-50%
Le deal à ne pas rater :
-50% Baskets Nike Air Huarache Runner
69.99 € 139.99 €
Voir le deal

Partagez
 

 [Q] Le loup et l'agneau | Deccio

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
AuteurMessage
Invité
Invité

avatar
Mar 25 Aoû 2020, 20:04



Le loup et l'agneau

Thème.

e4oj.jpg
Intrigue : Alors que Calanthe tombe par hasard sur Deccio, elle demande à ce dernier de lui apprendre à penser comme lui, dans l'espoir de pouvoir comprendre les êtres maléfiques. Malheureusement, son apprentissage ne sera pas exactement celui qu'elle escomptait.

Depuis plusieurs jours, la jeune femme s’attardait en un lieu qu’elle aurait aimé ne jamais connaître. Auberge d’une taille conséquente, l’Antre constituait le point de départ de bien des expéditions. Jouer les explorateurs aux alentours se révélait véritablement dangereux, et, pourtant, une trentaine de personnes entretenait un brouhaha continu. À mesure que l’impatience croissait, les conversations s’animaient. « Vous êtes prête à partir ? » Malgré le visage jovial que son guide arborait, Calanthe peinait à se détendre. La lettre qui dormait, au fond de sa besace, la faisait paraître plus lourde. Désobéir aux instructions du rédacteur lui vaudrait certainement des ennuis. Cependant, elle ne pouvait envisager de rester là plus longtemps. Ponctuée de cauchemars, la nuit précédente avait valu aux résidents de ne pouvoir fermer l’œil, et, seule au milieu de gens ayant un penchant pour un tourisme tout à fait particulier, elle se sentait vulnérable. À son arrivée, elle s’était cloîtrée dans sa chambre. Les murs lui contaient des histoires qui n’existaient pas. Fantasque, sa cervelle se nourrissait des ombres et les transformait en malheureux personnages d’une épopée noire. Jusqu’à ce que ses paupières cèdent à l’appel nocturne, elle avait divagué, la lance entre les doigts, ballottée par ses inquiétudes. Déchirante, la peur qui tapissait ses entrailles l’avait incitée à lever le camp. Sans réaliser que l’angoisse altérait son jugement, elle s’apprêtait donc à quitter l’établissement. Il lui suffirait de prétendre ne jamais être arrivée à destination ; s’égarer valait mieux qu’attendre. Le prédateur qui rôdait dans les bois ne pouvait être pire que celui qui la rejoindrait bientôt.

Quelque peu pressée de s’en aller, la Déchue hocha doucement la tête. Son paquetage sur l’épaule, elle manqua défaillir en voyant la porte s’ouvrir avant qu’elle n’ait pu la franchir. Une chevelure claire entra dans son champ de vision ; heureusement, elle appartenait à une femme. Le cœur battant, elle emboîta le pas à son accompagnatrice. Sa frayeur lui occasionna un vertige. Inquiète de son état, cette dernière posa une main sur son avant-bras. « Si vous n’êtes pas en forme, vous ne devriez pas voyager. Reposez-vous un instant. » Son contact lui fit l’effet d’une gifle. Un vent de panique souffla sur elle. Par chance, elle manquait de réflexes, et le coup ne partit pas. Calanthe chassa son avertissement d’un geste désinvolte. Rebrousser chemin n’était pas une option. « Non. Ce n'est rien. Je dois partir aujourd'hui. » Son guide haussa les épaules sans poser la moindre question ; les touristes avaient leurs excentricités, et tant qu’ils rentraient chez eux en un seul morceau, rien ne lui importait. Du coin de l’œil, elle loucha sur la bourse que la blonde portait à la ceinture : son contenu valait quelques risques. C’est ainsi qu’elles se mirent en route, l’une tressaillant à la première branche brisée, l’autre attentive à l’absence de certains sons. Bien que progresser fut difficile, et que sa condition ne lui permît pas de marcher à une allure soutenue, la voyageuse ne fut pas le  fardeau dont elle avait l’air. Lorsque l’auberge ne fut plus en vue, elle se détendit imperceptiblement. Au moins ne pouvait-il plus la trouver. Pour l'instant.

Quand la blonde remarqua l’environnement autour d’elle, la matinée était déjà bien avancée. Monstrueuses, les silhouettes des arbres se dressaient vers le ciel, à la recherche des lueurs éparses que le soleil leur octroyait. Leur vigueur les rendait étrangement menaçantes. Le vert sur leurs feuilles lui paraissait trop vif, et les bourgeons pendus à leurs extrémités promettaient des horreurs. Familière, une sensation oppressante tomba sur sa poitrine. Pourtant, son corps raidi s’aventurait plus profondément dans la forêt, mu par une volonté qui lui était étrangère. Qu’avait-elle fait ? D’une étreinte sournoise, le paravent végétal privait ses prunelles d’une luminosité qui l’aurait rassurée. La gorge nouée, elle jeta un regard en direction de la femme, qui, quelques mètres devant, ouvrait le chemin. N’avait-elle pas déjà vécu cette scène ? Hantée par une vision d’autrefois, elle raffermit sa prise sur sa lance. Allait-elle subir le même sort que l’Ange ? Sa rétine lui imposa le spectacle d’un ventre lacéré. Devant ses prunelles impuissantes, des organes se déversaient de la blessure. Figée par son hallucination, elle vit les intestins du macchabée remonter le long de ses cuisses. Bientôt, ils la couvriraient, et alors, elle ne serait plus qu’un amas de chair putride. Prise d’un haut-le-cœur, sa respiration s’accéléra. La présence de son arme ne parvint pas à apaiser ses craintes. Sans crier gare, elle détala comme un lapin. Malgré la rudesse du terrain, elle s’éloigna à toute vitesse. Les heures passées à courir dans les rues d’Avalon lui permettaient de tenir la distance. Modestement. Plusieurs minutes s’écoulèrent sans qu’elle ne ralentisse. Enfin, elle aperçut une clairière, en contrebas. Emportée par son élan, et rattrapée par sa maladresse, elle dévala la pente lamentablement. Son postérieur atterrit sur ce qui s’apparentait à des affaires personnelles. Les joues rougies par l’effort, elle releva la tête. L'effroi et la honte se disputaient son visage. Le souffle court, Calanthe ne réalisait pas encore qui elle venait de déranger. Ce dont elle avait la certitude, en revanche, était que son arrivée ne passerait pas inaperçue.

856 mots

Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Jeu 27 Aoû 2020, 20:09

[Q] Le loup et l'agneau | Deccio Xq4x
« Un éléphant n'oublie jamais. Un Démon non plus. »



Les rayons du soleil mordant sa peau, les muscles du Démon se contractèrent en un étirement qui s’accompagna d’un bâillement à la hauteur de son flegme. La veille avait été rude, et ce n’était pas dû à une consommation excessive d’alcool ni même à une nuit blanche passée dans un harem. Malgré tout, il en avait éprouvé le même plaisir, si ce n’est davantage. Sortant de son cocon nuptial improvisé à base de mousse et de plantes spécifiques pour adoucir la rugosité du sol, le Saraṇi se rapprocha de la source d’eau à proximité pour y tremper ses mains et les porter à son visage. Il en rassembla une nouvelle fois dans le creux de ses paumes pour l’aspirer entre ses lèvres. Ceci fait, il collecta ses armes suspendues sur une branche afin de les nouer à l’aide d’une liane autour de sa taille. Enfin, il se dirigea à l’orée de la clairière pour rejoindre une vieille cabane isolée à moitié délabrée. Erzen attendait enroulé sur lui-même au seuil de la porte. Son compagnon s’avérait être un gardien d’exception. « C’est bien, Cookie. Je te récompenserais comme il se doit lorsque nous retournerons dans l’Abime. » Ordinairement, les animaux communs de son espèce ne supportaient pas de baigner dans la déchéance des Enfers. Toutefois, outre le fait qu’il avait fait montre de dons renversants, Deccio connaissait un individu en mesure de lui accorder une exemption. Un partisan de la filouterie, lui aussi.

À l’approche de son maitre, le renard se décala légèrement pour le laisser passer. À l’intérieur, hormis une odeur de putréfaction se trouvait une jeune fille, probablement une adolescente. Allongée contre le mur, ses poignets et ses chevilles étaient enchaînés. Ses yeux bandés ainsi que sa bouche étreinte. Son cou était également nanti d’un collier lui-même raccordé à un pilier qui lui gâchait toute manœuvre frauduleuse. Les mimines profondément enracinées dans ses poches avant, le blondinet porta un doux regard à sa victime, le visage légèrement penché sur le côté. Un rictus se forma. La jeune fille qui se réveillait tout juste hoqueta de surprise. Même sans le voir, elle entendait ses pas pesants se déplacer sur le plancher grinçant ; une manipulation psychologique évidente qui servait à instaurer une angoisse graduée. Sur un chariot disposé soigneusement à l’entrée, Deccio saisit le scalpel qu’il fit volontairement riper, comme s’il cherchait à la déstabiliser en ancrant chacune de ses interventions dans son esprit. Pour en rajouter une couche, il fit des bruits de mastication avec sa bouche, et ceci fonctionna à merveille ; la mineure contractant une sorte de réflexe de recul alors qu’elle replia ses jambes et ses bras sur elle-même. D’un claquement de doigts, il retira son bâillon. Il était important qu’elle s’exprime. « Qu’es… qu’est-ce que vous me voulez encore ? » Elle avait hésité à lui poser la question, réticente à l’idée de ce que cela pouvait déclencher chez lui. Toutefois, il ne répondit pas. Le silence qu’il imposait se voulait oppressant de sorte qu’elle se focalise sur tout le reste. Il pouvait presque entendre son cœur battre.

De son côté, elle discernait parfaitement les mains de l’homme se frotter l’une contre l’autre, ou encore ce torchon qu’il imbibait d’eau ou d’un liquide quelconque. Le murmure de ses phalanges en train de craquer la fit paniquer plus que de raison. Elle se tortilla dans tous les sens, essayant de défaire ses liens. En vain. Ce qu’elle trouva à la place, c’est la main du Démon posé sur sa joue, son pouce traçant les lignes de sa mâchoire, déviant de sa trajectoire pour rejoindre ses lèvres pulpeuses. Avec son index, il les écarta pour dessiner une demi-lune. « Tu es plus jolie avec un sourire. Regarde-moi tout ce sang. Ce n’est pas digne d’une princesse. » Avec le tissu gorgé d’eau, il tamponna le pourtour de sa bouche afin d’ôter cette teinte maculée. Bien qu’elle se laissât faire, ses tremblements étaient sans équivoque. Elle ressentait de la peur mêlée d’un profond dégout. « Cesse de paniquer. Ce soir, tu me seras enfin reconnaissante. Lorsque j’au… » Mais une brève vision amputa son enthousiasme. En combattant auprès de ce maitre, Deccio avait récemment acquis le pouvoir de voir l’avenir. En revanche, il se manifestait de lui-même à certaines occasions, sur de très courtes périodes. Ce qu’il vit à l’instant restait relativement vague, mais quelqu’un allait perceptiblement surgir de la clairière. Il devait absolument empêcher quiconque de venir fourrer son nez dans ses affaires, sans quoi il n’aurait d’autre alternative que de se salir les mains à nouveau.

Cela étant, au moins la petite aurait de la compagnie. Appelant son poignard à venir se ranger dans son fourreau et le bâillon à sceller la voix de la plaignante, le Malin s’éloigna de la cabane – non sans avoir donné une papouille à Erzen – pour atteindre l’entrée et se prélasser entre deux arbres. Comme convenu, l’intervention d’une silhouette brisa cette sérénité. À défaut d’être venue seule, elle se tenait aux bras de madame turbulence. Cette chevelure livide, et surtout cette maladresse légendaire que lui enviaient tous les unijambistes de la région. C’était donc elle ; Calanthe l’affolante. Était-ce la fortune ou bien tout l’inverse ? Deccio se redressa, puis en écourtant la distance, il appliqua sa main sur sa crinière pour la soulager d’un serpent. Sans délai, il enfonça ses dents blanches au niveau de sa tête, causant sa mort immédiate. Après quoi, il fit une rapide incision pour lui ôter sa peau et ainsi ne laisser que la viande à disposition. « Tiens, tiens. C’est une bonne surprise. Je crois que je te dois quelque chose. Oui, oui, c’est ça. J’ai oublié le pourboire au restaurant. » Coinçant le reptile entre ses dents, Deccio recula son poing afin de fournir l’élan nécessaire à son impulsion. L’expression qu’il revêtit ne laissait planer aucun doute. S’il arrivait à l’atteindre, il écraserait son doux visage.


1008 mots
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Ven 28 Aoû 2020, 15:16



Le loup et l'agneau

Thème.

e4oj.jpg

En physique des chutes, la jeune femme aurait aisément pu posséder un diplôme. Si les conséquences corporelles de sa dégringolade lui étaient d’avance connues, elle ne s’attendait en revanche pas à l’intervention d’un homme dont elle avait déjà croisé le chemin. Avant de lui porter attention, il se débarrassa d’un indésirable avec une célérité brute qui témoignait de son humeur du jour. Le fessier endolori, il lui fallut quelques instants pour reconnaître quelle main broyait les os du reptile. Retrouver une figure familière au milieu des bois éloigna pour un temps les germes de l’horreur. Loin d’accueillir la blonde à bras ouverts ou de lui tendre la main par courtoisie, il lui présenta son poing. Contre toute attente, elle n’engagea pas la moindre tentative pour l’esquiver. Elle avait mérité sa colère. Au lieu de chercher à l’éviter, elle fit monter autour d’elle un halo verdoyant. Lorsque les doigts du Vil percutèrent sa joue, une sorte de glapissement lui échappa. Ce n’était pas agréable. Sa pommette résista tant bien que mal à l’impact. Une vive douleur sillonna le long de sa mâchoire. Son jumeau s’abattit ensuite sur l’autre joue. Décontenancée par la succession des chocs, elle grimaça. Il n’y allait pas de main morte. Jamais on ne l’avait frappée ainsi. Alors que le troisième coup s’apprêtait à tomber, elle le retint en lui attrapant le poignet. « Vous vous sentez mieux ? » Elle espérait sincèrement que ce serait le cas. Après un contact aussi soudain, le simple fait de parler était difficile ; elle n’osait imaginer dans quel état elle finirait s’il continuait sur sa lancée. L'image du cadavre de la maison vacilla sur sa rétine.

Par chance, les éclats de magie qu’elle avait maladroitement invoqués portèrent leurs fruits. Soulagée de voir que le blond s’apaisait pour un instant, elle se redressa tant bien que mal. Quelques points blancs envahirent son champ de vision. Déjà, elle pressentait un mal de crâne. « Je ne m’attendais pas à tomber sur vous. J’espère que vous ne teniez pas trop à ça. » Gênée d’avoir endommagé ses affaires, elle se pencha pour les ranger correctement. À sa grande surprise, elle dénicha parmi ces dernières un jupon en mousseline. Pensive, elle le replia soigneusement. « Vous êtes venu jouer les touristes avec votre femme ? À moins que vous n’ayez un penchant pour le travestissement ? » En toute honnêteté, elle avait une large préférence pour la seconde option. Même si leur relation n’avait pas exactement pris une direction favorable, elle n’aimait pas l’idée qu’il ait une épouse. Il suffisait d’une étincelle pour que sa jalousie s’embrase. Avant qu’il ne lui réponde, une pensée lui traversa l’esprit. D’un mouvement hâtif, elle dénicha au fond de sa besace une bourse de cuir. Un sourire aux lèvres, elle la lui tendit. « C’est l’argent que je vous devais pour m’avoir aidé à retrouver la bague, la dernière fois. » Ne pas l’avoir dépensé la rendait véritablement fière ; elle avait dû se faire violence pour ne pas échanger le pécule contre la première babiole venue. Que rappeler ce souvenir à son interlocuteur puisse raviver sa colère ne lui vint pas en tête ; elle n’avait jamais été très maline. Son attitude lui attirait bien des ennuis.

Loin de se formaliser de la correction qu’elle venait de recevoir, Calanthe avait le cœur à faire la conversation. Elle eut une brève pensée pour l’employée de l’Antre, qui, sans doute, devait la chercher. À présent qu’elle se trouvait en compagnie du détective, elle ne craignait plus les ombres de la forêt ; elle avait déjà affronté la furie d’un marais en sa compagnie. « À vrai dire, je cherchais à m’en aller d’ici. J’ai pris un guide à l’auberge, mais je l’ai égarée. J’espère qu’elle n’aura pas de problèmes. Il paraît qu’on peut faire de mauvaises rencontres, dans les parages. » La tête penchée sur le côté, elle réfléchissait. Avant son départ, elle avait dû mentir à Joliel sur sa destination, et elle songeait que s’il avait su, il ne l’aurait jamais laissée partir. Dissimulé par des nuages, le soleil céda la place à la pluie. Les gouttes s’écrasèrent sur les cheveux de la jeune femme. Sans la chaleur de l’astre, la brise matinale faisait souffler sur elle un vent de fraîcheur. « Il fait un peu froid. Vous ne savez pas où on pourrait s’abriter ? » Pour se réchauffer, elle frotta ses mains sur ses bras. Elle aurait voulu se réfugier dans les bras du Démon pour profiter de sa chaleur ; elle n’osa pas pousser l’audace jusque-là. Malgré le calme qui s’était installé, il suffisait d’un rien pour déchaîner la bête. Songeuse, elle pensa qu'il n'était pas le seul à abriter un monstre et qu'elle ne contrôlait pas plus ses pulsions que ses actes imprévisibles. D’un geste hésitant, elle releva les yeux vers Deccio. « Dites… Vous voudriez bien m’apprendre à penser comme vous ? » Dans sa naïveté, la Déchue ne savait pas au juste ce qui pouvait résulter d'une pareille demande. Puisque la sournoiserie n’était pas son fort, peut-être pourrait-elle tirer profit de la fréquentation du détective. Sans se douter qu'elle risquait d'y laisser des plumes, elle souhaitait assouvir sa curiosité. Connaître le nom et les effets des péchés ne suffisait pas à lui fournir une vision d'ensemble. Nerveusement, elle se mordit la lèvre inférieure. Un jour ou l'autre, il fallait se confronter au monde. Elle voulait comprendre ce qu'était le mal.

867 mots

Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Sam 29 Aoû 2020, 21:50

[Q] Le loup et l'agneau | Deccio Xq4x
« Un éléphant n'oublie jamais. Un Démon non plus. »



À mesure qu’il délivrait ses coups, Deccio perdait en contentement. Cette vengeance ne le sustentait pas autant qu’il le pensait, c’est pourquoi il figea son excès de violence après quelques secondes. Calanthe ne s’était pas défendu — hormis l’incantation d’une piètre protection. Pire que tout, elle s’était laissé faire, lui soutirant sans le savoir toute euphorie. Les bosses de ses mains étant légèrement ensanglantées, il frictionna la partie supérieure avec un morceau de sa tunique pour l’effacer. Ses prunelles parcoururent le visage de la Déchu avec une pointe d’insistance. Il y avait d’autres façons d’amener une personne à déplorer ses choix. Il en avait fait l’expérimentation récemment. Ôtant le serpent de ses dents, il fixa sa queue à un crochet présent sur le flanc gauche de sa taille.  « Je pourrais vous frapper toute la nuit durant que ça ne me comblerait pas. Il en faut plus pour libérer la dopamine de mon cerveau. » Et une info scientifique partagée gratuitement. Une. Cela étant, s’il mentionnait cette molécule, ce n’était pas uniquement pour parader devant la belle. Récemment épris pour la science, le Démon étudiait évasivement le caractère de ces particules. Sur ce qu’elles étaient capables d’engendrer, ou au contraire de refouler. En principe dénué de sens pour les non-érudits, il était pour le moins fondamental de connaitre ce genre de choses pour les tortionnaires, les sadiques et les bourreaux. En la regardant ainsi, il essayait comme de percer ses peurs les plus enfouies.

Il remua alors les lèvres, s’apprêtant à prendre la parole, puis se contint. Finalement, il se lança. « Qu’est-ce qui vous tient en vie, Calanthe ? Je veux dire… Qu’est-ce qui vous retient du suicide  ? » Il se fichait éperdument de l’état de ses affaires qui ne représentaient rien de plus que ce qu’ils étaient réellement ; des biens matériels. En revanche, pour ce qui est du fond de robe sur lequel elle était tombée, c’était une tout autre histoire. Comment pouvait-elle songer un seul instant qu’il puisse avoir une femme à ses côtés ? L'homme s’exprima par le rire. « Vous êtes littéralement dans une forêt avec un Démon qui possède une pièce de lingerie, et tout ce qui vous vient à l’esprit c’est une randonnée romantique dans les bois ? Vous êtes une marrante. » D’autres l’auraient directement incriminé d’avoir enterré le corps dans les environs. La probabilité d’un tel acte de cruauté était en tout cas bien plus crédible. Cependant, à défaut de pouvoir lui dicter clairement ses intentions, peut-être était-il préférable de lui étaler la réalité de visu. Mais avant ça, il prit volontiers la somme qu’elle lui présenta pour payer ses honoraires. S’en suivit les aléas de la météo agitée qui les força d’abord à se réfugier, et quand bien même ils pussent s’abriter au cœur de la forêt, Deccio ne préconisait pas cette initiative. Arquant l'échine, il agrippa son sac pour la bandoulière pour la lever sur ses épaules.  « Ça tombe bien. J’ai quelque chose à vous montrer. » Si c’était elle, il ne craignait pas de lui faire découvrir une énième facette de sa personnalité. Son alter ego, le plus authentique. De toute façon, si cette dernière ne se tenait pas à carreau, il ajouterait un trophée à son tableau.

Qui plus est, son interrogation le fit sourire. Cette demande n’était pas commune. Les gens normaux avaient tendance à fuir la malveillance plutôt qu’à tourner autour tel le papillon alléché par les flammes. Le Saraṇi posa son index sur sa lèvre inférieure en levant les yeux vers le ciel. « Qui vous dit que je pense ? N’est-ce pas le principe de l’instinct que d’agir de son propre chef ? » Cette réponse affichait un ton ironique, mais pas que. Deccio n’avait jamais songé aux bienfaits ou non de ses combines. Si c’était bien ou mal. Et pourquoi l’un prenait-il l’avantage sur l’autre ? Cette conception archaïque n’avait plus sa place depuis l’avènement des conflits. Il vivait dans un univers où la règle était de tuer ou d’être tué. Son éducation avait été fondée autour d’une culture propre à son espèce. Ceux qui s’en détournaient mourraient irrémédiablement. Il n’avait aucune formule toute prête, mais une analogie lui vint à l’esprit. « À votre avis, pourquoi la plupart des mammifères arrivent-ils à nager sans jamais avoir essayé auparavant ? » La réponse serait surement identique à celle qui consistait à savoir pourquoi un Démon déversait les péchés sur le monde. Ou ce qui fait qu’un Génie est doué dans la duperie. Un Sorcier dans la délation. Ou un Ange dans l’ennui.

Tous avaient des caractéristiques propres, car tous étaient nés d’un contexte différent, avec une culture et des lois qui se contredisaient de la même manière. Le blondinet allait toutefois pouvoir lui apporter plus qu’une théorie en la confrontant à ce qu’elle redoutait tant. Tendant sa main pour l’inviter à le suivre, Deccio la mena jusqu’à son antre de tous les délits. Le renard qui gardait la porte à merveille lui fit entrevoir son aura de loup, celle qui le rendait si fort qu’il détrônait son maitre sans aucun souci. Un « C’est bon. » De sa part lui suffit à épancher ses ardeurs. En exerçant une douce pression sur la porte, la panique s’instaura chez la demoiselle qui regrettait probablement l'abrègement de son absence. « Je te présente Myra, l’amie avec qui je me détends. Tu peux aller lui retirer son bâillon. Je suis sûr que vous avez beaucoup de choses à vous dire. » Tout en observant la réaction et l’attitude de Calanthe, le Démon déposa le reptile dépiauté sur la table. Elle tenait à entrer dans son milieu ? Ainsi soit-il.


999 mots (C'est pas beau ça ?)
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Sam 05 Sep 2020, 17:08



Le loup et l'agneau

Thème.

e4oj.jpg

En dépit de la dangerosité de la situation, la jeune femme n’hésita pas un instant à suivre son interlocuteur à travers la clairière, et à s'enfoncer en terrain hostile en sa compagnie. L’inquiétude que n’importe quelle créature sensée aurait ressentie à sa place s’effaçait face aux boucles blondes du Démon. Que le territoire de chasse des Vampires se couvre d’un voile gris ne la préoccupa pas outre mesure. En revanche, la question soulevée à propos de l’instinct agita ses neurones. En tant que Déchue, elle possédait l’intime conviction que chacun œuvrait de lui-même, et ne devait se fier qu’à la force intérieure qui l’animait. Une telle perception rendait les erreurs et les échecs plus douloureux ; les réussites et les joies, elles aussi, luisaient d’un éclat plus vif. « Je ne sais pas. Il y a des gens qui agissent selon des ordres ou des principes, mais quoi qu’on en dise, ce sont toujours eux qui choisissent. Je crois que suivre sa volonté est la seule façon d’agir. Sinon, exister n’a pas de sens. » Sans réaliser la légitimité que conférait une croyance pareille à des actions malveillantes, elle se mordit la lèvre inférieure. Qui décidait de ce qu’un être pouvait ou non faire ? Rois et reines maintenaient l’harmonie par de grandes idées, mais qui pouvait affirmer sans l’ombre d’un doute qu’ils n’agissaient pas seulement pour eux-mêmes ? Cette pensée lui donna un vertige. En proie à une réflexion trop profonde pour la fraîcheur de ses neurones, elle ne répondit pas à sa comparaison. Sans doute la fureur de vivre modelait-elle les gens, quel qu’en soit le prix.

Cheminer entre les sapins finit par les mener devant une cabane délabrée. Comme une évidence, elle appartenait vraisemblablement au détective, dont les affaires ne paraissaient pas exactement florissantes. Un animal au caractère bien trempé gardait fidèlement la demeure. Habituée à la coquetterie de l’atelier, la blonde s’abstint de tout commentaire, et réprima même la moue dégoûtée qui s’apprêtait à plisser son nez. Ce fut un autre spectacle qui attira son attention. Là où des cafards auraient pu se reproduire joyeusement, une jeune femme se tenait pitoyablement. Les mains liées autour d’un pilier de métal, ses prunelles s’agrandirent de terreur face à leur arrivée. Déchirée à de nombreux endroits, la tunique qui masquait ses cuisses ne devait pas lui tenir bien chaud. Devant son air apeuré, la Déchue tiqua. Ne pas juger les coutumes de son hôte lui demandait un effort certain. Pour se donner une contenance, elle récupéra une bouteille qui traînait sur une étagère à demi-affaissée. Son geste délogea une araignée. Indignée, la bestiole s’enfuit à toutes pattes vers le plafond. « Qu’est-ce que vous gardez là-dedans ? Un peu de thé à partager avec vos invités ? » Sa candeur prit les devants sur la méfiance. Quelque peu décontenancée par la présence de l’inconnue, elle but une longue gorgée. Elle voulait croire qu’il s’agissait de courage liquide. Gagner du temps, cependant, risquait fort d’agacer le blond. Les doigts tremblants, elle s'approcha pour dégager le tissu enfoui dans la bouche de la victime. « Vous voulez aussi vous amuser, c’est ça ? » Loin de se contenter d’un ton vindicatif, l’autre lui cracha au visage.

Une grimace déforma les traits de Calanthe. Le ricanement que la réaction de la prisonnière provoqua chez son geôlier la contraria. Un morceau de sa robe lui servit de chiffon. Pourquoi diable s’en prendre à une inconnue ? Elle ne comprenait pas. « Vous n’êtes pas très polie. Je voulais seulement discuter. » Sur la défensive, la dénommée Myra persista dans son inimitié. « Je n’ai rien à te dire. » C’était à n’y rien comprendre. La jeune femme sentait le regard de Deccio sur elle. L’idée que toute son attention lui revienne la réjouissait. Le désir de ne pas le décevoir s’invita en elle. Qu’aurait fait un être maléfique, à sa place ? « Vous ne les choisissez pas dociles. » Malgré sa volonté de le satisfaire, elle espérait qu’une illumination lui viendrait. En l’occurrence, ses méninges paraissaient avoir pris la poudre d’escampette. La situation ne tournait pas à son avantage. Ne sachant que penser, elle s’agenouilla et redressa le menton de la victime. « Comment en êtes-vous arrivée là ? » Loin de se délecter de son état actuel, elle cherchait simplement à découvrir le procédé qui l’avait menée là. À en juger par ses fréquentations, la possibilité qu’elle subisse un sort similaire frôlait la certitude. « Ne reste pas là à poser des questions. Tu vas finir comme moi. Il... » Mentionner son bourreau sapa brusquement ses ressources. Apeurée, elle se rassembla sur elle-même, se dérobant à la conversation. Quel traitement pouvait provoquer une telle réaction ?

La créature qui se recroquevillait vola la vedette à la tentative maladroite de la Déchue d’instaurer un dialogue. Manifestement conquis d’inspirer l’effroi à son jouet, un sourire plissa les lèvres du Démon. Cela ne lui plaisait pas. Peut-être avait-elle interrompu une séance de jeu entre eux. La jalousie lui serra le cœur. Amère, elle haussa les sourcils. « J’ai déjà vu des gens comme vous. Vous feriez sensation dans la cave d’une maison close. » L’injustice de sa remarqua ne lui sauta pas aux yeux. Lorsque le monstre prenait le dessus, toute moralité s’écroulait. Sa gentillesse devenait chimère, et des cendres de ses principes, il bâtissait en son coeur un royaume obscur. Qu’elle ne soit pas la source de satisfaction du blond la mettait en colère. Doucement, elle posa la main sur les menottes de l’infortunée. Des larmes aux yeux, celle-ci implorait sa clémence. Ne comprenait-elle pas qu’il était trop tard ? « Détache-moi. S’il te plaît. » La libérer ne lui paraissait pas plus cruel que de la laisser aux bons soins du détective. En cas de mouvement brutal, le sang surgirait de ses plaies à peine refermées. Ce serait douloureux, et l’environnement rendrait ses blessures effroyablement voyantes. Familière, la convoitise lui souffla des idées noires. La perspective que Deccio ne puisse plus poser les yeux que sur elle fit vaciller les restes de sa bonté.

D’un geste lent, la Déchue fit tourner le mécanisme de fer. Délivrées de leur carcan, les jambes tressautèrent. Elles ne seraient jamais assez rapides. À leur tour, les mains regagnèrent leur liberté. Par un réflexe curieux, elles se promenèrent sur le corps, comme pour s’assurer qu’aucune partie ne manquait à l’appel. D’une voix innocente, la blonde lui demanda confirmation. « Vous êtes sûre ? Vous risquez de le regretter. » La jeter en pâture aux Vampires. Voir les crocs s’enfoncer dans sa chair. Encore et encore. Jusqu’à ce qu’il ne reste plus d’elle qu’une forme sanguinolente. Son cadavre n’aurait rien d’enviable. Ses extrémités salvatrices finirent par faire céder sa dernière enclave. Le collier se détacha dans un bruit sec. Finalement, l’Envieuse dénoua le bandeau. Le tissu glissa entre ses mèches emmêlées. D’un souffle, elle lui donna l’autorisation. « Cours. » Sans prendre le temps de réaliser la situation, la victime s’envola à la hâte. Rendue fébrile par son séjour dans la cabane, elle trébucha sur le seuil de la porte. À la manière d’un animal blessé, elle émit un son plaintif avant de laisser l’adrénaline l’envahir. Nonchalante, elle croisa les bras. « Laissons-lui deux minutes d’avance. Dans son état, elle ne pourra pas nous semer. » Elle voulait rester seule avec lui encore un peu. C'était dangereux ; elle le voulait, pourtant. D'où venait donc cette pulsion ? La boisson, le Démon, elle-même ? Elle n'aurait su le dire. Tout ce qu'elle savait, c'était que personne d'autre ne devait emplir l'horizon du détective. Rien ne comptait plus.

1 227 mots

Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Mer 09 Sep 2020, 22:19

[Q] Le loup et l'agneau | Deccio Xq4x
« Un éléphant n'oublie jamais. Un Démon non plus. »



Normalement, inciter une femme à venir dans sa chambre n'engendrait aucun désordre, en tout cas à partir du moment où la personne en question ne percevait pas son apparence démoniaque. En convier une alors qu’il victimisait une homologue en revanche suscitait toutes sortes de réactions, mais très peu étaient prédisposé à l’encouragement. Durant ses essais, bon nombre de femelles furent prises de convulsions ou de sudation outrancières, souvent menés par l’anxiété qui s’empressait de piétiner leur petit cœur épris de compassion. Deccio n’était pas le genre d’hommes qui chérissait la facilité, ou du moins celle qui se servait de la barbarie pour arriver ses fins. Dans sa ligne de conduite anarchique, c’est l’aspect comportemental qui tendait le plus à l’émouvoir. Là où la mutilation d’un bras, la perforation d’un œil ou bien encore le concassage des os produisaient des douleurs indiscernables et des effets similaires, la torture psychologique était toujours dissemblable en fonction des êtres vivants qui la supportaient. Cela s’expliquait en grande partie par le passé des individus, de leur naissance jusqu’à la fin de leurs vies. Si surmonter cent pour cent de ses limitations physiques était bel et bien réalisable, mesurer la même variation avec ses aptitudes cérébrales était chose impossible en raison des nombreux voiles de mystère qui persistaient. Les Dieux qui avaient atteint l’omniscience et l’omniprésence en étaient-ils eux-mêmes capables ? Le Démon émettait des doutes quant à cette conjecture. Certainement que la réponse ne lui serait donnée que lors de sa propre transition vers les échelons supérieurs.

Présentement, c’est surtout l’attitude sereine et impassible de sa convive qui disculpait son indiscrétion. Soit elle feintait le trouble à la perfection, soit elle se fichait éperdument du sort de la demoiselle. D’un point de vue plus rationnel, elle ne représentait rien à ses yeux. Une inconnue demeurait une vie parmi tant d’autres, et sans attaches familiales pour cimenter ce sentiment d’empathie, le plus fréquemment les cobayes préféraient se protéger eux plutôt que quelqu’un envers qui ils n’éprouvaient aucune affinité. Deccio s’exemptait des mots tant qu’ils n’étaient pas incontournables, approuvant ou non les remarques de Calanthe par le biais de signes, de mimiques ou de grimaces déformant ses traits. Ce que contentait la bouteille n’avait ici aucune importance, car quand bien même il en résulterait un quelconque produit, rien ne garantissait qu’elle soit susceptible de survivre jusque-là. Le fanatique des renards écoutait les deux femmes entretenir ce qui ressemblait de loin à une conversation. Évidemment, la duperie étant son domaine de prédilection, il se méfiait éperdument des apparences, conscient qu’elles pouvaient discourir au profit d’un dialecte crypté dont le teneur lui ferait défaut. Certes, le Vil avait déjà anticipé l’éventualité d’une telle procédure. Par conséquent, il disposait des recours pour sévir en cas de contrariété. Car rappelons-le, le roseau plie, mais ne cède qu’en cas de pépin. Or, les pépins ne figuraient que dans les fruits, secs et à l’abri de préférence. Petit interlude pour signifier au narrateur que ce qu’il raconte ne fait aucun sens. Revenons donc à nos renards. Ce que n’avait pas prévu le tortionnaire en revanche, c'était de voir la Déchue détacher sa cible devant lui, comme si de rien n’était.

Pour autant, alors qu’il aurait pu empêcher son évasion quand elle trébucha, il n’en fit rien. Deccio regarda son gibier quitter la cabane à grandes enjambées tandis que la blonde proposa de substituer la torture en partie de chasse. Interceptant ses initiatives en agitant son bras devant elle, un sourire tordit les joues du guetteur. « Erzen ! » Fut l’unique vibration qui jaillit de sa bouche. À l’apostrophe de ce nom qui s’apparentait à un interrupteur qu’on actionnait, le mammifère frémit subitement. Les poils hérissés, il projeta comme des sortes d’épines sur le corps de la fugitive. Ses mollets, ses chevilles, ses hanches ; bref, toute la partie inférieure de son enveloppe fut entièrement criblée de ces petites pointes qui suspendirent immédiatement sa course, les autres éperons s’enfonçant essentiellement dans la terre. Les mains logées dans ses poches, le blondinet passa à côté de Calanthe sans lui prêter un seul regard, son coude heurtant son épaule. Un itinéraire volontaire, car il avait compris en surveillant ses faits et gestes qu’elle se laissait complètement envahir par la jalousie. De ce fait, qu’est-ce qui était pire que tout pour une convoiteuse que celui de ne rien posséder ?

En investissant une dose supplémentaire de ce poison en elle, il était curieux de voir comment le syndrome se développerait. En la percutant, il avait délibérément égaré son scalpel à ses orteils. Dorénavant à hauteur de la victime à demi écroulée, le manipulateur proposa son aide à la jeune femme qui accepta étonnamment de lui saisir la main. « Je ne sais pas à quoi vous jouez, mais… d’accord. » « Parce que vous appréciez ma compagnie. Peut-être à contrecœur, mais vous l’appréciez. » Lui rétorqua-t-il en ricanant. L’homme palpa les lèvres de cette dernière avec son index. Doucement. Lentement. S'en suivant, il approcha les siennes jusqu’à ce qu’elles se frôlent. Il se rétracta néanmoins. « Vous avez de très jolies lèvres. » Mais ils n’étaient pas seuls. Ils ne pouvaient pas faire ça ici. Pas maintenant. En évoquant cette pensée, il se redressa puis tourna son visage pour s’adresser à Calanthe. « Puisque tu es ici, tu veux bien la surveiller à la place ? Retire-lui ces aiguilles et soigne-là. C’est le moins que tu puisses faire. Je dois m’absenter. » Aussitôt dit, aussitôt fait. L’homme se jeta dans la gorge de la forêt en compagnie du renard. Bien sûr, il n’avait rien de particulier à faire, sinon employer cette stratégie.  



959 mots
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Mar 15 Sep 2020, 22:09



Le loup et l'agneau

Thème.

e4oj.jpg

La réaction du détective se fit attendre une éternité. Avide de ressentir sa pleine attention, la Déchue déchanta sitôt qu’elle le vit tendre la main pour aider l’autre. Il ne lui accorda pas même un regard. Décontenancée par son absence de considération, et par la douceur qu’il manifestait à l’égard de sa victime, elle envisagea de s'excuser. N'en avait-elle pas fait un peu trop ? Comprendre ce qui se tramait dans la tête d’un Démon était un exercice difficile, et en l’occurrence, elle ne saisissait pas ses motivations. Pourquoi se montrer cruel un jour et tendre le lendemain ? Perplexe, elle l’observa en silence. Sa demande manqua la faire fondre en larmes. Comment pouvait-il se montrer aussi injuste ? Anéantie par la tournure des événements, elle le vit tourner les talons sans cérémonie. Un sanglot la priva d’air. Dévastée, elle se mordit la lèvre inférieure. Pourquoi ne l’avait-il pas regardée ? Il ne restait que la détestable silhouette de l’autre. Étrangère à elle-même, elle invita cette dernière à s’asseoir. La perspective de lui venir en aide la terrassait ; elle avait beau penser qu’elle méritait son châtiment, il n’en devenait pas moins douloureux. Comment l’Envie parvenait-elle à faire d’elle un pantin immoral ? Pourquoi ne savait-elle pas résister ? Avec précaution, elle retira les premières aiguilles de la chair meurtrie et les déposa à ses pieds. Des gouttes rouges perlaient à la surface de la peau. D’un geste tranquille, elle les essuya avec un morceau déchiré de sa robe jusqu'à ce que le saignement cesse. La soigner lui crevait le cœur. Plus bruyante que les autres, une interrogation la heurta. Pourquoi leurs places n'étaient-elles pas inversées ?

Il suffit d'une pensée pour ravager un esprit. En un instant, emportées par une marée noire, les résistances se brisent. Il n'est plus question de tempérance ou de contrôle. Aux coeurs fragiles, rien n'est pardonné. Un chagrin prend l'apparence d'une tragédie ; une contrariété se mue en rage. Soutenue par une déception abyssale, elle balaie toute morale d'un revers brutal. Réduite à ses instincts, la femme devient bête, et la bête anéantit. La sérénité, triomphe de l'humanité, est en vue : il faut s'envelopper de sa caresse pour que l'animal disparaisse. Hors de portée, la raison ne dicte plus les gestes. La blonde s'agenouille devant la malheureuse. Une lueur triste accroche son regard. « Je suis sincèrement désolée de ce qui vous arrive. » D’un mouvement brusque, elle envoie valser le scalpel à ses pieds. Se croyant sauvée, l’autre lève les yeux vers celle qui lui a servi de médecin. « Ce n’est pas... » L’index de Calanthe se pose sur les lèvres de la jeune femme.  Entendre sa voix lui est insupportable. Qu’elle se taise. Qu’elle disparaisse. « Chut. Vous n’avez plus rien à dire. Vous avez laissé passer votre chance. » Imprévisible, le poing de la blonde s’abat sur des pommettes déjà rougies. La surprise empêche la victime de bouger. Avant que le pantin ne se défende, un deuxième coup tombe. Les suivants se déploient en un enchaînement furieux. Que ne donnerait-elle pas pour l’effacer d’un regard, ce regard que Sebastian ne lui a même pas accordé ?

En silence, la Déchue se relève et récupère la lame du détective. Pensive, elle s’accroupit devant une silhouette brisée. En douceur, elle rassemble la chevelure de la brune sur le sol en une natte grossière. « Je ne veux pas qu’il vous regarde. » La colère refroidit les inflexions douces de sa voix. Vivement, elle tranche la toison. Les cheveux s’éparpillent comme des fils de soie. Lorsqu’elle les relâche, des touffes hirsutes s’attardent sur le crâne. La vision ne suffit pas à apaiser sa tourmente. De sa besace, elle sort son nécessaire à couture. Ses phalanges passent une ligne blanche dans le châssis. L’argent de l’aiguille lui renvoie des prunelles fiévreuses. Avec la précision qu’offre des heures passées à s’exercer, la Déchue se met à l’ouvrage. La pointe s’accroche aux lippes écorchées, et, d'un sursaut carmin, perce la porte. « Je ne veux pas qu’il vous trouve belle. » Patiemment, elle coud la bouche de la jeune femme. Il faut nouer ces bourgeons que le blond aimerait voir fleurir. Ces lèvres, qu'en un outrage cruel, il a voulu siennes. Lorsque son travail est achevé, elle recule et s’appuie contre le mur. Attendant le retour du Démon, elle se prend la tête entre les mains. L'horreur refuse de lui sauter au visage. Quand le battant de bois bascule, elle pousse un soupir. L’inconsciente gît au milieu du cabanon. Comment aurait-il pu en être autrement ? « Vous n’aviez pas dit que je ne devais pas la toucher. » L’idée de s’enfuir, bien sûr, lui est venue ; assumer la responsabilité de ses erreurs est la seule manière de les affronter. Une mèche de cheveux chute devant ses yeux. « Je n’aime pas qu’on m’ignore. » Ses sentiments enchevêtrés, elle ne sait que penser. Peut-être n'est-ce qu'un mauvais rêve ? Ignorant si le jour la verra survivre, Calanthe joue pensivement avec son aiguille.

827 mots

Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Dim 20 Sep 2020, 00:40

[Q] Le loup et l'agneau | Deccio Xq4x
« Un éléphant n'oublie jamais. Un Démon non plus. »



Cloîtré derrière un arbre, le scélérat se plaisait à toiser la tendance relationnelle entre les deux jeunes femmes. Après avoir semé les graines de la discorde, il était curieux de voir comment le chapitre se conclurait, avec l’espoir non dissimulé que celui-ci lui donne l'appétence de découvrir la suite de l'histoire. Il voulait trembler d’excitation, lorsqu’à la dernière page, le cliffhanger soit tel qu’il puisse lui faire exhaler la même chose qu’avec le sexe ou la compétition. Les bras croisés contre son torse dénudé, un croissant de lune merveilleusement dessiné suppléait ses lèvres depuis une bonne dizaine de minutes. L'incertitude qui ennoyait Calanthe, l'effroi qui enlaçait son autre victime ; il épongeait toutes les émotions négatives pour les inverser et recouvrer sa bonne humeur. Être le témoin et le responsable de ce qui était en train de se produire était comparable aux émotions consenties du premier amour et des premières fois, du bien être qui s’engageait dans tous les pores de la peau, des frissons qui se traduisaient des premiers échanges et de l’attente insoutenable qui se manifestait lors de la séparation qui précédait le prochain tête-à-tête. Le corps raidi du Démon enchéri à son visage déformé par l’euphorie reflétait la part la plus sombre qui coexistait en lui. Il saisit brusquement son poignet quand celui-ci trembla sous l’effet de l’excitation. S’affligeant une paire de baffes pour reprendre ses esprits, il respira un bon coup pour décompresser. En attendant que la blanchâtre opère selon ses désirs les plus enfouis, le Démon siffla pour appeler son renard à faire un tour de chemin à ses côtés. Glissant ses doigts à l’intérieur de son pantalon, ce n’est pas pour se détendre en se branlant la nouille qu’il s’immisça en profondeur, mais pour extraire un second scalpel — plus petit – dissimulé sous son épiderme. Le Démon recourait régukièrement à cette technique afin d’anticiper les imprévus susceptibles de le priver de moyens de se défendre.

Dans le cas présent, ce dernier orientait son utilité vers d’autres aspects un peu moins belliqueux. S’accroupissant pour gratter les oreilles de son ami et lui offrir une douce caresse sur le sommet du crâne, l’homme profita de ce témoignage d’affection pour tirer un morceau de tissu du collier de l’animal. Le malaxant entre ses phalanges, il le porta à ses narines pour en humer l’odeur.  « Elle n’a pas disparu. Toujours aussi suave et vinaigré. J’imagine qu’à l’heure qu’il est, elle doit être à point. J’ai hâte. Oh, que j’ai hâte ! » Le criminel fit circuler l’étoffe sous le museau du canidé, Erzen le reniflant sans qu’il n’ait besoin de lui dicter quoique ce soit. Quelques secondes plus tard, il glapit en remuant la queue et en tournant sur lui-même afin d’indiquer à son maitre quel chemin il fallut suivre. En passant outre les divers feuillages qui génèrent sa progression d’un coup sec, les compagnons débarquèrent rapidement devant une énième martyre du blondinet. Les différences avec la précédente étaient néanmoins nombreuses ; une adolescente décharnée avec les membres sectionnés de sorte qu’elle évoquait certaines marionnettes que l’on trouvait dans les magasins spécialisés. Aucune réaction ne survint lorsque Deccio s’approcha d’elle. Elle en était simplement incapable, les cavités de ses yeux ayant été remplacées par des boutons de chemisiers. La raison pour laquelle elle était en vie demeurait un mystère. Toutefois, elle se trouvait sur la corde raide.

En mesurant son rythme cardiaque, il constata avec peine qu’elle n’en avait plus pour très longtemps. « Seulement deux jours. C’est bien trop peu. Il me faut davantage de notions, et aussi l’aide d’un spécialiste. » Sans s’accabler plus que de raison pour son échec, la lame du scalpel qu’il tenait fermement traversa sa chair pour atteindre le cœur de la pauvre gamine. Deccio était peut-être une ordure de premier ordre, mais il avait ses principes. Et faire souffrir autrui inutilement n’en faisait pas partie. Du moins, pas trop. Pas maintenant. Pas avec ce qui l’attendait. « Erzen. Nettoyage. » Le renard s’exécuta aussitôt en libérant une attaque flamboyante de sa gueule ouverte, consumant ainsi la jeune femme alors encore toujours vivante en dépit du coup porté. En tout cas, biologiquement parlant. En dehors de ses fonctions organiques, plus rien ne marchait correctement.

En retournant à la cabane, le Vil avait le regard fixe sur la porte d’entrée. Il voulait savoir le plus vite possible, et en même temps, il voulait préserver le suspense au maximum. En tournant la poignée et en l’entrouvrant, il se spoilait une partie du scénario. Et à ce moment, une scène à l’aspect graphique des plus mirifique frappa ses rétines, décontenançant le Diable dont le cœur battit la chamade. Cette œuvre d’art surpassait ses attentes, tant par sa contextualisation que par sa réalisation. L’ostentation avec laquelle elle avait présenté le tout avait fini de l’émouvoir. Il en ignora jusqu’à sa réplique qui se justifiait de ses actes. Épris de légers spasmes, Deccio s’empressa de venir ausculter la victime. Tandis qu’elle était évanouie, il déroba son poignet pour vérifier le pouls. Inconsciente, mais pas encore décédée. Il revint vers Calanthe en s’agenouillant auprès d’elle, apposant sa main droite sur sa joue, appliquant une pression sur sa mâchoire pour qu’elle consente lui prêter toute son attention. « Ce que tu as accompli ce soir est… fantastique. Et je pèse mes mots. Tu as fait un bond épatant dans la barbarie, au point où j’en suis contraint d’admettre ta supériorité face aux autres. Néanmoins, ce n’est pas pour autant qu’il faut se reposer sur tes lauriers. J’ai de grands espoirs en toi dorénavant, alors tâche de ne pas me décevoir. » Glissant ses phalanges dans son épaisse chevelure pour la combler d'une tendresse, l’homme se redressa, la sérénité en poche. En cette fin de journée, elle marquait une quantité incroyable de points. C’est pourquoi il se permettrait de mettre la barre encore plus haut lors de leurs prochaines rencontres. Après tout, il exécrait le déclin. Heureux d’avoir pu assister à cette jolie parade, le Démon plia les gaules. Non sans transmettre un dernier mot d’encouragement à sa favorite. « Tu n’as jamais été aussi belle qu’en ce jour. Mais en retirant le loquet, tu peux aussi bien rester à l'intérieur et vivre confortablement dans la cage que pousser la grille et en sortir définitivement. »

1065 mots
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas
 

[Q] Le loup et l'agneau | Deccio

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

 Sujets similaires

-
» [Q] La fillette et le renardeau | Deccio (Souvenir)
» [Q] Comment occuper l'ennui ? | Deccio
» [Q] Vers de nouveaux horizons | Deccio
» [Q] Pour un flirt avec toi | Deccio
» Le Tableau des sœurs maudites | Le Noël de Deccio
Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Le pouvoir du Yin et du Yang :: Zone RP - Océan :: Continent Naturel - Ouest :: Fjörd-