Accoudé à une table, le visage en appui sur le poing, Jämiel inspira bruyamment avant d'expirer tout autant. Il avait espéré retirer une expérience bénéfique de ces échanges et, surtout, de ces discours. La vérité étant que même les guignols de bas étage sans la moindre légitimité ni le moindre esprit pour aligner ne serait-ce que deux mots cohérents entre eux, et ceux-là étaient, Ô Dothasi, bien nombreux, étaient invités à donner leur avis. La masse grouillante de la populace n'hésitait pas instant à prendre la parole, même inutilement, dès lors que l'on la lui offrait, ce qui était rare. Qu'ils y aillent donc. Le ridicule ne tue pas, n'est-ce pas. Hum... Il y avait là quelque chose à creuser tiens. Cela dissuaderait bon nombre de personnes à se donner en spectacle pour le seul but de se faire remarquer et obtenir des faveurs ou avantages qu'ils ne méritent simplement pas. « Je ne comprends pas. C'est moi où il y a bien plus d'idiots que d'érudits ? » fit l'un des Sarethi accompagnant l'ambassadeur de la race. Jämiel tourna le regard en sa direction. Il était rassuré. Il n'était pas le seul à songer cela. « Ce n'est pas parce que tout le monde a potentiellement accès à la parole que tout le monde va se mettre à parler. ». L'Arcesi porta son attention sur le Nerethi qui venait de prendre la parole, aussi ennuyé que le reste des Fils et Filles de Dothasi présents,. Il n'avait pas tort. Aucun d'eux ne s'était présenté sur l'estrade alors que des hommes ou des femmes bien plus jeune que le Nerethi qui était intervenu n'avaient pas hésité une seconde à venir y bredouiller des mots plus naïfs et ridicules parfois qu'un Ygdraë pataugent gaiement dans un champ fleuri. « Et ce n'est pas non plus parce que tout le monde a accès à la parole que tout le monde va se mettre à dire des choses intelligentes. » ajouta-t-il dans un soupir désespéré. Ça c'était peu dire. Et certains méritaient presque une palme pour ça tellement ils semblaient spécialisés dans l'art de la parole absurde. Au moins ils n'étaient pas les seuls à voir cette ridicule exhibition comme un mauvais défilé de marionnettes à en voir l'air consterné de quelques autres représentants raciaux. Finalement, Jämiel vint brusquement plaquer ses paumes dans un bruit sourd contre le bois de la table. « Je vais faire un tour. » donna-t-il comme unique explication. Il en avait assez de rester planté là à végéter et rien faire mise à part soupirer de dépit et d'ennui. Ce que ses camarades devaient plus ou moins comprendre.

Traversant d'un pas lent les rues brillantes de Stenfek, se glissant entre les mastodontes qu'étaient les Réprouvés, le Sarethi observait l'activité des lieux d'un œil attentif. Il avait une habitation ici. Ça ne tiendrai qu'à lui, il irait y jeter un œil. Ce serait également briser son secret qui ne tenait que grâce au lien inaliénable qui le liait à Owen et Bellone. Le Démon en lui était un puits à passion qui lui était difficile à maîtriser et le moindre faux pas le révélerai à la vue de tous. Il y avait réfléchi. Longtemps. Et il lui paraissait évident qu'il gagnerai bien plus à cacher l'existence de cette magie - de cette identité - plutôt que de crier au monde qu'il pouvait à présent jouer sur deux plateaux. Surtout le démoniaque qui était pour ainsi vide depuis que les Sorciers étaient passés sur leurs terres. Moins il y a de concurrence, plus la montée est aisée. Toutefois, si la confrontation serai moindre qu'à Drosera, concilier cette vie de race primaire à celle de son propre peuple, ça ce ne serait pas simple. Mais c'était trop alléchant pour le refuser.

Loin dans ses pensées, l'Alfar manqua finir écrasé sous le poids de l'une de ces brutes épaisse qui se renversait depuis une ruelle perpendiculaire. Un destin tragique, mais surtout un décès bien ridicule. Un pas de côté lui permit d'éviter l'animal qui se précipita rapidement, une fois l'équilibre retrouvé, vers son semblable pour le gratifier d'un revers du poing. Les deux barbares ne devaient pas être au début de leur débat à en voir le sang qui maculait leurs visages et leurs... Vêtements ? Le jeune Arcesi retroussa le nez face à cette vision, moins dégoûté par la vision du liquide carmin que par la brutalité des bipolaires. Il s'étonna alors que la problématique de scission des partis n'ai pas eu lieu plus tôt dans leur histoire. Des pas précipités le fit s'écarter davantage encore, la garde venant pour séparer les deux bêtes prêtent à s'égorger pour leurs idées. Il ne les critiquerai pas cette fois cependant pour cela. Son propre peuple s'entre-tuait simplement par ambitions ou  par préventions. Alors lorsque les idées divergeaient, notamment vis-à-vis de l'Amarante, il était commun, surtout dans les hautes sphères et lorsque la personne était influente, que celle-ci finisse au couperet. Il passa un regard circulaire sur la foule ayant, comme lui, assisté à l'affrontement. Le monde est bien plus petit qu'on ne le croit et il ne s'étonnerai pas de croiser une connaissance, ou de rencontrer l'une d'elle plus dans un futur plus ou moins proche, morte ou vive. Dans un soupir désabusé, et alors que la rixe fût enfin contenue, il reprit sa marche, songeant qu'il aurait peut-être mieux valu que la garde laisse ces deux bougres s'étriper. C'était toujours ça de problème en moins.