Ezechyel ~ Ygdraë ~ Niveau IV ~ ◈ Parchemins usagés : 838 ◈ YinYanisé(e) le : 27/08/2014◈ Âme(s) Soeur(s) : Mircella Rumblee ◈ Activité : Stratège
Ven 16 Oct 2020, 20:43
Link by Audrey Roth
Ne tourne pas le dos à l'inconnu
Partenaire : X Intrigue/Objectif : À la suite du Rêve, Elyot possède désormais les souvenirs d'Anya et d'Edelwyn lorsque celle-ci était encore Mortelle. Profondément troublé par l'expérience qu'il a vécu dans le Monde des Rêves, l'adolescent cherchera un moyen de concilier le cours de sa vie quotidienne avec les visions du passé des deux femmes qui l'accablent régulièrement. Ce sera aussi l'occasion pour lui de se renseigner sur l'avancée des négociations entre le gouvernement de Dhrosca et les Enfants de Yanna, qui cherchent à former une alliance depuis plusieurs mois.
Dénouant la serviette qui ceinturait le bas de ses hanches, Elyot plongea dans les eaux parfumées du bain duquel se hissait des volutes de vapeur chaudes. Son corps eut à peine trempé dans le liquide cristallin que déjà, les serviteurs postés à l'intérieur de la salle accouraient pour le laver soigneusement. Armés de leurs savons et de leurs huiles essentielles, ils entreprirent aussitôt de frotter l'Ygdraë avec leurs produits d'hygiène sans que celui-ci n'ait le temps de dire quoi que ce soit. Son approbation n'était pas nécessaire pour convier le personnel du Temple à se mettre au travail. Ce fut donc avec passivité que l'adolescent souleva d'abord ses bras pour permettre aux domestiques d'atteindre ses aisselles, puis ses jambes, afin que ces derniers nettoient ses cuisses, son postérieur et son entre-jambe. Si, durant son enfance, l'Elfe s'était senti gêné par cette violation d'intimité, il n'en ressentait désormais que de l'indifférence. À vrai dire, ce traitement insensible n'était pas la seule pratique à laquelle il avait réussi à s'accoutumer au moyen de répétitions et d'intériorisation. Son mode de vie en tant que Löth ne le désespérait plus autant qu'avant : à l'inverse, il se conformait superbement au rythme monotone de son quotidien. Regrettait-il toujours sa perte de liberté? Parfois, lors de moments d'égarement durant lesquels ses prunelles se perdaient à contempler les étoiles du firmament depuis la fenêtre de sa chambre, il pouvait sentir son palpitant s'accélérer, tandis que ses pensées le transportaient vers les méandres d'anciens souvenirs. La nostalgie lui rappelait amèrement le temps où il vagabondait encore comme bon lui plaisait à travers les grandes forêts de sa ville natale, insoucieux du monde qui ne se rapportait ni à sa famille, ni à ses amis d'école. Aujourd'hui, néanmoins, il se retrouvait à devoir concilier les tenants et les aboutissants d'une vie professionnelle complexe, d'un statut régulant a priori le Cycle de la Nature, ainsi que de phénomènes dont il s'évertuait en vain de trouver le sens.
L'esprit subitement en ébullition, l'Ygdraë se jeta de l'eau au visage avant de se recroqueviller sur lui-même. Les serviteurs ayant tout juste terminé de le laver, il était à présent seul à l'intérieur du bain. Il ne fallait toutefois pas se leurrer : l'absence de domestiques à ses côtés ne signifiait aucunement qu'il n'était plus surveillé. Ses gardes du corps – deux Enök et un Braskä – le gardait effectivement à l'œil depuis leur position respective. L'un se trouvait à sa droite, alors que les deux autres se tenaient respectivement à sa gauche et en arrière de lui. Pourtant, en dépit de leur proximité, la présence étonnamment discrète de ces trois mastodontes ne le dérangeait pas vraiment. Il appréciait d'autant plus leur silence, qui lui procurait la tranquillité nécessaire pour se plonger dans ses réflexions – et seuls les Dieux savaient à quel point il en avait beaucoup. De manière paradoxale, elles ne concernaient qu'une seule et même chose en vérité. Fermant doucement les yeux, Elyot repassa dans sa tête ces souvenirs qu'il avait revus tant de fois jusqu'à se rendre malade.
Derrière ses paupières closes, là où les ténèbres dominaient la moindre parcelle d'horizon, les souvenirs affluaient comme une vague virulente en se fracassant à l'intérieur de son crâne. Prévoyant la venue du choc lancinant, Elyot serra les dents. Sa réaction fut vive, trop vive pour n'être que le simple fruit du hasard. En somme, il répétait toujours ce geste lorsque, au prix d'efforts incommensurables, il retrouvait le courage de se confronter une fois de plus aux réminiscences d'Anya – ou devrait-il dire d'Edelwyn Mitsuko Taiji? Cela ne se voyait plus maintenant, mais le vécu de cette femme que l'on surnommait l'Impératrice – et bien d'autres titres encore – avait longtemps tourmenté les nuits de l'Ygdraë. Combien de fois, après ce songe durant lequel sa main s'était posée sur le Xuroäal, avait-il encore rêvé de la jouissance provoquée par la morsure d'un Vampire, de s'être senti obsédé par ce baiser perfide duquel il, dans la peau d'Edelwyn, se complaisait aveuglément de la sensation? Ou bien de toutes ces fois où, en se plongeant à nouveau au cœur de ses souvenirs, il revivait sa rencontre avec Naram-Sin, l'homme qui l'avait convaincue d'embrasser le chemin du Chaos? Pourtant, croyez-le ou non, le sylvestre n'avait même pas effleuré toutes les choses qu'il jugeait troublantes dans la vie de la Femme de l'ombre. Parfois, il repensait comment elle avait cohabité avec Jun Taiji à l'intérieur d'un même corps. Quelques fois, l'Elfe était aussi frappé de plein fouet par le souvenir de sa découverte de l'héritage qu'elle possédait au sein de la Dynastie des Taiji, alors que d'autres, il se remémorait sa transformation en Buveur de Sang, son obsession perverse à l'égard de la Mort, son amour pour les sciences autant conventionnelles qu'occultes, son duel contre l'Esprit de la Mort, ses expériences jouant sans vergogne avec la Vie et la génétique, sa participation dans la création de Somnium et, enfin, son désir d'atteindre le statut de la Divinité.
Tout cela avait de quoi donner le tournis à l'Ygdraë et pourtant, ce qu'il avait mentalement énuméré n'était que les grandes lignes d'une vie bien plus complexe encore. Malheureusement – ou heureusement, selon les avis – le vécu d'Edelwyn s'arrêtait ici dans la mémoire du garçon, avant de reprendre, bien plus loin, sur la vie d'Anya Eorgor. Elyot ouvrit les yeux. Machinalement, il se mit à tracer des cercles dans l'eau en faisant bouger ses mains, pendant que ses iris scrutaient le reflet difforme de son visage sur la surface aqueuse. L'air serein, l'Elfe réfléchissait néanmoins à vive allure. Pourquoi une coupure s'était-elle produite dans le Rêve? Était-ce pour préserver le secret de l'ascension divine? Ou était-ce autre chose? Tant de questions le tracassaient, que ce soit au sujet des Ætheri ou même de Jun Taiji, mais une appréhension tenace lui nouait violemment les entrailles. Pour la première fois de sa vie, il avait peur de savoir.
Tel un parasité agrippé à sa psyché, la scène du suicide resurgit dans la tête de l'Ygdraë en un flash sinistre. Sans qu'il ne puisse maîtriser quoi que ce soit, il fut violemment happé par les images du souvenir, revivant avec impuissance la chute qui le rapprochait inéluctablement du sol. Pendant une fraction de seconde, Elyot perdit tous ses repères dans le monde réel, éprouvant à pleine dent le choc de l'illusion. Pétrifié, il crut véritablement, durant cet instant éphémère, que le hurlement fictif du vent lui obstruait les oreilles, que l'emprise de la gravité l'attirait vers les abysses de la Mort ou du Néant, que son esprit se mesurait effrontément à la force prodigieuse de l'Esprit de la Mort. Avant que la réalité ne le tire jusqu'à elle dans un éclat d'eau qui lui fut subitement projeté au visage. Dans un sursaut, l'Elfe se redressa à vive allure sur ses jambes, manquant de glisser sur la pierre qui tapissait le fond du bain. Nu et trempé jusqu'aux os, son corps tremblait. Pourtant, ce n'était pas le courant d'air soufflant à l'intérieur de la pièce humide qui était à l'origine des secousses qui le martelaient sans pitié. Le teint de son faciès avait anormalement pâli. Ses yeux, écarquillés comme ceux d'une brebis apeurée, fixaient avec terreur un point invisible à la surface du bassin.
Puis, lentement, ses prunelles céladon se dérobèrent aux reflets de sa propre silhouette miroitant sur l'eau pour saisir le regard de son sauveur. Il s'agissait du Braskä assigné à sa garde. En décalage, le sylvestre ne réalisa pas tout de suite que le Soldat trempait littéralement dans le bain. Papillonnant des paupières sous l'effet de la surprise, Elyot ouvrit la bouche avant de la refermer, les sourcils froncés. Il avait tenté de prononcer quelque chose, mais sa gorge lui faisait atrocement mal. Ce n'est qu'un moment plus tard qu'il se rendit compte que, dans sa panique, il s'était involontairement mis à crier. Beaucoup de choses s'expliquaient maintenant. Si le Boräk se tenait là, détrempé jusqu'à la taille, à l'intérieur du bassin, c'était, de toute évidence, parce qu'il s'y était précipité sans réfléchir afin de lui asperger la figure. Une méthode simpliste, certes, mais grâce à elle, l'Ygdraë avait pu retrouver ses sens. Désireux de faire part de sa gratitude à son garde, le jeune Eskët bougea de nouveau les lèvres pour n'articuler qu'un seul mot cette fois. « Merci. » déclara-t-il de sa voix enrouée. Toutefois, leurs yeux eurent à peine le temps de se croiser que le colosse abaissait déjà son regard en direction du sol, comme l'exigeait les convenances. L'adolescent relâcha un soupir duquel il tenta, en vain, d'expulser son angoisse. Il ne s'était toujours pas remis de l'émotion qui l'avait brutalement saisi. Le frémissement de son corps ne s'était pas atténué en intensité. La pulsation de son sang, qui battait comme un tambour de guerre dans ses tempes, ne lui avait jamais semblé plus assourdissant.
Dans tous les cas, le souffle d'air qu'il exhala nerveusement eut le mérite d'agir comme un signal dans la conscience des domestiques. Vivement sortis de leur torpeur, ils se dépêchèrent de tendre à l'Elfe une serviette afin qu'il puisse se recouvrir. Celui-ci attrapa la pièce de linge en s'efforçant de contrôler le tremblement de ses mains. Il devait se ressaisir avant de quitter la salle de bain, ne serait-ce que pour arriver à tenir un livre sans risquer de l'échapper. Sinon, comment était-il censé s’expliquer devant Seryndë, alors qu’il lui avait assuré que ses cauchemars faisaient désormais partie du passé?
Au pied des portes qui le séparaient de son atelier, l'Elfe s'arrêta doucement en tentant de faire le moins de bruit possible. Aspirant tout l'air que ses poumons étaient en mesure d'emmagasiner, il exhala en un long soupir l'oxygène accumulé après l'avoir contenu pendant une poignée de secondes. Même si l'Ygdraë était dans l'incapacité d'examiner son visage, il priait pour que son expression faciale ait l'air tout à fait normale. Quand il était sorti des bains, il avait imploré les domestiques afin que ceux-ci gardent sous silence l'incident qui s'y était produit. La dernière chose qu'il souhaitait, s'était de subir les remontrances de la Dagmar à qui il avait impudemment menti. Évidemment, aucun serviteur ne lui avait répondu. N'étant ni des Cyraliel, ni des Enelyë, le personnel assigné à sa charge avait bien trop à cœur les mœurs de leur peuple pour oser enfreindre les règles. Surtout, ils valorisaient leur travail, et ce dernier ne les autorisait pas à adresser la parole à un Löth. Leur rôle consistait à prendre soin de lui, à le vêtir, à le baigner, à le protéger de dangers potentiels qui menaçaient de l'annihiler. Il était une figure sacrée parmi les Elfes, un être qu'il convenait de traiter comme il se doit par respect envers les Ætheri. Il était comme la fleur, la rose unique du jardin, qu'il fallait préserver à tout prix pour que jamais elle ne flétrisse.
Prenant son courage à deux mains, Elyot fit signe à l'un de ses gardes qui poussa les lourds battants de l'entrée, avant de pénétrer dans l'enceinte de la pièce. Toujours escorté par ses trois fidèles titans, le sylvestre s'approcha à pas vifs de Seryndë qui attendait patiemment sa venue dans le confort d'une assise. Il n'eut qu'à jeter un coup d'œil sur le faciès de sa mentor pour comprendre que les domestiques lui avaient tout révélé. Le teint pâlissant, l'adolescent s'inclina devant la Cyraliel, comme l'exigeait les convenances, puis se redressa timidement. La Dagmar Borghild continuait de le dévisager d'un air sévère. Pourtant, aucune étincelle de colère ne se reflétait à travers ses iris émeraude : il n'y avait que de la déception, et peut-être une pointe de tristesse aussi. C'était dur à dire tant son visage s'acharnait à rester de marbre. Quoi de plus normal. Celle que l'on surnommait la Mère de la Science ne perdait jamais son sang-froid, même dans les pires circonstances. Ce n'était pas plus mal. Rien ne l'aurait plus terrifié que de voir Seryndë en colère.
Un silence se proclama rapidement maître des lieux, alors que les deux Ygdraë s'affrontaient dans une lutte de regards. L'Eskët fut le premier à baisser les yeux. « Peux-tu m'expliquer une chose? » commença la femme aux cheveux nacrés sans s'incommoder des salutations conventionnelles. « Pourquoi m'avoir menti? » L'Elfe n'était pas dupe : le mensonge que lui avait présenté le jeune sylvestre ne l'avait jamais bernée. Cependant, elle se demandait pourquoi il s'obstinait à cacher ses cauchemars alors qu'il ne trompait personne. En avait-il honte? Probablement. C'était l'hypothèse la plus vraisemblable tout du moins. La Dagmar croisa les bras. Une fois, elle avait tenté de s'introduire dans les pensées de son élève pour comprendre la nature de ses tourments. Elle s'était percutée de plein fouet contre une barrière puissante, trop puissante pour que l'adolescent en soit à l'origine. Le phénomène avait bien sûr éveillé ses soupçons, mais la Cyraliel avait fini par abandonner à son dixième échec. Quoi que l'esprit du Valärunkar cadenassât, une force prodigieuse, voire peut-être divine, œuvrait pour qu'elle n'y ait jamais accès. « Je ne voulais pas vous inquiéter. » répondit finalement l'Ygdraë. Sa voix tremblait, comme s'il s'apprêtait à pleurer, mais aucune larme ne perlait à ses cils. « Pour le coup, c'est l'effet inverse que tu as produit. » riposta-t-elle, railleuse. Toutefois, son ton s'adoucit considérablement lorsqu'elle enchaîna sur les mots suivants. « Je m'inquiète pour toi, et je m'inquiéterai toujours si ce type d'incidents continue de se reproduire. J'ignore ce qui se cache dans ta tête, mais je peux t'aider de bien des façons pour tranquilliser ton esprit. » Elle sourit, tristement. « Cesse de vouloir à tout prix rejeter mon aide. »
« Qu'est-ce que vous pouvez me dire sur Jun Taiji? » posa, sans crier gare, le jeune Ygdraë à l'intention de sa mentor qui, étonnée, cessa un instant de bouger, avant de réitérer le geste qu'elle effectuait au-dessus de son invention. Cela faisait maintenant quelques heures que le duo travaillait avec acharnement sur les mécanismes d'un prototype de prothèse jambière fabriquée à partir d'un alliage robuste de Sekilyël et de carbone ; ou, plus exactement, que la Cyraliel s'occupait de perfectionner les détails de sa création, pendant que son élève avait le nez plongé dans un livre sur le système nerveux. Elyot étudiait précisément le chapitre sur le processus de neurotransmission, comme le lui avait ordonné Seryndë, en usant de ses habiletés magiques afin de retenir un maximum d'informations sur la matière. Ainsi, en laissant agir la Magie des Savoirs Ancestraux, le sylvestre pouvait se concentrer sur un sujet qui ne lui rappelait pas amèrement sa dispute avec la Mère de la Science. Effectivement, après que cette dernière l'ait sévèrement réprimandé sur ses mensonges, le jeune Elfe avait fondu en larmes, révulsé par sa propre insensibilité. Il n'avait jamais voulu faire souffrir sa professeure en gardant sous silence la vérité sur ses visions cauchemardesques – bien au contraire. Cependant, au souvenir de la façon dont la Dagmar s'était acharnée à essayer de lui tirer les vers du nez au lendemain de cette nuit particulière – après qu'il se fusse réveillé en panique, certes – l'Ygdraë avait perdu toute envie de retenter une expérience similaire. Un frisson courut sur la courbe de son dos. Il ne pouvait oublier à quel point l'interrogatoire avait été éprouvant, d'autant plus qu'il avait été incapable d'y répondre, soumis par la confidentialité du Lärtneesh. Le pire dans tout cela, c'est que si le secret ne lui avait jamais été imposé, alors l'Eskët aurait probablement tout révélé à la scientifique, tant sa prestance était écrasante. Pour autant, en dépit des circonstances, il lui parassait tout de même indiscret de divulguer aussi impunément les détails de la vie de deux femmes qu'il connaissait si bien, en même temps de ne pas les connaître du tout. C'était difficile à expliquer.
Sans même quitter des yeux la vis qu'elle tournait dans une pièce du prototype, la Borghild formula lentement une réponse : « Rien qu'on ne t'ait pas déjà enseigné dans tes cours d'histoire. » avoua-t-elle sans chercher à développer davantage son argument. Elyot plissa les yeux. Il ne la croyait qu'à moitié. La Cyraliel était trop cultivée pour ignorer quelques faits intéressants sur l'ancien Empereur Noir, quand bien même ces derniers ne se comptaient que sur les doigts d'une main. Néanmoins, le jeune Elfe n'insista pas sur la question. « Pourquoi t'intéresses-tu à lui? » lui demanda la femme d'une voix sereine, trop sereine. « Pour rien. » Il était un piètre menteur. « Hum. Es-tu sûr que ça n'aurait pas quelque chose à voir avec tes visions? Est-ce que Jun Taiji est présent dans tes visions? » Il ne répondit pas. Il était incapable de le faire. Il aurait mieux fait de se taire. « Oubliez tout ça, c'est sans importance. » - « Si tu le dis. » Elle n'en croyait pas un mot. Toutefois, si cela était lié de près ou de loin à ses mauvais rêves – elle les appelait ainsi, par faute de trouver un meilleur terme –, alors elle avait tout intérêt à abandonner la charge. L'expérience lui avait bien fait comprendre qu'il s'agissait d'une entreprise vaine de toute façon. « Q-Quoi qu'il en soit, bégaya maladroitement le Löth pour changer de sujet, comment avance les négociations avec les Enfants de Yanna? » Malgré la maladresse dont il fit preuve afin de dévier l'attention de sa mentor, il s'intéressait sincèrement à la progression du fameux partenariat avec l'Empire. Seryndë dut le sentir, car, après quelques secondes d'hésitation, elle finit par concéder à sa demande.
« Les discussions avancent de bon train. » admit-elle en guise d'introduction. « La Reine D'Avada se montre réceptive à nos demandes, et les Seigneurs des Opaburaha le sont tout autant. Hier encore, elle m'annonçait que la Maison Smara acceptait officiellement de se joindre à l'alliance sous certaines conditions. » - « Lesquelles? » s'interrogea l'Eskët en déposant un signet à la page qu'il avait cessé de lire pour écouter les propos de sa mentor. Celle-ci arqua un sourire. « Rien qui ne soit trop déraisonnable. » dit-elle en toute simplicité, avant de poser son tournevis sur la table de travail. Portant un regard consciencieux sur la prothèse de jambe, la Dagmar se mit à retourner avec précaution l'invention dans tous les sens afin d'inspecter chaque boulon, chaque engrenage et chaque câble qui composaient la structure de l'objet. Tout se devait d'être parfait, de la plus petite des vis à la plus grande pièce du revêtement métallique. Perfectionniste dans l'âme, la femme que l'on surnommait Mère de la Science tirait fierté de la qualité de ses créations, de tel sorte qu'elle refusait de se contenter de moins que la perfection. Elle ne pouvait se le permettre en vérité, ne serait-ce que pour se maintenir à la hauteur de sa réputation. Son nom s'inscrivait parmi ceux des grands pionniers de son domaine, et même la Mort ne saurait l'effacer des archives de l'histoire de la science.
Concentrée à scruter le fruit de son dur labeur, la Borghild tarda légèrement à poursuivre le reste de ses explications. « La Maison Smara demandait à avoir le contrôle sur la sélection de leurs membres. Vois-tu, ils ne veulent pas d'individus peu intelligents dans leurs rangs, car ils tiennent à préserver leur renommée vis-à-vis des autres Maisons. Comme la requête me paraissait acceptable, je l'ai approuvée le jour même. » Notant la présence d'une vis trop serrée, la Cyraliel marqua une courte pause dans l'intention de corriger le petit défaut. Elle s'empara prestement du même tournevis qui reposait sur le bois de la table, avant de se remettre au travail. Pendant qu'elle s'appliquait à desserrer le minuscule boulon, la femme reprit la parole : « En incluant la Maison Smara, nous détenons à présent l'accord de trois Maisons. Nous attendons toujours la réponse du Seigneur de Merynla, mais je doute fortement qu'il consentît à cette entente. » - « Pourquoi? » Seryndë émit un rire. « Parce que de toutes les Maisons de l'Empire, la Maison Merynla est de loin la plus barbare et la plus violente. Les membres qui la composent sont des pilleurs et des voleurs par excellence. Leur mode de vie ne convient pas à de jeunes Ygdraë. » Ou, tout du moins, pas à de jeunes Ygdraë qui se respectaient. Toutefois, en tenant compte de l'éducation que la jeunesse elfique recevait, la Dagmar aurait été surprise – et inquiète – d'en voir un se lancer à corps perdu dans la piraterie. « Oh. » se contenta de lâcher l'adolescent. N'étant pas très familier avec les activités de l'Empire, il avait toujours cru que les Enfants de Yanna constituait un groupe pacifique. De toute évidence, il s'était trompé. « Dans les faits, qu'on obtienne ou non leur coopération n'a pas d'importance. Quoi qu'il advienne, ce partenariat est assuré d'entrer en vigueur prochainement. Ce sera à la Maison Merynla de décider si elle veut être de la partie ou non. » - « Prochainement? » répéta confusément le jeune sylvestre pour mieux comprendre une fraction de seconde plus tard. « Pour de vrai?! » - « Oui. » - « Ça a été rapide... » L'Elfe à la chevelure immaculée esquissa à nouveau un sourire. « Je suppose que oui. » lui accorda-t-elle, bien qu'à titre personnel, elle voyait mal comment deux mois de négociations pouvaient être considérées comme tel.
La plus grande difficulté à laquelle la diplomate avait dû se confronter n'était pas tant la prise de contact avec l'Empire, mais bien de convaincre ses hauts-dignitaires de s'intéresser à la requête du gouvernement elfique. Le Conseil des Sages avait effectivement pris un risque en votant pour la décision de s'allier à un groupe comme les Enfants de Yanna. Aussi libres que l'air qui guidait la trajectoire de leurs voiles, ces derniers n'éprouvaient que de l'indifférence envers le jeu politique des autres Nations – et forcément, cela incluait les Ygdraë malgré leurs nombreux points communs. C'était d'ailleurs sur cet aspect précis que la Dagmar Borghild avait insisté afin de persuader la Reine d'Opaleha de lui accorder un entretien. Après des semaines pendant lesquelles la sylvestre s'était appliquée à rédiger des lettres vantant l'amour de l'innovation des siens et l'apport de Connaissances qu'ils seraient en mesure d’introduire au sein de l’Empire à l'intention de D'Avada, celle-ci avait finalement approuvé la demande d'audience des Elfes.
Son acte, qui représentait une première dans l'histoire de l'Empire en ce sens où la proposition du gouvernement ygdraëen impliquait un engagement politique sur le long terme, contrevenait aux principes fondateurs de la Caste. Si l'échange de Savoirs alléchait les mordus de nouvelles technologies, qu'en était-il de la position de neutralité que leur groupe maintenait sur la sphère politique depuis plusieurs millénaires? Qu'adviendra-t-il de l'indépendance à laquelle ils tenaient comme à la prunelle de leurs yeux? Devant cette défiance, Seryndë avait dû faire preuve de doigté pour présenter la cause du Conseil aux dirigeants de l'Empire, avant de formuler des demandes plus concrètes. Nul besoin de préciser que ces dernières avaient été reçues, au départ, avec beaucoup de contestations – et de surprise, notamment de la part du Seigneur de Smara qui ne comprenait pas comment une ancienne membre de sa Maison pouvait s'être laissée convaincre de participer à une intrigue aussi improbable que celle-ci. À quoi les grands pontes de Melohorë avaient-ils pu penser en choisissant de placer leurs espoirs sur une Caste aussi imprévisible que les Enfants de Yanna? De surcroît, en envoyant une déléguée qui savait mieux que quiconque à quel point la probabilité de l'échec était grande? Il faut savoir qu'à l'origine, ce n'était pas la Cyraliel qui avait suggéré l'Empire pour accompagner les groupes d'Eskët au cours de leur voyage : c'était Mawen Súro, l'un de ses collègues qui siégeait également au Conseil des Sages. Toutefois, en raison de sa familiarité avec le fonctionnement de la Caste, Seryndë avait rapidement été désignée comme négociatrice auprès de celle-ci. C'est pour cette raison, entre autres, que la Borghild avait confié le dossier des explorations sur les Terres d'Iyora à une amie tout à fait compétente, étant consciente que gérer autant d'affaires en même temps représenterait une charge beaucoup trop lourde pour elle. Elle avait beau détenir des pouvoirs lui permettant d'ignorer la contrainte du sommeil, elle restait quand même un être humain – et non pas un personnage de Conte à l'endurance illimitée. Pourtant, on avait tendance à oublier ce détail avec elle et vraiment, c'était tout simplement exténuant, aliénant même.
Dans une volonté de mettre terme au silence que le mutisme de sa professeure avait instauré, Elyot se permit de reprendre la parole en faisant part de la crainte qui le préoccupait. « Vous croyez que cette entente permettra réellement d'améliorer la situation des Elfes en voyage? » La Borghild ne répondit pas immédiatement. S'il est vrai que l'objectif premier de ce partenariat avec l'Empire visait à mieux encadrer la structure des voyages des Eskët, il était encore trop tôt pour tirer des conclusions sur la réussite globale du projet. Toutefois, le Conseil des Sages avait évalué les chances de succès à la hausse en se basant sur deux facteurs bien précis. L'un s'articulait essentiellement autour des résultats de l'enquête que le Dagmar Súro avait mené auprès de nombreux étudiants, enquête qui avait cherché à quantifier le niveau d'intérêt général des Eblaë à l'égard des modalités de l'alliance – et ce dernier s'était avéré pas mal élevé. La jeunesse elfique ne demandait qu'à étendre leurs horizons et la perspective de joindre une Caste aussi charmante que les Enfants de Yanna, quoique dans un cadre officiel imposé par leur gouvernement, l'émerveillait d'autant plus encore. Parmi les raisons évoquées par les répondants de l'enquête interrogés sur les motivations qui avaient déterminé le choix de leur réponse, la plupart avait souligné le désir d'entrer en contact avec des gens issus de peuples différents du leur. Évidemment, les Ygdraë qui avaient formulé cette explication étaient conscients que l'organisation actuelle des voyages leur permettait d'ores et déjà d'interagir avec des étrangers, mais ce qu'ils déploraient tout particulièrement c'était que, de façon générale, la compagnie de leur groupe prévalait sur toutes les autres formes d'interactions, gâchant un peu la beauté de l'immersion à l'extérieur.
Le deuxième facteur, lui, concernait plutôt l'avis des parents et des Elfes qui étaient revenus de leur propre voyage. Du fait de la multiplication des cas recensés de disparitions chez les jeunes Eskët, ils étaient plusieurs, au sein du peuple, à avoir déjà revendiqué au gouvernement une restructuration du périple des Ygdraë afin d'améliorer les mesures de sûreté à leur encontre. Même si les individus obtenant le statut d'Eskët étaient assurés de ne pas être a priori des Löth, le risque, bien que mince, que leur second Regard révèle finalement une tout autre vérité sur leur essence n'était pas à prendre à la légère. Plus important encore, c'était le devoir du Conseil de protéger les sujets qu'il représentait, où qu'ils fussent dans le monde, et par conséquent, laisser la situation telle quelle, sans tenter d'y apporter des changements, était tout simplement inacceptable. C'est pourquoi l'éventualité d'un partenariat, qui visait explicitement à munir les groupes d'Eskët d'une protection supplémentaire grâce à la couverture offerte par les Enfants de Yanna, avait été accueillie avec grand enthousiasme. En ayant ses informations en main, le gouvernement était donc en mesure de prévoir le succès de l'entente – rien de plus, rien de moins, car il s'agissait précisément que de ceci : des prévisions. Malgré tout, les Dagmar et la Reine demeuraient confiants. Après tout, si la réception de l'alliance avait été aussi excellente, alors son futur ne pouvait que s'avérer prometteur.
Consciente qu'assujettir son élève au traitement du silence n'éteindrait pas sa curiosité, Seryndë profita du calme momentané de l'atelier pour lui faire part de ses ressentis vis-à-vis de l'application pratique du projet. « Je l'espère, oui, mais j'ai confiance en nos chances de réussite. » - « Pourquoi? » posa aussitôt Elyot. Étant contraint à une vie de réclusion, les nouvelles qui circulaient à Melohorë et partout ailleurs dans le monde tardaient constamment à parvenir jusqu'à lui. Pas qu'il ne s'intéressait pas à la politique, mais entre la Cyraliel qui n'était pas toujours là pour le mettre au courant des derniers événements et le personnel assigné à ses soins qui n'avait pas l'autorisation de lui adresser la parole, ses sources d'informations étaient affreusement limitées. C'est pour ces raisons, entre autres, qu'il ignorait que le Conseil des Sages avait justement financé une enquête pour répondre à cette question précise, et que les résultats de cette dite enquête étaient déjà sortis. « L'opinion publique est plutôt favorable et la Reine D'Avada semble ravie des bénéfices que son Empire va tirer de ce partenariat. » expliqua la Dagmar, avant de marquer une courte pause. « Personnellement, j'appréhende un peu la réaction de ses sujets, bien que je doute que les Ygdraë aient à craindre quoi que ce soit. Si des esprits contestent la décision de leur Souveraine, et tu peux être sûr qu'il y en aura, ils iront se plaindre directement auprès d'elle ou de leur Capitaine. » - « Et si les choses dégénèrent? » La femme sourit. « Les risques que cela se produise sont minimes. Les esprits contestataires ne représentent qu'une minorité si l'on se fie à la parole des Seigneurs. Donne un peu de temps à cette alliance et l'opposition devrait s'évanouir d'elle-même. » Malheureusement, elle ne pouvait en dire autant de la résistance opposée par la Maison Merynla.
Lors de son premier entretien en tête à tête avec la Reine D'Avada et les Seigneurs des Opaburaha – entretien qu'ils lui avaient d'ailleurs accordé après quatre semaines d'attente infernales – Seryndë avait perçu d'entrée de jeu une certaine forme de méfiance émanée du Seigneur de Merynla. Si, à ce moment, la diplomate n'en avait pas fait grand cas, notamment parce qu'elle lisait ce même feu dans le regard des autres dirigeants, les choses avaient drastiquement changé lorsque les discussions avaient été engagées autour de la table de négociations. De méfiance, la lueur qui animait les yeux du pirate s'était métamorphosée en un brasier de colère que l'Ygdraë eût beaucoup de peine à supporter : il s'en dégageait une telle animosité, une telle fureur, que toute personne normale n'aurait jamais osé s'y confronter. Par chance, la Dagmar avait l'avantage de posséder une puissance à peu près comparable à celle du Seigneur de Merynla, de sorte qu'elle avait pu se mesurer à l'expression sinistre de ce dernier sans fléchir. Toutefois, elle mentirait en affirmant que ce contact visuel, quoique bref puisqu'elle avait détourné la tête, ne lui avait procuré aucun frisson.
Pour autant, elle avait tenté de le raisonner, de le convaincre que cette alliance ne cherchait pas à mettre en péril les idéaux prônés par l'Ordre, mais il n'y avait rien eu à faire. Malgré les nombreux avantages commerciaux, le partage de Savoirs et l'accroissement du nombre de volontaires prêts à servir les intérêts de l'Empire que la Borghild avait promis de livrer au gouvernement des Enfants de Yanna en échange de leur appui, le dirigeant de la Maison Merynla était resté de marbre devant ses propositions pourtant alléchantes, là où ses collègues avaient plutôt affiché une lueur de curiosité. Même s'ils avaient insisté à conserver leur silence borné, comme s'ils refusaient d'admettre qu'un partenariat semblable puisse réellement les intéresser, l'Elfe avait bien vu l'expression de leur visage changer, aussi subtil qu'eût été cette transformation. Leur intérêt fut d'autant plus confirmé lorsque Rhenis D'Avada, rapidement suivie par le Seigneur de Tinloeha, avaient, à la fin de cette première réunion, exprimé leur désir de poursuivre les échanges diplomatiques, allant même jusqu'à fixer la prochaine date de rencontre. Quant à eux, les Seigneurs de Smara, de Sahwelia et de Merynla avaient évoqué la nécessité de réfléchir plus longuement aux modalités de l'entente, avant de quitter la salle de discussions. Cependant, contrairement à ses deux confrères, le Seigneur de Merynla ne s'était jamais présenté aux rencontres suivantes. C'est pourquoi Seryndë n'avait pas grand espoir que la Maison Merynla accepte de se joindre à l'alliance. C'était dommage, certes, mais en même temps, la femme ne pouvait s'empêcher de croire que c'était sans doute pour le meilleur. Après tout, la vie de pirate pouvait difficilement être considérée comme étant sécuritaire, alors que le but premier du partenariat visait justement à améliorer la sûreté des jeunes Eskët.
« Mais j'y pense, s'exclama subitement le Valärunkar, que compte faire la Reine D'Avada si la Maison Merynla refuse de se joindre à l'alliance? Leur opposition ne risque pas d'être perçue comme un acte de trahison? » La Cyraliel éclata de rire. « Bien sûr que non. Même si elle est leur Reine, D'Avada ne peut imposer ses volontés aux Seigneurs des Opaburaha, et cela inclut naturellement le Seigneur de Merynla. » déclara-t-elle en plantant son regard dans celui de son étudiant. « Tout ça pour dire que D'Avada ne contestera pas la décision de la Maison Merynla, quoi qu'elle puisse bien être. » Visiblement fatiguée de parler de politique, la femme exhala un long soupir, marquant ainsi une pause. Alors que le silence s'apprêtait de nouveau à naître, l'Elfe aux cheveux argentés abaissa les yeux en direction du livre que tenait toujours le jeune sylvestre. « Mais assez parler des Enfants de Yanna. » déclara-t-elle après avoir rétabli le contact visuel avec l'adolescent. « Dis-moi plutôt où tu es rendu dans tes lectures. » Aussi passionnante que fût cette conversation, ils avaient suffisamment bavardé durant cette dernière heure. Il était temps de reprendre le travail.
S'enfonçant dans le coussin de son assise, Elyot tentait désespérément de se faire tout petit. À la vitesse d'un éclair, l'affolement avait traversé le vert de ses iris lorsqu'il avait senti le piège se refermer sur lui. Sous l'impulsion de la nervosité, ses doigts s'étaient machinalement crispés autour de la reliure de son ouvrage, alors que le silence, par son acte de fourberie, le trahissait en s'insinuant malicieusement entre lui et sa mentor. Certes, à première vue, sa réaction paraissait un peu excessive comparativement à la banalité de la question qui lui avait été posée de façon si désinvolte, si innocente. En réalité, ce n'était pas le fait que Seryndë ait cherché à l'interroger sur la progression de ses études qui le rendait nerveux, mais plutôt les répercussions que la vérité susciterait auprès d'elle. Jamais il n'avait encore éprouvé un tel malaise, une telle honte, lui étreindre le cœur jusqu'à cet instant fatidique. L'Ygdraë déglutit, incertain de la démarche qu'il devait à présent suivre afin de minimiser l'aigreur des reproches auxquelles la Cyraliel l'exposerait sans pitié devant le constat qu'il lui confesserait. Cette dernière attendait, par ailleurs, sa réponse avec une impatience à peine voilée, ses ongles martelant le bois de la table comme un sinistre compte à rebours.
Seulement, la gorge nouée, le sylvestre était incapable d'articuler le moindre mot. Pour autant, son faciès de plus en plus carminé était sans conteste révélateur des remords qui le torturaient. C'est pourquoi, en voyant son expression faciale s'affaisser, la Dagmar prit un air notablement plus sérieux, peint d'une gravité qui ne laissait présager rien de bon pour les secondes à venir. « Ne me dis pas que tu as accumulé du retard... » Le garçon ne dit rien, mais son mutisme s'avéra parlant de lui-même. La femme lâcha un soupir. « Ce sont tes visions, n'est-ce pas? C'est à cause d'elles que tu ne progresses pas dans tes études. » Il ne s'agissait pas d'une question. Gêné, l'Eskët riva les yeux en direction du sol. Il ignorait comment la scientifique avait été si habile à deviner la vérité sans même qu'il n'ait à prononcer de quelconques aveux, mais il venait manifestement de perdre l'échappatoire qui lui aurait permis de détourner le sujet de conversation. Un rictus fendit alors ses lèvres, abattu, résigné, vaincu. Bien sûr qu'elle avait tout compris. Malgré les heures qui avaient défilé depuis, elle n'avait jamais cessé de nourrir ses craintes après avoir eu vent de l'incident qui s'était déroulé à l'intérieur des bains. Certains diront que c'était plus fort qu'elle, mais en vérité, ses appréhensions s'enracinaient dans des origines bien plus anciennes qu'il n'y paraissait aux premiers abords – les origines d'une mère qui culpabilisait d'avoir abandonné son propre fils lorsque ce dernier traversait une période similaire à celle vécue par son élève...
Malgré le temps qui avait filé, malgré les changements que ce dernier avait transportés à travers son passage inéluctable, Seryndë n'avait jamais vaincu les fantômes de son passé. Dévorée par les remords, martyrisée par ses plus profonds regrets, la Dagmar voyait en Elyot une porte vers la rédemption, vers le salut, pour compenser le mauvais traitement auquel elle avait condamné son propre fils dans ses moments les plus difficiles, brisant à tout jamais le lien qui les unissait – le lien entre une mère et son enfant. Elle projetait l'image de sa progéniture sur celle d'un autre, comme s'il s'agissait d'un vulgaire substitut par l'intermédiaire duquel elle tentait désespérément d'expier ses fautes, de racheter le pardon à elle-ne-sait quelle entité. Elle en était parfaitement consciente et pourtant... et pourtant, elle vivait constamment dans la crainte de reproduire les mêmes erreurs, d'échouer auprès du Valärunkar comme elle avait échoué avec Aramis. Son faciès se voila d'une ombre mélancolique, fané par le rictus chagriné qui oscillait contre ses lèvres. Saviez-vous ce qu'était la plus grande tragédie des Ygdraë? Il ne s'agissait ni de l'œuvre des guerres qui avaient décimé leur population au fil des Ères, ni même des destructions répétées de leur Cité ancestrale, bien que tous ces événements aient, de par leur atrocité, indéniablement marqué à jamais leur peuple. Non, ce qui constituait véritablement leur fardeau, en plus d'être leur plus grande bénédiction, était la force de leur Mémoire. Transcendant le temps jusqu'à l'arrivée de la Mort, la Mémoire des Elfes possédait cette faculté de mépriser l'emprise du Temps afin de tout préserver ce à quoi elle était exposée. Si les Ygdraë les plus faibles parvenaient à vivre sans souffrir des effets des Savoirs Ancestraux, les plus puissants ne bénéficiaient malheureusement pas de la même chance. Passer un certain niveau d'habileté, il devenait effectivement impossible pour un sylvestre de simplement oublier. C'était d'autant plus vrai lorsque ce dernier réussissait à atteindre l'éternité – exactement comme Seryndë. Ce n'était pas pour rien qu'on la surnommait la Mère de la Science : son intelligence n'était comparable à personne, supplantant de loin la plupart des génies de son domaine.
Peu importait la complexité des formules ou des connaissances qu'on lui présentait, la Dagmar retenait chacune d'entre elles dans leur intégralité. Il ne lui suffisait que d'un simple coup d'œil, d'une seule lecture, pour que l'information s'intègre à tout jamais au sein de sa tête. Son esprit fonctionnait comme un palais mental duquel elle pouvait, en fermant les yeux, retirer le moindre savoir qu'il contenait et ce, en une fraction de seconde. Son bagage intellectuel était si grand qu'elle était en mesure de réciter toute l'histoire des Terres de Sympan sans hésiter sur un seul passage. Pour autant, si le don des Savoirs Ancestraux s'avérait être un avantage considérable dans plusieurs circonstances, la Borghild était suffisamment âgée et aguerrie pour comprendre que la mémorisation absolue constituait, en réalité, une lame à double tranchant. Quel intérêt il y avait de connaître les événements de l'Ère de la Purge Salvatrice par cœur, alors qu'elle éprouvait, avec la même intensité, la culpabilité qui l'avait rongée durant la précédente Ère? Que la colère, le regret, qu'elle nourrissait contre elle-même demeurait aussi vif dans sa conscience, comme si une décennie entière ne s'était jamais écoulée entre temps? Aucun. Il n'y avait aucun intérêt à subir cette torture.
Se levant de son siège, la femme s'approcha de l'adolescent. Elle s'accroupit, de sorte à égaler sa hauteur, avant d'ancrer ses prunelles dans les siennes. L'expression qui valsait sur ses traits était dure, sinistre. Anxieux, Elyot essaya de s'en détourner, mais la sylvestre l'en empêcha en immobilisant sa tête entre ses doigts. Elle s'était amplement montrée compatissante à son égard, mais aujourd'hui marquait la fin de sa tendresse. Après l'interrogatoire désastreux auquel elle avait soumis son élève au lendemain de cette nuit fatidique, elle avait en quelque sorte renoncé à lui extorquer la vérité. Certes, elle avait à plusieurs reprises tenté de s'infiltrer dans ses pensées – sans succès –, mais en dépit de cela, elle avait tout de même privilégié une approche miséricordieuse afin d'intervenir auprès de lui. Seryndë n'était pas aveugle. Elle avait bien eu conscience, au moment où elle l'avait questionné, que l'Eskët ne désirait aucunement parler de son expérience dans le Monde des Rêves. Seulement, assez était assez : si ses visions persistaient à contrarier le cours de sa vie quotidienne, alors il était à présent temps de changer de stratégie. La situation ne pouvait durer éternellement.
Sans rompre le contact visuel avec le jeune Ygdraë, la Cyraliel prit une grande inspiration, avant de libérer tout l'air emmagasiné à l'intérieur ses poumons, s'accaparant par le fait même l'attention inconditionnée de son interlocuteur. « Elyot. » commença-t-elle gravement, l'inflexion de ses cordes vocales accentuant l'implacabilité dont elle cherchait à faire preuve. « Je ne prétends pas comprendre ce que tu vis, ni même ce que tu ressens, mais je sais que ces visions te torturent, qu'elles te tourmentent à chaque instant. » Elle marqua une pause. « Je sais aussi que tu es incapable de me révéler leur contenu, quand bien même tu le voudrais. » Elle ferma les paupières, l'espace d'un instant, avant de les réouvrir. Son faciès n'arborait plus la même expression lugubre. « Mais tu peux au moins comprendre pourquoi la situation ne peut plus continuer ainsi, n'est-ce pas? » - « Oui. » répondit-il. Sa voix n'était plus qu'un murmure : vague et presque imperceptible. La Borghild sourit, mais ses yeux ne riaient pas. « Très bien. » Se redressant de sa position accroupie, la femme alla regagner son siège. « Puisque tu ne peux rien me dire sur tes rêves, je vais tenter de deviner ce à quoi ils ont trait. Si ma supposition est bonne, tape une fois sur ton livre, et si elle est mauvaise, tape deux fois dessus. Est-ce que cela te convient? » Le sylvestre acquiesça d'un vif mouvement de tête. Ayant désormais son consentement en main, la Dagmar posa sa première question : « Est-ce que Jun Taiji est présent dans tes visions? » L'Elfe tapa une fois.
Dans le plus grand secret, la Cyraliel s'était promis de garder son sang-froid, de passer sous silence les ressentis qui étreindraient son cœur. Qu'importe la nature des confessions dont elle aurait connaissance ; qu'importe l'ampleur des vérités auxquelles elle serait confrontée, elle était parée à toute éventualité. Elle n'avait pas le choix. Ayant été témoin de la détérioration, puis de la prétendue amélioration de l'état psychologique de son élève, elle avait tout à appréhender de ses aveux. Pourtant, sa première révélation ne lui avait fait ni chaud ni froid, comme s'il s'agissait d'une évidence – et s'en était bien une. Pour quelle autre raison Elyot aurait-il cherché à s'informer sur l'ancien Empereur Noir tout à l'heure, si ce dernier n'était pas lié de près ou de loin au contenu de ses visions particulières? La femme croisa gracieusement les doigts, prenant momentanément un air pensif. Est-ce que le Taiji était responsable des maux qui affectaient le jeune Elfe? Et si oui, comment? Pourquoi? Ses traits se renfrognèrent progressivement, jusqu'à arborer une expression d'où transparaissait une ombre d'agacement. Quand bien même elle interrogerait l'adolescent à propos de l'homme, serait-il en mesure de répondre convenablement à cette question? C'était en supposant qu'il sache réellement si le Prince des Cauchemars était impliqué dans ses tortures ou non. Fermant brièvement les paupières, la Dagmar soupira. Cela ne lui apporterait rien de se retourner l'esprit sur l'équivalent d'une base vide, d'un néant. Pour autant, elle avait déjà considéré plusieurs moyens pour confirmer ou infirmer ses soupçons, mais le plus rapide demeurait évidemment de questionner l'Ygdraë lui-même.
« Est-ce que Jun Taiji est responsable de l'implantation de ces visions dans ta tête? » L'interpelé tapa deux fois contre la reliure de son livre. « D'accord. Est-ce que l'une de ses connaissances en est responsable? » Même si Elyot ne décrirait pas Edelwyn ou Anya comme étant de simples connaissances de l'ancien Sorcier, il frappa une fois son ouvrage. Seryndë plissa alors les yeux, ses pupilles ne devenant que de minces fentes sur son faciès. « Peux-tu me dire de qui il s'agit? » Le sylvestre fut saisi par une légère hésitation. « Je ne sais pas. » marmonna-t-il entre ses lèvres pincées. « Essaie quand même. » Absorbant tout l'air que ses poumons étaient capables de contenir, il tenta craintivement sa chance, incapable de soutenir plus longtemps le regard insistant de sa mentor. « Elles s'appellent... » Sa voix s'étrangla brutalement au fond de sa gorge. Par réflexe, la Cyraliel bondit hors de son assise. Faisant signe à l'un des gardes du corps d'apporter un verre d'eau, elle braqua une œillade soucieuse en direction de son apprenti. Elle attendit que la quinte de toux de l'Eskët se fût apaisée avant de lui tendre le récipient d'eau. « Merci. » chuchota-t-elle à l'intention du Soldat à qui elle avait ordonné d'aller chercher le verre. En guise de réponse, l'homme en question se contenta d'effectuer une courte révérence avant de reprendre sa position. Reportant son attention vers le jeune Valärunkar, la femme aux cheveux d'argent s'enquit aussitôt de son état. « Est-ce que ça va? » lui demanda-t-elle posément. Ce n'était pas la première fois qu'elle le voyait réagir de la sorte. Lors de son premier interrogatoire, Elyot avait été châtié par une réaction similaire quand elle lui avait exigé des réponses claires par rapport à ses rêves. « Oui. » affirma-t-il après avoir bu une gorgée d'eau. La Borghild le gratifia d'un sourire presque maternel. « Te sens-tu capable de continuer? » Malgré les peurs qui l'opprimaient, qui lui écrasaient la poitrine, le jeune Ygdraë hocha de la tête.
« Je reformule ma question : est-ce qu'il s'agit d'une personne connue précisément pour faire partie de l'entourage de Jun Taiji? » reprit tranquillement la Dagmar après s'être assurée que son élève se portait mieux. Un détail avait attiré son attention dans les propos que ce dernier avait essayé de formuler, avant de s'étouffer brusquement. L'Elfe avait effectivement utilisé un pronom féminin pour désigner l'instigateur de ses maux : elle. Il s'agissait donc d'une femme. Malheureusement, ce renseignement à lui seul était pour ainsi dire inutile. Qui sait combien de femmes Jun Taiji avait connu au cours de sa vie – et qu'il ne cessait de rencontrer à l'heure qui l'est? « C'est compliqué. » lâcha Elyot en abaissant le regard. Ça l'était vraiment. Déformés par la contrariété, les traits de la Cyraliel se rembrunirent, une lueur de déception dansant au creux de ses iris céladon. Puis, lentement, elle retourna s'assoir dans son siège, reprenant la même position dans laquelle elle s'était confortablement installée avant de se précipiter au chevet de l'adolescent. Posant la pointe de son menton sur le dessus de sa main gauche, elle se remit à tambouriner la table avec les doigts de sa main droite. Et maintenant? La Borghild refusait d'admettre qu'elle puisse se retrouver si tôt dans une impasse. Certes, Elyot était incapable de révéler le contenu de ses rêves de façon directe, que ce soit en s'exprimant de vive voix et même en écrivant – elle avait proposé cette alternative au lendemain de la fameuse nuit, mais disons que les résultats ne s'étaient pas montrés très concluants –, mais il bénéficiait tout du moins d'une certaine marge de manœuvre afin de glisser ici et là quelques indices par des moyens détournés, comme il le faisait actuellement. Seulement cette méthode n'était pas infaillible : elle comportait des lacunes, des imperfections qui ne permettraient jamais de rendre compte de toute la vérité sur le problème actuel. Freinant abruptement le mouvement de ses doigts, la Cyraliel se cala davantage dans le coussin de son siège en soupirant.
Elyot, pour sa part, était en pleine réflexion. N'ayant pas abandonné l'idée d'aiguiller sa mentor dans la bonne direction, il se demandait comment il pouvait aborder la question sans compromettre les règles du Lärtneesh. C'était la première fois, à vrai dire, qu'il « discutait » aussi longuement de ses songes et, ainsi plongé dans le feu de l'action, il réalisait à quel point l'opération pouvait s'avérer délicate. Pourtant, l'enjeu restait le même, à savoir comment parler d'une chose sans y référer directement. Mentionner Jun Taiji à travers une conversation était facile : l'homme était une figure connue dans l'Histoire après tout. Sa réputation égalait la somme de toutes les horreurs qu'il avait perpétrées, de toutes les destructions qu'il avait semées durant ses années de règne sur le trône Sorcier, propageant souffrance, colère et appréhension dans le cœur de nombreux peuples, en incluant les Ygdraë. Érigé en monstre par certains, désigné de meurtrier sans âme par les autres, tous les sylvestres se concertaient à le détester, à le mépriser, inculquant ce même ressentiment à leurs enfants par le biais de l'éducation. Quoi de plus normal, me direz-vous. Malgré les Ères qui se succéderaient inéluctablement, malgré le temps qui défilerait afin de poursuivre son cours immuable, le Peuple des Forêts n'oublierait jamais le nom et le visage de celui qui avait jadis mis à feu et à sang leur ancienne Cité, qui avait fauché sans considération tant de vies innocentes, tant de personnes vulnérables ; des personnes que l'Eskët aurait pu connaître aujourd'hui si les événements s'étaient passés autrement.
Secoué par des frissons, Elyot se tortilla sur sa chaise. Les joues empourprées, il exposait sa gêne sans pouvoir se maîtriser, étreint par des émotions contradictoires qui se bousculaient à travers son cœur. Rongé par la honte, il baissa prestement la tête, n'osant plus affronter le regard de sa mentor qui l'observait en silence, figée comme une statue de pierre. Avait-elle remarqué la montée de son embarras? Le jeune Ygdraë espérait que non, implorant tous les Dieux qu'il connaissait afin que Seryndë se maintienne dans l'ignorance. La vérité, c'est que depuis qu'il avait vécu de plein fouet les souvenirs de la Femme de l'ombre, sa perception de l'ancien Empereur Noir avait en quelque sorte changé. Pas radicalement, mais suffisamment pour qu'il se mettre à s'intéresser à lui avec une curiosité nouvelle, voire une obsession presque malsaine. Pour tout dire, l'Elfe avait encore de la difficulté à concevoir comment des êtres bénéfiques, comme le Taiji et l'Impératrice l'avaient été à une époque, pouvaient finir par emprunter la voie du Mal. Certes, il n'était pas étranger à la manière dont Edelwyn avait amorcé sa descente vers les abysses du Chaos, mais en même temps, les rouages de son changement lui paraissaient étrangement... obscurs. Que ce soit par ignorance ou naïveté, le garçon n'arrivait pas à comprendre comment quelqu'un pouvait assumer de devenir ce qu'il ou elle avait toujours abhorré le plus monde, de rejeter des valeurs qu'il ou elle avait intériorisées toute sa vie afin d'embrasser une idéologie diamétralement opposée. Jun Taiji avait déjà été un être bienveillant, tout comme il avait déjà été un Sorcier cruel et infâme. Avoir connaissance de cette dualité dans la vie de l'ancien Mage Noir troublait profondément l'Eskët, comme si toutes ses convictions se brisaient, éclataient en mille morceaux.
« Elyot? » L'interpellation le fit sursauter. Tiré abruptement de ses pensées, l'Ygdraë remonta doucement les yeux en direction de la scientifique. Cette dernière attendait toujours une réaction de sa part, l'impassibilité de son faciès ayant d'ailleurs cédé place à l'impatience. Nerveux, le sylvestre ravala la boule coincée au fond de sa gorge, avant de jouer distraitement avec ses doigts. Comment pouvait-il orienter la réflexion de la Borghild sur les traces d'Edelwyn? Celle que l'on surnommait la Femme de l'ombre portait splendidement son titre, car à l'image même de l'élément qu'elle était censée représenter, elle était aussi insaisissable qu'un écran de fumée ; aussi imperceptible qu'une chimère ; mais pourtant bien réelle. Derrière le couvert de toutes ses identités, de toutes ses personnalités factices et trompeuses, elle était parvenue à s'effacer de l'Histoire, bien que, paradoxalement, son influence y soit omniprésente. À vrai dire, même en étant en possession de ses souvenirs, l'Elfe peinait à la comprendre entièrement, d'autant plus que certains passages de sa vie étaient absents de sa mémoire – il s'agissait des réminiscences qui devaient faire la transition entre le vécu de l'ancien Esprit de la Mort et celui de l'enfant appartenant au peuple déchu. Cette coupure mémorielle obsédait le sylvestre depuis qu'il s'était réveillé de ce rêve, mais là n'était pas le problème actuellement – le problème, c'était Seryndë. La Cyraliel désirait effectivement une réponse que le jeune Ygdraë n'était pas certain de pouvoir satisfaire. Pour autant, cette incertitude ne l'empêcha pas de tenter sa chance. « En fait, ça dépend. » s'exclama-t-il, rectifiant par le fait même l'affirmation qu'il avait prononcé un peu plus tôt. « De quoi? » Il inspira profondément. « De votre familiarité avec l'historique des anciens Rois vampires. » Surprise, la Borghild papillonna des paupières. Ce n'était pas la réponse à laquelle elle s'était attendue.
![[Q] - Ne tourne pas le dos à l'inconnu Audrey10](https://servimg.com/r/1916180476/audrey10.jpg)
