Partenaire :/ (le partenaire Reflet de Daé)
Intrigue/Objectif : Pendant que Daé tente de comprendre ce qu'implique que d'être un Rehla, son Reflet le découvre et apprend à prendre sa forme.

« Des mouches pour des enfants espiègles : voilà ce que nous sommes pour les dieux. Ils nous tuent pour se divertir. »

Shakespeare

Musique du RP (classique, mais ça fonctionne toujours !)
Rien ne peut préparer les Rehlas au moment précis où la Ligne du Temps leur demande de tout sacrifier. Certain•e•x•s ont la chance de ne pas avoir à les vivre, mais pour celleux qui passent par ces moments, c’est une sorte de déchirure à l’âme même. L’impression d’être dépossédé, déshumanisé, oublié, meurtri. En fait les mots n’existent pas, car on touche ici à quelque chose de bien plus grands que toutes les formes de langage. Peut-être les Aetheri ont un mot pour cette sensation, ce seraient bien les seul•e•x•s à pouvoir en trouver tellement il faudrait un mot proche de la pureté émotionnelle qu’incarne le désespoir. C’était peut-être quelque chose proche de ce sentiment que vivait actuellement Daé, allongé, le regard vide, sur le toit de la boutique de ses feus parents. Lorsque la lame s’était plantée dans le corps alors sans vie de ses parents, Daé avait hurlé des insultes envers Phoebe comme jamais il n’avait insulté quelqu’un d’aussi puissant. Il lui avait dit avec sa voix éraillée de corneille à quel point elle méritait de mourir, de vivre ce qu’il vivait et que s’il avait eu ne serait-ce qu’une chance de planter sa lame dans un infime morceau de son corps, il l’aurait fait sans hésitation. Daé hurlait à la lune. Il hurlait sur la lune et la voyait le narguer de tout son croissant. Les cris de la corneille qu’il était alors avaient duré un temps considérable, peut-être la moitié de la nuit et si les Rehlas qui s’occupaient de vérifier que Daé était sur le bon chemin n’avait pas vu que cela ne poserait pas de soucis pour sa couverture, iels l’auraient sûrement endormi par tous les moyens pour être sûr que rien ne soit gâché. Mais ce n’était pas le cas. Il pouvait hurler, ce soir l’Empereur Noir avait bien d’autres choses à faire que de s’attarder sur le sort d’un oiseau mort selon les visions des Destaty et particulièrement d’Elsa, qui suivait l’affaire de très près.

Une fois que la corneille eût tourné et tourné, Daé se posa, épuisé d’avoir battu des ailes aussi fort en hurlant et à peine fût-il arrivé à portée de chute du plafond qu’il se laissa tomber, reprenant sa forme humanoïde. Ses manches étaient encore tâchées de sang et le liner argenté qu’il avait mis se confondait avec son mascara pour le faire ressembler à la caricature de ces gens fatigués qui rentraient du travail et s’endormaient sans se démaquiller. Il ne pleurait plus. Les larmes avaient fini de couler et il était aussi vide de pleurs qu’il l’était d’espoir et d’envie de vivre. Il aurait sûrement tenté de se tuer s’il en avait eu l’énergie. Il y pensait sérieusement, mais il n’arrivait plus à bouger. Il tenta de fermer les yeux, pour ne pas voir les étoiles et surtout pour ne pas les entendre, mais il n’arrivait à rien. Elles lui marmonnaient constamment des choses à l’oreille et pour la première fois de sa vie, il commença à entrevoir à quel point ces chants doux et permanents pouvaient être dangereux pour sa santé mentale. Et pourtant là où il souhaita de tout son cœur pouvoir voler jusqu’à elle pour les silencier une à une, il n’arriva à rien faire. Il ne restait que le vide.

Les images défilaient dans sa tête, les images qu’il avait vu en songe et les images qu’il avait vécue. Il entendit Malicia de Luhcil lui parler de sa mission. Elle savait. Elle savait tout. Est-ce qu’Elsa savait ? Et si elle le savait pourquoi n’avait-elle rien fait ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Cette question tambourinait les tempes du Rehla ? Pourquoi suis-je né ? Si je suis né pour ça, je ne veux pas le faire, je ne veux pas être un Rehla, encore moins un Rehla qui doit vivre dans cette ville d’immondes êtres qu’est Amestris ! Et les pensées se bousculaient et se bousculaient sans être pour autant intelligibles. Un flot de pensée qui était interrompu en permanence par une musique délicate et mystérieuse, qui chantait des airs en Oraédera que Daé ne comprenait même pas. Il essaya de hurler, parce qu’il en avait besoin.

« … » fut le seul son qui sortit de sa bouche. Cela ressemblait plus à un râle qu’à autre chose. Dans un souffle qui, vu sa faiblesse, aurait pu être le dernier, il s’endormit.

761 mots

Qui es-tu ? Pourquoi est-ce que tu as l’air d’aller si mal ? Pourquoi ton visage est mouillé ? Que se passe-t-il ? Tu es triste ? Oui ça existe ça la tristesse, j’en suis sûre. Oh. Je crois que j’ai très envie de m’approcher de toi. Je ne sais pas pourquoi par contre, mais j’ai l’impression qu’il fallait qu’on se rencontre. Je ne sais pas qui tu es. Et je ne sais pas ce que je peux faire pour toi. Tu respires de plus en plus calmement, tu respires par contre. Je peux le voir depuis ce toit où je suis, à côté de toi. A quelques bâtiments de toi. Tu respires fort, puis pas fort, puis fort, puis pas fort. Oh. Ouah. Je crois que. Attends. Je ne comprends pas. Je ne comprends plus rien. Laisse-moi m’approcher s’il te plaît. Pendant que tu dors. Je vais en profiter. Je laisse derrière moi Brume, le sanglier que j’étais et je redeviens brume. (Oui, j’ai découvert l’utilisation correcte des majuscules pour les noms dits propres..). J’ai comme…un besoin…inouï de te regarder dormir. De te voir. J’ai appris des choses depuis ma naissance, j’ai appris aussi le concept de l’amour, mais ça avait l’air bien étrange et bien loin de ce dont j’ai envie maintenant. Ce n’est pas l’amour dont j’ai envie là, c’est plus. C’est de te manger. D’être…toi. Oui, c’est ça que je veux être, toi. Je ne comprends pas comment cela est possible. Tu es…si…beau. Tes yeux clos et tes larmes sèches te présentent à la ville comme ces corps dont les âmes ont été accueillies par les Aetheri et qui sont figés dans le temps – bénis par une puissance qui nous dépassera touxtes toujours. Tu es le martyr d’un peuple inconnu. De quel peuple es-tu d’ailleurs ? Les peuples qui arpentent les terres sont si compliqués, j’ai passé des heures à écouter des réunions stratégiques aux quatre coins des terres et jamais je n’ai compris la moindre information. J’ai juste appris une liste de noms propres longue comme un jour sans nuit et qui ne me sont d’aucune utilité. Peut-être es-tu sur ces noms propres. Peut-être es-tu Elias Salvatore, peut-être es-tu la Dame Deslyces. Peut-être es-tu Alfar, peut-être es-tu Melhoroë, peut-être es-tu Phoebe. Je ne sais pas, je ne comprends pas encore bien comment vous faites pour différencier les noms propres liés aux villes et ceux liés aux personnes. Vos langues sont si étranges. Et il y en a tant. Je ne t’oublie pas, martyr inconnu aux cheveux de lune, je te contemple de si près. Je suis désolée si c’est inquiétant. Je ne crois pas que ce soit…adapté, je crois que c’est ce mot. Mais..je te promets que c’est quelque chose qui me pousse vers toi. Une force mystique. Et je dis ces mots sans comprendre. Parce que je ne sais pas ce que veut exactement dire mystique, mais j’ai comme une connaissance du langage qui se forme à force que je vous entende parler. J’ai. Envie. Que. Tu. Parles.

~~~

La nuit est maintenant tant avancée. Tu as à peine bouger et pour la première fois j’ai peur je crois. Peur que tu sois vraiment mort. Alors que ta respiration est lente et calme, mais j’ai peur que chaque respiration eût été la dernière. Car si maintenant tu mourrais, je ne saurais pas comment réagir. Je ne suis même pas complètement sûr de pouvoir pleurer, alors que je crois que c’est d’usage dans ces situations. J’aurais envie de faire comme vous et de prier ces Aetheri dont vous parlez tant et qui semble tout gouverner, mais je ne sais pas faire. En attendant ton réveil, je fais comme vous faites en fermant mon regard, à défaut d’avoir d’yeux et en envoyant ma pensée en direction de ce lac qui m’a créé. Et à peine quelques secondes plus tard, tu te réveilles, tu es en train d’ouvrir les yeux. Je ne sais pas si c’est ce que vous appelez prière qui a eu un effet, mais en tous cas, tout prête à le croire. Et si ce n’est pas le cas, alors il faudra que je me questionne sur cet élément mystérieux que vous appelez hasard.

Tu ouvres les yeux et regarde au-dessus de toi en les clignant lentement. Comme si tes paupières étaient lourdes et que de les faire s’ouvrir et fermer te demandait un effort énorme. Un effort tel que tu as l’air de le faire consciemment. J’ai vu beaucoup de gens depuis ma naissance et j’ai remarqué que plusieurs mécanismes tels que la respiration et le clignement de paupière sont des choses que vous faites assez automatiquement. Ici, tu as besoin d’énergie. Si je savais comment faire, je te proposerais mon aide pour respirer, mais malheureusement, je ne sais pas. Je ne suis déjà pas sûr de respirer moi-même, alors de là à aider quelqu’un à le faire, c’est bien compliqué. Je me demande d’ailleurs comment j’ai fait pour respirer lorsque j’étais Sanglier, le sanglier. Mais c’est une autre question, parce que te voir battre des paupières et grommeler crée en moi quelque chose qui relève, un peu plus à chaque instant, de l’évidence ultime. Et tu es en train de lever ton buste. Pour te mettre en position assise. Que se passe-t-il à l’intérieur de toi ? Dis-moi. S’il-te-plaît. Parle-moi. Comment pourrais-tu ? Tu ne sais pas que j’existe et je ne sais pas comment te le montrer. Et mes ami•e•x•s les sangliers..c’est étrange. Je n’y pense déjà plus.

920 mots

La tête du Rehla tapait si fort qu’il avait l’impression que quelqu’un essayait de lui détruire le crâne de l’intérieur. Méthodiquement. Coup après coup. Il ne se rendit pas compte de s’il avait rêvé ou pas, mais en ouvrant les yeux il sentit seulement les larmes séchées sur ses joues et son corps entièrement faible. Comme si ses muscles avaient tous été dépossédés de toute leur force et que le cerveau ne pouvait plus rien leur communiquer. Il n’essaya pas de se lever tout de suite, conscient, dans sa douleur, que cela ne servirait à rien. La brume s’était levée autour de lui, particulièrement, une brume épaisse et étrange qui ne faisait que renforcer son sentiment que ses idées étaient inaccessibles, anesthésiées par la violence des évènements qui venaient d’arriver. Il ne s’en rendait pas compte. Il ne se rendait compte de rien. Si ce n’était de l’immense vide qui grandissait en lui. Après quelques minutes qui lui parurent des heures, il s’assit. Passant de la position couchée à la position assise comme un cadavre que l’on ranime, le visage et les yeux absolument vides et les bras posés, ballants, contre le sol. Le poignet cassant et la main molle. Il ne ressentait pas que l’envie de vivre avait disparue, parce que c’aurait déjà été ressentir bien trop que ce qu’il pouvait faire. Il ne ressentait juste plus rien. Même ses extrémités étaient anesthésiées, les émotions ayant pris le pas sur le reste.

Après être resté dans cet état apathique, il essaya de se lever. Machinalement. Articulant son corps pour prendre appui sur son côté droit et se mettre en station verticale. Rien n’y fit. Il retomba, assis. Et soudainement, levant les yeux au ciel, alors qu’Ethelba avait pris la place de Phoebe, les larmes recommencèrent à couler. Mais il n’avait pas l’énergie mentale de revivre ces souvenirs. Les larmes coulaient juste.

~~~

« On a encore le temps ? » « Oui. » Elsa arriva dans le magasin de tissu de feus les parents du Rehla et regarda rapidement autour d’elle. Les corps sans vie étaient en train de se refroidir et les couteaux gisaient au sol à leurs côtés. Les deux Rehlas semblaient avoir un visage qui s’était détendu. Dans sa vision, la Mentore de Daé, qui avait prévu ce moment arriver depuis bien avant qu’elle le prenne sous son aile, avait vu sa nièce et son mari être bien plus effrayés. « Comme quoi…Phoebe a peut-être mal compris à quel point iels étaient résilient•e•s. » Sa majordome ne dit rien, toujours dans son ombre, et commença à ranger les tissus qui s’étaient déroulés à cause du poids des corps qui s’y étaient sûrement accrochés par réflexe en tombant. « Laisse, c’est le jeunôt qui fera ça. Nous on s’occupe des corps. Je veux pas qu’il ait à les voir. » Quelques téléportations plus tard, les corps des parents de Daé étaient dans des cercueils prévus depuis quelques semaines dans le sous-sol de la demeure de la grand-tante du jeune homme. Leurs yeux furent fermés et pendant que la Majordome entamait de les laver, Elsa l’arrêta : « Laisse le sang, laisse leurs vêtements. Daé va voir ce que c’est que de servir les Aetheri et des destins plus grands que les siens. Charogne de peuple. » Elle disparut.

~~~

Le lever restait infructueux, mais il était déjà plus réussi que précédemment. Daé avait réussi à se mettre dans une position hybride entre l’accroupi et l’assis avec son bras tendu comme appui sur lequel tout le poids de son corps fatigué pesait. Ethelba regardait la scène avec un croissant presque moqueur. La brume avait fini par se lever et par disparaître, Daé ne remarqua pas qu’elle n’avait que se déplacer quelques mètres plus loin sur un autre toit de la ville. Au fur et à mesure que son lever réussissait et qu’il ne retombait pas, les nuages avaient décidés de protéger Ethelba du spectacle misérable que lui présentait Daé. Misérable ? Peut-être pas. Malgré son vide immense et son manque d’énergie vitale, il semblait déployer une force immense, pour une raison que lui seul connaissait. Une raison tout à fait impensable pendant des années pour lui, quelque chose qui lui avait, évidemment, traversé l’esprit parfois, mais qu’il n’avait jamais conceptualisé plus loin. Le Parenticide était debout, face au vent d’Amestris et il commença à tituber en direction du rebord du toit.

735 mots

Je ne sais toujours pas qui tu es, mais cette fois tu essaies de te relever. Et tu me ressembles. On dirait que tu ne sais pas comment faire, que tu ne l’as jamais su et que tu dois apprendre. Je suis parti. Je suis allé voir ailleurs. Je ne t’ai pas quitté du regard, car j’ai l’impression que si je le faisais je risquais de ne plus jamais te revoir, mais je me suis retirée juste pour comprendre mieux comment tu fonctionnais. J’ai vu ton visage s’articuler, essayer, mâcher pour tester que ta mâchoire fonctionne, plisser les yeux à cause de la lumière faible de la lune que vous appelez Phoebe et Ethelba, je t’ai vu tourner ta nuque pour vérifier que tes articulations n’avaient pas décidées de te laisser tomber, j’ai déjà commencé à comprendre pleins de choses sur ton corps. Je ne t’ai pas vu sourire. Ni rire. Peut-être ne souris-tu jamais. J’aimerais tant connaître ton passé. Mais pour l’instant, maintenant que je t’ai observé de très près, je veux t’observer de très loin. Pour être bien bien sûre de ne pas me tromper. J’ai l’impression que si je t’observe de très loin assez longtemps, alors, peut-être, je pourrais te ressembler. Si cela a marché avec les sangliers, je me dis que cela pourrait marcher avec toi, mais tu es…infiniment plus…complexe. Vraiment. J’ai l’impression qu’en toi se passent des procédés dont je n’ai pas la moindre idée. Emotionnels d’une part, mais d’abord physiques. Si je ne peux pas comprendre tes émotions, peut-être au moins puis-je tenter de comprendre ton corps. Corps qui, sans vouloir le diminuer, semble fonctionner comme pleins d’autres corps que j’ai vu. Il a les mêmes articulations, les mêmes jointures, la même forme d’une certaine manière. Je ne sais pas comment cela se fait alors que vous avez autant de peuples différents. Peut-être que la différence n’est pas là. La différence est peut-être dans cette chose qu’est la magie. Cela aussi semble si complexe chez toi. J’ai l’impression qu’elle ne s’arrête jamais. Tu me diras que chez moi aussi, mais si j’ai bien compris Brume, la forme que je suis, n’est qu’être de magie, j’ai compris ça en écoutant les gens en parler. Mais chez toi, je suis incapable de comprendre comment elle fonctionne. Elle semble habiter avec toi. Pas te composer, mais habiter avec toi. Et je ne sais pas si je pourrais saisir le mystère de cela.

Je suis donc loin et toi tu essayes sans succès de te lever. Tu ne le vois pas, mais de la lumière est apparue en bas. Que s’est-il passé en bas ? Qui sont ces deux personnes qui dorment et ces deux personnes qui les portent ? Pourquoi dorment-elles au milieu de ce que vous appelez une boutique ou un magasin ? Tellement de questions et toujours aucun moyen de prendre des notes. Oh. Iels aussi. La magie, comme toi. Autour d’elleux en permanence, mais même encore plus fort que toi. Il y a plus fort que toi ? Tu semblais parfait. Perfection est-elle égale à force ? L’inverse ? Les égalités sont-elles réversibles ? Encore des questions. Toujours pas de papier. Même si tu ne sembles pas aussi fort, même si la magie tourne différemment, je ne suis pas plus intéresséex par iels que par toi. Oh. Iels ont disparu. Ah non, les revoilà. Comment font-elles ça ? Et pourquoi…oh. C’est étrange. J’ai l’impression…que l’une des personnes qui vient d’arriver…sait que je suis là. Je vais repartir sur mon toit. Oh, c’est étrange, c’est si étrange. C’est impossible. Personne ne voit Brume habituellement. Ah. Je ne sais pas comment faire. Tu es debout. Tu es debout, si si. Je te jure. J’ai envie de m’approcher, mais….j’ai peur d’être vu à nouveau. Je vais te regarder de loin. Tu marches avec tellement plus de difficulté que les autres. Pourquoi ? Comment cela se fait-il que tu sembles à la fois si fort et si faible ? Et pourquoi est-ce que tu t’approches autant du vide ? Toi aussi tu sais voler ? Comme moi ? Tu peux être la brume ? C’est ça la magie autour de toi ? C’est aussi la magie de la brume ? Je l’ai appelée comme ça, mais je ne sais même pas si elle a un nom. Et soudainement. Tu fais comme je fais parfois quand je m’ennuie. Pour sentir l’air caresser vivement ma brume. Tu sautes. Tu sautes de si haut. Enfin, je n’ai que peu de comparaisons, mais ça a l’air haut. Et tu ne te transformes pas en brume. Pourquoi ? Pourquoi tu ne te transformes pas en brume ? Eh ! Eh !! Transforme toi ! Je m’inquiète si tu tombes de si haut ! Je vais être seulex moi ! J’essaie de crier, mais je n’y arrive pas. Je redeviens Brume le sanglier et crie comme je peux le faire avec ma gorge de sanglier, mais rien n’y fait, tu n’es pas brume. Je me précipite vers toi. Un sanglier qui saute d’un toit et qui se retransforme en brume. Je ne sais pas ce que je vais faire, mais je veux te sauver. Au moins ça. Tu m’as apporté tant de joie en étant là que j’aimerais beaucoup te rendre la pareille. Je pense que ta magie a dû avoir un problème, ça ne doit pas être facile à gérer. Oh. Quelle sensation étrange. Alors que j’arrive vers toi quelqu’un vient d’apparaître dans ma brume. J’ai l’impression que mon corps est séparé alors que je le sépare tout le temps, je ne l’ai juste pas choisi. C’est celle dont la magie est puissante de toute à l’heure. Et…elle te sauve. Elle. Comment a-t-elle fait ça ? Et…pourquoi regarde-t-elle à nouveau dans ma direction comme si elle me voyait ?

966 mots

Les ombres de la rue s’amassèrent soudain extrêmement rapidement, en une fraction de secondes pour créer un matelas d’ombres entre le sol et le corps déjà presque sans vie de Daé qui finissait sa chute. Elsa venait d’apparaître à quelques pas du matelas d’ombres créé par ses soins. Son regard était dur et colérique. Mais sa colère n’était pas dirigée vers Daé. Elle était dirigée vers les Aetheri. Depuis des années qu’elle formait plusieurs membres de la dynastie, elle était fatiguée de voir Phoebe jouer avec les Rehlas. Elle savait pourquoi elle le faisait, du moins on lui l’avait enseigné et il était évident qu’elle y croyait encore, sinon aurait-elle sûrement eu la visite des Oracles ou perdu son énergie vitale fournie par Phoebe elle-même, mais sa rancœur contre les Aetheri devenait plus grande chaque jour. Ses prières étaient véhémentes et souvent sa mystérieuse majordome la reprenait d’un claquement de langue ou d’un regard désaprobateur. Profitant de son absence et donc de l’absence de remontrance elle sortit une cigarette d’un étui qui était dans une de ses poches. Elle portait une longue robe qui traînait au sol. Une robe entièrement noire et à la coupe droite qui ne montrait pas le moindre relief de son corps. Par-dessus, une cape, elle aussi noire, avec, dans le coin inférieur droit, les armoiries des Miirafae brodées en argent. Elle regarda rapidement autour d’elle dans la rue pour vérifier qu’aucun membre du Peuple Noir n’avait assisté à cette scène. Ce ne devait pas être le cas, mais avec les années elle avait appris à se méfier de ses visions autant qu’à les croire. Parce que depuis la guerre des Aetheri et de Sympan, le Destin s’était montré capricieux et parfois trouble jusqu’à la première seconde de sa réalisation. Une fois sa vérification terminée et après avoir noté d’un regard insistant l’amas de brume qui suivait son protégé depuis son arrivée ici, elle enleva sa cape d’un geste sec et recouvra le corps de son petit-neveu avant de rentrer dans la maison.

Elle verrouilla la porte et fit en sorte que les ombres déposent Daé sur la table de couture après avoir enlevé tout objet dangereux de cette dernière. Sa Majordome arriva avec du thé et elles attendirent, ainsi, toutes les deux.
Du coin de l’œil, Elsa regardait la brume s’agiter au dehors et à chaque fois que son regard se portait dans cette direction, cette dernière semblait se dissiper, s’éloigner ou paniquer. Elle soupira ostensiblement. Là où habituellement elle était la première à créer du drame et du spectacle pour montrer sa vie émotionnelle à son entourage, cette fois, sa Majordome en avait pleinement conscience au vu de sa sollicitude, l’émotion de la Destaty et plus particulièrement sa fatigue était immense. Elle semblait épuisée par les évènements et la perspective de cette créature à gérer qui rôdait autour de la maison. « Fais ce que tu peux s’il-te-plaît. Qu’on ait un moment avec lui sans que le brouillard débarque. Juste qu’on puisse lui expliquer ce qui s’est passé. Il découvrira cette histoire par lui-même de toute façon. » Le corps grand et puissant de la majordome se déplia, un peu gauche peut-être à cause du fait que l’échoppe n’avait pas du tout été prévue pour quelqu’un de sa taille, et elle sortit et commença à marcher autour de la maison des Miirafae à Amestris, ou plutôt d’une des maisons des Miirafae à Amestris. Toute personne qui aurait eu des capacités précises et subtiles en magie aurait pu voir la magie qui entourait Elsa se déplacer en direction de sa Majordome qui semblait tisser un mur avec autour de la maison. C’était une fine magie et surtout une magie bien rôdée, une magie qui attestait du lien fort entre Elsa et sa camarade qui avait la place de Majordome. Daé saurait-il un jour qui elle était ? Peut-être jamais. Mais au moins allait-il se réveiller, pas comme cela aurait pu se produire si Elsa n’était pas intervenue.
Pendant que sa magie était draînée par celle qui s’occupait de protéger le lieu du Reflet qui rôdait, et d’autres potentielles puissances malveillantes, la mentore s’affaissa dans son fauteuil en se massant les sinus pour espérer faire disparaître les maux de têtes lancinants et qui ne cessaient pas. Silencieusement, bougeant juste les lèvres sans faire sortir de sons de ces dernières, elle commença une prière à des Aetheri divers et variés. Il n’y avait pas que Phoebe, il n’y aurait, pour Elsa, plus jamais Phoebe qui régnait seule, car croire cela c’était croire qu’elle était foncièrement mauvaise et ce n’était pas possible. C’était un manque de recul, elle le savait. Un manque de recul contraire à tout ce qu’on avait pu lui enseigner, mais c’était comme ça. Pour survivre au milieu de l’ouragan qu’était cette Ligne du Temps et pour essayer de tenir la barque, ce soir, Elsa Miirafae se permettait de s’arranger avec ses croyances.

818 mots

Elle me voit. C’est sûr cette fois. Jamais personne n’a autant regardé dans ma direction. Mais elle. Elle me voit. Ses longs cheveux noirs tombant et son regard perçant, extrêmement clair. Qu’est-ce qu’elle voit ? En voilà une question qu’il faudrait que je me pose. Que voient les gens quand iels me voient. Parce que j’ai toujours eu l’impression qu’iels ne voyaient que de la brume, une vague de brume comme toutes les autres nappes de brumes peuvent être là, mais…voit-elle la magie que je dégage ? Alors qu’elle est apparemment faible ? Voit-elle une masse différente ? Une texture étrange ? Quelque chose de neuf ? De bizarre ? Est-ce qu’elle sait ce que je pense ? Oh non. Tout sauf ça. Je ne sais pas m’arrêter de penser, depuis le début, je ne sais pas m’arrêter de penser. J’ai pensé depuis que je suis apparue sur ce lac et depuis, si j’essaie d’arrêter de penser, alors, je ne peux pas. Si elle entend tout elle va me trouver particulièrement bizarre. Oh. Je crois que. Je commence. A comprendre quelque chose. Avant de rencontrer Sanglier, le sanglier, je m’étais arrêté dans une école et j’avais entendu parler de jeunes personnes qui disaient « c’est difficile, les autres me trouvent » suivi de pleins d’adjectifs. Je n’avais pas compris. Je n’avais pas compris ce que ça voulait dire que les autres vous « trouvent » d’une certaine manière, je me disais qu’il suffisait de faire comme moi et de partir avec son corps de brume. Mais..c’est ça ? C’est ça qu’elle ressentait ? Sûrement. Et si je me dis ça maintenant c’est peut-être parce que…les gens commencent à me voir ? J’ai envie de ça ? Non. J’ai envie de ne pas ressembler à ce martyr presque mort aux yeux d’argent ? Encore moins. Je vais devoir…prendre sur moi. Oui. Voilà une de vos expressions.

Ah. Je ne suis pas revenue sur ce qui s’était passé. Je me suis perdue dans mes pensées. Donc celle qui t’a vu tomber t’a arrêté. D’ailleurs je crois que pour ça, même si elle me fait peur, je l’aime. Je l’aime beaucoup. Parce que je me demande ce qu’il se serait passé si les ombres de la rue ne t’avait pas récupéré alors que tu tombais. Et maintenant, vous êtes parties à l’intérieur. Et…je n’ose pas rentrer. C’est ce que je disais avant, elle m’intimide, elle me fait…trop peur. Je ne sais pas comment faire face à quelqu’un qui me voit. Bon. Je dois prendre mon temps. Me calmer. Et tout ira bien. J’ai très très très envie de te voir, Martyr de la lune. Mais, ça me fait peur.

Iels attendent à l’intérieur. Je usis à nouveau sur mon toit. Et j’hésite. Peut-être ne sait-elle pas que brume est égal à sanglier et que j’ai une chance d’aller voir ce qui se passe sans qu’elle me repère. Ou peut-être sera-t-elle trop occupée ? Non, elle me voit depuis le début, elle semble veiller même si de mon toit je vois ses yeux mi-clos. La lune n’éclaire toujours pas la ville. Je ne sais toujours pas si mes camarades de la forêt m’attendent toujours. Je ne sais pas comment vivre le fait que je les aie abandonné•e•x•s. Peut-être qu’un jour il faudra que je les retrouve. L’enseigne dans laquelle semblent être mes cibles ressemble à un magasin. Le panneau indique qu’il est fermé. Quelle est ton histoire, Martyr ?

Je descends. La brume tombe à nouveau sur la rue et se rassemble. Je suis maintenant à nouveau Brume le sanglier et je marche en direction de cette échoppe. Essayant d’être le plus mignon possible. Je crois que ça marche auprès des gens de pleins de peuples. Et je m’approche de l’échoppe. Mais..je ne peux pas. J’ai l’impression qu’il y a un mur. Une barrière que je ne peux pas traverser. Et du coin de l’œil je vois l’effrayante manipulatrice d’ombres qui me regarde. Encore. C’est elle. Elle ne veut pas que je m’approche du Martyr. J’ai envie de lui dire que je ne veux pas lui faire du mal, que moi aussi je veux le protéger, à ma manière, même si j’ai sûrement moins d’outils et de connaissances. Alors je m’entête, je m’entête et je m’entête. Je charge la barrière une première fois, puis dix autres. Puis, fatiguée, je redeviens brume et tente de continuer, de m’immiscer, de passer par au-dessus ou par au-dessous, mais rien n’y fait. Rien ne change. Si ce n’est que je découvre les douleurs de têtes. L’impression que mon non-crâne de brume va exploser. Et me revoilà sur mon toit.

J’ai à attendre. Un jour tu sortiras, forcément que tu sortiras. En attendant, je sens que j’ai envie d’essayer quelque chose. Je n’ai plus envie d’être sanglier, pas tout de suite, j’ai moi aussi envie de comprendre ce que c’est que d’être dans le corps du Martyr de la Lune que tu es. Alors c’est ce que je vais faire. Je vais…essayer…d’être toi. Pièces par pièces de ton corps. Je vais commencer par des choses simples, prendre tes mains et voir ce que ça donne. Tes doigts, tes jambes, tes pieds, tes genoux, tes talons, tes chevilles, mais aussi tes hanches, ton ventre, ton nombril, tes flancs, tes côtes, tes aisselles, tes bras sans oublier tes épaules, tes omoplates, ton cou, ta nuque et surtout ton menton, tes pommettes, tes joues, tes sourcils, tes yeux (et quels yeux) et ton visage. Je veux être toi. Je n’ai plus qu’à m’entraîner, mais…je veux être ton Reflet.

929 mots

Les heures duraient. Et toutes se ressemblaient. Elsa avait déjà commandé une demie douzaine de tasses de café à sa Majordome. Quiconque avait un ressenti, même relativement peu fiable de la magie, sentait bien qu’Elsa était prête à exploser. Sa puissance était assez forte pour que son aura se manifeste presque physiquement et la Majordome attendait sans rien dire en lisant une éphéméride et en l’annotant. Dans ces moments-là, mieux valait ne pas lui parler. Du coin de l’œil elles observaient toutes les deux le sanglier se battre contre la barrière magique dressée autour de la maison. Elle se réjouit de l’avoir faite faire et remercia la Majordome d’un regard et d’un hochement de tête. Cette dernière ne réagit pas, elle n’avait fait que son travail. Daé ignorait ce qui se passait entre ces deux personnes, car il n’avait jamais eu connaissance du fait que beaucoup de membres de sa famille étaient épaulé•e•x•s dans leur tâche de gestion de la Ligne du Temps dans leurs identités officielles par des membres de la race des Murs, des serviteurs à toute épreuve et dont la loyauté s’accordait à merveille avec le besoin de discrétion des Rehlas. C’était ainsi que la Majordome d’Elsa avait servi, jusqu’alors cinq membres de la famille Miirafae jusqu’à leur mort. Elsa en avait hérité et cela avait été, pour elle, un soulagement. Un moyen d’être sûre de la confiance qu’elle pouvait porter à au moins une personne dans son entourage et qui était d’une efficacité redoutable. En plus de ça, les deux alliées étaient devenues amies et l’horizontalité de la relation allait extrêmement bien aux deux. Elsa regardait fixement sa Majordome, affairée à sa prise de notes, alternant avec le sanglier, maintenant devenu brume, qui tentait de rejoindre Daé. « Un reflet alors… Surprenant. Je l’avais pas vu venir. » Son regard alla sur son petit-neveu. Pour la première fois, elle semblait avoir de la simple tendresse à son encontre, sa colère ayant peut-être été toute utilisée à pester contre les Aetheri. « Tu n’as pas fini de servir le Destin et crois-moi…j’en suis désolée, petit Martyr de la Lune. » Elle lui passa une main sur la joue. Son visage était parfaitement calme et sa respiration aussi. Sa poitrine montait et descendait à intervalle régulier et ses larmes avaient séchées. « Il va bientôt se réveiller. Va trouver Yzex, explique-lui ce qu’on peut lui expliquer et dis-lui que le petiot va avoir besoin d’une épaule sur laquelle pleurer. » La Majordome disparut d’un battement de cil. « Il va vraiment falloir qu’on t’apprenne à te téléporter toi. Sans tonx amantx, tu vas me clamser entre les pattes sinon. » . Rarement Elsa s’était montrée aussi vulnérable.


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Au moment où, sur le toit d’à côté, Elsa observa le Reflet de Daé commencer à prendre des parties de son apparence et où elle ferma les rideaux pour éviter au jeune Rehla de voir cela, histoire de ne pas le traumatiser encore plus à son réveil, ce dernier ouvrit les yeux, encore exténué de ce qui venait de se passer. Il ne comprit pas où il était, il ne se souvenait pas exactement des évènements qui venaient de se passer, il savait seulement, brièvement, ce qui était arrivé et au réveil, cela lui glaça tellement le sang que sa respiration s’emballa sans prévenir.

Elsa s’approcha de lui et lui prit la main. Le contact rassura Daé, le remettant dans ses sensations physiques. Il repensait à la sensation du manche du couteau sur sa main et son corps hésita entre repousser Elsa violemment ou la serrer. Il serra la main extrêmement fort. Elsa grimaça, mais ne dit rien. « Tu te souviens de ce qui s’est passé, gamin ? » Daé réfléchit, à peine, et acquiesça de la tête. Terrifié. « Verbalise-le. » Daé ne dit rien. « Gamin, crois-moi s’il-te-plaît. Est-ce que jusque-là j’ai voulu ton mal ? » Le Rehla essaya d’articuler les mots qu’on lui demandait de dire. Une première fois sans succès, puis à nouveau, et encore. Finalement il murmura : « J’ai..tué.. mes parents. » . Il ne pleurait même plus. Sidéré. [color=#66cc00] « C’est ce que je craignais. Ce n’est pas ça qui s’est passé. » Daé la regarda, interrogateur. « Répète après moi : Phoebe a tué tes parents. » « Phoebe a tué mes parents. » Elle se fit violence pour dire la phrase qui allait suivre : « Tu as le droit de lui en vouloir, ou non. Mais c’est ce qui s’est passé. Tu n’as rien fait. Cet événement, comme tous les autres, étaient écrits dans les étoiles depuis des milliers d’années. » Daé ne répondit rien. Il n’arrivait à prendre en compte tout cela. Il n’arrivait pas. C’était trop, trop intense, trop direct. Juste trop. Il essaya de se lever, au moins de se mettre en position assise. Il y arriva péniblement en prenant appuis sur son bras et en y mettant tout le poids de son corps.

Elsa se leva et lui tendit une lettre. « Tiens. A l’intérieur c’est une lettre de De Luhcil. Elle te félicite pour ton rang de Caeli. Foutue hiérarchie. ».

« Caeli.. ? » articula Daé, encore sonné.

867 mots

« Phoebe. Avant tout, je vais commencer par te dire que…je ne suis pas bien sûr de ce que j’avance. Ni de ce que je vis. C’est une prière pas comme les autres que je te fais. Une prière qui ne sait pas. J’ai toujours appris mes prières, les prières traditionnelles. J’en ai faite, bien sûr, vu le nombre de fois que je t’ai parlé, je ne peux pas dire que je ne t’en ai pas inventées, mais…là. C’est différent. » Daé essaya de se concentrer pour ne pas pleurer. « Je ne sais pas quoi te dire en fait. Mais je sais que j’ai besoin de te parler. Depuis que je suis né, tu sais ce qui va se passer. Depuis même bien avant. Et pourtant…tu ne t’es jamais dit que ce n’était pas une bonne idée. Je t’ai vu rougir il y a quelques mois..est-ce que c’était pour ça ? Qu’est-ce que tu te dis, le soir – si le soir existe de là où tu règnes – en rentrant chez toi et en laissant le soleil prendre ta place ? Est-ce que la vie de mes parents s’est perdue sur une partie de cartes avec Ezechyel ? Et qu’est-ce que tu te dis lorsque tu irradies si fort que mes aelphes naissent, alors que tu sais, exactement, tout ce qu’iels vont faire. Est-ce que tu souffres d’être la cause de la détermination du monde ? Dis-le moi…s’il te plaît. Quelles discussions vous avez avec la Grande Prophétesse ? Est-ce que vous parlez de nous comme tes enfants, tes pions ? Les deux ?

Peut-être que tu me puniras pour cette prière, de toute façon que je le fasse ou non était une chose écrite donc je vais partir du principe que ce qui se passe n’est pas de mon fait. On m’a appris à respecter mon rôle et à te vénérer, mais on ne m’a pas appris à te respecter. J’ai peur de le dire, mais si je le pense tu le sais déjà et cela fait des jours que je le pense : Phoebe, est-ce que tu mérites le respect ?

Je voulais te raconter mes rêves, parce que j’ai dormi peut-être plusieurs jours, en tous cas un, après que tu aies commandité et décidé le meurtre de tes enfants, mes parents pour le coup. J’ai rêvé que je volais vers toi, j’étais une corneille, comme je le suis quand je vole, mais cette fois entièrement blanche. Je volais, même si c’était extrêmement difficile. Ce n’était pas difficile à cause des conditions météorologiques, mais..parce que quelque chose m’empêchait de t’atteindre. Et j’ai eu l’impression de voler pendant plusieurs mois. Ce n’est pas à toi que je vais apprendre que dans les Rêves – pas que peut-être d’ailleurs – le temps est comme distendu. Au bout d’un moment, je n’avançais plus. Je volais, mais à chaque fois que je gagnais un micron sur l’espace, l’espace en reprenait un, puis deux, en fait je reculais. Ton énergie était telle que même en rêve tu étais inatteignable. Absolument. Mais j’ai continué. J’ai vu mes parents à ce moment-là et iels sont comme…entré•e•s à l’intérieur du corps de la corneille, leur…âme ? en tous cas. Et ça m’a fait avancer. Et c’était pareil pour Elsa, pour sa Majordome, exactement en même temps qu’elle, pour un sanglier, pour Yzex, pour Line, pour Malicia de Luhcil, pour pleins de gens que j’avais vu une seule fois dans ma vie, je ne vais pas tous te les lister, je pense qu’iels ne t’intéressent pas. Mais mon rêve..qu’il t’intéresse ou non, je vais continuer. Je suis donc arrivé vers toi. Tu étais en train de prendre un bain, dans un liquide qui semblait être composé d’âmes. Et tu te réjouissais en jouant avec chacune de ces âmes. En fait c’était pas que tu te réjouissais par pure méchanceté, mais tu jouais avec les âmes de tes enfants comme un enfant joue avec des mouches. Et c’était..déroutant, parce que tu semblais terriblement apaisée. Je t’ai demandé si tu étais Phoebe, tu m’as répondu oui en pointant les murs de ta maison. J’ai compris que nous étions dans la lune. Tu t’es levée pour aller tirer les rideaux, créant ainsi une forme de croissant lumineux sur tes murs et tu t’es remise dans ton bain. Après ça je t’ai demandé : « Qu’est-ce qu’il y a à la fin ? » et tu m’as répondu avec ce tic insupportable qu’ont les gens qui répondent à une question par une question : « Est-ce que tu seras encore là pour le voir ? » Ça m’a énervé. Je t’ai demandé quelques autres choses je ne sais pas exactement lesquelles parce que c’était brumeux, mais tu m’as juste donné un truc dont je me rappelle. Une liste de noms. « Iels vont t’aider, tout du long, entoure-toi d’elleux. » m’as-tu dit. Je ne me rappelle d’aucun nom. Et je suis sûr que tu le sais pertinemment.

Pourquoi ? Est-ce que tu ? Fais ça ?

J’aimerais hurler, Phoebe. Mais je n’ai plus l’énergie. D’Aurum niais et léger, candide, tu m’as fait devenir Caeli acide et désabusé. Est-ce que le Sin Luxinreis est désabusé ? Lorsqu’il doit prendre des décisions que seul lui comprend ? »

Un temps.

« Je sais que tu ne vas pas me répondre. Depuis quelques temps c’est ta sœur Ethelba qui me regarde. Mais par contre…je sais aussi que tu m’entends, même si tu ne m’écoutes pas. Passe le bonjour à ta sœur. »

918 mots