Intrigue/Objectif : Organisation. Typhon et son rival Vampire, le Marquis de Sanguice, doivent collaborer pour organiser le banquet de déclaration de guerre entre les Evershas et les Vampires, qui doit se dérouler au château du marquis en Myngrimu.

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La première rencontre

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Typhon et ses compagnons rencontrèrent pour la première fois le Marquis de Sanguice en terrain neutre. À toute fin pratique, les Evershas et les Vampires n’étaient pas encore en guerre, alors ce genre de rencontre était toujours possible. Le marquis, l’instigateur de la rencontre, avait souhaité rencontrer son futur rival afin que tous deux puissent se mettre d’accord sur la déclaration de guerre à venir. Typhon se doutait bien qu’il s’agissait d’un piège et voulu décliner l’invitation, mais reçu l’ordre formel de collaborer avec le Vampire.

Si Typhon avait été nommé commandant de terrain des forces evershas, c’était le Grand Totem Rakel, qui supervisait la progression du conflit à l’Antre des marais. Somme toute, la communication entre les deux hommes était à sens unique. Rakel imposait ses exigences et Typhon devait s’y plier. L’imposant Eversha n’avait pas l’habitude d’être dirigé de la sorte, toujours attachée à la liberté de vagabond qu’il connut pendant plusieurs années. Toutefois, c’était Rakel qui avait fait de Typhon un Augure et s’il était contraire à la tradition de retirer ce privilège, il était commun de bloquer l’avancement des indésirables et de leur mener la vie dure.

Cela dit, Rakel, lui, était bien trop occupé à assurer la logistique de la subsistance des troupes et du transport des renforts du Rocher au Clair de Lune à l’Antre des marais pour réellement imposer sa volonté à son nouvel Augure. En d’autres mots, pour le meilleur, et pour le pire, c’était Typhon le commandant de terrain. Il lui revenait le droit et la responsabilité de faire usage des ressources à sa disposition. C’était là un test, puisque lesdites ressources n’étaient pas si impressionnantes que ça. Dix ans de conflits, en plus du trafic continu d’esclaves evershas avaient mis l’Antre des marais à rude épreuve. Elles étaient donc plutôt rares les instances où Rakel prenait des décisions à la place de Typhon.

Même l’inexpérience de Typhon pouvait comprendre qu’il y avait plus en jeu qu’une vulgaire rencontre entre commandants rivaux. Le marquis avait ses projets, Rakel avait ses projets et tous les deux comptaient se servir de Typhon pour les mener à bien…

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Typhon fut surpris du physique de son adversaire. Le Marquis de Sanguice était un Vampire au corps âgé, frêle et d’une blancheur cadavérique. C’était bien différent des Vampires que rencontra Typhon lors de ses périples. Ceux-là avaient plutôt un corps jeune, beau et envoutant. De toute évidence, cet individu avait une grande expérience ainsi qu’une imposante puissance magique.

« Typhon de Gargantua, c’est un plaisir d’enfin donner un visage à mon nouvel adversaire !
— Marquis de Sanguice, je vous imaginais plus grand.
— Et moi, plus mince… Mais trêve de plaisanteries, vous m’intriguez, augure. J’ai eu beau chercher, il m’a été impossible de trouver la moindre information sur vos exploits, vos forces et même votre vie ! Il m’apparaît évident qu’on vous a sorti du plus profond des forêts du Rocher au Clair de Lune pour vous lancer tel quel dans une guerre. Voilà qui est intéressant, très intéressant même !
— Humph !
— Du calme, sac à puces, ce n’est pas comme si ton inexpérience m’aurait échappé plus de quelques instants lorsque la guerre sera déclarée. Je pourrais prendre plaisir à t’insulter à ton insu, et révéler les lacunes de ton intellect, mais malheureusement, ceci n’est pas l’objet de notre rencontre.
— Non, parce sinon je serai occupé à dévorer ton si précieux cerveau à l’heure actuelle…
— Tiens donc, j’ai plutôt l’impression que c’est moi qui me serais abreuvé de ton sang. Un barbare dans ton genre ne sera pas aussi raffiné que mes repas habituels, mais pour toi, je suis prêt à faire une exception. Mais que de malheur, c’est à moi qu’il incombe de m’élever au-dessus de ces enfantillages, autrement nous en aurions pour des semaines !
— C’est toi qui voulais me voir. Je suis là. Alors parle au lieu de me faire perdre mon temps.
— Ah oui, ton si précieux temps. J’oublie parfois que l’éternité n’est pas à la portée de tous… Mais bon, tu t’empiffreras bien plus tard. Parlons affaires avant que l’un de nous ne montre les crocs. »

Le marquis et Typhon discutèrent un long moment sur la « cérémonie » de déclaration de guerre. Typhon était d’avis de faire les choses simplement. Une déclaration écrite dans les deux langues raciales et signée par les deux parties. Ce n’était pas la manière de procéder des Evershas, qui n’en avait aucune, alors Typhon emprunta un procédé auquel il fut témoin lors de son séjour chez les Magiciens. La suggestion surprit le Vampire, qui ne s’attendait pas à une suggestion aussi formelle de la part d’un sauvage, mais ça ne l’empêcha pas de balayer l’idée du revers de la main.

« Il suffit que l’on croie à une guerre pour qu’elle se justifie. Qu’importe la méthode employée, du moment que tous y croient ! Et donc, c’est précisément ce que je veux. Nous allons nous adresser à tous en même temps et convenir d’une guerre entre nos peuples respectifs. Certes, la victoire vampire est assurée, mais de ce que j’ai pu voir jusqu’à maintenant, les Evershas sont trop bêtes pour reconnaître la défaite. Alors ne te fait pas d’illusion, « commandant, » ton rôle à toi, c’est de donner un visage aux Evershas pour qu’on puisse tous pointer du doigt celui qui aura perdu cette guerre, avec toutes les conséquences que ça implique.

C’est pour ça que je m’apprête à faire le sacrifice de ma fierté et de prétendre que tu es mon égal. Tâche de donner un peu de crédibilité au personnage, veux-tu ? Bien. Nous tiendrons la cérémonie dans mon château en Myngrimu. Ce sera une soirée élégante, je partagerai ma collection de vin… Ugh… Quelle horreur ! Puis, nous nous déclarerons la guerre devant les personnalités les plus influentes de ce monde. »

Typhon écouta attentivement les paroles du marquis, se doutant qu’il s’attendait à une soumission de l’Eversha. Même lui pouvait comprendre que les Evershas se retrouveraient sérieusement désavantagés face à leurs rivaux vampires lors d’une telle cérémonie. Le marquis comptait probablement se servir de la perception de supériorité pour s’attirer les faveurs des puissances et décourager tous ceux qui considéreraient appuyer les Evershas. Le Vampire pouvait même aller plus loin et n’inviter que ses propres sympathisants, s’assurant que son propre message soit confié aux dirigeants.

« Je refuse. Enfin, c’est ce que j’aimerais décider, mais tu sais déjà que je ne peux pas. Par contre, si tu veux que je joue le jeu, tu vas devoir mettre de l’eau dans ton vin, Sanguice.

Je te propose un concours de popularité. Puisqu’il suffit qu’on croie à une guerre pour qu’elle soit légitime, évitons les grands influenceurs et concentrons-nous sur la population normale. Laissons les hommes et les femmes du peuple choisir lequel d’entre nous est le plus digne de confiance et informer leurs dirigeants. »

Le marquis s’apprêta à corriger son rival sur de nombreux points, notamment de la soustraction de son titre de marquis pour s’adresser à sa personne, mais se ravisa au dernier moment. Une idée lui était apparue en écoutant la piètre contre-offre de l’Eversha. Peut-être pouvait-il encore plus tourner la situation à son avantage et infliger du tort à ses ennemis. Dès lors, plusieurs plans se bousculèrent dans la tête du Vampire, des plans tous plus sinistres les uns que les autres. Il suffisait de trouver celui qui maximiserait les gains du marquis et minimiserait ceux de l’Eversha.

« Hum… Ma foi, peut-être pouvons-nous trouver un terrain d’entente. Une cérémonie de déclaration de guerre qui fait abstraction des grands de ce monde ? Pourquoi pas ! Ah, pauvre sot es-tu si tu penses que la notoriété des Vampires n’atteints pas les gens du bas peuple. Ou peut-être, espères-tu que la foule soit moins corrompue et plus ouverte d’esprit… Je vois. Je vois… Et bien, je relève le défi ! »

Il y eut de nombreux vas et-viens entre le marquis qui ne se gênait pas pour réclamer des arrangements en défaveur de ses futurs ennemis et Typhon qui cherchait un minimum d’équité. Le Vampire avait de nombreux avantages sur l’Eversha, notamment en expérience et en moyens financiers. Après tout, son titre de marquis n’était pas que décoratif, mais un symbole d’influence et de richesse, tous deux faisant défaut à Typhon, pour qui le titre d’augure était si récent qu’il était plus symbolique que fonctionnel.

À force de discussion, de persuasion, et faute d’une meilleure idée, il fut convenu que le château du marquis serait utilisé pour la cérémonie de déclaration de guerre. Il était inconcevable pour le Vampire de même considérer tenir un évènement de la si haute importance à l’extérieur. Le maigre gain qu’obtenu Typhon fut de changer la nature de la soirée par un banquet plutôt qu’une soirée cérémonielle. Ainsi, les gens du peuple seraient plus facilement distraits et les Evershas pourraient fournir la nourriture à consommer, évitant que le marquis accapare tout le mérite de la soirée.

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Les difficultés de Typhon n’allaient qu’en augmentant. Somme toute, le Grand Totem fut satisfait de la performance de son nouvel Augure. Il faut dire que Rakel avait bien peu d’attentes à l’égard des compétences sociales de Typhon. Toutefois, tout comme le Marquis de Sanguice, Rakel avait plusieurs idées de comment tirer avantage de la situation. Typhon n’avait peut-être très peu de capacité à prévoir sur le long terme, mais ça ne l’empêchait pas d’avoir une chance hors norme.

Lorsque l’augure appris que son Grand Totem n’avait aucune intention de livrer la moindre ressource en territoire vampire, c’est là que Typhon compris que la responsabilité lui était déléguée. Rakel avait « plus important à faire, » disait-il, et Typhon dû prendre congé du Grand Totem. C’est peu de temps après, que le commandant reçu une missive de son homologue vampire. Le marquis tenait à ce que Typhon passe le temps qu’il faudra dans son château pour préparer et apprendre par cœur le discourt qu’il devra livrer. Évidemment, Rakel s’empressa d’imposer à son subalterne d’accepter l’offre, comme si c’était l’idée du siècle.

Résignés, Typhon et les principaux membres de sa meute, Échidna et Ladon, prirent un navire pour Myngrimu. Pendant ce temps, c’était Renart qui était responsable du reste de la meute. Le jeune Eversha était loin d’avoir les qualités requises pour diriger, mais la meute de l’Augure n’avait pas encore eu le temps de se développer, puisque le Grand Totem expédia tout le monde dans l’Antre des marais en vue de la guerre contre les Vampires. Ainsi donc, à l’exception de Renart, ils étaient tous trop jeunes ou trop vieux pour la responsabilité. Cela dit, c’était précisément dû à la constitution de la meute, que Typhon pouvait se permettre de laisser son ancien protégé le représenter.

Échidna, la compagne de Typhon, présenta à son mâle une lueur d’espoir à la situation qui avait échappé au chef de meute. Le Grand Totem était satisfait. Typhon aurait pu se voir retirer son privilège de commandant de terrain, puni, voir sermonné, mais non. À mots voilés, l’augure avait pratiquement été félicité. Comme quoi, Typhon avait encore beaucoup de travail devant lui s’il voulait obtenir un esprit logique, indispensable pour bien diriger une armée.

1879 mots
1er message

La ligne d’approvisionnement

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Bien que Typhon fît de son mieux pour rejoindre le plus vite possible le Marquis de Sanguice, le trajet jusqu’au château du Vampire nécessita de plusieurs escales. L’appétit phénoménal des evershas qui accompagnaient Typhon nécessitait des dispositions particulières, mais il n’était pas particulièrement difficile de prévoir des stocks de nourriture en conséquence. L’Antre des marais ne partageant aucune frontière avec Myngrimu, Typhon devait réfléchir à un moyen d’approvisionner le banquet à venir, ainsi que d’assurer sa propre subsistance. Les Vampires ne se nourrissant que de sang, le marquis n’allait donc pas être en mesure de nourrir les Evershas qu’il hébergerait. Il en avait d’ailleurs été mention de la missive d’invitation.

Les escales avaient pour but de donner l’impression que Typhon préparait une voie de ravitaillement et, effectivement, Échidna et Ladon, le conseiller de la meute, posèrent des questions en ce sens, allant jusqu’à négocier certains accords. Cela dit, Typhon avait une autre idée pour garantir l’approvisionnement. Ladon avait la conviction que le marquis tenterait inévitablement de saboter le ravitaillement de la nourriture pour le banquet. Il semblait évident que le Vampire n’allait pas rater une occasion aussi simple pour faire du tort à son adversaire. Après tout, la qualité d’un banquet dépendait entièrement de la qualité de sa nourriture.

L’idée de Typhon n’était pas sans risque, alors l’augure se devait d’au moins mettre en place la voie de ravitaillement. Tant mieux s’il pouvait s’en passer, mais comme le conseillait Échidna, il était préférable d’avoir des plans de contingence au cas où. Or, entre l’Antre des marais et Myngrimu, il y avait les Terres arides, un territoire sous le joug des Démons. Qui plus est, un territoire qui se remettait à peine d’une puissante éruption volcanique. L’approvisionnement en nourriture d’un banquet pour plusieurs centaines d’individus n’allait pas être de tout repos. Et pour couronner le tout, Typhon allait devoir tout régler sous le nez de son adversaire qui risquait de ne pas manquer une occasion de le nuire.

À l’insu de Typhon, Rakel dépêcha trois autres augures pour accompagner le commandant de terrain des forces evershas dans l’Antre des marais. Rakel n’était pas du genre à mettre tous ses œufs dans le même panier. Officiellement, Typhon était son nouveau favori, un puissant augure qui allait très certainement accomplir de grande chose pour le compte du Rocher au Clair de Lune. Officieusement, Typhon était assisté (et à son insu, qui plus est) de trois autres augures. En d’autres mots, le maitre-espion, le maître saboteur et le maître cambrioleur.

La véritable puissance des Evershas ne provenait ni de ses guerriers ni de ses armes. À ces sujets, les Vampires leur sont en tout point supérieurs. Non, la force des Evershas provenait de leurs deux principaux atouts, leur capacité à prendre une forme animale et celle d’engendrer des monstres par le biais d’une simple morsure. C’est donc dans l’ombre que les Evershas sont les plus menaçants. Il s’agit d’un terrain pourtant familier pour les Vampires, mais même les suceurs de sang n’y sont pas aussi efficaces. Il faut du temps et de la préparation aux Vampires pour choisir et influencer leur cible jusqu’à en obtenir le contrôle. C’est ce raffinement vampire, permettant de s’infiltrer où bon leur semble pour obtenir satisfaction, qui est mise en échec face à l’incroyable facilité pour l’Eversha de semer le chaos et la confusion. Si le Vampire peut prendre le contrôle d’un haut dirigeant, l’Eversha peut tout simplement anéantir la chaine de commandement.

C’est pourquoi Rakel donnait autant d’importance à Typhon. Grand, imposant, lourd et fidèle, ce colosse n’avait pas son pareil pour attirer l’attention sur lui. C’est donc avec brio que Typhon réussit à accaparer toute l’attention du Marquis de Sanguice. Le Vampire semblait pratiquement obsédé par son adversaire. Satisfait des récents développements, Rakel délaissa son attention de ses augures pour reprendre son travail de logistique. Il devait encore faire parvenir de nombreux Evershas à l’Antre des marais, en plus de gérer ceux qui étaient présents. Reprendre la terre perdue allait inévitablement exiger une confrontation directe. Là-dessus, il n’y avait pas trente-six solutions. Les Evershas devaient compenser leur désavantage militaire par le nombre.

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Pendant la négociation des accords de ravitaillement avec les Démons des Terres arides, Typhon se rendit vite compte qu’Échidna et Ladon avaient la situation bien sous contrôle. La première se servait de ses charmes, magiques et physiques, pour attirer l’attention des commerçants, alors que le second se servait de son âge et de son expérience pour complémenter les lacunes d’Échidna.

Après plusieurs discussions, le groupe d’Evershas avait conclu que cette voie de ravitaillement servirait idéalement uniquement à assurer leurs propres besoins en nourriture. Typhon espérait qu’une ancienne connaissance lui permette de fournir le banquet en nourriture de qualité, tout en s’assurant de limiter les interférences possibles du marquis. Ainsi, il y aurait deux sources d’approvisionnement mis en place.

Typhon n’avait donc rien de mieux à faire que de se dégourdir les jambes lors de ces escales. Le chef de meute avait envoyé une missive à son ancienne connaissance et devait donc attendre la réponse. Pour un individu moindre, le changeur de forme aurait simplement rendu visite et advienne que pourra, mais puisqu’il s’agissait de son maître cuisinier, il valait mieux prendre des précautions.

Pendant ces promenades, Typhon remarqua la présence de plusieurs Anges parmi les esclaves des Démons. Comme quoi, la grande Purge n’avait eu que peu d’impact sur cette terre. Si ce n’était de l’éruption volcanique, il était même possible que la vie ait suivi son cours de façon tout à fait normal. Cela donnait à Typhon bon espoir que son maître s’en soit sorti tout aussi indemne, heureusement, comme malheureusement. Heureusement, puisqu’il pourrait être d’une grande aide pour que la nourriture du banquet soit parfaite. Malheureusement, puisque le prix allait immanquablement être élevé.

Dans la situation, le commandant des forces evershas évaluait la possibilité de libérer ces Anges. Une bonne partie du Continent dévasté appartenait aux Démons. Si ce n’avait été de la Purge, ils auraient fait des alliés de choix, que ce soit pour les Evershas ou les Vampires. L’Antre des marais tout comme Myngrimu partageait une frontière avec une terre démoniaque. Une alliance avec les Démons des deux territoires aurait été un avantage stratégique certain. Or, après la dernière Purge, la position des Démons n’était guère enviable. Cela dit, les Anges ne se portaient pas mieux que leurs opposés. C’était encore pire de leur côté, puisque selon les rumeurs, une bonne partie de la race vivait sous l’esclavagisme.

Ultimement, Typhon n’avait pas l’expérience pour mener un conflit sur deux fronts et Rakel allait vraisemblablement le tuer s’il envoyait des troupes dans les Terres arides pour libérer des esclaves. Qui plus est, perturber le statu quo du Continent Dévasté plus que nécessaire ne finirait pas nécessairement à l’avantage des Evershas. Les Démons ne pouvant se permettre une guerre aussi bien contre les Evershas ou les Vampires, il y avait fort à parier qu’ils resteraient neutres au conflit. C’était bien parce que le conflit n’était pas encore officiel que Typhon pouvait se permettre d’impliquer son maître, enfin, pour peu qu’il accepte.

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C’est avec un mélange de dégout et de soulagement que Typhon reçut une réponse positive de son mentor cuisinier. Gal’ulm le Gourmand attendait maintenant la visite de son apprenti afin d’y discuter plus en détail de la contribution du Démon. La rencontre avec le maître cuisinier aurait donc lieu. Selon la lettre de Gal’ulm, le navire de Typhon pourrait faire escale peu avant d’atteindre les eaux de Myngrimu. Le Démon comptait visiblement rejoindre les Evershas, plutôt que l’inverse.

Le bon côté, c’était que Typhon n’allait pas être seul pour confronter le puissant Démon. Le mauvais, c’était que ledit Démon allait devenir un compagnon de voyage. Qui plus est, nul doute que le Démon ne fournira aucune aide sans un nouveau Pacte Démoniaque, avec tous les avantages et les inconvénients qu’une telle chose impliquait. Évidemment, le chef de meute reçut dès lors la promesse que ses compagnons feraient tout ce qui était en leur pouvoir pour aider Typhon dans cette tâche. C’était la seule façon de s’assurer que le Marquis de Sanguice ne sabote pas le banquet. Typhon écrivit donc une nouvelle missive à l’intention de son mentor, acceptant le lieu de la rencontre et estimant le temps nécessaire avant que le navire y navigue.

En tant qu’Élu des Portes, Typhon pouvait se téléporter grâce au monde des Portes et atteindre presque n’importe quelle destination en un instant. Le changeur de forme se gardait toutefois de faire usage d’un tel pouvoir, et ce depuis plusieurs années déjà. Le pouvoir des Portes avait une volonté propre. Si Typhon en faisait usage, alors il ne pouvait pas garantir sa destination. Qui plus est, l’Eversha craignait de se retrouver dans une nouvelle mésaventure avec les autres élus. Or, ce n’était vraiment pas le moment pour le commandant de se laisser distraire de la sorte. C’est pourquoi le navire atteindrait sa destination par des moyens naturels, en temps et lieu, et pas avant.

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Le temps était assez mauvais quand le navire atteignit le lieu de rencontre proposé par Gal’ulm. Une tempête était imminente, alors le navire n’avait d’autre choix que de jeter l’ancre et laisser passer le mauvais temps. Pour les Evershas, ça signifiait un séjour prolongé dans la résidence secondaire du Démon. Gal’ulm n’avait probablement jamais possédé une réelle demeure secondaire, mais influent comme il était, le Gourmand n’avait probablement eu aucun mal à prendre possession des lieux entre la réception de la missive de Typhon et l’arrivé de ce dernier à l’Antre des damnés.

C’est sans trop de surprise que Gal’ulm fut absent pour accueillir les voyageurs. C’est plutôt son serviteur en chef, Roself, qui accueillit les Evershas. L’éclat d’intelligence qui animait les yeux de ce Démon était aussi vif que dans les souvenir de Typhon. Roself n’eut d’ailleurs aucun mal à reconnaître le protégé de son maître. Les cinq ans passés n’avaient eu aucun impact sur le Démon, qui était exactement le même. L’on pouvait malheureusement en dire autant de Gal’ulm, qui était toujours aussi corpulent.

Les quatre Evershas étaient bien nourris, et même un peu corpulents pour certains, mais malgré leur imposante taille, il y avait plus de Gal’ulm qu’il y avait d’Evershas. À ce sujet, on ne pouvait pas dire qu’il y avait grand-chose d’humain dans la forme humaine du Démon de 500 kilos de graisse. Immobilisé par son propre poids, Gal’ulm ne se déplaçait qu’avec l’aide de ses serviteurs et en se téléportant vers ceux a qui le corpulent démon avec un pacte actif. À leur dernière rencontre, Typhon avait réussi à survivre à l’appétit du puissant Démon en gagnant du temps grâce à un pacte et en réussissant tant bien que mal à conclure ledit pacte. L’Eversha se retrouva malgré tout lié au Démon, puisqu’il demeure, encore aujourd’hui, son maître cuisinier. Ainsi donc, chaque fois que Typhon veut faire un usage professionnel de ses talents de cuisinier, il doit évoquer le nom de Gal’ulm, et ce jusqu’à ce que Typhon devienne maître à son tour, ou que le Démon renie l’Eversha, mettant du coup fin à sa carrière culinaire.

« Qu’avons-nous là, k’uhm, annonça Gal’ulm, trois Evershas ! Tu as progressé depuis notre dernière rencontre, Dhavala… ou plutôt Typhon, k’uhm ! Mais, telle le voulait la destinée, te voilà de nouveau devant moi, et avec le doux parfum du Rocher au Clair de Lune et un soupçon de l’Antre des marais ! Mais allons, k’uhm, qu’attends-tu pour me présenter tes délicieux compagnons, mon gros matou !
— Maître Gal’ulm, répondit Typhon, je te présente Échidna, mon épouse. À ma gauche, Ladon, mon conseiller. Tu ne nous en voudras pas si nous retardons les discussions après le festin. Le voyage nous a affamés.
— Ah ah ah, k’uhm ! Trêve de politesses, trêve de manières et trêve de retenues ! Empiffrez-vous !!! »

Des serviteurs démoniaques s’empressèrent de mettre la table devant le corps de leur seigneur et d’y garnir un grand nombre de plats afin de satisfaire l’insatiable maître cuisinier, ainsi que ses invités. L’imposant festin en aurait intimidé plus d’un, mais la voracité collective présente à la table ne saurait se satisfaire de si peu. Après le rationnement imposé par le voyage en bateau, et l’influence néfaste du Démon, les Evershas s’abandonnèrent à la gloutonnerie.

2052 mots
2ème message

Le maître cuisinier

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Lorsque Roself se présenta à son maître à l’heure de son rapport habituel, le serviteur Démon fut surpris de constater que son maître s’était de nouveau retrouvé sans une situation délicate en cherchant à manipuler son apprenti Eversha. Gal’ulm n’était certes pas le plus malin des Démons, mais il demeurait un puissant Démon avec une grande expérience. Ce Typhon avait une chance hors norme pour ainsi déjouer les plans de Gal’ulm.

En un coup d’œil, Roself comprit que son maître avait tenté son approche habituelle. Gal’ulm invitait ses invités à un festin et attisait leur gourmandise afin de les inciter à manger à outrance. Dans la majorité des cas, les invités se retrouvaient indisposés par leur digestion et plus facilement manipulables par la suite. La simplicité de cette approche n’avait d’égal que son efficacité, ce pourquoi Gal’ulm s’en servait si souvent. Il suffisait ensuite de répéter la manœuvre tout au long du séjour des invités pour venir à bout de même les plus irréductibles. C’est pourquoi, d’ordinaire, seuls les Anges nécessitaient une approche différente.

Dans le cas présent, les Evershas s’étaient rempli la panse, comme prévu par le seigneur Démon. Or, ledit seigneur était maintenant entouré de deux immenses félins et d’un imposant serpent, blotti contre le Démon. D’une part, Gal’ulm ne pouvait manipuler un invité endormi. D’une autre, le Démon était écrasé par le poids desdits invités. Bien gavé, chacun des félins se comparait en poids avec le corpulent Gal’ulm. Or, ils étaient toujours mobiles, eux, grâce à leurs dimensions surnaturelles. Du coup, le maître Démon apprenait à la dure que son apprenti avait appris de nouveaux tours. En d’autres mots, Gal’ulm ne faisait pas le poids.

Maintenant au fait de la situation, Roself organisa le transport des invités vers un emplacement de repos plus convenable, qui n’indisposerait plus le maître des lieux. En tant que Démon, Gal’ulm n’était pas sujet à ses propres maléfices. De fait, l’apparence même du seigneur Démon était truquée. Il était en réalité beaucoup moins lourd et corpulent que son apparence le présageait. Ce n’était qu’un tour de plus pour affaiblir les barrières morales de ses invités.

***

Grâce à l’élasticité surnaturelle de son corps et une obésité contrôlée, Gal’ulm était gonflé d’air et modelé de sorte à créer une illusion de poids démesuré. Et lorsque la situation le demandait, le Démon adoptait sa forme de l’Autre, lui permettant de combattre sans rompre l’illusion. C’est ainsi que le seigneur Démon déjoua grand nombre d’adversaires et se hissa aussi loin dans la hiérarchie démoniaque. Seul l’appétit du Démon n’était pas une illusion. Malgré tous leurs efforts, le Démon et ses serviteurs ne purent créer un artifice suffisamment convaincant. Élément essentiel au mythe du personnage, le maître cuisinier avait développé son estomac de sorte à donner de la crédibilité à son apparence.

Évidemment, la progression de Gal’ulm stagnait depuis des décennies. Artifices et tour de passe-passe ne suffisaient pas à se tailler une place parmi les monstres qui dirigeaient la race démoniaque. Un jour, peut-être, Roself le trahirait et prendrait sa place, mais ça, Gal’ulm en doutait. Certes, son serviteur en chef désirait la reconnaissance de ses facultés, mais intelligent comme il était, le serviteur démoniaque savait qu’en prenant la place de son maître, les aspirants Démons s’en prendraient alors à lui pour eux-mêmes s’élever.

***

Contrairement à Gal’ulm, qui ne pesait guère plus de 200 kilos répartis sur une assez vaste surface, Typhon et Échidna pesait respectivement plus de 550 et 400 kilos dans leur forme féline lorsque repu. Uniquement à eux deux, ils engloutirent plus de 100 kilos de viande lors du festin. C’était bien plus que les cinq kilos qu’avala le serpent et les deux kilos que Gal’ulm réussi tant bien que mal à ingérer. Typhon et Échidna étaient si voraces que le secret du maître Démon aurait été découvert s’il n’avait pas réussi à envouter son apprenti et sa compagne. Lorsqu’enfin la chatte et le tigre furent dégagés du corps de Gal’ulm, le corps du Démon était déformé, gardant l’empreinte des imposants félins.

Déplacer les Evershas ne fut pas une partie de plaisir pour les Démons. Assoupis, ces monstres n’étaient pas très coopératifs, remuants de temps à autre, tantôt raides, tantôt mous. Ce n’est qu’au bout d’intenses efforts que les changeurs de forme furent emmenés dans la pièce qui leur avait été désignée, en plus de devoir complètement revoir l’aménagement de ladite pièce. Le lit fourni prenait trop de place et n’aurait jamais supporté le poids de la plus « petite » du couple. Le sol fut donc aménagé d’un peu de tout ce qui trainait dans la demeure, afin de le rendre un tant soit peu confortable.

Au terme de cet effort, Roself rejoignit son maître. Celui-ci était en compagnie de ses servantes, qui s’affairaient à remodeler le corps de leur seigneur afin de rétablir l’illusion de corpulence extrême.

« Si je peux me permettre, maître, je vous déconseille de vous attarder trop longtemps sur Typhon. Vous ne vous en sortirez pas gagnant.
— K’uhm ! Je ne te le fais pas dire, urp… Lui et sa femme ont plus d’appétit que moi. J’ai dû pousser leur gloutonnerie à fond, k’uhm, pour qu’ils ne me percent pas à jour. Mais après, ils sont passés à un cheveu de me sauter à la gorge. J’ai dû ordonner que toute notre viande soit apportée telle quelle, k’uhm !
—Vous auriez dû maintenir le pacte original, telle que je vous l’avais conseillé. Maintenant, il va se méfier.
— Je sais, K’uhm… Mais nous n’en serions pas là si j’avais réussi à le dévorer comme je l’espérais. Maintenant, k’uhm… Je ne peux pas me laisser impliquer sans obtenir quelque chose en retour.
— Je suis d’accord. Je crois qu’il sera tout de même possible de négocier un arrangement à notre avantage. »

Gal’ulm et Roself discutèrent un moment de leur implication future dans le conflit entre les Evershas et les Vampires. Dans sa lettre, Typhon avait insisté sur le fait que le Démon ne prenait pas un parti, qu’il conserverait sa neutralité. Roself n’était toutefois pas dupe, si l’Eversha se donnait la peine d’en dire autant et si peu, c’était que le conflit était sur le point de passer à une étape supérieure. Les deux races manigançaient quelque chose en Myngrimu et, vraisemblablement, Gal’ulm n’était qu’un moyen pour arriver à une fin.

En tant que Démon non lié au roi des Démons, Gal’ulm et ses serviteurs n’étaient pas directement impacté par la Purge qui eut lieu en Enfer. Indirectement, toutefois, c’était toute la race qui pâtissait du massacre. Selon les informations qu’avait réussi à obtenir Roself pour le compte de son maître, l’Antre des damnés s’en sortit sans mal de cette crise. Les Terres arides avaient été secouées par une violente éruption, les Démons survivants de la Terre Blanche sont tous devenus esclaves, la plupart d’entre eux pour le compte des Sorciers, et seule une fraction de Démons survécut à la Purge en Enfer.

Ainsi donc, l’Antre des damnés était l’un des derniers bastions en bon état de la race démoniaque. Après les Evershas et les Vampires, la troisième race d’influence à détenir un territoire au Continent dévasté était les Sorciers de Nementa Corum. Ces derniers ont d’ailleurs déjà démontré leur désir de réduire les Démons en esclavage pour leur compte avec leur agissement en Terre Blanche. Quant aux autres, leur présence était beaucoup plus discrète. Le Berceau Cristallin n’était pas peuplé par les Lyriens, à proprement parlé, alors que les Orishas du Désert de Mow étaient d’une neutralité très stricte dans tout conflit.

Il était donc à l’avantage des Démons non liés de forger des alliances pour éviter le sort de la Terre Blanche. Cela dit, le choix entre les Evershas et les Vampires n’était pas évident. Certes, les Evershas détestaient les Sorciers au moins autant que les Vampires, mais c’était un peuple aux individus éphémères et instables. Nul ne pouvait dire combien de temps une alliance pourrait durer. De leur côté, les Vampires avaient certaines affinités avec les Sorciers, alors il était possible, voire probable, que le peuple de la nuit trahisse les Démons advenant une meilleure offre des Sorciers.

Gal’ulm et Roself arrivèrent à la même conclusion. Le soutien du peuple Eversha était préférable à celui des Vampires. Les deux Démons ne pouvaient qu’espérer que l’Antre des damnés agisse en ce sens. Si tel était le cas, alors prendre les devants et rendre Typhon redevable envers Gal’ulm pourrait rapporter gros au seigneur démoniaque. Inversement, il risquait de perdre beaucoup.

***

C’est seulement au bout de trois jours de repos que les Evershas et le maître Démon se retrouvèrent pour formellement discuter de l’implication de Gal’ulm lors du banquet de déclaration de guerre entre Evershas et Vampires. Évidemment, la finalité du banquet ne fut pas révélée directement, mais Gal’ulm avait aisément deviné la supercherie. Pourquoi d’autre est-ce que Typhon aurait accepté d’organiser un banquet dans un château vampire ?

« Évitons les politesses et allons droit au but, k’uhm, déclara Gal’ulm. Mon gros matou d’apprenti s’est fait attirer dans l’antre d’un suceur de sang et il a besoin de son maître pour couvrir ses arrières !
—Non, répliqua Échidna, c’est moi qui surveille le cul de Typhon. Tu n’es que le cuistot, Démon.
— Voyons, voyons, k’uhm… Le cul de mon Typhon est bien assez gros pour deux !
— Ça suffit de parler de mes fesses, interrompit Typhon. Échidna, à raison. Maître Gal’ulm, je ne veux pas que vous vous impliquiez. J’ai besoin de vous pour approvisionner un banquet, ni plus, ni moins. Je m’occuperai personnellement de la cuisine.
— Dis plutôt que tu ne peux pas, k’uhm ! Je me suis informé et je sais bien que ni les Evershas, ni les Vampires ne sont prêts à céder Durienrisda. Typhon, mon Typhon, k’uhm… C’est de la politique tout ça et tu es à des siècles d’avoir mon expérience en la matière !
— Raison de plus pour que tu restes dans ton trou, gros lard ! C’est de la politique qui ne te concerne pas !
— Gal’ulm le Gourmand, k’uhm, rester discret ? Ah ! Ce n’est certainement pas pour passer inaperçu que j’entretiens ce corps de rêve ! Mais soit, k’uhm, je crois que nous savons tous qui sont les véritables gloutons ici. J’avais prévu démontrer l’étendue de mes talents avec une semaine de copieux repas tous plus alléchants les uns que les autres !
— Et nous savons tous qui est en cause, n’est-ce pas, maître ? Je vous avais pourtant prévenu que nous étions affamés. Vous n’aviez pas besoin de stimuler à ce point notre gourmandise. »

La discussion n’aboutit nulle part pendant un temps, mais le Démon eut tôt fait de comprendre qu’il n’avait pas l’avantage pour cette discussion. Typhon souhaitait toujours son aide, mais Échidna semblait convaincu que les Evershas pouvaient se passer des services du maître cuisinier. Elle avait faux, évidemment, mais ça forçait Gal’ulm sur la défensive, plutôt que de pouvoir amadouer ses invités. Cette conversation dépourvue de festin ne donnait guère d’avantage au Démon qui se retrouvait hors de son élément, en quelque sorte.

C’est au moment convenu que Roself vint s’ajouter au débat, afin d’apporter un point de vue « extérieur » et « modéré. » Typhon avait à peu près employé la même stratégie, puisque c’est également à ce moment que Ladon participa à la conversation, lui qui fut resté silencieux jusqu’alors. Gal’ulm fut forcé de le reconnaître, son apprenti avait bien appris en sa présence, et peut-être plus que la cuisine. Cela dit, Gal’ulm et Roself combinaient plus d’un demi-millénaire de magouilles diverses.

Grâce à cette expérience Gal’ulm réussie à avoir gain de cause. Ce serait lui qui aurait l’entière responsabilité sur l’approvisionnement et sur la conception des plats du banquet, un service pour lequel Typhon ne pouvait payer à sa juste valeur. Il n’y avait donc qu’une seule possibilité, un Pacte Démoniaque. De son côté, si sa stratégie ne lui permit pas d’éviter le pacte, Typhon réussi tout de même à limiter sa contrepartie à l’accord. Il en résultat d’un échange de faveur. Gal’ulm s’occuperait du banquet de Typhon et l’Eversha devrait un jour rendre la pareille à son maître, où le pacte serait alors complété.

2034 mots
3ème message

La dernière escale

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Typhon et Échidna furent heureux de constater que Gal’ulm ne serait pas du voyage qui mènerait les Evershas à leur destination finale, le château du Marquis de Sanguice. Le Démon n’en avait simplement pas besoin, maintenant qu’un pacte l’unissait de nouveau avec son apprenti cuisinier. Dès lors, Gal’ulm savait toujours où trouver Typhon et l’y rejoindre par téléportation, et ce, tant et aussi longtemps que le pacte n’arrivait pas à échéance. Si Gal’ulm n’invoquait jamais la faveur due, où si Typhon refusait la demande, le pacte ne ferait que perdurer.

De retour sur leur navire, Typhon fut surpris de constater la présence d’un étranger. Il s’agissait d’un Eversha, mais pas l’un de ceux que l’Augure avait choisis pour l’accompagner en Myngrimu. Apparemment, c’était une directive du Grand Totem Rakel, alors Typhon n’avait pas son mot à dire sur cette nouvelle présence répondant au nom de Furtif. En fait, la directive était de l’ignorer complètement et de le laisser faire ce qu’il avait à faire. Il était présent, mais il n’était pas là, en quelque sorte. Bref, Typhon eut tôt fait de l’ignorer. Le Grand Totem était reconnu pour être très expéditif envers ceux qui ne respectaient pas ses désirs.

Le reste de l’équipage fut plutôt consterné par le soudain gain de poids de leur passager. La rumeur circulait que l’appétit de Typhon et d’Échidna était tel, qu’ils étaient capables de dévorer l’équipage quand leur faim n’était pas assouvie. À voir leurs vêtements étirés et déformés, malgré leurs tailles considérables, cette rumeur gagnait en crédibilité. Le nouveau venu n’aidait en rien quand il affirmait que le couple était pourvu du Totem de carnivores gigantesques. Cela dit, le couple n’avait pas besoin d’aide pour intimider davantage ces marins superstitieux. Malgré leur ventre déjà bien arrondi, Typhon et sa compagne exigèrent leur festin habituel en soirée, qu’ils consommèrent avidement.

***

La pleine lune approchant, Typhon et le capitaine convinrent de faire une escale sur l’une des îles avoisinant Myngrimu. Officiellement, Typhon souhaitait invoquer les mots de Phœbe, la déesse de la lune et de la nature avant d’atteindre sa destination au château du marquis. Officieusement, Furtif avait fait passer le mot que leurs passagers allaient dévoiler leur Totem afin d’assouvir temporairement leur insatiable appétit.

Dès leur arrivée sur l’île, les Evershas se dispersèrent afin de trouver eau et nourriture fraiche pour le banquet lunaire. Les histoires de Furtif avaient nourri la curiosité de l’équipage et l’on attendait avec impatience de découvrir en quoi Typhon, Échidna et Ladon étaient si spéciales. Si l’équipage ignorait que la mission de Typhon était de déclarer la guerre aux Vampires, ces Evershas marins étaient bien au fait des incessants affrontements avec les Vampires. Le statu quo à Durienrisda était préservé au prix de bien plus de vies evershas que vampires. Comme bien d’autres changeurs de forme, l’équipage cherchait un signe divin pour les guider dans cette crise. Si Phœbe, elle-même, présageait la défaite, alors même le Grand Totem de l’Antre des marais n’aurait d’autre choix que d’abandonner Durienrisda.

Toute la journée, l’on apporta à Typhon viandes, fruits et divers ingrédients conserver dans la cale du navire et l’imposant Eversha cuisina un festin d’une ampleur rarement vu dans la vie des hommes et des femmes de la mer. À force de côtoyer ces odeurs et de voir les plats tous plus délectables les uns que les autres, les marins développèrent eux aussi un appétit lorsqu’enfin vint le temps d’attaquer les victuailles.

L’équipage tout entier réussit à peine à consommer une fraction de la nourriture qui leur était offerte. Il faut dire que puisque Typhon et Échidna avaient décidé de jeûner ce jour-là, jusqu’à la venue de la pleine lune, c’était deux colosses de moins qui se servaient. Avec les rumeurs de Furtif, ils étaient nombreux à guetter le moment où les passagers se transformeraient pour accomplir le rituel des mots de la déesse.

Lorsque se moment se présenta finalement, les Evershas étaient extatique. Les titanesques félins respiraient la démesure. Renforcés par les pouvoirs que conférait Phœbe à ses enfants lors de la pleine lune, les marins découvrirent un avant-goût des mesures que déployait le Grand Totem pour faire pencher la balance du conflit en sa faveur. Les Vampires étaient pourvus de leur technologie supérieure, mais les Evershas disposaient de la puissance de la nature. Rassurer, les marins n’avaient plus aucun doute sur leur mission ainsi que son importance. Ils atteindraient le château de Myngrimu et ramèneraient leur passager à l’Antre des marais afin qu’ils puissent y massacrer les Vampires, dont les crimes restaient impunis depuis trop longtemps. Il était là, le signe que Phœbe était toujours avec les Evershas.

***

Distrait par la forme lunaire de Typhon et de ses compagnons, personne ne remarqua l’absence de Furtif au banquet. Le représentant de Rakel eut fort à faire en cette nuit, afin d’éliminer les espions du Marquis de Sanguice, ainsi que de se débarrasser des traitres qui s’étaient infiltrés parmi l’équipage à leur insu. Le maître-espion de Rakel n’avait pas son pareil pour agir dans l’ombre à l’insu de tous, mais même lui devait admettre que Typhon lui facilitait la vie. Furtif n’avait aucun mal à comprendre pourquoi le Grand Totem avait fait de ce vagabond son augure afin qu’il commande l’armée eversha. Avec un tel énergumène, le travail du maître-espion et de ses collègues, le maître saboteur et le maître cambrioleur, n’en serait que plus aisé.

Ce Typhon était soit très malin, ayant reconnu la fonction de Furtif, soit très chanceux, ce qui était plus probable. À bien des égards, le maître-espion enviait son nouveau compagnon de voyage. L’innocence de l’ignorance permettait une simplicité de vie et d’agréables compagnies que ne pouvait plus se permettre Furtif. C’était tout simplement satisfaisant de profiter des petites choses que l’on pouvait vivre en compagnie de cet Eversha. Enfin, tout cela n’était qu’une façade pour Furtif, mais il n’était pas proscrit d’y prendre plaisir. Somme toute, il n’y avait que Typhon pour organiser un banquet de célébration sous le nez de son adversaire pour redonner courage à ses troupes.

Si le Marquis de Sanguice avait pu anticiper la manœuvre, nul doute qu’il aurait eu de nombreux plans néfastes, mais cet imprévu eut pour effet de révéler les espions et les traîtres, qui furent choqués par la forme lunaire du futur commandant des forces evershas. Furtif avait été lui-même témoin d’un grand nombre d’énergumènes dans ce genre, mais il s’avouait qu’il était soulagé de ne pas avoir Typhon comme adversaire. L’innocence n’était pas qu’une affaire de bonté et d’altruisme. Le géant était un véritable danger public à ces heures…

***

Échidna eut tôt fait de remarquer l’absence de divers membres de l’équipage et prévint son époux que Sanguice avait probablement été informé des capacités de son rival. Non loin, Furtif faisait semblant de faire la sieste, curieux de connaître la réaction du nouvel Augure.

« Je pense que Sanguice nous réserve de mauvaises surprises s’il prend déjà la peine de rapatrier ses espions, déclara Échidna.
— Ça ne change pas notre mission, répondit Typhon. Ce vieux vampire veut nous faire tomber afin de lui-même s’élever.
— Humph ! Encore faut-il rester debout… C’est son château, son territoire.
— Peut-être, mais je ne pense pas qu’il va nous faire du mal. Sanguice veut que je reste son adversaire. Si je meurs ou si Rakel me remplace, quelqu’un de plus compétent sera nommé à ma place.
— Comment ça, plus compétent ? Si Rakel t’a choisi, c’est justement parce qu’il n’avait personne d’autre sous la main ! Sanguice a tout avantage à te faire tuer et forcer Rakel, lui-même, à combattre.
— Non. Le Grand Totem m’a choisi parce que j’étais le plus grand et le plus gros à sa disposition. Il veut que j’attire l’attention sur moi. Phœbe a illuminé un arbre à quatre branches. Rakel, c’est le tronc qui maintient l’arbre droit par ses profondes racines. Moi, je ne suis que l’une des branches. Je nourris l’arbre de mes feuilles, mais je ne suis pas seul. Les Evershas ne sont jamais seuls.
— Rah ! Mais je n’y comprends rien moi à ce charabia ! Et pour couronner le tout, j’ai encore faim ! »

La conversation dérapa rapidement en un échange d’insultes sur qui était le plus vorace et le plus gros et le couple eut tôt fait de se retrouver nu, enlacer l’un contre l’autre. Évidemment, l’intimité était plutôt inexistante sur un navire de modeste taille, mais ce n’était pas ce qui arrêterait deux changeurs de forme qui ne se préoccupaient pas du regard des autres. Cela dit, l’intervention de Ladon força le couple à se séparer. Le château du marquis était en vue. Il était donc temps pour les invités du Vampire de faire leur toilette et de se préparer.

Puisqu’ils allaient vivre au château jusqu’à la prochaine pleine lune, Typhon, Échidna, Ladon et Furtif se devait de faire une bonne impression. Pendant ce temps, le navire et l’équipage avaient pour tâche de se tenir prêts pour rapatrier leurs confrères et leur consœur à l’Antre des marais, où la guerre pour Durienrisda débuterait officiellement.

***

Furtif fut surpris de la lucidité de Typhon à l’égard de son rôle dans la guerre à venir. Peut-être pouvait-il réellement déchiffrer les mots de Phœbe, à l’inverse de la plupart des augures qui inventaient ce qu’ils leur plaisaient sur les prétendues intentions de la déesse de la lune et de la nature. Si tel était le cas, Typhon allait prendre beaucoup de valeur dans l’esprit du maître-espion. Un gros guerrier eversha, ça pouvait aisément se remplacer. Un guerrier capable de communier avec Phœbe, ça, c’était plus rare.

Cela dit, une interprétation réussie des signes pouvait simplement être une question de chance. Typhon avait une chance hors norme, ça, c’était évident. Or, Furtif savait d’expérience que la chance était une maîtresse plutôt cruelle. Tôt ou tard, la chance finissait par tourner et celui qui vie à son dépend risque alors de tout perdre. Tel était le problème de la chance. Pour l’heure, Typhon était chanceux et ça facilitait le travail de Furtif.

La seule chose que changea vraiment le maître-espion dans sa stratégie, c’était de faire encore plus attention en présence de Typhon. Il savait maintenant qu’il n’était pas le seul augure sous les ordres de Rakel. Aussi bien intentionné fût-il, le colosse était un novice inexpérimenté. Il était nécessaire pour Furtif de maintenir un profil bas, celui de l’Eversha paresseux qui devait surveiller Typhon pour le compte de Rakel.

***

Après s’être longuement baigné, Typhon et Échidna cherchèrent tant bien que mal à enfiler les tenus qui leur avait été prévu pour l’occasion. Or, entre le festin de Gal’ulm et celui de la pleine lune, le duo avait pris plus de poids que prévu. De nombreux ajustements auraient été nécessaires, mais faute de temps, il fallut improviser. Les habits furent démantelés et recousus de sorte que le tissu superflu puisse servir à agrandir les sections essentielles. Le résultat ne fut pas déplaisant, mais c’était loin du vêtement raffiné que l’on attendrait d’ambassadeurs. Puisque Ladon et Furtif auraient été mieux habillés que Typhon, il fallut modifier leurs habits également pour éviter qu’ils ne sortent trop du lot.

1861 mots
4ème message

Le château de Myngrimu

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La deuxième rencontre entre Typhon et le Marquis de Sanguice fut beaucoup moins « plaisante » que la première. Lors de la rencontre en terrain neutre, le Vampire faisait un minimum d’effort pour conserver un certain décorum. Sur sa propriété, toutefois, le maître des lieux n’avait aucune intention de perdre la moindre énergie en respect. Les discussions étaient minimales, insultantes et hostiles. Le marquis fut bien clair sur ce sujet, il n’avait aucune intention de rendre la vie de ses invités facile. Tout ce qui lui importait était le résultat. Ainsi donc, le Vampire promettait une seule et unique soirée de civilité, celle du banquet.

Le reste du temps, les Evershas n’étaient guère plus que des intrus. Et encore, le marquis aurait forcé ces derniers à l’extérieur de sa demeure lors de leur séjour, si l’environnement de Myngrimu n’avait pas été aussi hostile envers les étrangers. Et encore, ce n’était pas la sécurité des étrangers qui étaient mis en cause, mais des jeunes Vampires sous la charge du marquis. C’était ces jeunes dominés par leurs pulsions sanguinaires qui devaient être protégés des barbares qui n’auraient aucune hésitation à occire leurs assaillants, sous le prétexte illégitime de l’autodéfense.

« C’est ici que vous dormirez, sac à puces annonça le Vampire. Je vous aurais fait dormir aux chenils, mais j’ai trop de respect pour mes chiens.
— C’est une prison, répliqua Typhon. Je ne dormirai pas derrière des barreaux.
— Je dois supporter vos présences et vos insupportables odeurs pendant un mois, alors vous dormirez aussi loin que possible de mon nez !
— Plutôt dormir dehors.
— Il n’en est pas question !
— Arrête-moi si tu peux, Sanguice ! Je suis forcé d’organiser le banquet avec toi, pas de t’obéir.
— Ne me provoque pas, sauvage ! Tu es ici chez moi ! Tu. Vas. M’obéir !!! »

L’instant suivant, Typhon et le marquis durent être rattrapés par leurs compagnons respectifs pour éviter qu’ils ne se sautent l’un l’autre à la gorge. Ce sont les compagnes des deux hommes qui reprirent la discussion. Or, c’est la Vampire qui tomba dès lors sous le charme de l’Eversha, plutôt que l’inverse, et le marquis mit dès lors fin à la conversation. Le maître des lieux retrouva progressivement son calme, après avoir constaté, à son grand regret, que son adversaire avait présentement l’avantage.

Le Marquis de Sanguice n’était pas stupide. Il voyait bien que les Evershas rivalisaient avec son groupe au niveau des prouesses physiques, mais leur avantage magique était considérable. Si le marquis était le plus puissant magiquement, ses talents étaient peu applicables au combat. Qui plus est, en tant que Vampire, le marquis était une exception. Il avait été Magicien dans sa précédente vie, et ce, jusqu’à un âge avancé. Il ne développa donc jamais ses capacités physiques qui faisaient la renommé de la race vampire. À la différence du marquis, ses compagnons étaient des Vampires transformés dans la fleur de l’âge. Ils évoluèrent donc selon les coutumes vampires, des coutumes avec un intérêt restreint pour la magie.

Le véritable atout du petit groupe de Vampires se situait au niveau de leur intellect. La lignée de Thanos valorisait l’intelligence avant tout et le Marquis de Sanguice s’était entouré des meilleurs pour complémenter son vaste savoir.

« Il semble qu’il me faille faire preuve de retenu et prouver ma dévotion envers ma lignée… Fort bien. Si je ne peux pas contrôler vos déplacements, alors je garderai un œil sur vous. »

Le marquis entraîna donc ses invités, du plus profond cachot, à la plus haute tour de son château. C’était là que résidait le maître des lieux, ainsi que ses invités les plus prestigieux. Le Vampire pris toutefois une notre mentale de nettoyer par le feu la chambre d’invités après le passage des sauvages. Cela dit, l’amabilité du Vampire ne fut pas encore suffisante pour les barbares d’Evershas. Le marquis passa toutefois cet odieux affront sous silence, parce que ses invités réclamaient également un espace pour y faire leur toilette journalière, un élément jusqu’alors négligé par le maître des lieux.

Les Vampires n’avaient pas les mêmes besoins que les autres races, notamment le besoin de consommer de la nourriture pour survivre. Si le marquis espérait ne pas trop souffrir de la cohabitation avec les Evershas, il avait intérêt à remédier à cette demande, aussi grossière fût-elle.

***

Quelques centaines d’insultes de part et d’autre après l’arrivé des Evershas au château du marquis, les préparations au banquet de déclaration de guerre commencèrent enfin. Enfin, la volonté d’entamer ces préparations était présente. Le Marquis de Sanguice vaquait à ses occupations personnelles en journée et devenait disponible pour travailler sur le banquet de lors de la nuit. De leur côté, les Evershas n’étaient disponibles qu’une fraction de la journée. Autrement, ils étaient occupés à se nourrir, faire leur toilette, faire la sieste ou dormir.

Bref, la collaboration était tout bonnement impossible. L’une des parties devait s’adapter à l’autre, mais aucun n’était prêt à un tel sacrifice. Après avoir gâché l’une des quatre semaines disponibles à la préparation, Typhon et le marquis se rencontrèrent au crépuscule lors d’un repas. Le Vampire alternait alors entre une coupe de vin et un verre de sang. L’Eversha, lui, engloutissait à lui seul un imposant festin qui occupa une bonne partie de la table du marquis.

Le raffinement et la modération rencontraient la démesure, mais, et c’est bien la seule chose qui permettait au marquis de tolérer cette rencontre, Typhon faisait preuve de manières plutôt correctes pour la table du Vampire. Le détail demandait encore quelques ajustements, mais le marquis était sûr qu’il pourrait résoudre ce problème d’ici la soirée du banquet. Non pas personnellement, puisque ce serait une perte de son temps, mais l’un de ses compagnons pourrait s’occuper de cette corvée.

« Inutile de faire semblant, déclara Typhon entre deux bouchés, nous ne réussirons pas à travailler ensemble.
— Ah ! Enfin un éclair de lucidité ! Comme quoi tu es plus qu’un ventre sur pattes, sac à puces répondit le marquis.
— Et toi, un vieil ivrogne, mais ça n’arrangera pas nos problèmes. Je dis, chacun décore son côté de la salle de banquet.
— Oh !?! Une solution fort simple, mais attrayante. Cela dit, nos intentions de déclarer les hostilités entre nos peuples n’en seront que plus évidentes.
— Alors, mangeons côte à côte. Toi, moi, et nos compagnons.
— Ma foi, pourquoi pas ? Rehaussons du coup notre concours de popularité. Les invités choisiront eux-mêmes le côté qu’il préfère et nous serons donc qui entre les Vampires et les Evershas, sont les favoris du peuple.
— Ça me va, mais ce sera la même nourriture et le même vin qui sera partager aux deux côtés.
— Mais cela va de soi, sauvage. Crois-tu réellement que je m’abaisserais à l’idée d’empoisonner mes invités ? Non, ne réponds pas ! Évidemment que tu ne me fais pas confiance et rassures-toi, c’est réciproque. C’est donc décidé ! Nous décorerons notre côté respectif de la salle et inviterons les invités à choisir le côté qu’il leur plaira. Ceci dit, nous devrons réduire la liste des invités. D’ailleurs, ça fait un moment déjà que j’attends tes suggestions. Comme convenu, tu es libre de faire la liste initiale, mais je tiens à la réviser.
— J’y travaille. Phœbe me guide, mais il faut du temps pour sélectionner ceux qui seront capables de répandre la nouvelle de notre guerre.
— Ah ! Dis plutôt que tu as de la difficulté à trouver suffisamment de sympathisants aux sauvages.
— Tu auras ta liste d’ici la fin de la semaine, Sanguice.
— Combien de fois faudra-t-il te le rappeler, barbare ? Ne t’adresse pas à moi sans mon titre ! Passons, où nous y passerons la nuit et tu vas me faire l’odieux de t’endormir en pleine discussion. En attendant, tu recevras des leçons de bonne conduite à table et je ne tolérerai aucun refus. Je ne tolérerai pas que mes habits de soirée se fassent souiller par ma proximité spatiale avec toi. »

Typhon et le marquis discutèrent encore un moment, jusqu’à ce que la nourriture vînt à manquer sur la table. L’Eversha prit alors congé du Vampire pour terminer son repas dans sa chambre avec sa compagne. Maintenant seul, le Vampire consulta son subalterne, qui n’attendait que ce moment pour faire irruption d’un passage secret. Le marquis annonça que le plan pourrait se poursuivre comme prévu, puisque les Evershas n’avaient rien remarqué.

Le Marquis de Sanguice se montrait conciliant avec les suggestions de son rival, parce qu’elles étaient si aisément manipulables en sa faveur. Invité des gens du bas peuple signifiait que le Vampire n’avait aucune crainte de représailles politiques si quelque chose devait arriver aux invités. Du moment qu’ils revenaient vivants chez eux, un mauvais traitement des paysans ne changerait pas grand-chose à l’ordre mondial.

En réalité, le marquis aurait très bien pu se passer de l’aide des Evershas pour préparer la salle de banquet. Ses serviteurs auraient très bien pu créer un décor unifiant les cultures evershas et vampires et permettre aux changeurs de forme de simplement apprendre leur discourt et s’entraîner à manger convenablement. Mais non, le Vampire avait fait perdurer la discorde afin d’installer à l’insu de ses invités un dispositif sous la salle de banquet qui absorberait l’énergie vitale des invités, donnant au marquis l’un des éléments de base pour l’art nécromantique. En d’autres termes, peu importait au vampire si la foule choisissait l’un ou l’autre des côtés, il accumulerait suffisamment d’énergie pour donner vie à une armée de puissants assemblages cadavéreux.

***

Aucun des deux Vampires ne remarqua la petite chauve-souris invisible qui suivait silencieusement le duo. Le Marquis de Sanguice éprouvait le besoin de superviser personnellement la mise en place du système qui déroberait l’énergie vitale des invités du banquet de déclaration de guerre. Le maître du château n’avait pas suffisamment confiance envers ses compagnons pour mener à bien le projet par leurs propres moyens, ce qui facilitait grandement la tâche du maître-espion.

Entre la nécessité de tout supervisé du marquis et la diversion que procurait la présence de Typhon en ces lieux, personne ne remarquait les allés et venus du plus discret des Evershas. Il faut dire que ne pas être un géant et ne pas ingérer des quantités surhumaines de nourriture suffisait à faire profil bas. Alors si en plus le maître-espion appliquait des techniques d’espionnage de base, aussi bien dire qu’il avait le champ libre ! Furtif se garda d’ailleurs de peu de soumettre le titre « maître de la diversion » à l’égard de Typhon pour le Grand Totem. Si l’intéressé était aussi efficace alors qu’il ne s’appliquait PAS à faire diversion, il ne pouvait que perdre en efficacité s’il devait consciencieusement faire des efforts.

Présent lors de la mise en place des artifices servant à accumuler l’énergie vitale, Furtif n’eut guère de mal à comprendre le fonctionnement du dispositif. Malheureusement, le maître-espion n’avait pas les talents du maître saboteur. Il ne lui était donc pas possible de prévenir son fonctionnement sans éveiller les soupçons du maître du château. Qui plus est, il avait fort à parier qu’il y aurait une inspection minutieuse les jours précédents le banquet, jours où la présence de Furtif serait requise pour les derniers préparatifs.

Furtif opta pour la solution la plus à risque d’apporter des résultats positifs. Il hypnotisa les sbires de Sanguice de sorte que l’énergie récoltée puisse être détournée. Ainsi, le dispositif du Vampire fonctionnerait comme prévu lors des tests, mais au dernier moment, les Evershas pourraient en récolter le mérite en activant le détournement.

1923 mots
5ème message

Les derniers préparatifs

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À une semaine du banquet de déclaration de guerre, la salle de banquet est prête à recevoir ses invités. Pendant ces deux semaines de travail, les serviteurs squelettiques du Marquis de Sanguice travaillèrent jour et nuit sur la décoration. Il faut dire que de jour, ils étaient dirigés par les Evershas pour décorer leur côté, alors que de nuit, leur maître légitime reprenait le commandement. Le maître du château tenta évidemment de forcer ses invités à faire tout le travail par eux-mêmes, mais le marquis ne put se résigner à ce que sa prestigieuse salle de réception soit souillée par l’imperfection.

Le gros des efforts des deux camps fut donc déplacé sur la liste d’invités. Les divinations de Typhon, qu’elles soient véritablement ou non un don de Phœbe, avaient produit une liste de plusieurs centaines d’individus, ainsi que leur emplacement. À la grande surprise du marquis, l’investigation ne révéla aucun favoritisme particulier. C’est ce qui justifia une deuxième, puis une troisième vérification. Ce n’est qu’alors que le Vampire se résigna. Son adversaire n’avait pas cherché à le duper. C’est donc le marquis qui altéra la liste pour favoriser l’adhésion au côté des Vampires.

Si le marquis espérait avoir suffisamment fait trainer les choses pour empêcher les Evershas de réviser la liste, ceux-ci avaient déjà une liste de sympathisants à inviter. Quelques révisions plus tard, la liste se composa d’un mélange de sympathisants et de personnes neutres de sorte qu’elle fut jugée « acceptable » par les deux parties. Bref, à force d’envoyer des invitations, ce qui ne pouvait attendre l’accord des deux parties, le marquis et Typhon furent forcés de mettre fin aux envoies et donc, une fin définitive aux altérations.

***

Quelques jours précédents la soirée de pleine lune, Typhon informa le marquis qu’il comptait faire un essai de préparation pour le déploiement du banquet. Le Vampire n’avait eu de cesse de chercher à comprendre comment son rival comptait faire pour nourrir tous les invités sans entacher la réputation du château. Pots-de-vin, harcèlements et espionnage n’avaient pas révélé grand-chose. Les accords mis en place par Typhon et ses compagnons se limitaient à couvrir les besoins des Evershas jusqu’à la veille du banquet. Pour le banquet, lui-même, il n’y avait rien.

Les espions du marquis avaient bien révélé que Typhon avait fait un escale chez un Démon dans l’Antre des damnés pour se mettre à l’abri d’une tempête, mais contrairement aux accords de ravitaillement, où les Evershas ne partaient jamais sans une partie de la cargaison promise, Typhon est revenu les mains vides. Le Vampire se doutait maintenant que ce mystérieux Démon était la clé de l’approvisionnement du banquet et il avait même une bonne idée sur la personne. Les soupçons du marquis se révélèrent exacts, quand Gal’ulm le Gourmand se présenta avec révérence au maître des lieux. Il s’avérait que le Gourmand était le principal fournisseur en vin du marquis, alors le Vampire connaissait assez bien le Démon et sa façon de procéder.

Cela dit, avant que le Marquis de Sanguice n’ait eu le temps de tenter de soudoyer le corpulent Démon, le Vampire apprit que pour une raison inconnue, Typhon était l’apprenti de Gal’ulm. Le maître cuisinier n’était pas réputé pour enseigner facilement son savoir, lui qui avait tendance à dévorer ses élèves qui ne parvenaient pas à satisfaire ses insurmontables attentes. Les rares individus à survivre à la formation de cuisine se retrouvaient la plupart du temps au service dudit Démon. En d’autres mots, Typhon était lié à Gal’ulm par un pacte. Le marquis délaissa dès lors son idée de tirer un quelconque avantage de Gal’ulm. Le Vampire n’était pas prêt à se retrouver lier avec le Démon comme l’était son rival.

Le déploiement de préparation du banquet se déroula sans accroc, malgré l’insistance des organisateurs du banquet pour que leurs serveurs respectifs s’occupent d’apporter la nourriture aux invités. Le maître serviteur de Gal’ulm, Roself, n’eut aucun mal à ajouter cette nouvelle restriction à la logistique déjà imposante que de nourrir des centaines d’invités dans les plus brefs délais. Satisfait de sa performance, Gal’ulm en profita pour suggérer au marquis une sélection de vins particulièrement rares et raffinés. Il s’agissait d’une proposition à laquelle le Vampire ne put tout simplement pas refuser, si ce n’était que pour ajouter les vins proposés à sa collection, et ce, malgré le prix faramineux.

Typhon avait acquis les services d’un des cuisiniers les plus réputés du Continent dévasté, alors le Marquis de Sanguice se devait de, minimalement, offrir une sélection de vin à la hauteur des plats proposés. Sa collection pouvait vraisemblablement suffire à la tâche, mais la proposition du Gourmand était tout simplement parfaite pour se distinguer tout en rehaussant la saveur de ses plats.

Satisfait des transactions effectuées, à la fois pour le compte de Typhon et du marquis, le Démon se téléporta avec son escorte jusqu’à sa demeure pour veiller à ce que le banquet soit à la hauteur de sa réputation. Puisque la préparation du banquet s’était effectuée avec de véritables plats, bien que de qualité moindre que promis pour le banquet, il n’en demeurait pas moins que le Vampire n’avait aucun usage de toute cette nourriture. Le Gourmand déclina la requête de rapporter avec lui la nourriture, déclarant que son protégé la consommerait avec ses compagnons.

***

Le Marquis de Sanguice laissa les Evershas tranquilles pour les deux jours précédents le banquet. Typhon avait réussi à apprendre son discourt, la salle de banquet était prête et un cuisinier de renom s’occupait de la distribution de nourriture et de vin.

D’abord, Typhon et sa compagne avaient englouti tant de nourriture qu’ils étaient contraints à leur forme animale le temps de leur digestion. Le Vampire avait toujours du mal à le croire, mais à eux deux, ils engloutirent l’équivalent d’un banquet pour une centaine de personnes. C’était une fraction du véritable banquet, mais cela demeurait une démesure. Ensuite, ladite digestion était répugnante pour les sens du Vampire. Apparemment, sans cet excès, il y avait un risque pour Typhon et sa compagne de perturber le banquet. Ils voulurent donc se goinfrer avant le banquet pour s’assurer de minimiser ce risque.

Cela dit, ça arrangeait le Vampire que les Evershas soient indisposés. Ça laissait tout le loisir au marquis de bien vérifier que son dispositif d’absorption d’énergie vitale fonctionnerait comme prévu. Depuis quelques jours, le marquis avait le pressentiment que quelque chose n’allait pas avec la disposition des artifices. Ce n’est qu’au dernier moment que le Vampire constata que le plan que suivaient ses serviteurs était erroné. De subtiles modifications avaient été faites par rapport au plan original.

Il n’y avait nul besoin d’être un génie pour comprendre que Typhon avait découvert le dispositif et s’était arrangé pour ajouter un mécanisme de redirection de l’énergie. Le système fonctionnait selon les paramètres du marquis, mais il suffisait d’une manipulation pour que le dispositif redirige l’énergie à un autre endroit que celui prévu par le Marquis de Sanguice. Cette révélation était d’autant plus déroutante, que l’Eversha avait réussi à cacher complètement cette sournoise manœuvre au Vampire. Une fois encore, le marquis sous-estimait son adversaire. D’abord Gal’ulm, maintenant, son dispositif secret, Typhon avait visiblement plus de ressources que ne l’avait anticipé le marquis.

Avec le temps restant au début du banquet, les moyens étaient limités pour le marquis de rectifier le détournement d’énergie. Il y avait un amalgame de divers artifices, tous plus complexes les unes que les autres. Les altérations datant des fondations mêmes des travaux, le Vampire devait choisir entre une modification mineure du système, ou l’annulation complète de son plan de dérober l’énergie des participants du banquet. Avec le temps restant, le Marquis de Sanguice parvint tout juste à altérer suffisamment le dispositif pour détourner une partie de l’énergie détournée. Ainsi, le Vampire n’aurait pas accès à l’entièreté de l’énergie dérobée, mais il conserverait, au minimum, l’énergie siphonnée du côté vampire de la salle de réception.

Soulagé, le Marquis de Sanguice laissa son œuvre en fonction afin qu’elle remplisse, si ce n’est que partiellement, sa fonction d’origine. Par chance, le Vampire avait prévu divers mécanismes de redondance en cas de sabotage. Il put donc se servir de cette redondance pour faire un pontage et éviter le détournement. S’il avait eu plus de temps, le marquis aurait très certainement retrouvé le contrôle de l’entièreté du dispositif. Faute de temps, le Vampire se concentra sur l’un des côtés de la salle.

Si ça n’avait tenu que de lui, le Marquis de Sanguice aurait siphonné l’énergie du côté eversha, mais Typhon avait encore une fois eu de la chance. La disposition du dispositif par rapport à la salle de réception facilitait l’accessibilité des composantes du côté vampire. Si le marquis avait choisi de débuter ses travaux de l’autre côté, il aurait accompli une fraction du travail. Au moins, maintenant, cette énergie serait divisée en deux. Enfin, la division physique était coupée en deux. Encore fallait-il que les Evershas attirent autant d’invités de leur côté que les Vampires pour une division équitable de l’énergie.

Furtif observa le marquis tout au long de son travail pour dévier la déviation d’énergie. Le maître-espion était malheureusement impuissant empêcher ces travaux. Puisque le Vampire accomplissait les travaux lui-même, l’Eversha ne pouvait pas exercer ses talents sur ses sbires pour accomplir ses desseins. La puissance magique du marquis étant supérieur à celle du maître-espion, Furtif ne pouvait prendre le risque de compromettre sa position et, par le fait même, la mission de Typhon.

***

Après un grand nombre de tentatives d’infliger du tort à l’un ou l’autre des camps, Typhon, le marquis, et leurs compagnons respectifs, se retrouvèrent dans le couloir menant à la salle du banquet. Les invités commençaient déjà à se faire téléporter les uns après les autres et d’être préparé au banquet par les squelettes du Vampire.

« J’ose à peine croire que vous osez vous présenter avec ces tenus, déplora le Marquis de Sanguice.
— Ce sont des habits cérémoniels du Rocher au Clair de Lune… adapter pour les circonstances, répliqua Typhon. Et toi ? Cette cape est ridicule.
— Humph ! Seul un connaisseur peut apprécier la réelle beauté d’un vêtement aussi raffiné… Ma seule consolation est que cet interminable mois tire à sa fin. Il me tarde de te ridiculiser comme il se doit sur le champ de bataille.
— Ah bon ? Je ne t’aurais pas cru assez brave pour te battre aux côtés des tiens.
— Bien évidemment que non ! Il n’y a qu’un Eversha pour diriger depuis le front. Moi, je m’installerai en lieu sûr pour avoir une vision d’ensemble du conflit. Et c’est bien pour ça que les Vampires triompheront. Ce n’est qu’ainsi qu’un commandant peut prendre des décisions éclairées et mener ses troupes vers la victoire !
— Dis plutôt que tu vas t’installer bien confortablement dans un manoir à siroter ton vin, pendant que tu envoies de jeunes vampires se faire abattre pour ton compte à la guerre.
— Évidemment. Avec le temps, tu apprendras que ce sont les vainqueurs qui écrivent l’histoire. Du moment que les Vampires l’emportent, mes troupes se seront vaillamment sacrifiées pour leur patrie grâce à leur héroïque commandant, sa stratégie et sa clairvoyance !
— Encore faut-il que tu gagnes, Sanguice !
— Marquis, sac à puces, c’est marquis, bon sang ! »

1881 mots
6ème message et fin du RP