Invité Invité | Lun 09 Nov 2020, 10:49 | |
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Représailles Thème. La brune avait beau ignorer ce qui s’était passé entre le Vampire et sa génitrice, son intuition lui murmurait que les évènements n’avaient pas tourné en sa faveur. À en juger par la facilité avec laquelle il coopéra, elle en vint même à se poser des questions. L’avait-elle chassée, dégoûtée par son ingratitude ? Sa réflexion interrompue par un geste hautement déplacé de la part du brun, elle le fusilla du regard tandis qu’il s’éloignait. Pour le moment, elle jugea que le confier aux bons soins de Mireille représentait une punition suffisante. La gorge nouée, elle espérait sincèrement que personne n’avait remarqué la familiarité dont il avait fait usage. La chose aurait été terriblement embarrassante. Que penserait son fiancé, s’il l’apprenait ? Par chance, aucun regard inquisiteur ne se tournait vers elle. Les invités avaient mieux à faire que se soucier de sa vertu ; elle n’était personne. Profitant du calme qu’occasionnait la disparition temporaire de Dorian, elle se redressa dans le fauteuil. Ses yeux se tournèrent vers l’obscurité enveloppant Amestris. En un mouvement naturel, ses phalanges se rejoignirent. L'heure de rendre hommage était venue. « Mère du Chaos. Toi qui fus la source de tout. Conduis tes ennemis au trépas. Verse sur les terres ton courroux. Broie le monde sous tes pas. Aux heures où meurent les rêves. Quand valsent les maléfices. Que la nuit se lève. Que la lune noircisse. » Il ne s’agissait que des premières lignes d’une berceuse que sa mère lui chantait autrefois. Les lèvres immobiles, elle honorait celle dont un jour, peut-être, elle deviendrait l’instrument.
Lorsque sa prière s’acheva, il fallut un instant à la jeune femme pour reprendre ses esprits. Le Vampire n’était toujours pas revenu. Quelque peu intriguée, elle s’extirpa de son siège. Que trafiquait-il ? Se pouvait-il qu’il fomente un sale coup avec la complicité de Mireille ? Contrariée par cette perspective, elle s’aventura à son tour dans le couloir. Dénicher la pièce où les complotistes se terraient ne fut pas aisé. Maladroite, elle manqua renverser l’un des chandeliers accroché au mur, et retint de justesse la chute d’une bougie. Les doigts brûlés au contact de la flamme, elle pesta à voix basse. À une ou deux reprises, elle pénétra dans une pièce qu’elle croyait être la bonne, et ne trouva que le vide. Finalement, elle tomba nez à nez avec l’objet de ses recherches. D’un geste brusque, elle le repoussa à l’intérieur. Le noir de sa veste, parsemé de tâches écarlates, en disait long sur les derniers évènements. Exaspérée, elle lui lança une remarque désobligeante. « Vous ne savez pas manger proprement ? » Il lui faudrait trouver une explication solide avant le retour de César ; s’il découvrait qu’elle prêtait ses vêtements au premier venu, il risquait fort de l’envoyer faire un séjour dans la cave. Cependant, ce ne fut pas ce qui retint son attention. Face contre terre, le corps de la blonde reposait dans un coin. La satisfaction ourla les lèvres d’Isahya. « Je ne vous savais pas un esclave si docile. » Le provoquer l'amusait beaucoup. Ses motivations n’avaient probablement rien à voir avec l’obéissance ; la concordance de leurs intérêts tombait à merveille.
Lorsque la Sorcière réalisa que la silhouette sur le plancher ne remuerait plus, elle fronça les sourcils d’un air désapprobateur. Ne s’arrêtait-il donc jamais de mordre ? La quantité de sang qu’il avait ingurgitée ces derniers jours dépassait à son sens les limites du raisonnable. « Vous êtes sacrément gourmand. » Pensive, elle s’accroupit à côté du cadavre. Aucun regret ne dansait dans ses yeux. D’un air dégoûté, elle avisa le morceau de peau sur le plancher. Par réflexe, elle porta la main à sa gorge. « Dites. J’ose espérer que vous avez pensé à un moyen de vous débarrasser du corps. » Malgré le plaisir que lui procurait la vision de sa congénère refroidie, elle était surprise qu’il ne l’ait pas simplement sucée jusqu’à l’évanouissement. Son intuition s’affolait. Loin de montrer la peur qui lui grignotait les entrailles, elle haussa les sourcils, manifestant un agacement de façade. « Ce n’est pas franchement discret, comme meurtre, et les geôles d’Amestris sont beaucoup moins accueillantes que ma cave. » Quelque peu paniquée, elle repéra un tapis aux pieds du canapé. Dans un mouvement brusque, elle tenta de le récupérer. Vainement. Sa force ne crevait pas le plafond. « Qu'est-ce que vous attendez ? Aidez-moi. » Avec le secours de Dorian, elle parvint à dégager le tissu. Dissimuler la morte ne représentait qu’une solution provisoire : elle voulait croire qu’une illumination la frapperait. Sa magie n’était pas suffisamment puissante pour déformer la chair. Les méninges en ébullition, elle se mit à envelopper la blonde dans le sac mortuaire improvisé. Le brun ne paraissait pas décidé à coopérer.
Alors que la jeune femme s’apprêtait à le gratifier d’une remarque désobligeante, elle se figea. La poignée de la porte tournait. Horrifiée à l’idée d’être découverte, son cœur rata un battement. En proie à la panique, Isahya se redressa précipitamment pour se jeter dans les bras de Dorian. Si l’indésirable surprenait une rencontre amoureuse, il tournerait probablement les talons sans même faire attention au funeste paquet. Menaçante, la voix de l'invité leur parvint en premier. Il paraissait de mauvaise humeur. Cela n'augurait rien de bon. « Je te préviens, je suis pressé, alors tu ferais mieux de ne pas me faire perdre mon temps. » Un homme aux cheveux roses entra. Son regard toisa la scène avec indifférence. Une pièce sombre, deux jeunes gens, et... « Oh. » L’insanité d’un sourire courba sa bouche. La scène éveillait son intérêt. À en juger par la crainte qui s’attardait sur le visage des tourtereaux, ils n’avaient pas prévu d’être dérangés. D’un geste du pied, il dévoila la supercherie. Un bras dépassait de l’emballage de fortune. « On dirait que les enfants ont fait une grosse bêtise. » La jeune femme s’écarta de son cavalier pour bredouiller une explication sans queue ni tête. La terreur intensifiait le lavande de ses prunelles. En d’autres circonstances, le Sorcier se serait volontiers amusé avec eux. La situation échappait de toute évidence à leurs compétences. Malheureusement, des affaires urgentes nécessitaient toute son attention. Ses doigts s’emparèrent brutalement du menton de la brune. « Rendons-nous service mutuellement. Vous ne m’avez pas vu ici, n’est-ce pas ? » À son contact, il sentit les tremblements légers qui agitaient sa silhouette menue. Il n'avait pas toujours besoin de recourir à la magie pour terroriser les autres. Quelquefois, sa présence suffisait.
Cependant, l’inconnu jugea nécessaire de leur adresser un avertissement. Il aurait été regrettable que l’idée de le dénoncer effleurât leurs esprits à demi innocents. « Jegal. À table. » Enfant de l’obscurité, une mâchoire béante surgit du sol. La peur s’imprima sur le visage de la Sorcière. Allait-elle mourir ainsi, dévorée par la faute d’un Vampire qui ne savait pas se tenir ? Incapable d’esquisser le moindre mouvement, l’effroi accélérait ses pulsations cardiaques. Avait-elle déplu à Ethelba ? Se détournant à regret de la chair fraîche, l’invocation referma ses crocs sur le tapis et sa passagère clandestine. Le temps d’une respiration, ce fut comme s’ils n’avaient jamais existé. Sous le choc, la brune demeurait immobile. Son acolyte ne paraissait pas plus animé qu’elle. « Allez-vous en. Tout de suite. » L’ordre du Sorcier les tira de leur torpeur. Rattrapée par des années à se conformer à l’étiquette, le premier réflexe d’Isahya fut de s’incliner respectueusement. Il avait été bon envers eux. Pressés d’échapper à son aura lugubre, ils tournèrent les talons. La jeune femme posa sa main sur la poignée. « Attendez. » Au moment où l’homme parla, les dents du monstre effleurèrent les épaules de Dorian. Délicatement, la bête le déposséda de la veste où s’attardaient les dernières preuves du crime. Lazarus sourit. Ils étaient incontestablement des amateurs, et sa garce de mère lui avait toujours dit qu’il fallait venir en aide aux démunis. « Disparaissez, avant que je ne change d'avis. » Quelqu’un paierait à leur place : par chance, Camélia était en retard. Sans se faire prier, les assassins du dimanche prirent leurs jambes à leur cou. Lorsqu’ils furent de retour dans la salle de réception, la brune les mena d’un pas vif vers le jardin, et les égara à travers les buissons. L'oxygène lui manquait.
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