Regardant dans une flaque d’eau, Perce-Neige essayait d’ajuster les branchages de saule-pleureur sur la tête de son reflet. L’installation restait bancale, mais le résultat plaisait à la kirottu. Rigidifiant son cou afin qu’il ne fasse que peu de mouvement, les branchages avaient un équilibre précaire mais tenaient, ce qui était déjà une victoire en soit. Le sourire aux lèvres, la fée observait son reflet avec contentement. Voilà, elle avait des cheveux ! D’un geste doux, elle frôla les feuilles comme si elles étaient des mèches de cheveux, et s’imagina la douceur qu’auront ses propres cheveux lorsqu’elle aurait reçu son baiser. Elle se voyait, les cheveux au vent qui onduleraient élégamment sous l’effet de la brise, chatouillant son dos … Aah, qu’est-ce qu’elle était pressée… Pourtant elle avait du travail à faire aujourd’hui. Ses termites d’amis avaient creusées une nouvelle pièce dans son terrier, ce qui ne pouvait signifier qu’une seule chose : sa collection pouvait s’agrandir.

La tête la plus immobile possible, elle marchait précautionneusement en tâchant de regarder tout autour d’elle afin de trouver son bonheur. Est-ce que ce petit caillou rouge et rond pourrait faire l’affaire ? Mmh, il n’était pas assez brillant. Et ce morceau de bois sec ? Non, trop petit. Pas intéressant. Pendant de longues minutes, elle soulevait, soupesait, et détaillait tout ce qu’elle trouvait, toujours avec sa chevelure bancale qui manquait de tomber au moindre coup de vent ou geste brusque.

Légèrement déçue de ne pas avoir trouvé sa perle rare, elle s’affala sur un tas de feuilles mortes, faisant dégringoler sa chevelure au sol. Ne s’en rendant pas compte, la fée mit son menton entre ses mains, les coudes sur les genoux. Sa journée ne s’annonçait pas comme elle l’avait prévue mais la fée ne s’avouait pas vaincue. Elle se redressa vite, ce qui lui fit tourner la tête. La main sur le crâne comme si cela allait l’empêcher de tomber, elle fut surprise d’entendre des messes-basses plus loin. Le doigt sur sa bouche, elle s’approcha en essayant de faire le moins de bruit possible.

A travers les brins d’herbe, elle avait l’impression d’avancer comme une exploratrice en terres dangereuses. Comme si un monstre assoiffé de sang pouvait surgir n’importe quand. Elle s’imaginait avec un fouet, prête à apprivoiser la bête et un chapeau en cuir sur la tête et … où était ses cheveux ?? Elle lança un regard en arrière, mais ne voyant pas sa chevelure perdue, elle finit par hausser les épaules et continua d’avancer vers les chuchotements. Des chuchotements pouvaient également être synonyme d’objets brillants au sol … non ?

Finalement elle était assez proche pour entendre ce que les chuchoteurs racontaient. Il s’agissait en réalité de deux chuchoteuses assises sur un des bancs de l’école. « Je te dis que c’est vrai ! » disait la première. « Pff, arrête ! Je te crois pas ! » répondait la deuxième. « Mais si ! Elle a dit à Luc, qu’elle allait lui faire des choses que personne ne lui a jamais faite ! Et même qu’après elle lui a fait un clin d’œil et tout ! » « J’y crois pas ! Rosabelle … Elle a fait ça ? » « Mais oui ! Quand j’ai entendu ça, il fallait absolument que je te le dise parce que … » « Non, mais elle sait que Luc est à moi !!! C’est vraiment une peste cette Rosabelle ! Elle peut pas aller draguer qu’autres gars libres ?! Ça me fout les boules, je te jure !!! »

Au sol, Perce-Neige écoutait d’une seule oreille, ses yeux avaient trouvé ce qu’elle était venu chercher : des breloques argentées accrochées au sac d’une des deux filles. Celle qui avait retenu son attention était en forme de croissant de lune. Elle la trouvait jolie et se disait qu’elle serait très bien sur la table d’une des chambres de sa tanière. Elle s’approcha sur la pointe des pieds pendant que les deux autres racontaient d’autres ragots sur la soit-disant Rosabelle. Elle était arrivée sous le banc sans se faire remarquer. Son cœur battait la chamade. Une part d’elle espérait que les deux filles ne l’entendrait pas. Ce qu’elle faisait était une folie ! Mais son avidité et son amour pour les choses brillantes étaient plus fortes que la raison. Elle avançait tel un zombie, les deux bras devant elle prête à prendre la breloque dans ses mains.

Alors que ses doigts n’étaient plus qu’à quelques millimètres des bijoux, une des filles se leva et attrapa son sac, rendant les breloques hors de portée. « Viens, je vais lui dire, deux, trois mots à cette Puff-Puff-Gueurle de mes-deux ! » Les pas décidés des deux écolières s’éloignèrent laissant la fae désœuvrée sous le banc.

Tant pis … Perce-Neige regarda tout autour d’elle et un sourire apparu sur son visage dévoilant toute ses dents. Une des filles avait oublié un morceau de son sandwich ! Ainsi, Perce-Neige pourrait reprendre des forces et repartir à la recherche d’un nouveau trésor..

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Les deux filles parlent de Rosabelle Grath, PNJ de Ayli.