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 Des Roses pour la Mariée [Ft. Elias]

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Sam 09 Jan 2021, 22:50


Des Roses pour la Mariée



Esther VixenMes yeux fixaient le reflet du psyché mû par une effervescence palpable. Plusieurs servantes s’affairaient autour de moi pour me préparer à la cérémonie. Debout dans mes sous-vêtements de coton - que d’autres peuples auraient considérés comme une tenue habillée - je me contentai d’écarter ou de lever les bras selon leurs consignes. Les demoiselles m’aidaient à enfiler les différentes couches de vêtements qui constituaient ma tenue. L’une d’elle serra les laçages de mon corset aux longues manches de dentelles noires, pendant qu’une autre nouait les liens qui maintenaient ma crinoline. C’était une véritable fourmilière qui s’activait. J’enfilai une belle robe pourpre, successivement couverte de lourds jupons sombres. Finalement, après s’être assuré que tous les ornements décoratifs de ma robe avait été correctement positionnés, les domestiques laissèrent leur place à d’autres spécialisés dans l’art du maquillage et de la coiffure.

Accentuant la pâleur de mon teint, la maquilleuse balaya mon visage de son pinceau touffu aux poils doux. Elle ne tarda pas à le troquer pour un autre, plus dru, cherchant désormais à aviver le rouge de mes lèvres. Elle maniait ses ustensiles avec rapidité, soin et précision, s’attardant sur les moindres détails. Je me perdis dans ses gestes, songeant que je n’aurai probablement pas fait mieux en usant de magie. Soudain, une douleur me ramena à l’instant présent ; ma coiffeuse s’attelait à fixer une lourde coiffe ornées de roses rouges à ma chevelure de jais. Le poids de l’ornement tiraillait les nombreuses mèches qui le maintenaient en place. Pourtant, ce n’était pas cela qui m’avait sorti de ma torpeur ; d’un geste maladroit, l’imbécile avait griffé mon crâne avec son épingle.

« Que ma Dame accepte mes excuses, c’est qu’il n’est pas évident de fixer une telle coiffe à des cheveux si courts… osa-t-elle bredouiller.

— Vous feriez bien de faire attention si ce n’est pas votre tête que vous souhaitez que je raccourcisse » lui répondis-je calmement après avoir écarté ma maquilleuse d’un geste de la main.

La domestique déglutit et reprit son travail. Elle savait que je n’aurai aucun regret à mettre mes menaces à exécution ; ce n’était pas la première à subir mes humeurs. La gouvernante du Château Interdit m’avait d’ailleurs conseillé de me calmer sur le sujet - mais l’identité que j’empruntai était bien trop friande de ce genre d’amusement. Il s’agissait là d’une véritable aubaine : cette personnalité convenait parfaitement à la destinée à laquelle je l’avais contrainte. Elle n’aurait aucun mal à s’adapter à la culture des adeptes de la Lune Noire. Pourtant, les paroles de la vieille ne cessaient de me tourmenter de par leur sagacité : je savais qu’il me fallait réfréner certaines de mes pulsions. Les esclaves compétents n’étaient pas une monnaie aussi courante que je l’aurai souhaité ; ils requerraient souvent un temps adaptation et d’apprentissage. Si je laissai mon impatience l’emporter à chacune de leurs erreurs, je craignais de ne jamais pouvoir bénéficier d’une main d’oeuvre de qualité. Mon coeur soupira. J’étais presque triste de devoir altérer ce comportement inné mais, si cela était un mal nécessaire, tel était le prix à payer. Désormais, la souffrance des cauchemars remplacerait l’estocade glacée de la mort… Et la malheureuse aurait la primeur de bénéficier de cette nouvelle résolution.

Ainsi vêtue, coiffée et maquillée, je ne pus m’empêcher de songer à la Reine de Coeur - personnage emblématique du Conte des Trois Royaumes. Je chassai bien rapidement la pensée de mon esprit en songeant à son comportement et à sa folie. Cette journée n’était dédiée qu’à moi et à moi seule. Je n’avais pas envie de me perdre dans des considérations superflues.

On frappa à la porte. Les joaillières en charge de me parer des plus belles parures de l’Empire - un prêt pour l’occasion, destiné à glorifier encore davantage la superbe du monarque - ne tardèrent pas à faire leur apparition. Elles se concertèrent longuement, effectuèrent plusieurs combinaisons, avant de s’accorder sur un large collier de rubis, couvrant l’entièreté de ma gorge. Elles me confièrent également une paire de boucles d’oreille pendante en onyx et une épaisse bague d’or surmontée d’un rubis.

« Vous êtes ravissantes, ma Dame, me complimenta la plus âgée

— Un véritable joyau, souligna sa collègue.

— Merci pour votre travail », me contentai-je de répondre, consciente que leurs compliments n’étaient pas aussi sincères qu’ils auraient du l’être.

On frappa à nouveau à la porte.

« C’est l’heure ma Dame. Il ne faudrait pas faire attendre Sa Majesté Impériale. »

J’observai une dernière fois mon reflet dans le miroir avant de faire volte-face et de suivre la messagère dans le dédale des couloirs du Château. Arrivée à l’entrée, la gouvernante aux traits de chouette me scruta d’un oeil attentif.

« Veuillez vous tourner je vous prie. »

Je m’exécutai de mauvaise grâce. Je savais que son rôle était de nous préparer à la Haute Société mais ses manières me déplaisaient au plus au point.

« C’est acceptable. Maintenant, la touche finale », expliqua-t-elle en avisant une domestique restée à l’écart. La jeune fille apporta un fin voile noire qu’elle fixa à ma coiffe, masquant mon visage et mon identité.

« Est-ce réellement nécessaire ? m’enquis-je

— C’est la tradition », se contenta-t-elle de répondre.

Je soupirai. Je ne comprenais pas pourquoi j’avais passé des heures à me maquiller si c’était pour camoufler mon visage. Les moeurs du peuple d’Ethelba étaient décidément bien complexes.


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Kaahl Paiberym
~ Sorcier ~ Niveau VI ~

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Kaahl Paiberym
Sam 16 Jan 2021, 16:01



Des Roses pour la Mariée



J’étais debout, au sommet d’un rocher qui s’élevait vers le ciel. Au loin, une voix pernicieuse et sifflante me dictait des instructions dans un murmure. Pour la gloire d’Ethelba, elle déversait en moi le poison du Chaos. Lux in Tenebris s’abreuvait de ses paroles, la Valse Destructrice s’en nourrissait à satiété. « Détruisez le monde, Majesté. » Ma haute silhouette rachitique fit de nouveau face à l’environnement qui l’entourait. J’avais fermé les yeux, afin de sentir la Magie des Ténèbres imprégner mon être. J’étais prêt. Le flux de magie commença à se déverser, en provenance de mon anatomie. La matière fut grignotée, petit à petit, dans un crissement épouvantable. Rien ne pourrait survivre à la déferlante. Les rochers s’émiettèrent, les arbres furent rongés, les animaux dévorés. Malgré les dires de mon interlocuteur, qui appelaient à la destruction, je n’avais, à ce moment précis, qu’une idée en tête : tout serait enfin en ordre. Il n’y aurait plus de faussetés, de textures dérangeantes, d’agressions visuelles. À l’intérieur du vide abyssal que la Valse Destructrice venait de créer, l’absence initiale de sons les rendrait tous fantastiques, parce que j’en serais le seul maître. Je souris, dans ma vision, parce qu’à présent que j’avais trié le monde, que je l’avais fait tomber, j’allais pouvoir le reconstruire, en mieux, avec la beauté comme seule vision, l’harmonie comme seul ton. Pas maintenant. Pas pendant notre exercice.

J’ouvris véritablement les yeux. J’étais à genoux. L’Archimage Masskinn était dans la même position que moi, ses deux mains au niveau de mes tempes. Il me fixait depuis le début. Sa propre magie avait tenté de contenir la mienne pour éviter un drame. L’endroit où nous nous trouvions aurait très bien pu être réduit à néant. Il était censé m’aider à canaliser les pulsions qui me tourmentaient. C’était un homme à la peau de lait. Ses cheveux étaient aussi blancs que la neige. Si, auparavant, je n’y avais guère prêté attention, je le suspectais depuis ce jour d’être, comme Daé, un Rehla. Pour un disciple d’Ethelba, la différence de coloris avec celui prôné par sa religion était étonnante. S’il n’avait pas disposé d’un regard vicieux et d’un sourire fourbe, jamais personne n’aurait pu se douter du mal qui coulait dans ses veines. « Comment vous sentez-vous ? » me demanda-t-il. « Mieux. » Je devais avouer que laisser mon esprit imaginer le pire avait un effet apaisant. Par le jeu d’une image mentale, ma magie trouvait son compte. Je savais pertinemment que je n’avais rien détruit au sein de la réalité mais si cela suffisait à calmer mes envies chaotiques, alors je réitérerais. « Bien. » répondit-il. Il attendit que je me relève avant de faire de même. La religion et la couronne avaient toujours été liées. Cet homme possédait un grand pouvoir. « Je me dois de vous signaler que cela ne me plaît pas d’officier ces cérémonies. Le fait que du sang impur vous soit lié est, et je le comprends, une nécessité politique et diplomatique, certes. Néanmoins, la Lune Noire ne tolère pas les étrangers. Ethelba est l’Æther d’un seul peuple et vous n’avez qu’une seule épouse digne de l’honorer comme il se doit, par son statut et sa puissance : l’Impératrice Noire. » « Que me conseillez-vous de faire ? » Il m’était impossible d’objecter quoi que ce fût. Il avait raison. Eu égard à nos mœurs, et malgré la liste impressionnante des épouses de Niklaus Salvatore avant moi, il n’était pas de bon ton de multiplier les étrangères au détriment des Sorcières. Il n’avait pas apprécié mon dernier contrat de mariage, celui que j'avais fait signer à Za Taiji Stark. Une Réprouvée n’avait, selon lui, pas sa place à mes côtés, peu importassent les raisons. Cependant, il n’avait pas à m’ordonner. Il ne pouvait que me conseiller. « Vous devriez faire en sorte que les Mages Noires soient majoritaires et fournir à la Couronne des descendants. Je suis certain que des familles influentes seront ravies d’être liées à la vôtre. Il y a, également, chez les Salvatore, de très bons partis. Étant donné votre adoption, cela ne posera aucun problème de consanguinité. » Je restai un moment silencieux, avant de conclure notre entrevue. « Faites-moi une liste. Je choisirai des épouses parmi les femmes que vous jugerez les plus aptes pour ce rôle. Jeunes, de préférence. » précisai-je. Tout ceci me dégoûtait profondément. Il acquiesça. « Nous nous verrons pour la cérémonie. »

Je terminai de fixer mes boutons de manchettes avant de quitter la pièce. J’étais habillé d’un costume entièrement noir. Celui-ci me donnait un air d’autant plus austère. Étant donné la situation dans laquelle je me trouvais, je voyais ce mariage comme une perte de temps significative. Ce n’était pas contre ma future épouse, loin de là. Néanmoins, j’avais dû accuser le coup de plusieurs décès récemment et personne ne semblait assez puissant pour retrouver Ârès. Le Destin se jouait de moi et il ne faisait plus aucun doute que les Maîtres du Temps désiraient que je m’accaparasse la Couronne du Savoir. Lux in Tenebris me posait de plus en plus de difficultés et je n’arrivais pas à maîtriser convenablement la Couronne des Rêves Interdits. Je ne pouvais toujours pas sortir de mon habitacle, ce qui rendait mon plan initial caduque. Mon évolution hiérarchique parmi les Magiciens était au point mort. Je ne pourrais d'ailleurs faire autrement que de partir à la recherche d'une énième Couronne : celle des Mages Blancs. La perspective d'en devenir véritablement un  m’effrayait bien plus que mes transformations successives en Ange. L’extrémisme qui habitait ce dernier me maintenait dans un cap semblable à celui qui était le mien en tant que Sorcier. Il était possible de faire des compromis, difficilement mais ça l’était. Autant dire que les festivités qui s’annonçaient dans les jours à venir se passeraient de ma personne. Je n’avais rien à fêter, si ce n’était mon échec cuisant dans à peu près tous les domaines de mon existence.

Dans une posture droite, j’attendis Esther dans une pièce privative du temple où nous allions être unis. Nous devions lire une dernière fois le contrat et le signer tous les deux. Mon index et mon majeur martelaient ma cuisse d’un rythme aussi dynamique que précis. Le Masskinn préférait la brune à bien d’autres. Ce n’était pas difficile, eu égard à son identité en tant que future Dame Noire. « Bonsoir. » lui dis-je fermement, lorsqu’elle entra. Le voile traditionnel cachait en grande partie ses traits. Je m’approchai d’elle, plaçai mes mains de chaque côté de son visage et remontai le tissu. J’aurais pu lui faire un compliment mais je m’en passai. « Vous devez relire le contrat de mariage. Si vous avez des demandes subsidiaires, je vous écoute. Une fois que nous aurons signé, notre union devra respecter les clauses que nous lui avons imposées. » Je laissai passer un temps et fixai le voile sur sa coiffe. L’élaboration et l’impression de lourdeur de l’ensemble me donnaient mal à la nuque rien qu’en le regardant. Je me penchai doucement, adoptant un comportement qui tranchait avec celui que j'avais adopté jusqu'ici. Dans un semblant de confidence, je lui murmurai quelques mots. « Je ne vous épargnerai jamais en public. Je serai toujours désagréable et peu loquace quand je jugerai qu’il me faut l’être. Je ne suis pas censé vous accorder plus de crédit que ce que vous pouvez m’apporter. » Mon index glissa sous son menton. Ses lèvres avaient la couleur du sang. Je fermai les yeux un instant, faisant taire le Vampire en moi. « Gagnez le cœur des Sorciers et je multiplierai les attentions à votre égard. Peut-être même rejouerai-je pour vous, Dame Nixen. » Je m’écartai d’elle, et repris, d’un ton parfaitement neutre. « Une fois la signature accomplie, nous nous dirigerons vers l’autel où l’Archimage Masskinn nous mariera sous la Grâce d’Ethelba. Des anneaux nous seront passés au doigt pour la symbolique. Vous n’aurez pas à porter l’alliance ultérieurement si vous ne le désirez pas. » Je me doutais qu’elle l’enlèverait, au moins lorsqu’elle quitterait cette identité pour en embrasser une autre.

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Jeu 28 Jan 2021, 00:29


Des Roses pour la Mariée




La carriole cahotait dans les ornières. Je me pressai davantage contre la banquette de velours afin d’atténuer son mouvement. La lourde coiffe qui habillait mes cheveux vibrait sous les à-coups marqués par la voiture. Sous le voile noir qui me couvrait le visage, mes yeux lançaient des éclairs à celles qui m’accompagnaient. Leur simple présence m’incommodait ; seule, je n’aurais pas hésité une seule seconde à soutenir mon fardeau avec les mains. Mais, ainsi entourée, je ne pouvais que subir cette douloureuse expérience - et prier pour que l’ensemble restât solidement attachée à ma chevelure.

Cette torture se poursuivit durant un petit quart d’heure. Et je n’eus que peu l’occasion d’angoisser sur le chemin du Château Interdit jusqu’au Temple. Pourtant, dès lors que l’immense bâtisse fût à portée de mon champ de vision, mon estomac se noua en une boule douloureuse qui fit écho à celle qui me bloquait la gorge. Mon regard s’attarda sur la courbe des arches gothiques et les gargouilles sculptées qui les surplombaient. Elles étaient aussi immondes qu’intrigantes - chacune dévoilant une expression figée dans l’horreur. Je procédais à un examen minutieux de l’architecture pour détourner mon esprit des événements qui m’attendaient. En vain. Dès que mes mains se mirent à trembler, je fermai les poings pour atténuer les effets de mon agitation. Il était hors de question que je perdisse la face. Aucune des servantes qui m’accompagnaient n’osa commenter les changements qui apparaissaient sur mon visage. Je me demandais si elle faisait preuve de politesse ou si c’était le tulle qui me masquait à leurs yeux.

Le véhicule s’arrêta. Mon coeur aussi. Le cocher ouvrit la porte et m’aida à descendre. A ma suite, deux demoiselles m’escortèrent jusqu’à la double porte qui marquait l’entrée du domaine sacré d’Ethelba. Le crachin me salua et para mon voile de gouttelettes semblables à des diamants. Malgré la pluie, je me déplaçai avec retenue. Mes talons frappaient les pavés humides dans une lente symphonie qui peinait à me donner le courage dont j’avais besoin. Je manquais de défaillir à chaque pas tandis que, dans mon esprit, le visage d’Elias était de plus en plus distinct. L’Empereur Noir m’attirait autant qu’il me terrifiait. Il était dur et froid, et attentionné et compréhensible. Je n’arrivais pas à suivre le cheminement de ses pensées ou de ses actes. Sous son emprise, j’étais sa chose. Une marionnette pétrifiée qui n’aspirait qu’à réaliser ses désirs - en échange d’un sourire ou d’un geste prévenant, aussi illusoire que mes rêves. Et si j’arrivais à lui parler - en apparence -, mes paroles étaient bien trop souvent dictées par la bienséance et les moeurs, que par les émotions que je m’interdisais de ressentir en sa présence.

« Nous vous attendrons ici, me confia l’une de mes suivantes sous le portique. Un évêque vous mènera auprès du Grand Chaos. Vous connaissez la suite. »

Je hochai la tête. La porte s’ouvrit et je me glissai à l’intérieur. Alors que je les maudissais encore quelques instants auparavant, je me sentis soudain seule et sans défense. Un homme en robe noir vint à ma rencontre.

« Dame Nixen

— Monseigneur »

Je le saluai en m’efforçant de suivre scrupuleusement le protocole. Son visage se crispa en une sorte de sourire.

« Je constate que vous avez suivi vos leçons avec assiduité.

— Évidemment. Il m’aurait trop coûté d’offenser un représentant d’Ethelba aussi pieux que vous. »

Sans plus de bavardages, il me fit signe de le suivre et m’entraîna plus profondément dans l’édifice. Mes prunelles se posèrent sur les vitraux, les bougies et statues qui décoraient l’endroit. L’atmosphère était lourde et accablante. Des scènes atroces étaient représentées çà et là, comme pour renforcer le sentiment d’insécurité qui émanait du lieu. Le religieux m’indiqua une porte.

« Sa Majesté Impériale vous attend.

— Très bien, Monseigneur. Je vous remercie pour votre escorte. Permettez moi donc de prendre congé et de rejoindre Son Excellence. »

Il me gratifia d’un signe de tête et je m’introduisis à l’intérieur. Comme il l’avait annoncé, Elias était là, devant moi. Il fit volte face pour me saluer.

« Sa Majesté Impériale » le saluai-je avec toute la déférence qui incombait à son statut.

Je ne fis aucun mouvement lorsqu’il s’approcha pour ôter le voile, barrière entre le monde et ma personne. Comme à son habitude, aucune émotion ne filtra de son visage fermé. Je m’efforçai de rester impassible, luttant contre le rouge qui me montait aux joues. Ce n’était certes pas un homme séduisant, mais sa présence suffisait à me faire tourner la tête. Peut-être était-ce son pouvoir ? Je n’en savais rien. Mon coeur battait fort dans ma poitrine. Sa proximité, alors qu’il fixai le voile à ma coiffe, renforçait les démons contre lesquels je luttai. D’ici, je pouvais sentir son odeur. Celle du savon, de la verveine et du citron. Je me mordis la lèvre inférieure pour faire taire les pulsions qui m’animaient. La tension monta encore d’un cran alors qu’il murmura quelques mots à mon oreille. Son souffle chaud dessina des frissons sur ma peau. Mes bas instincts reprenaient le dessus. Je me mordis plus fort. Cette apparence échappait à mon contrôle, et je maudissais ma faiblesse. Sa promesse acheva de détruire mon pouvoir. Elle m’enivra autant qu’elle m’effraya. Il connaissait ma fragilité. Il l’effleurait du bout du doigt. Et je me sentis tomber sous son emprise - une nouvelle fois. Un sourire timide illumina mon visage. Mais, il s’écarta brusquement et je me brisai comme un navire propulsé par une lame de fond contre des côtes rocailleuses. Si rien ne vint affecter l’expression sur mon visage, la lueur qui brillait dans mes prunelles s’éteignit soudainement. J’étais une petite sotte, une idiote naïve et inconséquente. Je savais que cela se terminerait ainsi. Que mon imagination me berçait d’illusions ridicules ; Elias n’éprouvait rien de plus que des désirs diplomatiques à mon égard. Alors pourquoi aurait-il ne serait-ce qu’un geste affectueux envers moi ? J’étais faible, inutile et bécasse. Je le savais pourtant, j’en avais toujours été intimement convaincue. Mais mon corps réclamait cette étreinte dont il la privait. Mais ce n’était pas le lieu ni l’endroit pour craquer. J’inspirai profondément et repris tant bien que mal le contrôle de mon être.

« Je connais le contenu de notre contrat mot pour mot et il me convient tel qu’il a été rédigé. J’ai également été informé de la manière dont se déroulera la cérémonie ; les préceptrices qui nous ont été attitrées au Château Interdit ont été très loquaces sur le sujet - et j’avoue avoir essayé d’être une élève studieuse. Il y a cependant une chose que je souhaiterais obtenir en sus, si Son Excellence l’accepte bien entendu. (S’il s’intéressait uniquement au tableau politique, si notre relation ne devait s’en tenir qu’à cela, alors autant jouer mes pions.) Sa Majesté Impériale n’est pas sans savoir que cette existence a été créée de toute pièce : mes origines, ma naissance, mes études. Tout n’est qu’une vaste illusion ayant vocation à dissimuler ma véritable identité. Aussi, si le Grand Chaos me l’accorde, je souhaiterais que mon existence soit réelle afin que nul ne puisse découvrir cette supercherie. J’ose le demander franchement à Son Excellence, accepterait-Il qu’il soit fait mention de moi dans les registres d’état civil du peuple noir ? Accepterait-Il d’accorder à cette identité la nationalité sorcier ? »

J’avais répété plusieurs fois cette scène pour me préparer à sa réalisation. Mais aujourd’hui, ma voix était beaucoup plus fragile qu’alors. Le souffle coupé, je m’étais lancé dans cette tirade apprise par coeur. Mes mains recommencèrent à trembler. J’attendais avec appréhension la sentence qui accueillerait cette requête.


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Kaahl Paiberym
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Kaahl Paiberym
Jeu 11 Mar 2021, 21:36



Des Roses pour la Mariée


Je croisai les bras et penchai doucement la tête sur le côté pour la jauger. Amusant. C’était justement le procédé qui avait été employé pour donner une existence à mon personnage. Elias Salvatore n’était qu’un mirage. Un sourire cruel apparut sur mes traits, sans rapport avec la situation. À l’intérieur de mon regard s’allumèrent les flammes d’un passé créé de toutes pièces. Personne n’avait jamais posé de questions, parce qu’ils avaient tous peur. La légende du Chasseur n’était que pure invention. En peu de temps, j’étais devenu le Prince du Chaos. De nombreuses légendes couraient sur mon compte. J’aurais fait partie de l’armée sorcière. J’aurais combattu les Sirènes et d’autres engeances ennemies. Niklaus aurait fait appel à moi dans le plus grand des secrets, pour le sale travail, ce qui justifiait parfaitement mon absence de visibilité parmi les Archimages des Ténèbres. Les rumeurs sur mon compte étaient aussi diverses qu’elles étaient mensonges. J’étais certain qu’aucun Sorcier ne s’était jamais demandé quel était mon nom d’origine, avant que l’Empereur Noir ne décidât de m’adopter et de me marier à sa fille. Elias n’était pas né Salvatore. Il en fallait peu pour créer un mythe. C’était aussi excitant qu’effrayant. Qu’un homme sans passé véritable pût se tenir au sommet d’un peuple créait chez moi une certaine satisfaction. « Hum. » laissai-je filtrer entre mes lèvres, sans me départir de mon affreux sourire. Mes faits d’arme étaient aussi factices que les nombreux assassinats que j’avais perpétré. En vivant chez les Magiciens en tant qu’espion, j’avais tué bien moins que la plupart des Sorciers. Mon objectif était de paraître bon. La bonté n’assassinait pas, pas gratuitement. Un professeur ne pouvait pas se permettre d’éliminer ses élèves. L’éclat de folie meurtrière qui venait de me saisir finit par disparaître totalement. Rien ne garantissait aux Sorciers que je n’étais pas un espion des Mages Blancs depuis le début. C’était d’un risible…

Ma neutralité totale retrouvée, je m’écartai et décroisai les bras. « Cela me paraît évident. Si nulle trace de vous n’est trouvée dans les registres de l’état civil, le mensonge ne tiendra pas longtemps. Il y a bien des Sorciers qui rentrent à Amestris après avoir vécu durant des générations ailleurs mais le sort de ces derniers est très peu enviable dans les débuts de leur parcours ici. » Je souris. « La vérification peut s’avérer longue et intraitable. » Les Magiciens avaient le Temple de Lyre. Les Sorciers possédaient des moyens plus brutaux. « Nous pourrions travailler ensemble à votre identité, afin de la rendre plus crédible. Des individus seraient on ne peut plus heureux de vous servir d’alibi. » Heureux ou obligés. Il valait mieux ressentir de la joie à être obligés. « Il suffit d’un rien. » lui assurai-je. Cette considération de fausseté m’amena à une autre pensée. Puisque je m’apprêtais à lui donner les clefs du mensonge parfait, je voulais qu’elle m’aidât en retour. « Hum. En échange, j’aurais une requête. » Je me mis à marcher tranquillement dans la salle, mes doigts caressant la table avec une fermeté toute militaire. La sensualité n’avait aucune place dans le mouvement. Il s’agissait d’un geste sec et précis, le bout de mes ongles provoquant un léger bruit en continu jusqu’à ce que je stoppasse l’ensemble. « Voyez-vous, le Chancelier Masskinn n’est pas ravi d’officier les cérémonies concernant les étrangères. Le sang impur le dérange et mon héritable laisse à désirer à ses yeux. Ce dont il m’informe ne relève pas que de son avis. Chez les Mages Noirs, n’avoir qu’un enfant légitime est un signe de faiblesse. Tout le monde le pense. » Délilah n’était, en plus de cela, pas ce que l’on pouvait appeler une digne Princesse. Elle avait hérité du côté sulfureux des Sirènes, ce qui ne plaisait pas à l’opinion publique. Les membres de la famille royale se devaient d’avoir une certaine classe et le fait qu’elle fût proche des Ondins par le sang et par le comportement posait de sérieux problèmes. Personne ne désirait la voir un jour poser ses fesses sur le trône. Le système n’était pas un système héréditaire mais il tendait de plus en plus à le devenir. En m’adoptant, Niklaus avait voulu faire perdurer le nom des Salvatore à travers les âges. Il me faudrait sans doute faire de même. Malgré sa jeunesse, Eméliana avait bien plus de potentiel. Elle devait simplement se départir de son hideux caractère. Quant à Érasme, il était, malgré lui et malgré moi, l’héritier légitime. Néanmoins, il n’était pas considéré comme de sang royal. Les adoptions étaient un caprice de plus. Ça ne plaisait pas plus que l’absence d’une famille nombreuse. « Puisque nous parlons de faux-semblants, il me semblerait opportun que vous simuliez des grossesses à l’avenir. » Je marquai une pause, illustrée par un sourire vague mais malin. « J’ai besoin de donner au peuple ce qu’il désire pour avoir la paix. »

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Ven 12 Mar 2021, 15:34


Des Roses pour la Mariée




Mes épaules s’affaissèrent sous le poids de la cruauté qui illuminait le visage du monarque. Il arborait désormais un sourire à faire frémir d’angoisse la peur elle-même. Je voulais détourner le regard, m’arracher à cette vision d’horreur, mais j’étais tétanisée. Mon corps ne répondait plus à mes ordres, et mes jambes flageolantes refusaient de s’éloigner de la menace. J’étais pétrifiée face à cette sombre aura qui émanait de lui ; plus obscure que les abysses, plus glaciale que le blizzard. Une tempête d’émotions contradictoires ravageait mes croyances, déferlant sur mon être tel un bataillon sur une terre à conquérir. Le son rauque qui s’échappa de sa bouche plissée par les années ajouta à mon mal-être. Ma demande était-elle au-delà de ce à quoi je pouvais m’attendre ? Peut-être. Et je me m’interrogeai alors sur son passé ; avait-il déjà reproché l’ambition de ses prétendantes ? avait-il déjà exécuté l’une de ses épouses ? avait-il déjà tué dans ce Temple ?

Et soudain le vent tomba ; il disparut aussi vite qu’il s’était levé. Et mon esprit agité s’apaisa de ce calme retrouvé. L’Empereur Noir arborait à nouveau cette insolente indifférence qui le caractérisait tant. Je me laissai bercer par sa voix alors qu’il prononçait chacun des mots de ce ton détaché que j’affectionnai tant.

« Je suis reconnaissante à Sa Majesté Impériale d’accéder à ma requête. Son soutien me sera fort appréciable pour faire face aux plus curieux. Par ailleurs, j’accepterai volontiers de me soumettre à ces vérifications d’usage ; si je dois prouver mon appartenance au peuple, qu’il en soit ainsi. Après tout, Son Excellence ne m’a-t-elle pas encouragée à gagner la confiance d’Amestris ? (Mes lèvres s’étirèrent en un sourire malicieux). En tant que Dame Noire, je serai ravie de montrer l’exemple et de traverser dignement cette épreuve. Quand tout sera prêt, je prierai le Grand Chaos de bien vouloir appeler ses censeurs. J’affronterai leur supplice. »

Et je me vengerai. Je fouillerai leur coeur, gangrené par l’atrocité de leurs actes, à la recherche de leurs plus belles terreurs. Je les plongerai dans l’épouvante du cauchemar. Je les regarderai s’agiter, hurler, pleurer, supplier. Une frayeur lancinante s’insinuera toujours plus profondément dans leurs esprits tourmentés et - lorsque l’horreur sera à son comble - je les offrirai en tribut au Dragon de l’Effroi.  

Mon visage s’illumina à cette perspective, mais il irradia davantage encore lorsque l’Empereur Noir formula sa requête. Il s’agissait d’une contrepartie intéressante, d’autant plus qu’elle m’offrait en sus un statut supérieur à celui des autres Dames. Évidemment tout ne serait qu’apparence - ce qui constituait un affront certain à mes sentiments inavoués -, mais lorsqu’elle était réalisée avec soin, l’illusion se superposait à merveille avec la réalité.

« Cela me paraît honorable. Je serai ravie de porter les héritiers fantasmagoriques de Son Excellence. »

Et je serai encore plus flattée que l’illusion ait une composante prémonitoire. Mais je me gardai bien de le lui avouer. Les muscles de ma nuque commencèrent à se tendre ; le poids de la coiffe n’était pas sans me rappeler les contraintes de cette vie matérielle. La grossesse accentuerait sans doute l’incommodité de ces tenues pudibondes. Pis, elle accroîtrait la présence des servantes à mon chevet - tout comme celle de ceux qui chercheraient ma mort. En acceptant sa requête, je me privais d’une partie de ma liberté. L’ubiquité n’était pas un don que les Aetheri avaient jugés bon de m’offrir ; mais je comptais sur eux pour trouver une parade me permettant de fausser compagnie à la Cour pour vaquer à mes propres activités.

« Pour être bien sûre de comprendre, il y a un point que je souhaiterais éclaircir concernant le souhait de Sa Majesté Impériale. Si je me rapporte aux termes de Sa demande, il s’agit simplement de faire croire au peuple - et par là même au Chancelier Masskinn - que je suis en période de gestation. Mais comment expliquer qu’aucun bébé ne voit jamais le jour ? Je pourrais déclarer une ou deux fausses couches sans trop éveiller les soupçons ; mais si cela devenait récurrent nous risquerions de perdre en crédibilité. Faut-il prévoir que l’une ou l’autre de ces grossesses aboutisse ? Et, dans ce cas, comment le Grand Chaos souhaite-t-il procéder ? Bien sûr, nous pouvons tout à fait parler de tout cela plus tard. Il n’y a point d’urgence à envisager le futur. »

Je croyais suffisamment le connaître pour être sûr qu’il avait déjà un plan. Quant à savoir s’il comptait me le confier, c’était une autre question à laquelle je n’avais pas de réponse. Finalement, je remarquai que nos échanges avaient toujours été brefs. Je ne savais rien de lui. Et pourtant, ces mensonges étaient sur le point de profondément nous lier l’un à l’autre.


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Kaahl Paiberym
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Kaahl Paiberym
Sam 13 Mar 2021, 13:18



Des Roses pour la Mariée



« Parfait. » Il me semblait plus honorable à moi aussi de demander ce genre de services à une Génie. Elle avait les moyens de l’illusion, contrairement à mes autres épouses. Il était hors de question que je touchasse qui que ce fût pour le moment. Si Esther simulait une ou deux grossesses, cela ravirait les Chanceliers, la presse et la plèbe. J’étais néanmoins certain que ça ne leur suffirait pas. Ça les occuperait simplement un temps. La Génie étant réputée Sorcière, personne n’y trouverait rien à redire. Ce ne serait pas le cas des autres. Surtout, à moins de leur faire entretenir des aventures avec un autre homme, je serais obligé de m’en occuper, ce qui n’avait rien pour me ravir. Il était impensable que je fisse ne serait-ce qu’un héritier à la Réprouvée. La Démone donnerait sans doute un héritier qui serait vu comme inférieur aux autres par l’opinion publique. L’Alfar était jeune et appartenait à un peuple qui ne me pardonnerait sans doute pas d’accélérer les choses de la sorte. La problématique d’Aliénor était différente, ce qui n’empêcherait pas les rumeurs de s’étendre rapidement si elle ne tombait pas enceinte. Chez les Vaughan, ce n’était pas une histoire d’un ou deux enfants. Les femmes étaient étonnement fertiles. J’allais devoir trouver mieux qu’une illusion. Ce serait la même chose avec les autres, surtout avec les Sorcières dont le Masskinn me dresserait la liste. Je ne pourrais pas me dérober à mon devoir si facilement qu’avec Vivianne. Les mariages diplomatiques pouvaient se solder par des échecs. Concernant les mariages internes, ce n’était pas envisageable. Si je ne donnais pas à la Couronne des héritiers, ce que le peuple murmurait à propos de mon impuissance potentielle ne ferait que se confirmer. Je ne pourrais pas toujours m’en sortir en prétextant préférer m’introduire dans le corps chétif des enfants. Niklaus adorait coucher avec ses femmes. En contrepartie, il n’avait aucun remords à rompre le mariage dès qu’il se lassait. Je préférais ne pas suivre le même chemin. Elias n’était pas censé être un séducteur. Dans ma vision des choses, il ne voyait que le côté utilitaire du mariage et était trop préoccupé par d’autres considérations pour penser ne serait-ce qu’à divorcer ou à ajouter une nouvelle conquête à sa collection. Les procédures étaient coûteuses en termes de temps et, les émotions n’étant pas son fort, il me paraissait impensable qu’Elias se mît à séduire qui que ce fût. Il aurait fallu qu’il fût attentionné, drôle ou attachant.

Je relevai les yeux vers la Génie. « Chaque grossesse aboutira. » dis-je. Formulé ainsi, mon propos pouvait paraître fou. Néanmoins, j’y avais déjà réfléchi. Des Sorciers vivant dans la médiocrité abandonnaient chaque jour leur progéniture, faute de pouvoir lui offrir un avenir prometteur. Au-delà de ces abandons qui se finissaient souvent de façon tragique pour les abandonnés, certaines femmes se feraient un plaisir de se voir offrir une certaine somme d’argent, en échange de leur enfant nouveau-né. Les Magiciennes auraient sans doute demandé la certitude d’un avenir sans maux mais ce n’était pas le cas des Sorcières. Le ravissement de se débarrasser d’une forme de parasite était même total pour d’autres. « Il y aura des enfants. Vous ne serez néanmoins pas obligée ni de vous en occuper ni même de les regarder. » précisai-je. Que je m’apprêtasse à donner plusieurs héritiers illégitimes à la Couronne avait de quoi glacer d’effroi n’importe qui. Personnellement, je trouvais que le système actuel, fermé et liberticide, méritait bien une haute trahison.

Je me penchai vers la table, afin de compléter les clauses du mariage. Sur deux feuilles à part, j’inscrivis notre arrangement. Celui-ci ne regardait que nous. Je relus le tout tranquillement et signai les deux manuscrits et les trois exemplaires principaux. Il y en avait un pour elle, un pour moi et un pour les registres. Je lui tendis le stylo. « Bien sûr, nous devrons passer quelques nuits ensemble pour que notre machination paraisse crédible. Je ne suis pas souvent présent à Amestris, comme vous vous en rendrez rapidement compte si vous y prêtez attention, mais dès que je serai en ville, je vous ferai demander dans mes appartements. » La situation me rappelait étrangement la fois où j’avais demandé à Oriane de jouer le jeu des ébats en ma compagnie. C’était bien de ça dont il s’agissait, simuler. « Ce seront sans aucun doute des soirées ennuyeuses pour vous, puisqu’il je les passerai probablement à travailler sur des dossiers, mais vous serez libre de faire ce que vous désirez. Il nous sera loisible de faire œuvre de magie pour simuler un temps et souiller les draps. Vous n’avez pas idée de l’indélicatesse des domestiques. » En tant qu’ancien Kamtiel, Chancelier de l’espionnage, j’avais été au courant de chacun des ébats de Niklaus et des membres du gouvernement. Les serviteurs qui lavaient le linge du palais s’occupaient comme ils le pouvaient. C’était d’un grotesque pratique. Il était possible, grâce à ses informations, de savoir qui était infidèle. Je soupçonnais même les espions de les payer pour récolter ce genre d’informations. Personne n’aimait le Kamtiel. Il savait trop de choses et sur tout le monde. Contrairement au Roi, il n’avait que cette seule fonction : lire les informations et déligenter des enquêtes approfondies. Son anonymat était une donnée d’autant plus agaçante pour tout un chacun : impossible de le critiquer ouvertement sans craindre son courroux. « Pour le reste, vous ne devriez pas souffrir de ma présence et avoir la possibilité de vaquer à vos occupations librement. » Je me tus un instant et conclus. « Si vous avez d’autres questions ou demandes ou si vous avez besoin de temps avant de signer, n’hésitez pas. Une fois que nous franchirons la porte de cette pièce, nous procéderons à la cérémonie. Lorsque nous sortirons du temple nous serons mari et femme. Ce n’est pas anodin. »

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Dim 02 Mai 2021, 20:31


Des Roses pour la Mariée




Son annonce claqua comme un fouet dans l’air. Mes sourcils s’arquèrent d’un air interrogateur. Je n’étais pas sûre d’avoir réellement bien compris ce qu’attendait le monarque. Simuler une grossesse était une chose, donner vie à l’illusion en était une autre. Mes pensées vagabondèrent pour imaginer des scénarios qui asséchaient mes sentiments ; souhaitait-il que je couvrisse quelque aventure inavouable ? Des traits imperceptibles se plissèrent au coin de mes paupières sous l’effet d’une amertume contenue. Mais ils disparurent bien vite lorsque l’Empereur Noir poursuivis son explication. Si j’étais quelque peu rassérénée, je n’en restais pas moins jalouse. Et derrière un sourire radieux, je masquai ma promesse : si tout ne devait être que factice, je veillerai à ce qu’il n’y ait aucun marmot dont il pût authentiquement revendiquer la paternité.

« Oh, j’imagine que je pourrais faire un effort pour Sa Majesté Impériale. Même si je ne m’occupe que très occasionnellement de ces marmots, quelques apparitions leur en compagnie ne pourraient qu’être bénéfiques à nos deux personnes. »

J’attrapai le stylo qu’il me présenta et me penchai sur les documents. Mes yeux balayèrent rapidement les nouvelles clauses puis s’attardèrent sur notre petit arrangement. La nationalité Sorcière m’offrait un véritable point d’attache dans ce monde. Cet accord était parfait afin de mettre une touche finale sur ma création. Et j’espérais que ce genre d’arrangement serait le premier d’une très longue lignée.

« J’ose espérer que Son Excellence ne pense pas réellement que Sa présence m’est déplaisante ? Certes, certains aspects publics de Sa personnalité et de Sa réputation pourrait être - comment dire - effrayants. Et il est vrai que j’éprouve certaines difficultés à m’acclimater à Sa prestance et à me permettre des excentricités - il faut dire que Sa Majesté Impériale pourrait très probablement me mettre à mal s’Il le souhaitait. Néanmoins, j’ai eu tout le loisir de me renseigner avant d’accepter Sa proposition à l’issue de la Coupe des Nations et - sans vouloir vexer Ses services de renseignement - je pense que j’aurais pu disparaître assez aisément si l’idée de Le côtoyer régulièrement m’était si désagréable… Que Son Excellence me pardonne, mais je crains bien moins de passer quelques nuits avec Elle que d’apercevoir la Marquise du Duché de Nylmord. »

Je tentai plusieurs fois de soutenir son regard, mais la dureté qui émanait de ses prunelles sombres - si grisante soit-elle - était infiniment trop difficile à supporter. Je n’avais d’autres choix que de battre en retraite, m’attardant sur les rides qui marquaient son visage. Cet homme énigmatique semblait insensible à toute chose. Son coeur de glace était une forteresse imprenable, autour de laquelle se dressaient une succession de remparts et de murailles plus hautes et plus épaisses que la cordillère de l’Edelweiss. Et c’était peut-être pour cela qu’il me plaisait tant. Au delà de son apparence, par delà son caractère, c’est son insaisissabilité qui m’attirait tant. Et comme l’enfant sujet à un désir capricieux, je voulais qu’il soit à moi. Le défi était grand, mais je me promis de le relever.

« En tout cas, que Sa Majesté Impériale n’hésite pas à me faire mander aussi souvent qu’Elle le souhaitera - ne serait-ce que pour sauver les apparences. Comme Elle s’en doute sûrement, je pourrais aisément m’éclipser dans le Monde des Rêves sans que personne s’en aperçoive et La laisser vaquer à Ses occupations - si tant est qu’Elle ne désire pas que je reste à Ses côtés. »

Je reportai mon attention sur les documents. Il ne manquait plus que ma signature pour légaliser notre union. Ce n’était pas anodin, en effet. Mais mon choix était tout réfléchi - et il était hors de question de retarder encore davantage l’inévitable. Comme Elias l’avait si bien mentionné, il n’était pas souvent à Amestris et les Aetheris seuls savaient lorsqu’il reviendrait. Si nous ajournions l’événement, de longs mois risquaient encore de passer avant l’officialisation de notre mariage. Sans plus attendre, j’apposai ma signature en bas de chacun des exemplaires. Je saisis les deux feuilles sur lesquelles il avait rédigé notre accord secret et lui en tendis une avant de ranger l’autre.

« Il serait dommageable que nous laissions traîner ce genre de chose, vous en conviendrez.»

Je marquai une courte pause, avant de reprendre.

«Si je ne m’abuse, je pense que nous en avons fini avec les formalités d’usage. Il ne reste donc plus qu’à procéder à l’acte final. Son Excellence aurait-elle un conseil à me donner avant que nous entrions ? J’ai entendu dire qu’il était parfois difficile de s’attirer les bonnes grâces du Chancelier Masskinn. Si je dois gagner le coeur du peuple, peut-être devrais-je commencer avec ses Hauts Dignitaires ? » indiquai-je, un sourire carnassier aux lèvres.


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Kaahl Paiberym
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Sam 26 Juin 2021, 18:23



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« Quelques apparitions seront amplement suffisantes. » Le peuple ne chercherait pas plus loin. J’en étais l’exemple parfait. Je passais très peu de temps à Nementa Corum. Pourtant, cela ne dérangeait personne. Lorsque j’apparaissais, je faisais en sorte que l’on s’en souvînt. Pour le reste, le silence couvrait mon absence, lorsque je n’étais pas officiellement en voyage. Personne n’avait la main sur mon emploi du temps. Je n’avais aucun compte à rendre. Si Esther se montrait devant la foule une fois par lune avec nos enfants, cela suffirait aux Sorciers. « Nous lancerons quelques rumeurs de temps en temps pour que le peuple puisse s’emparer de votre maternité et de faits inexistants. La presse est un puissant outil que nous utiliserons. » Et elle n’était certainement pas libre au sein de la Vorace. Les détracteurs du pouvoir qui semblaient les plus virulents étaient en réalité grassement payés par le pouvoir en question. Il fallait que la foule eût de quoi discuter, sans parler du fait que l’exciter sur certains sujets l’empêchait de regarder ailleurs.

Mon regard glissa sur ma très prochaine épouse. Je ne souris pas, me contentant d’écouter. « Mancinia Leenhardt. » Les deux mots étaient sortis d’entre mes lèvres sur un ton sec. Je ne pouvais qu’approuver sa position. Je comprenais actuellement bien mieux ce qu’était qu’être un Génie qu’à notre première rencontre. Cependant, je n’avais pas encore eu le loisir de tester cette réalité en dehors du Monde des Songes. « Huumm… » fis-je, avant de placer ma langue entre deux molaires et de la fixer, les lèvres légèrement entrouvertes. J’aurais été en train de réfléchir à un dossier épineux que mon visage n’aurait pu refléter plus de gravité. Le bout de ma langue se décala et je fermai la bouche. Je ne souriais toujours pas mais, à la commissure de mes lèvres, il y avait tout de même quelque chose, comme l’ombre d’un amusement à venir mais qui ne vint pas de manière franche. « J’aurais préféré vous faire trembler davantage qu’elle mais je dois m’incliner devant le Ma’Ahid de la Marquise de Nylmord. Savoir reconnaître ses limites est sagesse et elle est bien plus apte à vous tuer que je ne le suis, quand bien même elle ne le ferait pas exprès. » Parce que, évidemment, je n’essaierais jamais de l’assassiner sans avoir conscience de mes actes.  

« Nous verrons. » murmurai-je. « Nous ne mimerons jamais l’amour. Je trouve personnellement qu’il n’est qu’une perte de temps. » Et que penserait-on d’un Empereur Noir parfaitement amouraché d’une de ses femmes ? Il paraîtrait faible. Il y avait des sujets plus importants. « Je n’ai pas non plus l’intention de passer pour ce que je ne suis pas, à savoir un amant extraordinaire. » Je m’approchai et passai un doigt sous son menton. Mes yeux cherchèrent les siens un instant avant que je n’avançasse mes lèvres pour effleurer son oreille. « Il faudrait donc que vous vous entraîniez à gémir et à pleurer bien plus qu’à jouir. Je ne fais jamais jouir mes conquêtes. Je les détruis. » Je me reculai. Le sourire qui apparut enfin sur mon visage n’en était pas un. Il avait un aspect malsain. Il disparut bien vite cependant. J’aimais qu’Elias n’exprimât que très peu ses émotions. Sa neutralité me permettait d’envisager plusieurs possibles et je n’avais pas pour projet de jouer les psychopathes ou les sociopathes.

« Le Chancelier Masskinn est un homme de foi. Soyez dévote, remplissez votre rôle d’épouse en enfantant et il vous sera acquis. Sachez également qu’il a horreur des étrangers alors ne vous en approchez pas au point qu’il puisse commencer à soupçonner la réalité. » dis-je, en rangeant notre accord personnel dans la poche intérieur de ma veste. « Allons-y. » murmurai-je. « Je vous préviens : la cérémonie sera excessivement longue. N’oubliez pas de reproduire mes gestes et espérez que vos Dieux vous pardonneront vos affronts. » En temps normal, le mariage pouvait se passer de cérémonie. Il n’en serait pas de même ici, par caprice de l’Archimage.

Nous passâmes peut-être une heure à genoux devant les représentations d’Ethelba et de son plus fervent défenseur. Les prières et chants à la gloire de l’Æther de la Lune Noire se succédèrent. Le dos de nos mains fut marqué d’un cercle plein avant que nos doigts fussent liés entre eux. Sur notre front, un croissant de lune trouva place. Je la fixai sans faillir, cachant une réalité que Niklaus s’était bien gardé de révéler aux Sorciers. La Couronne avait soutenu Sympan durant la Guerre Divine. Il en avait été de même pour moi. Je m’agenouillais donc devant une Déesse que j’avais trahie, tout en étant le fils de son Oracle chaotique.

Le Masskinn fit amener un individu bâillonné qu’il saigna devant nous. Le sang gicla. Il ne se vit pas sur le noir de nos tenues, comme si le Chaos avait le pouvoir de tout absorber. L’Archimage traça une rune autour de nous et fit apparaître des alliances de sang séché autour de nos doigts. Des usages anciens voulaient que les époux essayassent de les conserver autant que possible, néanmoins, aujourd’hui, les Alliances de Sang n’étaient plus pratiquées que par une minorité insignifiante de la population, des nobles attachés aux grands principes, ceux-là même qui refusaient l’émergence de nouvelles familles importantes. Il était beaucoup question des Vampires lorsque le sang était évoqué. C’était oublié les noirs pratiques des Sorciers le concernant. Le Masskinn attrapa un récipient sacré. Ce dernier contenant déjà un liquide rougeâtre. Celui-ci n’avait rien à voir. Il était un sang considéré comme le plus pur de tous puisqu’il regroupait tous ceux des Rois qui s’étaient succédé sur le trône et s’étaient mariés d’une manière analogue. Il me trancha la main et attendit que mon sang retombât dans le bol. Il mélangea avec son index et son majeur. Il était le seul à pouvoir toucher directement le bol et à disposer de son contenu pour mener la cérémonie à bien. Il en étala sur ma bouche. « Prenez ce qui vous appartient, Majesté. » murmura-t-il. Il parlait d’Esther. Je me penchai et agrippai sa lèvre inférieure entre mes dents. Je serrai douloureusement, relâchai la pression et me reculai en silence. Elle ne m’imiterait pas sur cet acte. J’étais son maître, par le mariage, parce que j’étais le Roi. La tradition voulait que je n’appartinsse qu’à Ethelba.

Après plusieurs musiques graves accompagnées de chœurs, nous passâmes à la partie administrative du mariage, sur fond de chuchotements inquiétants qui appartenaient entièrement à la prière. Le Masskinn vérifia nos contrats consciencieusement et en réalisa une copie qu’il confia pour l’archivage, avant de mettre un terme à la cérémonie et de nous ordonner de prier chacun de notre côté jusqu’au lever du jour en nous confiant avec gravité l’ouvrage contenant ce que nous devrons réciter, des vers sur le chaos, la destruction, l’acte charnel entre époux, l’enfantement des soldats d’Ethelba et les grands préceptes religieux que nous promettrons de respecter dans nos prières. Il était essentiellement question d’assiduité dans les offices religieux, de sang et de mort, de sacrifices avant le sexe et lors de l’accouchement, de l’importance de la pureté du lignage. Dans les faits, la tradition s'était en grande partie perdue et ceux qui pratiquaient les rituels anciens, comme l'amour dans un bassin ensanglanté, étaient les plus dévots. Pour un peuple jugé prude, le contenu des textes sur le sexe était particulièrement précis et détaillé, au point d'en être aussi érotique qu'obscène.

Lorsque nous ressortîmes du temple, une foule compacte était réunie. Je fixai Esther. « Je vous laisse mettre en œuvre vos talents pour leur donner pleinement satisfaction. Montrez leur les alliances, ils seront ravis. » Nous avions également une seconde alliance, en obsidienne et en or, celle-ci. « Au revoir, Ma Dame. » Je me téléportai après un bref signe de tête.

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Dim 08 Aoû 2021, 14:08


Des Roses pour la Mariée




La caresse de sa peau contre la mienne m’enveloppait dans une douce félicité. Je croisai son regard noir, inexpressif, m’interrogeant sur les pensées qui traversaient son esprit torturé. Je savais toutes les rumeurs qui courraient à son sujet, je connaissais la perversité des actes dont il était l’auteur, et pourtant, je ne pouvais que l’observer sous le spectre de mes sentiments. Je l’aimais - du moins était-ce là la seule explication que je trouvai pour justifier le papillonnement qui me chatouillait le ventre. Il n’était pas ce que le commun des mortels qualifiait un bel homme : son visage était sévère, ses traits émaciés, son corps marqué par le temps. Mais je n’en avais que faire car l’apparence n’avait aucune espèce d’importance pour moi. Ma condition de Génie m’avait appris que l’aspect d’une personne n’était qu’une enveloppe vide. C’était bien pour cela qu’il était si facile d’en changer.

Elias s’approcha encore davantage. Je sentais désormais son souffle chaud au creux de ma nuque. Je ne bougeais pas, je ne respirais plus ; je craignais que le moindre mouvement vint briser cet instant d’intimité. Je fermai les yeux, prête à m’abandonner à son bon vouloir. Je me remémorai le moment que nous avions partagé dans les Rêves, cet échange bref durant lequel j’avais entr’aperçus la lumière vacillante qui luttait contre ses ténèbres dévorantes. Je l’acceptai tel qu’il était, lui et sa part d’ombre. J’étais résolue à porter une partie du Mal qui le rongeait. En retour, je souhaitais qu’il partageât cette lueur avec moi, je désirais qu’il m’acceptât dans son coeur étriqué.

Ne pleure pas. Son ton fût plus perçant qu’une dague, ses mots plus violents qu’un orage. Leurs échos sonnèrent en moi comme un glas funèbre. Ne pleure pas. Je ne maîtrisai plus mon corps, il réagissait par instinct. J’étais spectatrice d’une scène dans lequel j’avais le rôle principal. Répondant à une fierté bien trop ancrée en moi, je me dressais stoïquement face à mon futur époux. Ne pleure pas. Il se recula, m’abandonnant à une froide tristesse. J’accueillis implacablement la blessure qui me transperça le coeur. Et lorsque j’aperçus le bref sourire qui illumina son visage, je regrettai de ne pas être morte.

Ce jour devait être la première étape qui me rapprocherait de lui. Et pourtant, je ne m’étais encore jamais sentie aussi éloignée d’Elias. D’une phrase, il avait réussi à me briser. Pis, il y avait pris plaisir. Je ne l’avais jamais vu trahir une seule émotion, jamais, jusqu’à ce qu’il piétinât les sentiments que je lui portai. Avais-je simplement vu ce que je croyais voir lors de notre rencontre ? Ou m’avait-il tendu ce piège infâme ? Je l’ignorai.

J’avançai à sa suite, dépourvue de vie. J’étais comme absente alors que nous nous adonnions à cette cérémonie grotesque. J’avais appris chaque réplique, chaque didascalie de cette tragédie ridicule, et je m’y appliquais avec soin. J’avais refoulé mon émoi dans un coin de ma tête le temps de faire ce qui devait être fait. Les Sorciers étaient bien trop fourbes pour que je leur permisse de contempler ma faiblesse. Mais lorsque les lèvres de l’Empereur Noir effleurèrent les miennes, une unique larme réussit à traverser mes défenses, roulant sur ma joue. Et je me maudis d’être à ce point ébranlable.

Ne pleure pas. Je ne cessai de me répéter ces trois mots, comme un mantra protecteur contre la tempête qui approchait. Je luttai de toute mes forces pour agir le plus normalement du monde, et je fus ravie que personne ne connût suffisamment Esther pour se rendre compte du trouble qui me dévastait. La cérémonie me parût durer éternellement tant l’épreuve me paraissait insupportable. Et lorsque nous sortîmes du Temple, je croyais naïvement que je pourrais laisser libre court à mes larmes, mais ce fût sans compter la malveillance de mon époux. J’étais dévastée. Je n’étais pas d’humeur à fanfaronner auprès du peuple, encore moins à jubiler de cette union nouvelle. Mais je me soumis à l’ordre du Grand Chaos. Après tout, étais-je autre chose qu’une esclave à ses yeux ? Un vulgaire objet dont il pouvait user à ses fins. Je trouvai la force de sourire dans l’écho de souvenirs lointains, me plongeant dans la réalité de mes autres identités. J’ignorai si j’étais suffisamment convaincante - mais je ne pouvais réellement faire mieux.

Je me pressai pour retrouver mes appartements, évitant soigneusement les couloirs les plus empruntés : je n’aurais pas eu la force de faire bonne figure auprès des autres Dames. Mes nerfs étaient à vifs. Je voulais être seule avec ma tristesse et ma solitude.

La porte de mes quartiers s’ouvrit sur un petit salon privatif, dans lequel m’attendaient mes servantes les plus fidèles. Elles s’approchèrent en pépiant leurs félicitations, elles aussi très intéressées par les détails de la cérémonie. S’en était trop.

« Assez, coupai-je d’un ton sec. Je veux être seule. Sortez ! »

Je ne me maîtrisai plus. La magie se mêla à mes mots, glaçant d’effroi mes domestiques. Elles s’empressèrent de quitter la pièce sans mot dire.

« Et que personne ne me dérange, c’est compris ? C’est moi qui vous ferez mandé si j’estime cela nécessaire. »

Plusieurs longues minutes s’écoulèrent après le départ précipitée de mes suivantes. J’avais peut-être été excessive, mais je ne pouvais plus supporter cette mascarade. Mes pas me guidèrent vers la coiffeuse qui occupait un coin de ma chambre. Je m’assis avec prestance sur le siège et observai mon reflet dans le miroir. Je n’étais plus une prétendante, j’étais une réelle Dame Noire. Mes traits me renvoyaient l’image d’une jeune femme ambitieuse et meurtrie. Je me haïssais d’avoir succombé à des sentiments aussi futiles.

« Je te déteste. Tu n’es qu’une faible. Il a bien raison de te vouloir te détruire. »

La vue de cette fille me dégoûtait tout à coup. Ce n’était pas moi. Ce ne pouvait pas être moi. J’arrachai la coiffe qui ceignait toujours ma tête et la projetai avec violence sur mon portrait. Le psyché accusa le coup, se fissurant de part en part. Et puis, comme la colère faisait place au chagrin, j’éclatai en sanglots.


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Des Roses pour la Mariée [Ft. Elias]

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