généralement, il ne parlait que si on le sollicitait. L’enfant était souvent dans la lune mais je le trouvais trop mignon. Mon frère avait une sensibilité accrue. Parfois, il percevait les choses en premier, même s’il se gardait généralement de partager. Il fallait l’apprivoiser avant qu’il ne se confiât.
À un moment, je finis par me dire qu'il fallait que je lui parlasse de papa, vraiment. J’étais partagé à propos de ce sujet. La candeur de l’enfant faisait peut-être place au sens des réalités des adultes. Je m’arrêtai proche du lac. Nous avions marché assez pour que la foule diminuât petit à petit. Là, je me baissai maladroitement et m’assis sur la berge. J’enlevai mes chaussures, remontai mon pantalon et trempai les pieds. « Tu devrais venir, c’est agréable. Puis la vue est trop bien ! » Elle pouvait déjà la contempler depuis sa position mais j’avais envie qu’elle se positionnât près de moi. Ilias, lui, me copia. Il abandonna ses chaussures et remonta consciencieusement son pantalon. Par principe de précaution, il trempa la main dans le liquide, pour s’assurer de sa température. Quelques secondes plus tard, je sentis sa silhouette se coller à moi. Mon bras passa autour de lui. Il me sourit et posa la tête sur mon flanc. Dès que l’Ange viendrait, je lui réserverais le même sort, un demi-câlin.
« Dis… Je me demandais… Tu as des nouvelles de papa ? » Ilias tordit ses lèvres en une moue curieuse lorsqu’il entendit ma question, comme s’il avait conscience que le sujet n’était pas facile. « Je ne sais pas comment te dire ça mais il n’est pas revenu nous voir et il ne répond pas à nos lettres. » Il n’y avait aucune raison à ce qu’il communiquât davantage avec elle qu’avec nous mais je l’espérais quand même. Je soupirai. « Enfin, Pauline dit qu’avec l’armée il n’a pas trop le temps mais je trouve que c’est pas logique parce qu’il en a toujours eu avant. Puis je crois qu’il est triste depuis… » Je ne savais pas exactement depuis quand. Avant le drame, j’avais déjà vu plusieurs fois un voile passer dans ses yeux. Mes pensées n’étaient pas rationnelles. C’était plus un ressenti diffus. « Depuis je ne sais pas trop quand. » Pensif, je posai les yeux sur la surface lisse du Lac Bleu, conscient de la présence de ma gardienne à quelques dizaines de mètres de notre position. « Tout le monde est un peu triste mais ce qui m’énerve c’est que tout le monde fait semblant d’aller bien. » dis-je, soudainement, comme un aveu et une accusation à la fois. J’étais dans le même cas de figure, même si mon déni était si puissant qu’il en avait effacé les événements traumatiques. Il n’effaçait pourtant pas cette impression que j’avais, latente et toujours présente. « Si papa ne revient pas… Tu crois que ce sera à moi de m’occuper des autres ? » C’était comme la prise de conscience de ce qu’étaient les responsabilités. Néanmoins, ce n’était pas à moi qu’elles incombaient. Je grandissais mais je restais un enfant. « Mais je crois qu’il va revenir… » ajoutai-je. C’était simplement la première fois qu’il partait si longtemps et qu’il ne laissait qu’un long sillage empli de silence derrière lui.