Kitoe ~ Démon ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 1697 ◈ YinYanisé(e) le : 09/11/2016
Jeu 31 Déc 2020, 12:50
Objectif : Toki et Kitoe en ont marre que le Reflet n’arrive pas à copier Kitoe, la personnalité principale. Ensemble, elles essayent de finir le travail une bonne fois pour toutes en incitant Toki à utiliser et maîtriser la Connaissance de l’Âme-Sœur. Cette dernière découvrira ainsi tout ce qu’il est arrivé à son modèle. C’est aussi l’occasion de mettre au clair quelques éléments du passé de la Démone avec des flashbaaaacckk 8D.
Attention : ce rp recense des scènes de violences psychologiques et physiques (vulgarités, morts, sang, organes/dissections, actes de cruauté et de cannibalisme, sexe/viol/agression sexuelle). Mon personnage est sujet à des troubles de l’identité et a des comportements dérangeants. Si vous êtes sensibles à tout ça, ne lisez pas.
Les bras croisés et adossé contre un mur, le Reflet, sous la forme d’Ellie, observait Kitoe pétrir son pain. Son geste était ferme et précis : il était le fruit de mois de travail à s’exercer de jour comme de nuit. La Vile portait un grand tablier blanchi par la farine et ses mains en étaient tout aussi recouvertes. Elle travaillait la pâte avec vigueur et concentration et aucune d’entre elles ne s’était encore adressé la parole avant ce moment. La routine s’était installée depuis longtemps : tandis que le grand four chauffait avant même l’arrivée de l’aube, alors qu’il faisait encore nuit, on préparait les ingrédients ; on faisait les pâtes ; on pétrissait ; on assaisonnait... Lorsqu’elles en avaient terminé côté boulangerie et que les pains et les pâtisseries avaient pris leur place sur les étalages de l’échoppe, elles passaient à la boucherie pour s’occuper de la viande du jour et cuisiner les invendus avant qu’ils ne se gâtent. Le tout dans un silence quasi-religieux. Toki avait vu tous ces gestes des milliers de fois. Elle savait comment procéder et connaissait les produits par cœur – au programme ce matin : des petits pains, de la brioche et des muffins aux fruits rouges, au chocolat, à la banane, suivi d’un agneau ou deux et d’un porc entier à découper – mais cela n’empêchait pas le Reflet de continuer son étude avec minutie. Après tout, elle ne maîtrisait toujours pas la personnalité principale de son modèle. C’était assez pitoyable. Kitoe était la plus difficile à cerner.
-Je me disais qu’après tout ce temps, t’étais toujours pas foutue de me copier correctement.
Toki se faisait exactement la même remarque tous les jours et cela la désespérait un peu plus à chaque fois. Elle devait être particulièrement débile pour être aussi incompétente. A croire qu’elle s’y prenait mal. Ça faisait quand-même deux fois qu’elle essayait de copier Kitoe sans y parvenir complètement. C’était quoi son problème avec cette fille ? C’était quoi le problème de cette fille à être aussi chiante à copier ? A ce rythme, elle commençait à croire que les Aetheri lui envoyaient des signes depuis le début pour qu’elle s’éloigne de cette Démone. Et si son destin était ailleurs ? Toki avait du mal à le croire. Kitoe lui donnait des perspectives de vie intéressantes. Des expériences atypiques, dangereuses, amusantes. Kitoe était un personnage complexe. Fou, détestable parfois, cruel, mais tout aussi drôle et intéressant. Elle ne voulait pas l’abandonner. Ce n’était peut-être pas la grande vie, mais Toki n’imaginait pas trouver aussi stimulant ailleurs. Et puis, la Tentatrice avait besoin d’elle, quelqu’un sur qui compter. Le Reflet ne pouvait pas partir. Elle ne voulait pas. C’était trop frustrant.
Impassible, Ellie émit un soupir. Kitoe ne loupait jamais une occasion de lui faire une remarque désobligeante. En silence, elle cherchait quelque chose à répliquer. C’était devenu un jeu entre elles deux, et seulement elles. Kitoe ne faisait jamais autant de critiques aux autres, alors bien sûr, Toki se devait de lui offrir ce même traitement de faveur. Les premiers jours de sa copie, le Reflet s’était plié à tout ce que pouvait lui dire son modèle, fidèle à la fille serviable qu’elle avait initialement été. Puis elle avait compris que Kitoe n’était plus du tout la même. Dès lors, elle était devenue du genre à tenir tête et à envoyer chier en retour. Elle était d’autant plus virulente que l’originale refusait de la considérer comme son égale tant qu’elle ne la copierait pas parfaitement. Cette dernière la voulait parfaite, un peu comme une mère cherchant à pousser son enfant au maximum vers le haut, sauf qu’en contrepartie, ce comportement rendait le Reflet irritable, comme une adolescente recevant toute la pression des espoirs qui reposaient sur elle. Comme Kitoe à une autre époque ? Possible.
-Il me manque des trucs. Répondit-elle sèchement.
-Encore ? Quoi comme trucs ?
Toki ne répondit pas tout de suite, car elle-même ne savait pas précisément. Elle l’avait vue dans tellement d’états : la joie, la déception, la colère, la moquerie, le sadisme, la haine… Juste… elle n’était pas à l’aise avec cette personnalité.
-Il y a un pouvoir que je n’arrive pas à maîtriser. En principe, il me permet de te connaitre jusqu’au bout des ongles : tes émotions, tes goûts, tes mimiques, ton histoire… Elle fixait la pâte à pain comme si elle était sous hypnose. Sauf que je n’arrive pas à accéder à ton histoire à toi. Enfin, pas tout.
Certains rouages, certaines réactions directement liées à son vécu lui échappaient. Son histoire, plus complexe que celle des trois autres personnalités, restait floue. Si Toki en connaissait parfaitement le début et le présent pour en avoir témoigné, ce qu’il s’était passé durant leur séparation restait éminemment vague. Les grandes lignes ne lui suffisaient pas.
-Je ne t’ai pas connue lorsque tu étais dans tous tes états. Pendant ta destruction.
Kitoe cessa son activité, comme piquée au vif. La discussion devenait vraiment sérieuse. C’était étrange et ça ne lui plaisait pas. Les yeux du Reflet revinrent sur elle pour capter ses moindres faits et gestes. Ça non-plus, Toki n’avait pas l’habitude. Les discussions sérieuses.
-T’avais qu’à être là. Déclara sèchement la Démone.
Ellie s’assombrit, tout en notant son ton particulièrement amer. Elle savait que c’était un sujet délicat. Tantôt sensible, tantôt source d’humour, il était difficile de savoir sur quel pied danser lorsqu’il s’agissait de remuer la merde du passé catastrophique de son modèle. Néanmoins, ce qu’elle savait de source sûre, c’était qu’un moment, merde ou pas, il fallait mettre les mains dedans. Kitoe reprit son travail avec une mine sévère.
-Oh, merci bien Grande Kitoe. Tu penses vraiment que ton comportement va m’aider à avancer ? Au lieu de bouder comme une gamine, tu pourrais m’aider, toi qui as l’air plus pressée que moi de me perfectionner.
Elle voulait un aperçut plus large que les vagues références – souvent par le biais de plaisanteries – que son modèle lui avait donné. Elle pourrait capter ses émotions à travers ses paroles. Cela lui permettrait d’accéder à des souvenirs et à des sentiments plus précis.
-Non.
-Pardon ?
-T’as très bien entendu.
-Génial. Pesta le Reflet en quittant sa place. Elle marcha jusqu’à la porte de la cuisine avant de faire demi-tour. Génial. Elle se plaça devant Kitoe et posa ses mains sur le plan de travail. Les yeux légèrement plissés, elle tentait de capter le regard de l’originale, qui ne décollait pas de sa putain de pâte. Depuis le début de leur conversation, elle avait formé une dizaine de petits pains prêts à passer au four. Donc si je résume bien, tu veux que je te copie parfaitement sans même avoir les éléments qui me permettront de le faire.
-J’vois pas en quoi ça pose problème. Faut que tu me copies moi, maintenant. Pas moi y’a quinze ans ou je sais pas quand. Et puis démerde toi si t’as un pouvoir pour ça, débile.
-J’ai besoin de savoir ce que tu as fait il y a quinze ans ou je sais pas quand pour te comprendre aujourd’hui. S’impatienta le double. Et je crois qu’un peu d’aide pour maitriser ce pouvoir ne serait pas de refus. Il te suffit juste de parler de toi. C’est trop compliqué, ça ? C’est à peine si je sais comment Lia est née.
-Tu vois, tu n’as pas le passé de Lia et tu la copies très bien.
-Lia et Kraa sont aussi prévisibles que des clébards !
Ellie s’était mise à crier. Kitoe sourit, amusée et aussi satisfaite de ne pas être comparée à un chien – ou une chienne. Son double n’avait pas tort. Lia et Kraa ne poursuivaient qu’un seul but dans leurs vies propres : respectivement le divertissement et la décomplexion, et la destruction dans son état le plus pur. Ellie, quant à elle, se cherchait encore. Parfois, elle détestait leur groupe. D’autre fois, elle l’adorait. Elle était la personnalité la plus complexe après l’originale, ce qui la rendait tout aussi dangereuse pour prendre la main sur elles toutes. Kitoe la considérait comme une menace, mais elle était tout aussi indispensable au groupe.
-Je ne rigole pas. Tu te comportes comme une gamine ! Je ne te demande pas la Lune, juste un peu plus qu’une phrase ou deux lancées au détour sans aucun contexte. Dis-moi où alors c’est simple : je mettrai encore de longues années à te copier. A moins que tu ne préfères que je me barre. Dans ce cas, dis-le moi au lieu de tourner autour du pot, merde ! Je m’en fous de toute façon, vous n’êtes que des pauvres connes !
Cela fit rire la Démone. Ellie ne se barrerait jamais. Elle était faite pour rester avec elles. Quant à Toki, ce n’était pas après avoir traversé le monde pour la retrouver qu’elle allait jeter l’éponge. Sentant qu’elle allait vraiment perdre patience, le Reflet s’éloigna quelques minutes pour souffler. Ça ne marcherait pas tant qu’elle ne serait pas calmée. Quand elle eut massé ses tempes et mis son orgueil et sa colère de côté, elle revînt à sa place. Kitoe n’avait jamais cessé de travailler. C’était comme si elle avait tout oublié de leur dispute. Absorbé par le pain.
-Allez. Raconte-moi ce que ça fait d’être détruite s’il-te-plait. Je ne te demande pas de m’écrire un bouquin. Juste des pistes, ça m’aidera.
-Hm… Agenouille-toi devant moi et j’y réfléchirai.
Si Ellie avait eu des armes à la place des yeux, elle ne l’aurait pas tuée, elle l’aurait broyée jusqu’à en faire une bouille fluide et rougeâtre. Kitoe leva les yeux au ciel.
-Rhoooo ça vaa ! Laisse-moi mettre ça au four d’abord.
Après avoir refermé la porte du four, Kitoe se frotta les mains pour en retirer la farine puis épousseta son tablier. Elle reprit un grand saladier, un fouet et les ingrédients nécessaires pour la confection des muffins.
-Aide-moi au lieu de glander comme une princesse. Tu fais les fruits rouges. Moi les choco’.
Une fois que le Reflet eu rassemblé de quoi cuisiner de son côté, Kitoe reprit la parole.
-On va commencer depuis le début, comme ça tu me foutras la paix après. T’as intérêt d’écouter. Et je te préviens, c’est pas parce que t’écoutes que tu bosses pas ! Ajouta-t-elle en pointant un doigt menaçant vers Toki. Bon, bref. Tu connaissais maman.
Dans sa gorge se forma aussitôt une boule : celle de la rancune. Cela faisait des années qu’elle ne l’avait pas appelée comme ça. Qu’elle ne l’avait pas appelée tout court.
L’atmosphère était légère et lumineuse, un peu comme une matinée d’été, lorsque le soleil filtre à travers les fenêtres et les rideaux fins, juste assez pour réchauffer la pièce, simple et épurée, sans que cela ne devienne étouffant. Il n’y avait pas de vent. C’était agréable, doux, et seuls les bruits de la vie quotidienne et le chant des oiseaux osaient briser le silence. Aucune inquiétude. Insouciance.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]-J’ai croisé madame Feriel tout à l’heure, elle était très contente que tu l’aies aidée à porter toutes ses courses hier. Elle m’a dit qu’elle voudrait bien de ton aide pour une autre fois. Elle t’adore, tu sais. Tu pourras si tu as le temps ? La prochaine fois que tu vas au marché, tu pourrais acheter du sel s’il-te-plait ? Ton père a un pantalon de troué mais pour le moment, ni lui ni moi n’avons le temps de s’en occuper, tu pourrais le lui recoudre ? Il serait vraiment content. Oh, et j’ai eu des nouvelles d’Alice, tu sais ton amie qui est allée à Basphel. Il paraît qu’elle s’y plait beaucoup même si certains étudiants ne sont pas… d’origine fréquentable, disons. Elle apprend aussi bien qu’ici et découvre énormément d’autres cultures. Elle est brillante ! Peut-être que tu pourras jeter un œil à leurs enseignements ? Ils ont peut-être des brochures. Ça ne te dit pas ? Bon, d’accord… Je t’aime mon bébé, je suis très fière de toi. Tu iras loin dans la vie, j’en suis certaine. Au fait, tu as fini tes devoirs ? Comment ça tu as du mal à comprendre ta leçon de mathématiques ? Toi qui es si douée en tout, ça m’étonne. Tu sais quelle orientation professionnelle prendre ? A ton âge, mon destin était tout tracé, je savais déjà parfaitement ce que je voulais faire. Un métier d’artisan ? Oh voyons, je pense que tu pourrais voir plus grand Kitoe… Je t’imagine bien médecin, comme moi, tu es tellement altruiste. Qu’en penses-tu ? Bien sûr, il faudrait que tu aies davantage de connaissances scientifiques, mais pourquoi pas ? Vu le nombre de choses que tu es capable de faire, je suis sûre que tu n’aurais aucune difficulté à étudier tout cela. Tu adores la biologie ! Et puis je pourrais t’aider, bien évidemment. Ou bien… architecte ? Ça te permettrait de développer ta créativité. Non, je sais, institutrice ! Toi qui aimes tant les enfants, tu y trouverais ton bonheur. Dans tous les cas, tu ne devrais pas trop tarder à faire un choix, le temps passe toujours plus vite qu’on ne le pense et la procrastination est fortement déconseillée dans cette maison, haha ! Oh, d’ailleurs que devient le petit Théo, tu devais lui donner quelques leçons de langues, non ? Et Alban ? Sa mère t’a donné tout cet argent ? C’est vraiment beaucoup, tu es sûre que tu devrais tout accepter… ? D’autres en ont bien plus besoin que toi, tu devrais en donner une partie. J’aurais besoin d’aide, peux-tu venir m’aider à éplucher les légumes ? Tiens, tu as du courrier. Qu’est-ce que c’est ? Tu as un petit-copain ? Rhoo, je suis sûre que si. A ton âge, c’est normal d’en avoir un, surtout pour une jolie fille comme toi. Mais attention : rien avant d’être parfaitement sûrs d’être amoureux. Viens m’aider. Au fait, Toki ne devrait pas dormir avec toi. Cette chatte a un joli coussin pour elle toute seule et elle ne l’utilise même pas. Hm… tu te ressers ? Tu devrais faire attention. Quand tu n’as plus faim, ça devient de la gourmandise, tu te souviens ? Tu peux être généreuse avec les gens mais il ne faut pas en demander trop en retour. Non, franchement, tu n’as pas besoin de cette robe, tu devrais la rendre. Tu n’aurais pas un peu… pris du poids ? Fais attention, je t’ai déjà dit. Les mauvaises habitudes s’installent vite, tu sais ? Je n’ai pas vu Toki de la journée. D’habitude, elle revient à cette heure-ci mais là, rien. Madame Feriel m’a dit que tu étais étrange aujourd’hui. Est-ce que tu vas bien en ce moment Kitoe ? Peut-être que tu devrais arrêter de travailler autant, ça te fatigue. D’ailleurs, je n’ai jamais compris comment tu faisais : parfois, on dirait que vous êtes deux ! Fais une petite pause. Il faudrait que tu te remettes vite ou tu vas manquer à beaucoup de monde. Tu veux aller voir un médecin ? Je peux aller prendre un rendez-vous pour toi... Non, pas moi, je parlais d’un médecin spécial. Tu n’as pas oublié ton rendez-vous j’espère ? Ne sois pas en retard. Comment s’est passé le rendez-vous ? Pourquoi tu fais cette tête ? Souris un peu, tu es tellement plus jolie avec un sourire ! Qu’est-ce qu’il y a ? Tu sais que tu peux tout me dire, ne sois pas impolie. Tu devrais arrêter de te resservir, combien de fois vais-je devoir te le répéter ? Arrête. S’il-te-plait. Si ça continue, je vais devoir t’imposer un régime. Je suis désolée ma puce, mais c’est pour ton bien. Kitoe, je peux savoir pourquoi il y avait du pain sous ton lit ? Tu le manges en cachette ? Kitoe… tu es en train de… c’est un péché, tu sais ? Tu peux être déchue si tu continues. C’est vraiment ce que tu veux ? Devenir l’une de ces personnes sans règles et sans limites qui ne vivent que dans l’abus ? Y penses-tu ? Ces gens ne sont pas heureux. Les addictions, quelles qu’elles soient, cachent souvent un profond mal-être. Ils sont sales et corrompus. Tu n’as pas à partir dans ces extrémités. Je ne veux pas. Tu es ma fille, Kitoe, une fille formidable et je veux que tu guérisses. Tu as le droit de ne pas aller bien et tu mérites d’être heureuse. Pas de terminer à Avalon. Je t’en prie, fais tout ce qui est en ton pouvoir pour que ça n’arrive pas. Tu penses que tu fais des efforts ? Non. Pas assez. Tu ne peux pas finir là-bas. Ce serait… ce serait… un cauchemar…
Les caresses étaient devenues des frictions irritantes, la lumière lui sortait par les orbites, la légèreté lui donnait envie d’exploser comme un ballon. Cette atmosphère lui donnait envie de vomir et Kitoe suffoquait rien que de repenser à elle. Passif. Agressif. Intrusif. Si elle en avait eu les tripes à l’époque, elle l’aurait giflée pour la faire taire bien avant de comprendre le soulagement que ça avait été de ne plus entendre sa voix, dans la capitale déchue. Malgré toute sa bonne volonté de la pousser vers le haut, Lena Idael avait été cette Sirène qui l’avait entraînée dans les abysses. Inexorablement, elle s’était noyée.
1272 mots Illisible vous dites ? C'était le but 8D /sbaf/
Assise par terre dans un coin de rue, c’est à peine si la petite blonde leva les yeux. Elle était sale, ses cheveux étaient gras et ses vêtements poisseux. Elle avait trainé on ne savait trop où. Kitoe maintenait ses mires rivées sur ses chaussures. Elle était pitoyable, elle le savait. Elle l’était depuis que son premier orteil avait atterri dans cette ville puant le vice. Elle n’avait eu qu’à regarder ses ailes pour comprendre qu’elle était foutue, vouée à y vivre désormais. Leur vue l’avait effrayée alors elle les avait rétractées en se persuadant qu’elle n’avait pas bien discerné leur couleur. S’y ferait-elle ?
Non. Elle avait autant peur de ne pas s’y faire que l’inverse. Après tout ce qu’on lui avait dit sur Avalon, comment pouvait-elle juste accepter ce qui lui arrivait ? Kitoe avait voulu se couper les ailes ou, à défaut d’avoir les outils nécessaires, arracher ces plumes noires qui étaient maintenant les siennes. Elle avait arrêté à la première, car elle avait eu trop mal.
Peut-être. Il fallait bien qu’elle s’adapte. Kitoe était une optimiste. Elle connaissait ses propres qualités : amicale, sociable, serviable… Il n’y avait pas vraiment de raisons qu’elle ne trouve pas d’amis. On la trouverait peut-être coincée au départ, elle supposait qu’elle s’y ferait. Il faudrait bien. Même si cela signifiait accepter cet endroit, ces gens et les péchés qui allaient avec, ce qui voulait dire… qu’elle allait y prendre goût et qu’elle ne s’en sortirait jamais.
Ou alors elle s’isolait du reste du monde pour se repentir. Il y avait un temple pour ça, elle pouvait y aller. Mais le supporterait-elle ? On disait que c’était difficile, mais que c’était possible. Pourrait-elle faire machine arrière ? En serait-elle capable ? C’était facile de dire que oui lorsqu’on avait le ventre plein, mais quand la faim ou une crise de boulimie venait pointer le bout de son nez, c’était une autre histoire. Sa mère l’attendait, cette dernière espérait de tout son cœur qu’elle reviendrait à elle. Elle le lui avait dit : « Guéris-toi et reviens. Tout redeviendra comme avant. Je t’en supplie, fais le maximum, tu ne peux pas rester là-bas. Je t’en supplie… ». Elle essayerait, même si elle ne s’en sentait absolument pas capable maintenant. Elle avait tellement faim… Peut-être devait-elle jeûner quelques jours pour régler son problème. Ensuite elle pourrait revenir et reprendre sa vie d’avant. Kitoe se mordit la lèvre. Reprendre sa vie d’avant. Cela l’angoissait. Se remettre de cette déchéance humiliante était déjà suffisamment angoissant. Elle ne devait pas griller les étapes. Bon sang, il y avait tellement d’étapes. Était-elle capable ? Était-elle digne ? Que ferait-elle dans un an ? Cinq ? Dix ? Combien de temps allait-elle rester dans la rue ? Allait-elle vraiment se mélanger à tous ces adorateurs du péché qu’on lui avait tant fait craindre ? Son esprit bouillonnait. Il y avait trop de choses à assimiler. C’était trop.
-Tu vas bien ? Pourquoi tu pleures ?
Il la tutoyait alors qu’ils ne se connaissaient même pas. Kitoe leva enfin le nez. C’était un homme fin de taille moyenne et aux cheveux châtains. Il avait une barbe de trois jours qui lui donnait l’air négligé et pourtant, ses vêtements étaient parfaitement propres. Il avait l’air… gentil ? Elle renifla et sécha ses yeux. Sa mère lui avait dit de se méfier des inconnus en-dehors des territoires angéliques.
-Ça va.
Absolument pas. Mais il ne devait pas comprendre. Ici, elle était seule. Est-ce que sa mère l’aimait encore ? Est-ce qu’elle lui écrirait des lettres ? Elle lui avait promis que oui. Elle avait pourtant ressenti son pincement au cœur dans sa voix. Elle avait un peu honte de sa fille.
-Je suis juste… perdue.
Il eut l’air surpris.
-Ah bon ? Tu n’es pas d’ici ?
Elle secoua la tête. Comment pouvait-il ne pas savoir ? Elle aurait aimé qu’il sache parce qu’elle n’était pas capable de lui dire. C’était insupportable à prononcer.
-Tu as besoin d’aide ? Tu pourrais venir chez moi, histoire de prendre un bain et de manger un peu ? Et tu m’expliqueras tout. Il lui tendit sa main pour l’aider à se relever. Je m’appelle Serv, et toi ?
-Kitoe.
Elle accepta son aide, bien qu’un peu surprise. Sur le chemin, elle lui raconta son histoire. Elle se dit après coup qu’elle n’aurait pas dû. Serv l’emmena chez lui. Contre toute attente, il ne lui fit aucun mal. Elle put se laver. Lorsqu’elle eut terminé, une tasse de chocolat chaud et des cookies l’attendaient sur la table. Elle engloutit. Tout. Elle se détesta aussitôt.
-Désolée.
Cela lui donna envie de pleurer. Elle était si faible, nulle, sans aucune volonté. Elle était une honte. Lui ne fit que sourire, loin de s’en offusquer.
-Pas de problème, tu n’as rien à te reprocher. J’ai des amis qui vont venir jouer aux cartes tout à l’heure. Tu veux te joindre à nous ?
-Je ne voudrais pas abuser de votre hospitalité. Et je ne sais pas vraiment jouer.
Dans son for intérieur, elle priait pour qu’il lui dise qu’elle pouvait rester autant de temps qu’elle voudrait. Une autre partie d’elle lui soulignait que c’était vraiment mal de profiter de l’hospitalité d’autrui.
-T’inquiète, tu ne déranges personne. Même si tu ne veux pas jouer, tu peux rester ici autant de temps qu’il te faut. Et tu peux me tutoyer. En fait, tutoies moi.
Lorsque ses amis arrivèrent, Kitoe les détailla un à un, intimidée. Zack. Védem. Raggenn. Un peu à part, près de la cheminée, elle les regarda jouer tous ensemble. Elle n’avait jamais vu une partie de cartes aussi chaleureuse.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]-Que se passe-t-il Kitoe ?
Elle était affalée sur la table à manger de sa petite maison, le visage enfouis dans le creux de ses bras, entre les plats quasiment vides et les sachets de biscuits éventrés. Visiblement, elle avait avalé sa détresse. Le voisinage l’avait même entendu. Kitoe avait poussé un cri strident avant de se mettre à chanter et danser comme une enfant. Elle avait mis sa plus belle robe avant de dévaliser ses placards en riant pour s’inventer un défilé dans son salon. Lorsqu’elle n’avait plus rien eu à se mettre sous la dent, elle avait changé ses couverts en bonbons, ses assiettes en gâteaux et puis, une fois qu’elle avait tout mangé, épuisée, elle s’est effondrée au beau milieu du chaos qu’elle avait créé. Ses éclats de rire s’étaient transformés en sanglots. Elle était redevenue elle-même, cette ancienne Ange tiraillée par sa condition avec son obsession irrationnelle pour la nourriture, sa peur de ne jamais se défaire de son péché et de sombrer, et que plus personne ne l’aime et qu’elle ne soit finalement plus rien d’autre qu’un ramassis de honte et de déception : tout ce qu’elle n’était pas la minute d’avant, à savoir une enfant insouciante et sans normes ni tracas et dont l’unique ambition était de s’amuser. De vivre. Kitoe voulait être elle, cette petite fille. Ses poings s’étaient serrés. Elle la jalousait. Mais elle ne serait jamais cette fille. Elle avait des responsabilités, des devoirs et les problèmes qui allaient avec. Maintenant qu’elle avait fait cette bêtise impardonnable de s’enfoncer dans la Gourmandise, elle ne pouvait plus être naïve et innocente. Elle devait assumer ses actes. Seule. C’était lourd.
A l’entente de la voix de Zack, Kitoe ne broncha pas. Sa présence était habituelle. Il lui rendait régulièrement visite, si bien qu’il pouvait rentrer ici comme dans un moulin. Les deux Déchus étaient devenus très proches dernièrement.
-Ma mère me répond plus à mes lettres.
Il ne répondit rien. Il ne savait pas trop quoi faire. Sa propre relation avec sa mère était très différente. Luxurieux de mère en fils, ils s’entendaient très bien. Elle n’était pas surprotectrice ou sévère. Elle l’avait juste élevé et ils se considéraient aujourd’hui davantage comme des amis.
-J’aurais dû en recevoir au moins trois depuis le temps…
Elle couinait. C’était encore plus douloureux de le dire à haute voix. Pris de pitié, Zack vînt l’enlacer de ses bras. Elle s’y blottit pour sangloter de plus belle.
-Il a dû lui arriver quelque chose…
L’homme caressa ses cheveux. Il n’aimait pas quand elle était triste. S’il en avait eu le pouvoir, il aurait fait en sorte qu’elle ne le soit jamais. Il était prêt à tout pour cette petite Ange tombée du ciel. Zack était tombé sous son charme. Il n’osait pas encore se l’avouer, mais il l’aimait. Il savait que ce n’était pas le cas de la blonde. Elle était à des années lumières de l’idée de former un couple, encore plus avec l’un de ses amis Déchus. Tout ce qu’elle cherchait, c’était des bases solides pour se reconstruire et repartir chez les Ailes Blanches.
-Non, ne dis pas ça. Je suis sûre qu’elle va bien. Pourquoi lui serait-il arrivé quelque chose ? Elle est en sécurité chez vous, non ?
Chez elles. C’était un peu bizarre puisqu’elle n’était plus la bienvenue là-bas.
-Alors elle m’a abandonnée ? Elle me déteste parce que je n’arrive pas à arrêter et elle ne veut plus entendre parler de moi ? Parce qu’elle sait que je me suis fait des amis ici et que ma vie me plait ?
Malgré leurs défauts, les Déchus étaient terriblement attachants. En plus, ils étaient bien plus drôles que les habitants de la Citadelle.
-Je suis sûr qu’elle t’aime toujours. C’est ta mère.
-Tu ne connais pas ma mère ! Hurla soudain la blonde en se dégageant de son étreinte.
Pourquoi avait-elle crié ça ? Les deux amis se regardèrent avec autant de surprise l’un que l’autre. Ça n’avait pas de sens. Lena n’était pas comme ça… Si ? Une voix en elle lui disait que si, même si c’était complètement absurde. Elle se sentait étrange. Elle ne se reconnaissait pas dans cette colère.
-Pars, s’il-te-plait. Dégage ! Je ne veux plus te voir.
Zack ne l’avait jamais vue comme ça. Il voulait tant l’aider, mais elle était tellement furieuse qu’elle avait peut-être raison. Elle avait besoin d’être seule. En silence, il quitta l’habitation. Haletante, Kitoe resta debout quelques secondes avant de s’allonger par terre. Elle regarda le plafond. Ses larmes coulaient sur ses tempes avant de disparaitre dans ses cheveux. Elle éclata de rire.
_
-J’suis sûre que c’est de ta faute ça. Grogna Kitoe. Tu m’as remplacée et ces deux gros cons ont fini par s’y faire et m’oublier, c’est ça ?
Il ne servait à rien de nier. C’était évident.
-Lena ne m’a jamais montré ces lettres. C’est à peine si je savais qu’elle t’écrivait.
_
La disparition du chat Toki et les apparitions, d’abord furtives, de sa fille avaient beaucoup troublé la mère. En premier lieu, elle avait cru perdre la tête à cause du chagrin. Puis, le Reflet l’avait accompagnée dans cette forme de deuil. Lena s’était totalement livrée à elle, puis son père Itari avait fait de même. Malgré ses manques, Toki avait pris la place de son modèle. Ensemble, ils avaient formé une famille, ou du moins quelque chose y ressemblant : les deux parents n’avaient plus jamais été les mêmes. Cette étincelle qui les avait tous animés auparavant avait disparu. Ils n’avaient plus fait que vivre en essayant d’y croire. Lena avait cessé d’écrire par dépit, pensant pouvoir se convaincre encore plus que tout était en ordre. Quand elle voulut reprendre contact, Kitoe était déjà en Enfer. Ce fut Zack qui lui répondit en lui annonçant la nouvelle. Quand elle apprit le décès de sa fille, Lena manqua de se suicider.
La grosse caisse en bois qu’elle tenait dans ses mains était remplie de nourriture. Pain, confiture, miel, lait chaud, fraises, oranges, Kitoe déambulait dans les rues d’Avalon avec tout ce beau monde. En chantonnant, elle allait et ressortait des passages étroits et sombres de son quartier sans la moindre crainte. C’était là que se nichaient quelques sans abris, principalement des Paresseux, mais aussi des ivrognes décuvant de la veille, des Colériques ou autres Avares dont le colocataire ou le partenaire avait jeté les affaires par la fenêtre avant de fermer la porte à double tour derrière eux. Kitoe faisait ça régulièrement, quand l’envie de faire « comme avant » la prenait. Evidemment, ce n’était pas le cas. Il n’y avait pas autant de clochards ou de rejetés chez les Anges, ou du moins, ils ne trainaient pas dehors. Peu importait leur vice, Kitoe avait décidé de leur rendre la vie plus facile, à sa manière. Elle ne pouvait pas faire grand-chose de plus. Elle n’avait pas assez de place dans sa petite maison pour héberger qui que ce soit décemment et l’argent qu’elle gagnait en travaillant dans la taverne du coin ne lui permettait pas de nourrir plusieurs bouches à long terme ou d’acheter des matelas et des lits. Cette tournée petit-déjeuner, elle ne la faisait que deux à trois fois par mois pour quelques personnes de son quartier uniquement. Ce n’était pas grand-chose.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]-Bonjour Hugues ! Bonjour Ninon ! Vous voulez quelque chose à manger ? Je n’ai plus de croissants mais je peux vous faire de délicieuses tartines à la confiture de fraise si vous voulez.
Enroulé dans une large couverture à même le sol, Hugues émergea. Il était sale, comme toujours, mais cela ne semblait pas le déranger. Kitoe se faisait parfois la remarque qu’elle n’avait pas la moindre idée de la morphologie de cet homme, toujours emmitouflé. Elle ne connaissait que ses cheveux bruns ébouriffés, sa barbe hirsute et sa grosse voix un peu cassée. Le concerné sourit puis bailla aux corneilles avant de hocher la tête. Ninon s’approcha de la petite Déchue pour lui faire une tape sur l’épaule, tandis que celle-ci préparait les tranches de pain. Ninon était une Gourmande elle aussi, très fine et assez grande. Avec ses cheveux blonds mi-longs, elle faisait souvent des couettes et d’après les tenues qu’elle mettait, elle était incapable d’associer les couleurs.
-Tu as l’air d’avoir bien dormi, Hugues. Et toi Ninon, ça ne va toujours pas mieux avec ton copain ?
-Nan, toujours aussi con, déclara la concernée en prenant appui sur un mur, je crois que je vais vraiment le quitter pour de bon, j’en ai ma claque. Tant pis si je finis à la rue. Ce n’est pas comme si j’y était pas déjà la moitié du temps.
Kitoe distribua les tartines. Elle s’en était fait une pour elle aussi. Elle n’avait pas résisté.
-Qu’est-ce qu’il a fait cette fois ?
-Le grand classique. Le fameux « Je rentre rond comme une pelle et je cherche des ennuis à tout ce qui bouge ». Il avait commencé à péter son armoire avant que je ne l’engueule et bien sûr, tout est retombé sur moi. J’me suis barrée avant qu’il ne me frappe. Putain, qu’est-ce que j’aimerais que ça soit lui qui passe une nuit à ma place pour une fois. Mais c’est son appartement. Il serait prêt à faire un scandale auprès des voisins. Il est très fort pour tourner les choses à son avantage.
Après avoir englouti sa tranche de pain, Hugues s’était de nouveau assoupi. Il n’avait pas dit un mot, pas même un merci, fidèle à sa sainte Flemme. Kitoe n’y fit pas attention. Elle était habituée, tout comme eux avaient pris le coche sur la fréquence de ses passages.
-Quand est-ce que tu comptes lui dire alors ?
-Bientôt. C’est décidé. Il faut que je m’y colle. J’ai un peu peur de la manière dont il va le prendre, mais ça ne peut plus durer. Après je quitterais mon travail et je trouverais un truc mieux. Il me foutra enfin la paix.
Toutes deux finirent leur collation.
-Tu me diras ?
-Ouais, bien sûr. T’façon si tu m’vois dans le coin prochainement, tu sauras pourquoi. Dis, j’peux te piquer deux tartines de plus ? C’est pour le déjeuner, comme je sais pas où je serai. Elle n’attendit même pas son approbation qu’elle se servait déjà. Un peu surprise, la petite blonde ne rétorqua pas. Merci pour le p’tit déj Kito, t’es une vraie. C’est cool.
Kitoe n’avait jamais vraiment saisi le concept d’être une « vraie », mais elle supposait que c’était positif, alors ça lui faisait plaisir.
-Pas de problème. Je te laisse, je dois continuer. A plus tard !
Avec un grand sourire, Kitoe salua les deux Déchus et reprit sa distribution. Elle n’avait pas encore terminé sa tournée et elle ne voulait pas prendre trop de retard pour les prochains habitués. Certains étaient très à cheval sur les horaires.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]:
Merci Shanxi ! [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Merci Bebouuu [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Merci Jillll [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Dernière édition par Kitoe le Lun 11 Jan 2021, 00:14, édité 1 fois
Kitoe ~ Démon ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 1697 ◈ YinYanisé(e) le : 09/11/2016
Mer 06 Jan 2021, 22:18
Attention : ce post recense des actes de violence physique. Globalement, le rp va devenir trash à partir de maintenant. Rappel : Les passages en gris correspondent au dédoublement de personnalité. Kitoe n'a pas conscience d'être autrice de ses actes dans ces moments.
Rudy, c’était le sans-abri qui trainait souvent à une centaine mètres de chez elle, un chic type qui faisait de son mieux pour s’en sortir. C’était toujours avec lui qu’elle commençait ses tournées. Il rendait régulièrement des petits services à ceux qu’il croisait pour un peu d’argent. Des fois, elle ne le trouvait pas parce qu’il avait obtenu un travail, mais à cause de sa maladresse naturelle, il le perdait toujours très rapidement, ce qui rendait la petite Déchue un peu triste. C’était un homme infiniment bon. Tout ce qu’il entreprenait, c’était avant tout avec le cœur. Mais aussi avec maladresse.
-Bonjour Kitoe. Tu vas bien ? Je te présente Amon. Il est là depuis cette nuit, je lui ai dit que tu passerais sûrement aujourd’hui.
-Bonjour Amon. Je vais très bien et vous deux ? Vous voulez des petits pains ? Ils sont encore tout chaud de la boulangerie.
Le dénommé Amon était assis dans l’ombre, derrière Rudy. Elle ne voyait pas entièrement son visage, mais il semblait assez pâle et fatigué. Il était maigre et elle remarqua ses longues jambes. Ses cheveux bruns, mi-longs et sales, collaient un peu à son visage. Une sorte de tic nerveux incitait l’un de ses pouces à bouger frénétiquement. Il scrutait le menu du jour avec convoitise. La blonde admettait qu’il revenait de ce genre de soirée où l’on consommait toutes sortes de produits étranges dont elle préférait ne pas connaitre les effets. Après avoir servi le premier, Kitoe lui montra sa caisse au nouveau pour l’inciter à choisir.
-Ne soyez pas timide, c’est fait pour ça ! Vous pouvez prendre tout ce que vous voulez, mais…
-Donne-moi ça.
D’un coup sec, il lui arracha le contenant des mains. Elle laissa échapper un cri de surprise. Il lui avait fait mal, mais il ne devait pas avoir fait exprès. Kitoe ramena ses mains à elle à la manière d’un écureuil apeuré. La stupeur passée, elle rit. C’était nerveux.
-Je suis contente de votre enthousiasme monsieur Amon, mais je dois aller distribuer tout ça aux autres aussi… Expliqua-t-elle en s’approchant de lui. C’est pour partager alors…
Le nouveau ressemblait à un fauve cherchant à protéger son butin. Il avait une main à sa ceinture. Kitoe ne comprenait pas. Il lui faisait peur.
-Monsieur Amon, s’il-vous-plait, je…
-T’approche pas, salope, maintenant c’est à moi !
Il brandit un couteau avant de la plaquer contre le mur. Terrifiée, Kitoe resta paralysée. Amon avait les yeux rouges et injectés de sang. Ses pupilles étaient dilatées par la drogue qu’il avait dû consommer toute la nuit. Rudy se redressa.
-Amon ! Qu’est-ce que tu fais, bordel !
Le clochard le tira par le col. Amon poussa un cri de rage avant de riposter. D’un geste rapide, il vînt planter son arme entre les côtes du Déchu. Le souffle coupé, ce dernier devînt livide. Il regarda sa blessure, son agresseur puis Kitoe, puis son agresseur, sa blessure et encore Amon. Il eut le temps de lui asséner un coup de poing avant de s’effondrer. Kitoe blêmit. Son cœur, qui s’était mis à battre à cent à l’heure, sembla soudain s’arrêter. Ses muscles se raidirent. Des émotions atroces vinrent la submerger comme s’il fallait qu’elle les vomisse. Elle poussa un cri jusqu’à plus d’air. Lorsque ses poumons se remplirent à nouveau, les larmes coulèrent sur ses joues.
-Va-t-en, Kitoe. Souffla Rudy dont la voix était devenue rauque et méconnaissable.
Un peu absente, elle le regarda cracher du sang et suffoquer. Ça devait faire drôlement mal. Va-t-en ? Kitoe ? Ça lui donnait presque envie de rire. Ses poings se fermèrent.
-Toi !
Elle était en colère tout à coup. Elle détestait ce type. Prise d’une détermination sans bornes, la Déchue s’approcha de l’inconnu. Rudy avait réussi à le mettre à terre. La drogue le rendait amorphe en plus de le faire complètement délirer. Elle s’agenouilla devant lui et lui arracha le couteau des mains alors qu’il se débattait lamentablement en attrapant ses poignets.
-Pourquoi tu lui fais du mal, hein ?
Elle le haïssait. Elle voulait qu’il disparaisse, qu’il sombre à tout jamais et pour s’en assurer, il fallait qu’elle s’en charge. Se laissant guider par ses émotions, la Déchue planta la lame en plein milieu de son ventre.
-Tu…
En l’extirpant de la chair, une gerbe d’un fluide rouge et poisseux vînt maculer le vêtement du brun. Le couteau retrouva aussitôt une place dans son corps : son foie.
-Ne fais pas…
Puis dans sa poitrine.
-Du mal…
Puis dans ses tripes.
-A mon…
Puis dans sa gorge.
-Amie !
Le dernier coup le fit succomber dans un râle humide. Du sang jaillit de la plaie et éclaboussa leurs visages.
-Kitoe…
Elle tourna la tête vers Rudy sans trop comprendre pourquoi elle l’avait fait. La vie dans le regard de l’homme s’éteignit sous ses yeux. Indifférente, elle revînt à celui qu’elle venait de tuer. La réalité lui revint en pleine face. Kitoe plaqua ses mains couvertes de sang contre sa bouche, horrifiée. Le couteau tomba par terre. Par Kinath. Est-ce qu’elle venait vraiment de… ? Elle s’étrangla, éclata en sanglots. Il n’y avait personne d’autre que ces deux cadavres autour d’elle. Elle était trempée de sang. Elle avait tenu un couteau. Evidemment qu’elle les avait tués.
-Maman… Souffla-t-elle.
Oh oui, elle pouvait penser à sa mère. Aujourd’hui, l’Ange Kitoe Idael n’avait jamais été aussi belle. Elle avait tué des gens. Elle avait détruit des vies. Elle était une meurtrière. Elle allait finir sa vie en prison ou dans un cachot. Ce n’était pas possible, ça ne pouvait pas arriver. Qu’aurait dit sa mère ? Qu’aurait-elle fait ? Y’avait-il un moyen de tout annuler, de revenir à zéro ? Il fallait forcément qu’elle le puisse… C’était un cauchemar et elle allait se réveiller. Elle allait se réveiller maintenant ! Non ? Pourquoi elle ? Elle n’avait rien demandé à personne. Elle avait d’autres petits déjeuners à livrer. Qu’allaient penser les autres sans-abris, tous ceux qui l’attendaient toujours ? Elle allait être en retard. Peut-être devait-elle finir sa tournée avant de régler ce problème, histoire que personne ne se doute de rien. Mais si elle s’absentait, on verrait. Elle avait les mains et les vêtements pleins de sang, les cadavres seraient découverts par le premier passant qui s’aventurerait ici. Devait-elle se dénoncer ? Non. Elle refusait. Elle ne pouvait pas assumer sa sentence. Ce n’était pas possible. Devait-elle les cacher ? Elle ne savait pas. C’était mal. Les mensonges finissaient toujours par refaire surface, elle le savait. Ou alors peut-être pouvait-elle les cacher en attendant de trouver une solution ? Juste en attendant…
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]:
Merci Shanxi ! [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Merci Bebouuu [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Merci Jillll [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Kitoe ~ Démon ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 1697 ◈ YinYanisé(e) le : 09/11/2016
Jeu 07 Jan 2021, 23:46
Attention : ce post recense des descriptions morbides et des actes de cannibalisme. Rappel : Les passages en gris correspondent au dédoublement de personnalité. Kitoe n'a pas conscience d'être autrice de ses actes dans ces moments.
Elle avait consommé l’intégralité de la caisse à petits-déjeuners. Assise dans un fauteuil, les jambes repliées contre sa poitrine, Kitoe fixait avec inquiétude les deux cadavres qu’elle avait trainé jusque dans son salon. Par une chance inouïe, elle n’avait croisé personne de si bon matin. Elle avait effacé les traces de sang du mieux qu’elle avait pu, que ce fut dehors comme sur son parquet. Elle avait retiré le tapis qui recouvrait habituellement le sol pour les disposer à cette place. Etendus côte à côte, leurs yeux entrouverts étaient devenus opaques, leur teint livide, leur corps rigide, et leur expression molle et terrifiante. La Déchue réfléchissait toujours à une solution. Le fait est qu’elle ne voulait impliquer personne dans cette affaire. Elle avait trop peur des conséquences. Que penseraient ses amis si jamais ils apprenaient ? Elle ne voulait pas le savoir. Jamais.
Pour la cinquantième fois depuis qu’elle était rentrée, Kitoe vérifia que la porte d’entrée était verrouillée et les rideaux bien fermés. Elle revînt ensuite à sa place. Elle était frigorifiée, mais elle se refusait d’aller chercher une couverture tant qu’elle n’aurait pas trouvé une idée pour se débarrasser discrètement de ces corps. A bout, elle poussa un cri de rage et frappa plusieurs fois ses paumes contre son front. Il devait bien y avoir une issue ! Ce problème impossible l’énervait et la colère lui donnait envie de pleurer. Bon sang. Elle en avait assez. Ça ne se terminerait jamais.
Il fallait qu’elle mange. Encore. Elle n’avait pas fin, son estomac était sur le point d’éclater mais elle ne le sentait pas. Il fallait qu’elle mange. Après s’être assurée que les cadavres n’allaient pas se mettre à bouger lorsqu’elle aurait le dos tourné, la jeune femme se dirigea vers la cuisine. Pain et moutarde, moutarde et fraise, fraise et chocolat, chocolat et chips, chips et brioche, brioche et œuf au plat, œuf au plat et fromage, fromage et compote, compote et pâtes, pâtes et beurre de cacahuète, beurre de cacahuète et confiture, confiture et pain. Tout y passa. Les associations étaient parfois innovantes, pas forcément à garder. Peu importait. Elles lui vidaient la tête. Elle ne se sentait plus vraiment elle-même, de toute manière. Manger l’avait petit à petit ramenée vers cet état d’insouciance étrange qui n’avait absolument pas lieu d’être. Entre deux bouchées, elle se mit à fredonner et à tourner sur elle-même. Plus rien de pouvait l’atteindre. Alors que les placards se vidaient sérieusement et que la jeune Déchue tenait une barre de chocolat en se demandant à quoi elle pourrait bien l’associer, elle se souvînt de l’existence des deux hommes qu’elle avait tué. Elle se demanda où ils pouvaient bien être. Peut-être devait-elle vérifier ?
-Berk. Déclara la blonde en passant la tête dans l’encadrement de la porte.
Néanmoins, la jeune fille eut envie de les voir de plus près. Sur la pointe des pieds et chocolat toujours en main – celui-ci se mettait déjà à fondre dans sa paume – elle quitta son repère et s’en approcha. Est-ce qu’ils allaient se réveiller ? Non, ils étaient morts. C’était elle qui les avait tués. Enfin, qui n’en avait tué qu’un seul, d’abord ! Mais on ne savait jamais, avec les histoires de fantômes et de morts qui revenaient à la vie, elle avait quand-même des doutes sur cette évidence. La blonde les détailla de tout leur long. Elle n’hésita pas à s’assoir à côté d’eux pour se pencher davantage. Timidement, elle approcha son doigt de la joue de son défunt agresseur. Il ressemblait à une statue bizarre avec son teint cireux. Le contact ne dura qu’une demi-seconde. Il était froid et elle fut rassurée qu’il ne l’ait pas mordue. Parcourant son corps, elle s’enquit ensuite de toucher l’une de ses plaies sanguinolentes. Là aussi, elle surveilla la réaction du monsieur. Rien. Son doigt se retrouva taché du liquide pourpre. Avec une grimace, elle examina ce dernier sous toutes les coutures avant qu’une idée saugrenue ne lui vienne. Elle renifla le sang. Elle tira timidement la langue. Elle lécha le bout de son doigt rougi. Ça avait le goût… de sang. Perplexe face à sa propre expérience, elle mordit son chocolat. La jeune fille fut soudain prise d’une autre idée saugrenue. Plissant les yeux, elle se pencha à nouveau vers le mort, cette fois-ci son chocolat remplaçant son doigt. Elle l’enfonça doucement dans la plaie. La sensation et le bruit lui arrachèrent une nouvelle grimace. Lorsque la barre fut bien recouverte, elle l’amena à sa bouche. Plusieurs expressions la traversèrent : le dégoût, la surprise, puis finalement l’amusement. Parce que oui, c’était drôle. Tout était maintenant plus clair. Elle venait d’avoir une idée. Avec un peu de bonne volonté, il n’y aurait plus besoin de pleurer ni d’avoir peur. Jamais. Il fallait qu’elle en convainque Kitoe.
Elle avait fini par s’enrouler dans cette foutue couverture. Son tapis avait repris sa place et les deux corps avaient disparus. Personne ne lui avait rien dit et elle n’avait rien dit à personne. Kitoe se sentait ailleurs, dans un monde à part. Elle ne réalisait pas ce qu’il se passait. Sa vie s’était simplement arrêtée au moment où elle s’était levée il y a deux jours, juste avant l’attaque. Depuis son cerveau était une sorte de coquille vide et ce qu’il se passait autour d’elle n’avait plus rien de réel. Elle était à peine sortie depuis l’incident. Elle prétendait être tombée malade, ce qui, vu son état, était probablement le cas. La jeune fille, déjà pâle par nature, avait facilement perdu plusieurs teintes. Ses cernes battaient des records d’envergure et son corps tremblait continuellement comme pour une montée de fièvre. Son rythme d’alimentation était complètement détraqué, mais de toute manière, ses placards étaient presque vides – presque – alors elle ne mangeait plus.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Lorsqu’on frappa à sa porte ce jour-là, elle ne répondit pas. Même le réflexe de tressaillir lui demandait trop d’énergie.
-Kito, je sais que t’es là. Y’a du feu dans ta cheminée et j’ai vu ton ombre à travers les rideaux.
Oui, elle avait fini par faire un feu. Elle passait ses jours et ses nuits près du foyer pour ne pas mourir d’hypothermie. Kitoe soupira. Elle ne voulait pas ouvrir, mais elle n’avait pas le choix. La porte laissa entrer un courant d’air frais qui la fit frissonner davantage. Le soir tombait. C’était Ninon. C’était la première fois que cette dernière venait la solliciter directement chez elle. Mais elle ne s’étonna pas. Trop fatigant.
-Salut, dit-elle un peu embarrassée, je ne te dérange pas j’espère ? Tu n’as pas l’air en forme. C’est pour ça que tu n’es pas passée l’autre jour ? Hm, peu importe. C’est un peu embêtant, mais je crois que j’ai besoin de toi. Tu te souviens quand je t’ai dit que ça ne pouvait plus durer et que j’allais rompre avec mon mec le plus tôt possible, un truc comme ça ? Bah en fait j’ai laissé trainer et je ne l’ai fait que maintenant. Et maintenant, il est furax. Et il me cherche. Et comme j’ai personne chez qui aller et que j’imagine qu’il ne te connait pas, ni toi ni ton adresse, je me disais que je pouvais venir me réfugier ici ? Juste pour la nuit, histoire qu’il se perde un peu dans les rues avant de rentrer chez lui. Ensuite, promis je m’en vais, tu peux compter sur moi. Je sais que c’est beaucoup demandé, surtout que tu n’as pas l’air au meilleur de ta forme et que j’arrive à l’improviste, mais… je pourrais faire la cuisine et la vaisselle, au moins pour dépanner. Et je peux dormir sur ton tapis, je ne vais quand-même pas faire la fine bouche ! Bon, je ronfle un peu parfois, mais c’est pas grave. Ça ne te dérange pas, hein ?
Kitoe se força à ne pas regarder son tapis. En dessous, il restait encore quelques traces de sang malgré les coups de brosse répétés. Quant à cuisiner ? C’était qu’ils étaient… encore là. L’idée la mit mal à l’aise. Parfois, elle aimait ça. Elle le savait, pourtant elle ne se souvenait pas de l’acte et… c’était mieux ainsi. Elle était plutôt rassurée de ne pas se souvenir de leurs visages qui s’éteignent. Des fois, elle se demandait si elle les avait vraiment vus durant ce moment d’absence. Peut-être pas. Peut-être qu’elle n’avait rien fait et que cette histoire était un coup monté de toute pièce. Qu’une tierce personne les avait tués et avait profité de son inconscience pour la mettre dans cette situation. Néanmoins, c’était trop farfelu pour être plausible.
-S’il-te-plait, Kito… Ninon avait joint ses mains en prière. Promis je serai irréprochable, c’est une question de vie ou de mort !
De mort… haha… ha… Cédant à la pression, Kitoe se décala sur le côté. Ninon se précipita à l’intérieur en la remerciant le plus de fois possibles. Elle s’installa sans la moindre gêne sur le premier fauteuil qu’elle croisa. Kitoe ferma la porte à clef et la rejoignit en face, toujours enroulée dans son plaid. Silence. L’hôte s’éclaircit la voix. Cela faisait des heures qu’elle n’avait pas prononcé un mot. Sa voix était faible.
-En revanche je dois partir tôt demain matin. Il y avait une grosse soirée de prévue ce soir et mon patron a décalé mes horaires à la dernière minute pour que je fasse le ménage plutôt que le service. J’espère que ça ne te dérange pas de décamper en même temps. C’était totalement faux. Elle voulait juste que Ninon parte le plus vite possible. Tu veux… boire quelque chose ? J’ai du chocolat chaud.
-Oui, pas de soucis ! Et c’est parfait, merci beaucoup. Tu veux de l’aid-… ?
-Non, reste où tu es. Ne t’inquiète pas. Ne t’occupe de rien.
Ninon s’enfonça complètement dans son siège en lâchant un soupir satisfait.
-Ahlalaaaa Kito, tu es tellement serviable. Je ne sais pas comment tu fais pour être aussi adorable tout le temps. Mais c’est vrai que t’es une Ange, toi, à la base. Ça doit être pour ça.
Mais Kitoe n’écoutait déjà plus le moindre de ses stupides propos. Elle se contentait de préparer mécaniquement deux tasses. Elle ne faisait qu’accueillir son amie pour que celle-ci ne se doute de rien et reparte le plus vite possible. Amie. Elle n’avait jamais autant exécré ce mot. Ninon l’ennuyait profondément.
-Tu pourras prendre les coussins des fauteuils pour te faire un matelas près du feu. Je vais chercher une couverture, ne bouge pas.
Elle monta à vive allure dans sa chambre pour lui ramener une couette. Une fois qu’elles eurent aménagé l’espace, elles papotèrent à peine et Kitoe prétendit être épuisée pour partir se coucher. Ce qui n’était, au final, pas si faux. Elle souhaitait que ce moment passe le plus rapidement possible et le sommeil était la solution idéale pour cela.
Mais elle ne parvînt pas à fermer l’œil. Elle craignait que Ninon ne se fût pas endormie et que, par ennui, elle commence à fouiller sa maison. Et si elle avait un petit creux ? Et si elle trouvait les… ça lui barrait le ventre. La Déchue essayait de se convaincre que ça n’arriverait pas. Rien n’était moins sûr. Mais voulait-elle seulement savoir ? Que ferait Ninon si elle découvrait ? Elle fuirait et elle détiendrait un secret dangereux. Ce n’était pas bon, vraiment pas. Elle était persuadée que cette fille était incapable de garder un secret plus de cinq secondes. Kitoe plongea son visage dans son oreiller et poussa un gémissement plaintif. Ses mains serraient ses draps très fort autour d’elle. Ses larmes se perdirent dans l’étoffe. Elle frappa son matelas. Putain de cauchemar qui n’en finissait pas. Quand allait-elle se réveiller, bordel ?! Il fallait que ça s’arrête. Tout de suite !
Les minutes passèrent. Elle se força à reprendre son calme. Inspirer. Expirer. Caresser sa couette au lieu de la malmener. Au bout d’une ou deux minutes, la Déchue se dégagea de sa couverture. Elle allait voir et elle serait fixée. Elle prétendrait avoir un creux si Ninon lui demandait et puis voilà.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]:
Merci Shanxi ! [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Merci Bebouuu [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Merci Jillll [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Dernière édition par Kitoe le Lun 11 Jan 2021, 00:15, édité 1 fois
Kitoe ~ Démon ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 1697 ◈ YinYanisé(e) le : 09/11/2016
Sam 09 Jan 2021, 23:39
Attention : ce post recense des actes de cannibalisme. Rappel : Les passages en gris correspondent au dédoublement de personnalité. Kitoe n'a pas conscience d'être autrice de ses actes dans ces moments.
Une lueur frêle et vacillante illuminait la cuisine. Parfois, une ombre passait devant la bougie et la maison replongeait dans l’obscurité durant un infime instant. La silhouette allongée de la jeune femme, tantôt debout, tantôt accroupie, était projetée sur les murs devenus jaunes à la lueur de la flamme. Un à un, Ninon ouvrait les placards et les tiroirs à la recherche d’un en-cas. Elle n’était pas vraiment discrète et accompagnait chacune de ses découvertes – du vide – d’une interjection qu’elle s’efforçait pourtant de chuchoter.
-Désolée, y’a plus grand-chose.
L’invitée bondit et se retourna vivement, s’appuyant sur le plan de travail pour ne pas tomber. Ses yeux étaient aussi grands que des ballons et sa bouche était déformée en un sourire inversé. Identifiant l’origine de la voix, elle posa une main contre sa poitrine et expira.
-Par Kinath, Kitoe tu m’as fait peur. Elle s’efforça de rire pour se détendre. Désolée, c’est l’habitude avec Drew, mon copain, tu sais… Enfin, mon ex maintenant.
Elle n’avait aucune idée de l’histoire à laquelle Ninon faisait référence, mais elle ne la questionna pas. Kitoe devait savoir, elle. Ça ne la regardait pas. Sans réponse de sa part, Ninon choisit de combler le vide. Elle trouvait ce silence angoissant.
-J’avais un peu faim alors je me disais que je pourrais grignoter un truc… Mais effectivement, tu n’as plus grand-chose. Pardon, je ne devrais peut-être pas fouiller dans ta maison comme ça.
La plus petite haussa les épaules. Tant qu’elle n’avait pas ouvert le mauvais placard, ça lui allait. Elle fixait d’ailleurs ce dernier, songeuse.
-Tu veux que je nous cuise des steaks ? Je crois qu’il ne me reste que ça.
-Je… euh… oui, pourquoi pas.
Elle afficha un grand sourire pour rassurer Ninon et s’approcha du meuble qui l’intéressait.
-C’est un peu bizarre à cette heure-là, mais moi aussi j’ai faim, ça ne me dérange pas d’en cuire.
-D’accord, merci alors… Dis Kitoe… Si tu as des problèmes d’argent... Enfin, je ne suis pas vraiment la personne qui pourra t’aider, mais ne reste pas sans rien. J’ai pas trop de solutions, mais… Voilà, c’est con.
La remarque la surprit. Elle ne connaissait pas Ninon aussi soucieuse. D’habitude, cette fille se contentait de prendre plus que ce qu’on lui proposait après avoir fait un grand sourire et dit un grand merci. Se serait-elle trompée ? La Déchue hésita une seconde. Non, pas de mémoire. Elle haussa les épaules. C’était trop tard de toute façon : le steak était proposé et ça arrangeait ses affaires, puisqu’il fallait s’en débarrasser. La blonde sortit une poêle et la mit sur le feu avec un peu d’huile. Elle ouvrit ensuite le fameux placard. Il était rempli de sacs rougis de différentes tailles. Une odeur de sang se dégagea. Dans la semi-pénombre à l’autre bout de la pièce, Ninon n’aperçut qu’un ensemble sombre.
-Non, tout va bien. C’est juste que j’étais un peu malade alors je ne suis pas sortie… Mais je me sens déjà mieux après avoir dormi un peu. J’irai faire des courses demain. J’ai un ami éleveur qui m’a donné tellement de viande que j’en ai trop, donc je suis contente si tu peux m’aider à m’en débarrasser. Ça serait dommage que ça pourrisse… Mais à ce rythme, il a dû me donner… une vache entière ! D’ailleurs, j’ai dit que c’était du steak, mais en vrai j’en sais rien, c’est peut-être une autre partie du boeuf. Je connais pas trop... C’est très bon dans tous les cas, je peux te l’assurer.
Elle rit en se rappelant la tête imaginaire qu’elle avait tiré quand son ami imaginaire lui avait donné cette énorme quantité de bœuf imaginaire. Evidemment, ça n’en était absolument pas. La jeune fille avait mis des heures à déshabiller et retirer la peau et la graisse des deux corps. Les découper et les vider avait été une tâche encore plus ingrate. Il avait ensuite fallu ranger l’ensemble méthodiquement pour que tout rentre dans un seul meuble en cachant les morceaux les plus compromettants, à savoir les têtes et les organes. Elle avait jeté les habits et la peau au feu. Cela avait dégagé une odeur infâme, alors elle n’avait pas osé brûler le reste. Du moins, pas tout de suite, ni tout d’un coup. Manger une partie lui permettait d’éliminer les preuves et plus d’économiser sur la viande. Quoique cet argument n’avait toujours pas convaincu la principale concernée : Kitoe. Cette dernière se mentait à elle-même. Elle n’avait jamais ouvert le placard, prétextant qu’il n’y avait rien et qu’elle échapperait à cela. Cela l’attristait. Malheureusement non, Kitoe n’y échapperait pas. Pas plus que Ninon ce soir-là. Quand les deux morceaux de viande commencèrent à crépiter la jeune fille se tourna vers son amie et lui sourit tendrement. Ninon le lui rendit, sincère.
-Je te revaudrai ça un jour, Kito. J’te le promets.
Le clochard la dévisagea avec stupéfaction. C’était rare qu’on lui accorde autant d’attention et il ne connaissait pas cette fille. D’habitude, les passants allaient en l’ignorant, faisant mine de ne pas le voir ni l’entendre pour ne pas se sentir obligé de lui donner une pièce ou qu’on leur adresse la parole de façon intrusive ou embarrassante.
-Bonjour. Ça va. Qu’est-ce que vous voulez ? Puis, il se dit qu’il avait peut-être une chance. Vous n’auriez pas une p’tite pièce pour moi ?
-Si, tenez ! Elle lui tendit quelques sous. Je m’appelle Kitoe. J’achète des petits déjeuners aux sans-abris parfois, mais vous, je ne vous avais encore jamais vu.
-Merci bien, M’dame. J’suis là depuis un moment pourtant. J’m’appelle Paul.
-D’accord, Paul, j’essaierai de venir vous voir à l’avenir alors ! Bonne journée !
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Heureuse d’avoir fait une nouvelle rencontre, la blonde retourna auprès de Zack pour qu’ils puissent continuer leur marche. Ils échangèrent un sourire. Kitoe sautillait, contente, car c’était une belle matinée. Le soleil s’était levé et projetait sur le sol les immenses ombres des bâtiments de la capitale Déchue. Les températures étaient douces, l’air un peu humide. C’était agréable. Les mains dans les poches d’une veste noire, Zack passait pour un mec discret et introverti qui contrastait avec l’attitude de son amie. En plus de gambader comme un cabri, cette dernière portait une jolie tunique claire à motifs floraux et un pantalon de la même couleur.
-Je croyais que tu avais arrêté de distribuer des repas.
C’était vrai : elle avait arrêté pendant quelques semaines, après l’attaque. Le brun ne savait rien de cette histoire. Il l’avait juste vue arrêter du jour au lendemain et ne s’était pas posé davantage de questions. Il supposait que c’était lié avec la perte de son boulot au pub, elle-même liée au fait que Kitoe ne s’était pas pointée au travail pendant plusieurs jours sans raison valable.
-J’ai réfléchi et maintenant que je fais de la garde d’enfants, j’ai décidé de reprendre. Ce n’était qu’une petite pause pour souffler un peu. Et puis, je n’avais plus vraiment l’argent… Maintenant ça va mieux.
Elle s’était sentie un peu mal d’arrêter. Amon n’avait été qu’un cas exceptionnel. Depuis qu’elle vivait ici, c’était la première fois que ça arrivait. Elle supposait qu’il avait s’agit d’un Avare ou d’un Gourmand un peu malheureux. Elle ne pouvait pas se baser uniquement sur cette expérience. D’autres gens comptaient sur elle et elle ne voulait pas les décevoir. Elle voulait être là pour leur redonner le sourire quand la vie était dure, partager un peu de son bonheur avec eux. Elle voulait réapprendre à leur faire plaisir comme avant, comme si rien ne s’était passé et qu’aucun événement traumatisant n’était venu entacher sa vie. Elle devait arrêter d’avoir peur, s’efforcer de prendre plaisir à faire plaisir lui redonnerait le goût des choses, elle en était persuadée. Zack eut un rictus amusé.
-Tu les aimes trop tes clodos. Tu comptes te marier auquel ? Plaisanta-t-il.
-Personne ! S’écria la blonde, faussement scandalisée. En réalité, la question lui tordait les entrailles mais elle effaça ce sentiment en s’accrochant au bras de son ami. On s’est juste lié d’amitié. Sinon je vais me marier à beaucoup de monde, à commencer par toi. Penser à lui lui faisait oublier les images dégoûtantes qu’il avait réussi à lui mettre dans la tête. Elle rajouta, un peu moins fort. Ce qui n’a pas de sens.
Outch. Ça faisait mal. Bizarrement, la réplique lui cloua le bec. Kitoe ne se rendait compte de rien. Elle était trop troublée. Le pavé défilait sous ses yeux. Un demi-sourire était figé sur ses lèvres. Sûrement par nervosité, elle trouva utile d’en rajouter une couche qui au final, ne la fit que devenir rouge.
-Je ne sais même si pas je veux me marier. Ou alors il faudrait vraiment que je trouve LE bon. Ou LA bonne, je ne sais pas trop.
Elle était encore vierge. Elle n’avait aucune expérience ni aucune idée de ses préférences sexuelles. Cet aspect de sa vie était encore très régi par les normes angéliques. Zack se pinça les lèvres. Il n’aurait jamais dû lancer le sujet. C’était bien fait pour lui.
-Ca te dit d’aller manger une gaufre ?
Kitoe s’extirpa complètement de ses songes. La proposition lui fit l’effet d’une bouffée d’oxygène qui la décontracta aussitôt. Jamais ce genre de proposition ne lui avait paru aussi salvateur. La sainte gaufre, croustillante à l’extérieur et moelleuse à l’intérieur, inondait d’avance son cœur de sa chaleur rassurante et apaisante. Elle venait les bénir au moment parfait, ramenant joie et insouciance là où il n’y en avait plus.
-Oh oui une gaufre ! Je vais la prendre au chocolat avec de la crème fouettée par-dessus ! Et toi tu veux quoi ?
Elle préparait déjà son porte-monnaie.
-Juste au chocolat je pense. Ne t’embête pas, c’est moi qui paye.
-Oh ? D’accord. Merci.
Comment refuser ? Enthousiaste, Kitoe serra affectueusement le bras de son ami et ils se dirigèrent vers le marchand de gaufres le plus proche. Elle savait exactement où il était.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]:
Merci Shanxi ! [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Merci Bebouuu [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Merci Jillll [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Kitoe ~ Démon ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 1697 ◈ YinYanisé(e) le : 09/11/2016
Lun 11 Jan 2021, 22:32
Attention : ce post recense des descriptions morbides et des actes de cannibalisme. Rappel : Les passages en gris correspondent au dédoublement de personnalité. Kitoe n'a pas conscience d'être autrice de ses actes dans ces moments.
Elle plongea sa main dans le paquet-surprise pour récupérer une grosse poignée de friandises qu’elle répartit dans ses deux mains. Heureuse comme tout, elle leva la tête et les lança en l’air.
-Youhou !
Les bonbons retombèrent et s’éparpillèrent sur le sol. C’était magique. Il y avait tellement de bonbons ! Un véritable paradis sur terre. La Gourmande avait atteint le graal. Elle était comme ce que la super reine magique de l’univers faerique des bonbons devait être : épanouie et entourée d’une infinité de sucreries. Elle ne connaissait pas la super reine en question, mais elle l’imaginait suffisamment clairement pour croire en son existence. Son trône devait être en sucettes, son lit en guimauve, sa piscine privée remplie de sirop et sa table à manger en forme d’énorme tarte aux fraises. La jeune fille lécha ses doigts collants de sucre avant de prendre un biscuit sec et de croquer dedans. Fondant de bonheur, elle ferma les yeux, levant la tête vers le ciel en se disant qu’elle vivait là le plus beau moment de toute sa vie. Elle adorait les sablés comme ça. Elle se souvenait de ceux de madame Feriel : c’était les meilleurs qu’elle n’avait jamais mangés. Une fois, cette Ange mère de famille lui avait offert un gros panier rempli de ces mêmes biscuits pour la remercier de tous ses services. Cela l’avait rendue si heureuse…
Kitoe rouvrit les yeux. Le goût du sucre se mêlait à celui du sang dans sa bouche. Elle déglutit pour terminer sa bouchée et grimaça. Un frisson lui parcourut l’échine tandis qu’elle analysait la situation, ravalant encore sa salive malgré le goût métallique qui la glaçait. La jeune femme se trouvait par terre, au beau milieu de son salon, dans la pénombre. La nuit était tombée, les rideaux étaient de nouveau tirés et les deux seules choses qui l’éclairaient étaient le feu dans la cheminée et une petite bougie posée sur une commode. Elle pensa à Zack, qu’elle avait quitté plusieurs heures auparavant alors qu’il faisait encore jour. Depuis… Elle ne savait plus. Il n’y avait rien. La seule image qui lui revenait était l’horrible souvenir de sa main armée d’un couteau au-dessus du cadavre d’Amon. Ca sentait la mort à plein nez. Sa gorge se noua, son estomac se tordait déjà. Avait-elle… ? La respiration saccadée, Kitoe baissa doucement les yeux pour découvrir ce qui se trouvait à ses genoux. Elle contint un cri d’horreur. La bile lui brûla la gorge. Elle avait plaqué ses mains contre sa bouche. A la sensation poisseuse, elle réalisa qu’elle était recouverte de sang. Son estomac se contracta. Le paquet-surprise s’appelait Paul et son ventre était complètement ouvert pour laisser s’échapper ses tripes et d’autres organes partiellement transformés en biscuits. Kitoe se mit à trembler. Elle fondit en larmes. Elle eut juste le temps de se pencher pour régurgiter. Ça recommençait. Elle prit sa tête entre ses mains. Alors ça y est, elle devenait complètement folle ? Elle ne se souvenait plus de la moitié de ses actions ? Elle était une psychopathe sans même le savoir ? Non, ce n’était pas possible. Pas elle. Elle n’était pas folle, il n’y avait pas de raisons. Pourquoi le serait-elle ? Les fous avaient généralement vécu des événements traumatisants dans leur enfance, comme la mort de proches ou des violences. Elle n’avait rien expérimenté de tout ça. Il devait y avoir une autre explication. Etait-elle possédée par une sorte de parasite ? Oui, ça devait être ça. Ces fois où elle ne s’était plus trop sentie elle-même, ça devait être ça. Un parasite qui se serait immiscé en elle sans qu’elle ne s’en aperçoive. Ça se soignait ? Il fallait qu’elle se renseigne. Demain. Il fallait qu’elle se débarrasse de ce monstre, qu’elle l’élimine. Il était hors de question que cette chose continue de vivre, que ce soit pour elle ou pour le reste. Ses amis n’avaient pas à être exposés à ça. Personne. Cette chose devait disparaitre. Quitte à se donner la mort.
-Arrête. S’entendit-elle prononcer avec une voix aigüe.
Ce n’était pas elle qui avait dit ça. Enfin pas elle, Kitoe. La blonde balaya la pièce du regard.
-Sors de ma tête ! Geignit-elle.
Ce n’était pas un ordre, c’était une supplication. Elle ne voulait pas vivre ça. Toute cette histoire lui donnait la nausée, encore. La Déchue se tirait les cheveux, comme si c’était la solution pour extirper cette voix de son cerveau. Elle était furieuse. Elle avait l’impression d’étouffer et l’absence de réponse était semblable à un manque d’oxygène.
-Sors, je t’en supplie, sors… Elle parvînt à s’effondrer plus qu’elle ne l’était déjà. Pourquoi tu ne réponds pas…
Elle sanglota. C’était horrible. Elle était prise en otage dans son propre corps. Que devait-elle faire ? Puisque l’intrus s’était manifesté une fois, elle espérait pouvoir négocier, mais maintenant elle avait l’impression de devoir appâter une bête farouche et craintive. Elle expira.
-Comment tu t’appelles ? Silence. Elle se redressa, scrutant l’obscurité comme s’il fallait qu’elle aperçoive une présence, même invisible. Comment tu t’appelles ?
Il lui fallut plusieurs dizaines de secondes pour répondre. Réfléchir à la question, puis prendre le contrôle de la parole.
-… Lia !
-Lia… C’était une fille. Ses pupilles cherchaient désespérément une autre personne. Alors Lia, s’il-te-plait, qui que tu sois, il va falloir partir.
Pas de réponse. Elle comprit aussitôt que c’était un refus. Lia n’était pas contente, vexée par le comportement de Kitoe. Elle qui croyait avoir trouvé une amie… Aucune parole n’avait été échangée mais elle le savait car ça se passait dans sa tête.
-Une amie ? Demanda Kitoe dans un rictus nerveux et presque insolent. Moi ? Pourquoi ? Pourquoi tu fais ça ? Tu crois que de tuer des gens pour les manger avec mon corps va me rendre heureuse ?
Ce n’était pas que son corps à elle. Lia le lui suggéra. Kitoe ne comprenait pas. Elle ne savait plus ce qu’elle ressentait. De la peur, de la douleur, de la colère… Le parasite ne répondait plus. Elle s’était enfermée dans une partie de son esprit et la jeune femme ne pouvait deviner que ses émotions : de la tristesse et de la déception, de l’incompréhension. Kitoe chercha à en savoir plus. Elle réitéra ses appels. C’était peine perdue, mais elle ne savait pas quoi faire d’autre. Après une heure de tentatives infructueuses, calmée par ses pleurs et shootée par l’épuisement, elle sombra dans le sommeil.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]:
Merci Shanxi ! [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Merci Bebouuu [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Merci Jillll [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Kitoe ~ Démon ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 1697 ◈ YinYanisé(e) le : 09/11/2016
Mar 12 Jan 2021, 23:31
Attention : ce post recense des descriptions morbides. Rappel : Les passages en gris correspondent au dédoublement de personnalité. Kitoe n'a pas conscience d'être autrice de ses actes dans ces moments.
Avalon s’éveillait doucement. Les premiers rayons de soleil réchauffaient la ville tandis que l’effervescence, qui ne s’était jamais vraiment éteinte durant la nuit, reprenait petit à petit. A travers les rideaux, quelques raies de lumières parvenaient à s’infiltrer à l’intérieur de la maison. L’une d’entre elles, plus aventureuse que les autres, vînt effleurer les paupières de Kitoe. Cela la réveilla. Lorsque la Déchue ouvrit les yeux, la première chose qu’elle rencontra fut le regard livide du cadavre auprès duquel elle s’était endormie. Prise d’un violent mouvement de recul, elle poussa un cri de surprise. Son épaule se heurta au pied du fauteuil derrière elle. Elle gémit. Son cœur battait déjà à toute allure et à nouveau, elle ne put quitter le mort des yeux tant il l’effrayait. La blonde se sentait sale. Elle était moite de ses sueurs froides ; le sang sur sa peau, ses vêtements et dans ses cheveux avait séché ; ses yeux étaient bouffis par les larmes et le contour de sa bouche était collant de tout le sucre qu’elle avait ingéré la veille. Elle avait un affreux goût acide dans la bouche qu’elle associa à la flaque de vomi étalée à sa gauche. Bien sûr, elle avait foutu les pieds dedans… Elle était pitoyable. Elle supposait que c’était ainsi que les fêtards se réveillaient au lendemain d’une soirée trop alcoolisée. Kitoe songea à ce que sa mère aurait dit en la voyant dans cet état et cela la fit rire de désespoir, après quoi elle se leva et tituba pour s’éloigner du cadavre. Elle marcha sur des bonbons et manqua de se casser la figure. Elle se rattrapa de justesse à un mur.
-Lia… Ses cordes vocales étaient dans un état lamentable elles aussi. Lia ?
Rien. Était-elle partie ? Elle en doutait. Lia était en plein cœur de son enfer : elle tuait des gens et elle les mangeait. Elle la possédait. Que demander de plus ? Kitoe passa des mains sales sur son visage. Elle avait mal à la tête. Bon sang de merde. Rien que de voir le chaos dans lequel elle avait plongé son salon, elle savait qu’elle n’était qu’au début. C’était… une catastrophe. Ce cauchemar était sa vie à présent et plus rien ne pouvait lui faire faire machine arrière. Si ce connard d’Amon n’avait pas été là... tout aurait été tellement plus simple. Dépitée, elle se déshabilla, jeta ses vêtements sur le corps pour le cacher à sa vue et partit se laver.
_
-Bon. Commença-t-elle.
Elle se sentait mieux. Allégée d’un fardeau poisseux, ses idées étaient plus claires. Elle se tenait de nouveau dans le salon. L’odeur étouffante de la mort l’avait prise à la gorge pour remplacer le parfum de fleurs de son savon.
-Qu’est-ce que je fais de lui maintenant… Lia ? Elle attendit une réponse de la concernée. Elle sentait sa présence et ses intentions, même si cette dernière ne s’exprimait pas. Non, il est hors de question que je le… Elle se baissa pour ramasser les sucreries qui trainaient par terre. Et tout ça c’est… lui aussi ?
Oui, c’était lui. Ça lui redonnait envie de vomir, alors même qu’elle avait le ventre vide. En contournant soigneusement Paul, Kitoe débarrassa les bonbons et les jeta à la poubelle. Elle nettoya la flaque de vomi comme elle put – avec l’acidité, celle-ci laissa une tache claire sur son parquet – mais fut incapable de revenir auprès du mort.
-Lia ? S’il-te-plaît, je ne sais juste pas quoi faire de ce type. Je sais que je t’ai dit de partir, mais là je ne peux pas… Est-ce qu’on pourrait… on pourrait passer une sorte d’accord ? Elle avait déjà peur de ce qu’elle était en train de proposer. Je te laisse le contrôle total de mon corps et tu te débarrasses de lui. Pas de traces. Et ensuite… j’aimerais que tu arrêtes de faire des choses à mon insu. En échange… je veux bien t’écouter. Je ne sais pas comment on pourrait faire… Peut-être qu’on pourrait s’écrire dans un carnet ?
Silence. Les épaules légèrement remontées, Kitoe attendait le verdict. Elle s’attendit à ressentir une émotion ou émettre un simple « oui ». A la place, elle fonça vers la cuisine et attrapa le plus gros couteau à sa disposition. Pour la fin du ménage, elle devait déballer l’artillerie lourde. Pour le carnet, elles verraient plus tard. Lia avait du steak de bœuf à fabriquer et des bonbons dans la poubelle à découvrir de manière scandalisée avant de les manger.
« D’accord Pourquoi tu veux pas le manger ? Ils font du mal. J’avait peur aussi au début et puis en fait c’est bon. PS : Tu met pas les bonbon a la poubelle, grr è_é »
Assise à la table de sa cuisine, Kitoe était penchée sur les mots laissés par Lia, qui sonnaient l’aube de leur cohabitation difficile. Il y avait des fautes et des ratures, et la calligraphie était celle d’une enfant d’une dizaine d’années : formant de grandes lettres circulaires, les courbes n’étaient pas encore parfaitement maitrisées, ce qui brisait de temps à autres l’harmonie que l’on avait voulu évoquer. Elle n’avait rien à voir avec la sienne, moins appliquée mais plus maîtrisée. Et Kitoe ne faisait pas de fautes. En bas de la page, sans autre raison valable que le fait qu’il restait de la place, Lia avait dessiné un Weltpuff dans un champ de fleurs. La Déchue était perplexe. Elle mit bien dix minutes à intégrer tout le texte, qui en disait énormément sur celle à qui elle avait affaire. Il lui laissait aussi beaucoup de questions, à commencer pas le sujet auquel Lia faisait allusion : ils font du mal ? Kitoe ne comprenait pas de quel mal elle parlait, ni qui étaient « ils ». La blonde s’empara de la page suivante :
« Qui fait du mal à qui ? Dis-moi Lia, d’où viens-tu et pourquoi fais-tu cela (tuer et manger les gens) ? »
Le carnet qu’elle avait acheté était suffisamment petit pour tenir dans une poche. Sa couverture en cuir était remplie de fleurs multicolores et un fin ruban rouge faisait office de marque-page. Le dos de la couverture était doublé d’un autre ruban pour pouvoir y glisser un crayon à emmener partout.
La réponse ne fut écrite que le lendemain, au beau milieu de la nuit :
« Il te font du mal à toi. Les clochars qui attendent passivement qu’on leur vienne en aide. Maman écrit plus. Elle t’aime plus. Les gens attende que tu vienne et t’est triste. Il faut les manger et les tuer pour qu’ils disparaissent. Ils sont méchant Pourquoi tu veut faire 36 choses pour eux ? ils feront jamais pareil Moi je fais pas tout ça, je fais ce que je veux PS : j’ai donner de la viande du méchant bizarre a Ninon l’autre soir. Elle méritait, elle est plus jamais revenue et elle reviendra jamais. Elle a dit qu’elle te revaudrait ça mais elle reviendra jamais »
Lia était contente de son mot. Elle avait intelligemment utilisé un adverbe et un post-scriptum dans un propos clair digne des plus grands auteurs. Elle espérait qu’avec ça, celle qu’elle avait choisi de protéger comprendrait mieux ses motivations et l’accepterait. Après tout, la jeune fille n’agissait que pour son bien. Elle n’était née que pour ça.
Kitoe fronça les sourcils. Sa vision du monde l’inquiétait autant qu’elle la troublait. La blonde n’avait jamais vu les choses sous cet angle. La version de Lia n’était pas bonne, elle en avait l’infime conviction. Et puis, c’était une enfant, ou du moins une intelligence qui y ressemblait. Elle ne pouvait pas comprendre. Elle ne se rendait pas compte de la gravité de ses actes.
« Ce n’est pas vrai. »
Malgré l’argumentaire qu’elle dressait intérieurement, elle ne trouvait rien d’autre à ajouter, pas de mots pour lui expliquer son ressenti à elle. Lia était profondément pessimiste.
Mais ses arguments tenaient la route. Sa mère n’écrivait plus. Les gens étaient passifs. Kitoe se cassait la tête pour faire plaisir à tout le monde avant de penser à son propre bonheur. Elle avait l’impression de reproduire le schéma qu’elle avait suivi durant toute sa vie à la Citadelle, à une échelle différente…
Mais non. Ce n’était pas vrai, elle se trompait.
Ou alors…
Non. Elle ne voulait pas y croire.
Ou alors si. Un petit peu. Était-ce pour cette raison qu’elle n’arrivait pas à se défaire de son péché ?
La Déchue s’assombrit. Elle était stupide. Elle s’agaçait toute seule. Elle avait envie de se foutre des claques et de se mettre face à la réalité, la vraie. Si ça se trouvait, on profitait d’elle et l’on se moquait de sa naïveté dans son dos. Et si elle était juste ridicule depuis le début ? Comme elle perdait toute seule patience, Kitoe enfila une veste et sortit de chez elle. Elle avait besoin de prendre l’air. Ensuite, elle passerait chez Zack pour voir.
En découvrant son amie au pas de sa porte, il fallait dire que oui, Zack était plutôt surpris. Puisqu’ils étaient meilleurs amis, ils avaient l’habitude des visites impromptues de l’un ou de l’autre. Néanmoins, la mine épuisée de la blonde était suffisamment marquée pour qu’il comprenne que cette visite n’était pas usuelle.
-Je peux rentrer ?
-Oui, bien sûr. Il libéra le passage. Tu vas bien ?
Au lieu de passer, elle se jeta dans ses bras. Zack l’accueillit avec autant de stupeur, mais referma finalement ses bras sur son petit corps. Il caressa son dos, ses cheveux. Il sentait la chaleur de son corps contre le sien, son parfum de printemps. Il s’en serait enivré en d’autres circonstances. Là, elle lui communiquait un tracas trop lourd pour qu’il puisse l’ignorer.
-Je ne sais pas.
-Tu veux t’assoir ? Boire quelque chose ? Je peux te faire du chocolat chaud.
Elle acquiesça. Il la connaissait par cœur. Kitoe s’installa à table.
-Allez, dis-moi. Tu sais que tu peux tout me dire. Je suis tout ouïe.
Zack mit la casserole de lait sur le feu. La tête baissée, Kitoe faisait des formes avec ses doigts sur la surface de la table. Quand elle trouva une miette de pain, elle se démena pour la réduire en morceaux encore plus petits.
-Je me sens vraiment bizarre ces derniers temps. Je ne sais pas si je fais les choses bien et si j’aime ce que je fais… Tu penses que je me mets trop la pression ?
-Hm… Ça dépend. Il cassait des carrés de chocolat avant de les faire tomber dans la casserole. Si tu parles de te mettre la pression plus que d’habitude, je ne pense pas. Tu as un travail et tu aides ceux qui en ont besoin dès que tu en as l’occasion. Rien n’a changé depuis que tu t’es installée ici. Mais sinon… oui, tu es plus nerveuse depuis quelques temps. Depuis que t’as perdu ton boulot au pub et que tu as arrêté de distribuer les petits-déjeuners, je crois.
L’avantage avec Zack, c’était que lorsqu’il disait ce qu’il pensait, ce n’était jamais insultant. Le Déchu mélangea le lait à l’aide d’une cuillère en bois. Quand le liquide devînt brun et homogène, il versa le contenu de la casserole dans deux petits bols.
-Tenez mademoiselle. C’est te faire virer qui t’as mis dans tous tes états ? Il s’est passé quelque chose ?
« Oh oui, il s’est passé beaucoup de choses. Je suis possédée, j’ai tué deux personnes et je les ai mangées pour effacer les preuves. Incroyable, non ? Personne n’a remarqué la moindre disparition, ça marche super bien. » Une part d’elle-même avait envie de céder et de tout lui avouer, mais c’était impossible. Mieux valait se donner la mort immédiatement que de le révéler à qui que ce soit. Si cela devait arriver, elle n’hésiterait pas à prendre le premier couteau qui lui tomberait sous la main pour se l’enfoncer dans la poitrine.
-Oui, peut-être. J’ai été déchue parce que je me mettais trop la pression, déjà, tu sais. Ma mère voulait tellement que j’aille haut que… j’ai fait tout l’inverse. J’ai l’impression que je suis en train de recommencer. Je garde des enfants le soir mais ça ne paye pas assez, alors je voulais travailler autre part… Peut-être donner des cours particuliers à ces mêmes enfants. Je l’ai déjà fait. Ou peut-être faire vendeuse dans un magasin. J’ai trouvé une épicerie qui est prête à me prendre. J’aurai des horaires un peu changeants et pas de congés au départ, mais je n’ai pas vraiment le choix. Le problème c’est que ça va me faire louper le déménagement de Serv, que j’avais promis d’aider. Il faut que je pense à lui offrir un cadeau pour l’occasion, d’ailleurs. Védem avait besoin d’aide pour faire le ménage chez lui aussi. Il n’avait pas assez d’argent pour payer un employé de ménage. La voisine m’a proposé de sortir son chien lorsqu’elle part travailler, un autre de lui faire ses courses, un autre de lui donner des cours de cuisine alors que je ne suis pas si douée que ça. Et puis toi aussi, tu m’as dit que je devrais me libérer plus souvent pour venir jouer aux cartes avec vous. J’adorerais, mais j’arrive pas. Les journées devraient durer trente heures. C’est idiot, vingt-quatre. Bref, je veux faire… trente-six choses à la fois, sauf que ça ne peut pas tenir. A force, des fois j’ai le sentiment que tous ces gens profitent de moi, et moi je suis juste un pantin ou une marionnette qu’on tire par toutes les ficelles en même temps. Je m’en mets à haïr les gens. L’autre fois, Ninon, une fille de la rue, est venue me demander de l’héberger pour une nuit, et je l’ai tellement détestée…
Zack l’écoutait avec attention, inquiet. Pour quelle vide son sac avec autant de facilité, c’était que sa détresse était sérieuse. Il porta son bol à ses lèvres.
-Tu ne sais pas dire non.
-Ce n’est pas ça, tout le monde mérite un peu d’aide de son prochain et moi ça me fait plaisir de les aider…
-Visiblement non, puisque tu es là à me parler de tout ça. Tu ne peux pas aider tout le monde, Kitoe. Et puis je te ferais remarquer que pour ta part, tu n’as pas beaucoup d’aide des autres…
Elle se faisait de plus en plus la même réflexion. Personne n’entreprenait de lui offrir un service en échange des siens. Généralement, on lui donnait un peu d’argent lorsqu’on avait les moyens. Leurs interactions sociales s’arrêtaient là. C’était dommage.
-Mais je ne veux pas les déranger…
-Tu ne déranges personne, Kitoe. Regarde. Tu es venue exceptionnellement aujourd’hui. Tu ne me déranges pas. Au contraire, je suis heureux de te voir. Les autres ne se gênent pas pour demander. Védem attend que ça soit le foutoir pour appeler des renforts gratuits et ne rien faire. Serv va nous faire faire traverser la moitié de la ville pour déménager ses affaires. Je trouve ça honteux, pas toi ?
Il sourit. Bien sûr, il plaisantait. Elle hocha la tête. Ses yeux cherchaient la casserole de lait chaud.
-Je peux en reprendre ?
Elle avait déjà terminé son chocolat malgré la température de la boisson.
-Fais comme chez toi.
Elle aimait bien passer du temps chez lui ou chez Serv pour cette raison précise : elle se sentait complètement chez elle. Kitoe se leva pour se resservir.
-Et je peux rester encore un peu avec toi ? Je n’ai pas envie de bouger aujourd’hui...
-Restes tout le temps que tu veux. Tu peux même passer la nuit si ça te chante.
-Mais tu n’auras pas… Une copine ? Hasarda-t-elle.
Elle rougit un peu. Il plissa les yeux tandis qu’un nouveau sourire se dessinait sur ses lèvres. Il s’appuya sur le dossier de sa chaise.
-Tu me prends vraiment pour un chien à ce point ? Je peux me contenir, surtout si t’es là.
Merde, pourquoi il avait tourné ça comme ça ? Il était fort pour parler en règle générale, mais dès qu’il s’agissait de ses sentiments envers elle, il devenait vraiment con.
-Pourquoi « surtout si je suis là » ? Demanda innocemment la blonde.
-Euuh je sais pas, parce que j’imagine que ça t’embarrasserait… ?
-C’est vrai.
Sorti d’affaire, Zack termina son chocolat chaud d’une traite.
