Raïminouchet

☙ Thème

Précédée par un hoquet sévère, Astriid franchit le seuil de son appartement avec difficulté. Une bière dans chaque main, elle se concentra très fort pour ne pas renverser les breuvages. Un juron lui échappa. La porte était plus large dans son souvenir. Sa robe, qui n'était déjà plus très fraîche et pimpante après le concours de lancer de nains (c'était elle le nain), était désormais tâchée et dégageait une forte odeur désagréable. L'Ygdraë loucha sur l'intérieur. Il faisait noir comme dans un four et bêtement, elle cru que l'alcool l'avait rendue aveugle. Soudain, dans le coin, la flamme d'une bougie éclaira timidement la pièce. Une senteur de sapin s'invita jusqu'à ses narines et la rousse sourit béatement avant de chanceler sur place. Elle gloussa de sa propre maladresse. Elle n'avait pas bu tant que ça, si ? Emportée par l'allégresse qui animait les rues de Stenfek jusqu'aux heures avancées de la nuit, Astriid s'était abandonnée aux étranges jeux des Réprouvés. Si de prime abord, le choc des cultures l'avait rebutée, quelques choppes étaient parvenues à griser rapidement l'Ygdraë et étaient venues à bout de ses réticences.
Dans un coin de la pièce, l'Elfe vit la silhouette massive de Raïm. Assis sur une chaise, les jambes écartée et la tête calée contre le mur dans son dos, il ronflait de bon coeur. Jetant au feu le respect pour ceux qui dorment, Astriid sourit, déposa les choppes sur la table et se jeta en criant sur les genoux du Boräk. Il sursauta et voulut porter la main au couteau qui pendait à ses côtés mais vive comme un chaton joueur, l'Elfe s'accrocha de ses petits doigts aux épaules du Braskä pour l'empêcher de se relever. La voix claire, elle tortura sans pitié les tympans du brun. «Coucou mon Raïminoucheeeeeet ! Faut dormir dans son lit, petit coquin va ! C'est pas bon pour ton dos ce que tu fais ! Maaamaaaan va se fâcheeeeer !» Elle se serait bien fait un plaisir de poursuivre sur les risques de dormir assis mais un rot sonore la prit par surprise. Raïm, jusque là silencieux et cherchant à se rappeler son nom et quel jour on était, grimaça et plaqua sa main sur le visage de l'Elfe - qui disparut presque entièrement derrière - pour la faire reculer. D'une voix basse aussi menaçante que s'il avait haussé le ton, Raïm la questionna, comptant ses méfaits sur les doigts de sa main libre : «Je rêve où c'est presque l'aube, tu viens seulement de rentrer et en plus tu me rotes tes beuveries à la gueule ?» Astriid se débarrassa de sa grosse patte et se contenta de rire. «Sois pas comme ça, Riri, je t'avais proposé de m'accompagner mais t'es trop fainéant. Mais avoue, je t'ai manqué ? En tout cas, les Réprouvés savent s'amuser. J'avais jamais fait un concours de crachats avant, j'ai même pas fini dernière !» Elle était fière d'elle en plus. Le Boräk haussa un sourcil perplexe avant de murmurer pour lui-même. «Parfois, je me demande comment cette gamine est encore en vie.» Il était temps de quitter cette ville avant qu'elle n'apporte une mauvaise influence à l'Ygdraë. Si ses congénères l'avait vue... Les Enök auraient peut-être apprécié le spectacle, songea Raïm, rassuré. Astriid sauta à terre et manqua s'étaler, ses réflexes engourdis. «Woops ! Hihi ! Mais regarde, j'ai pensé à toi ! Je nous ai ramené de quoi terminer la nuit comme il faut !» Elle déposa une bière de force dans la main du Braskä avant de claquer leurs choppes ensemble. Légèrement dépassé par les évènements, Raïm se laissa faire et accompagna l'Ygdraë dans ce qu'il jura être la dernière nuit de folie de la petite rousse. Essuyant sa bouche avec sa manche; elle apprenait vite cette petite; Astriid sourit tendrement au brun, les yeux un peu vagues. Méfiant, il la fixa en fronçant les sourcils. Il commençait à la connaître, elle mijotait quelque chose. Un sourire malicieux creusa ses fossettes et Astriid revint s'installer sur les genoux du Boräk en faisant preuve de plus de douceur. Attendri malgré lui, il la laissa faire en s'autorisant tout de même un soupir. Lentement, l'Ygdraë enlaça son cou et frotta son nez tout froid contre le cou de Raïm et chuchota d'une voix soudainement ensommeillée. «Tu seras toujours mon Braskä préféré et on se quittera jamais toi et moi.» Raïm sourit et referma ses bras sur la petite Elfe. Il devait admettre qu'elle n'était pas si mal non plus, quand elle se taisait. Calmement, elle ajouta. «J'ai rencontré mon fils aujourd'hui.» Il se figea.