Je pianotais nerveusement des doigts sur le rebord de la fenêtre, observant l'activité en contrebas. Le Fessetival pouvait être fini, la ville était encore en ébullition. Je rejoins le four et en sortie des petites brioches. Elles avaient bien gonflées, j'en étais contente. Pourtant j'avais autre chose à l'esprit. Je n'avais pas réussi mon défi. Et, trop impatiente d'en connaitre les résultats, j'avais envoyé des clones trouver Oriane et Max pour savoir comment les choses s'étaient passé de leur côté. Un seul était revenu pour l'instant. Oriane s'en était sortie de justesse apparemment bien que tout semblât s'être parfaitement déroulé. N'en restait plus qu'un qui manquait à l'appel, et le seul fait de devoir lui courir après signifiait qu'il avait vraisemblablement lui aussi réussi son gage. Je poussais un soupir avant de retrouver la fenêtre en y voyant le second clone revenir. « Alors ? » - « Il est au Lagon. » - « Au Lagon ? Pourquoi au Lagon ? » - « Qu'est-ce que j'en sais ? Apprends à lire dans les pensées et peut-être que j'aurai été capable de te le dire. ». Je marquais un temps, fixant mon double. Est-ce que j'étais sérieusement en train de me faire houspiller par mon propre clone ? « Disparais donc. » fis-je pour toute réponse en balayant l'air de la main en sa direction. Puis, j'attrapais une brioche et quittais l'appartement pour rejoindre le lieu-dit.

Juste avant d'atterrir je me défis de mes chausses, le sable encore frais de la nuit me chatouillant la plante des pieds lorsque je m'y posais. Alors je m'approchais de la silhouette de Maximilien et me positionnais à ses côtés.
« Bonjour. Bien dormi ? ». Je n'obtins pas de réponse immédiate aussi je me tournai vers lui.
« Et toi ? » -
« Bien. » fis-je lentement en le dévisageant, peu satisfaite de sa réponse-question. À l'évidence, il avait bien plus à dire qu'un simple "Oui" sous-entendu. Aussi me retroussai-je mentalement les manches, prête à le travailler au corps.
« Qu'est-ce que tu fais ici ? Tu te découvres une passion pour la mer ? ». Je le vis me fixer longuement un instant avant me répondre
« Non. J'y viens assez quotidiennement ici en fait. Mais c'est bien, au bout d'un mois tu t'en rends comptes et tu te questionnes. ». Ce fut mon tour de le fixer, un sourcil arqué, devant son air moqueur. Je m'apprêtais alors à protester et me souvins la raison de ma présence. Tant pis, une curiosité après l'autre.
« Dis-moi plutôt. J'imagine qu'elle s'est vendue ta nuit pour pas t'avoir vu ce matin. » -
« Je suis sûr que certains appelleraient ça du vol même. ». J'exprimais une moue agacée. Il allait réellement falloir que je lui tire les vers du nez.
« Et toi ? T'as réussi à faire ta promo de l'Eamæ ? » ajouta-t-il, moqueur.
« Non. J'ai jamais trouvé Jun Taiji. » répliquai-je, boudeuse.
« J... C'est à ce type que tu devais... ». Je le dévisageais longuement. Outre l'incrédulité, je cru percevoir la colère dans son expression.
« Tu serais réellement allée lui faire cette démonstration si tu l'avais trouvé ? ». Oui, il était amer.
« Je ne sais pas. Pourquoi ? » -
« Rien. ». Je marquais un temps.
« Est-ce que j'ai manqué un épisode ? » -
« Comment ça ? » -
« Jun Taiji. Tu ne l'aimes pas. Je me trompes ? » -
« C'est si étonnant ? » rétorqua-t-il avec ce que je perçu être du cynisme. Je haussais des épaules.
« Non. Je suis juste curieuse de savoir pourquoi. » -
« Tu demandes pourquoi ? » -
« Bien sûr. C'est à peine si j'ai connu la période où il a semé le chaos dans le monde. À la limite, s'il y a quelqu'un à blâmer, ce serait plus la Khæleesi. Lui a peut-être frappé fort il y a longtemps, mais elle n'a pas passée ces dernières décennies à cueillir des pâquerettes. Il suffit seulement de songer à tout ces navires perdus en mer. » lâchais-je dans un soupir et le regard tourné sur l'horizon et cet Océan dont elle était Reine.
« La Khæleesi hein... » répéta-t-il en écho. Reportant mon attention sur lui, j'y décelais une expression étrange. Quelque chose entre l'amusement et l'ennui.
« Un problème avec la Dame des Abysses ? » -
« Je ne sais pas. » -
« Est-ce que tu comptes passer ta journée à me donner des moitié de réponse ou bien ? » commençais-je à m'agacer, ancrant mon regard dans le sien, surprit.
« Ça veut dire quoi ça : "Je ne sais pas ?" ». Un nouveau rictus s'immisça sur le visage de Maximilien avant qu'il ne réponde
« Ça veut dire exactement ce que ça veut dire. J'ai pas la foutu idée de si elle aura une quelconque réaction à ce qui a pu se dérouler à ce Fessetival. Et pour ça je suis content qu'Utopia soit loin des côtes, on sait jamais. ». Je marquais un temps, méditant ses mots avant de reprendre.
« Pourquoi la Khæleesi devrait déverser toute sa colère sur les Humains ? Je ne pense pas qu'elle se sente concernée par des évènements aussi léger que ceux qui se déroulent pendant le Fessetival, quoi qu'il puisse s'agir. » répliquai-je négligemment en déchirant un bout de brioche pour l'enfourner dans la bouche. Pourtant je me doutais qu'un événement pas si anodin que ça avait dû avoir lieu dans le courant de la soirée où nous nous étions séparés pour qu'il évoque la Princesse des Monstres et la crainte d'un retour de bâton. J'avais seulement compris qu'attaquer de front ne menait à rien et qu'il valait mieux passer par des chemins détournés pour rassasier ma curiosité.
« Tout le monde se sent concerné quand sa fortune est mise en jeu. » me fit-il dans un ton moqueur. Moi je manquais m'étouffer.
« Comment ça sa fortune ? » -
« Encore une fois, ça veut dire ce que ça veut dire. ». Je papillonnai des yeux, l'observant de longues secondes en silence.
« Est-ce que tu es en train de me dire qu'il y a une Sirène qui a misée sur toi ? Parce que c'est de ton gage qu'il est question, non ? ». Un rire me coupa dans mon élan de surprise et je me mis à douter.
« Ouai, c'est ça. Par contre tu crois sérieusement que l'une d'elle aurait juste dépensée ne serait-ce qu'une pièce pour ce gage ? ». Non, évidemment. A moins de vouloir en faire son repas du soir éventuellement.
« Alors quoi ? Si c'est pas une Sirène, qui c'est ? » -
« Ça t'intéresse tant que ça ? » me rétorqua-t-il presque agacé. Je fronçais des sourcils.
« Bien sûr que ça m'intéresse ! Tu es en train de me dire que quelqu'un n'a pas hésité à dilapider les Deslyce... Pour toi ! Avoues que c'est intrigant. ». Je sentis à son regard que mon emballement ne lui convenait pas.
« Quoi ? » soufflais-je un ton plus bas. Après un soupir il m'expliqua.
« Les brèves de comptoir, ou juste ce Fessetival, m'ont bien fait comprendre que le monde n'avait pas besoin de faits divers pour fantasmer les histoires, notamment dès que la personne a un semblant de renommée. » -
« Et ? ». Il ne répondit pas immédiatement, mais rencontra mon regard plus qu'insistant qui le décida. Car non, je ne le lâcherai pas tant que lui n'aurait pas lâcher le morceau.
« Celle qui a pariée. C'est Léto Sùlfr. » -
« Oh ! ». Je commençais à comprendre son raisonnement. Il suffisait que quelqu'un les ai vu l'un et l'autre ensemble, ou même que le commissaire priseur ou les personnes présentes lors de la vente en parle pour une raison X ou Y, et l'histoire pourrait prendre des proportions inattendues.
« Mais dis-moi. » -
« Hum ? » -
« De toute façon, si jamais ça arrivait que ton gage soit raconté de façon bien plus, mmmmh, Luxurieuse puisque je vois pas comment ça pourrait être autrement détourné, tu as toujours possibilité de faire un démenti. Tous le font lorsque ça leur arrive. Je ne vois pas pourquoi tu en serais exempt. ». M'apprêtant à avaler une nouvelle bouchée, je captais son regard. A la place je posais la gourmandise sur ma bouche pour y cacher un sourire, avant de reprendre.
« D'accord, je vois. En fait il y a juste pas de démenti à faire. » fis-je avec un rictus dans une simple affirmation.
« J'imagine si la nouvelle devait arriver chez les Magiciens. Les boudoirs de ces demoiselles seraient en ébullition de savoir que Monsieur le Baron Eraël a couché avec Léto Sùlfr, Chevalier de sa Majesté la Reine Blanche. Que d'histoires qui naîtraient après ça. » -
« Raison de plus de limiter les dégâts. » lâcha-t-il dans un soupir dépité qui m'arracha un sourire amusé.
« Très bien. Je me tairais. Mais je ne te garantis pas que le monde reste éternellement ignorant. C'est obligé qu'au moins une personne extrapole justement sinon que ce soit Léto Sùlfr qui lâche le morceau de son côté. » -
« Je sais. Mais retarder l'événement permettra éventuellement de préparer le terrain. » -
« Prépare bien alors. Le monde aime particulièrement les histoires de coucheries. ». À nouveau je souris, rieuse. A l'évidence, il était parti du mauvais pieds pour revêtir des titres tel que l'Honorable auquel eut droit Kaahl Paiberym.