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 [Q] Le monstre sous le lit | Solo (Souvenir)

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Dim 12 Juil 2020, 11:29

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Intrigue : Le jour où un marchand de jouets vient proposer ses nouveautés chez les Firenze, Calanthe découvre l'existence de son péché.

La fillette poussa la porte du salon. Sur la pointe des pieds, elle s’approcha de sa mère, qui lisait, dans un fauteuil. Cela faisait plusieurs jours que quelque chose tournait en boucle dans sa tête, comme une envie de bonbon. Sauf que les envies de bonbon, elle savait comment les calmer. La pointe douloureuse qui gonflait dans sa poitrine et menaçait d’éclater à tout moment, c’était une autre histoire. « Dis, Maman. Pourquoi tu m’aimes pas comme Serena ? » Les sourcils froncés, Lisa referma l’ouvrage et posa un regard surpris sur Calanthe. « Qu’est-ce que tu racontes ? Vous êtes toutes les deux mes princesses. » Énergiquement, elle secoua la tête. Quelque chose, dans ses entrailles, affirmait le contraire. « Non, c’est pas vrai. Tu nous aimes pas pareil. Je veux que tu nous aimes pareil. » Pensive, l’adulte marqua une pause. Parfois, elle trouvait difficile de donner sans cesse des explications. Non pas que la tâche lui déplut, mais trouver la bonne formulation pour décortiquer le monde et l’apporter aux oreilles des plus jeunes se révélait épuisant. Comment pouvait-elle lui faire comprendre le concept de l’amour et des ressentis ? « Je vous aime autant toutes les deux. Mais tu sais, on ne peut jamais aimer quelqu’un comme on aime une autre personne. Sinon, on pourrait les remplacer par n’importe qui, et l’amour n’aurait plus de sens. Vous êtes différentes, alors je ne peux pas vous aimer de la même façon, mais je vous aime aussi fort l’une que l’autre. Tu comprends ? » « Non. » Hermétique à sa déclaration, la cervelle en construction de la blonde ne lui délivrait pas le message attendu, et ne pas comprendre éveiller en elle une frustration sournoise.

Avide de découvrir quel étrange mal s’attardait sous son crâne, la fillette ne s’arrêta pas en si bon chemin. Il fallait que sa mère lui explique le problème, pour qu’elle puisse le chasser à coup de pieds, et l’envoyer plus loin que le soleil. « J’ai regardé dans un livre. Ça dit que je suis jalouse. J’aime pas ça, être jalouse. Ça fait mal. C’est pas très drôle. » Le visage déformé par une moue boudeuse, elle ne savait pas dire le monstre qu’elle sentait naître en elle. C’était une souffrance de tous les instants, et où que ses pupilles insouciantes se portent, une fièvre la prenait ; elle voulait tout acquérir. À des années lumières de sa petite personne, la satisfaction lui semblait depuis quelques jours un mirage. « Tu sais, ça arrive, parfois, même aux grandes personnes. Mais ça ne dure jamais longtemps. Viens par là ! » Désireuse de rendre la situation plus joyeuse, Lisa attrapa sa fille par la taille et la posa sur ses genoux. De ses bras fins, elle la serra contre son coeur. La maternité avait beau lui déplaire, elle n’aimait pas voir Calanthe préoccupée. Le monde regorgeait de suffisamment de problèmes pour qu’elle ne s’y confronte pas encore. « Va donc réveiller ta sœur, et amusez-vous un peu. Tu verras, quand tu seras avec elle, tu oublieras vite toute cette histoire. » Réjouie par la chaleur de son étreinte, la Déchue lui lança un grand sourire avant de disparaître. C’était sans doute passager ; sa mère avait toujours eu raison. Soulagée, elle suivit son conseil.

Le soir venu, Calanthe avait discrètement parcouru le couloir pour rejoindre la chambre de sa demie sœur. Un jour que les petites attendaient avec une impatience sonore approchait, et ni l’une, ni l’autre, ne parvenaient à dormir. Par de légers coups contre le mur qu’elles partageaient, elles avaient décidé de se retrouver. Riant aux éclats, la blonde faisait de grands gestes, debout sur le lit de la cadette. « Je voudrais quelque chose que je puisse lancer dans les airs. Comme ça, quand je saurais voler, je pourrais jouer avec. Ça serait chouette ! » Une lueur d’admiration dans les yeux, Serena approuva son choix. « T’es trop forte ! » Heureuse de sa trouvaille, elle ramena la conversation sur un jouet qu’elle aimait toutes deux, et qui les avait occupées de nombreuses heures. « Il faudrait reprendre des petits cubes aussi. Tu te souviens, quand on jouait dans la cour ? Je sais plus où on les as perdus. » « C’était pas au lac ? » « Non, pas au lac. Ana a voulu nous apprendre les règles, quand on est revenues. Tu te souviens pas ? » Bien que les visites de leur tante furent rares, elles n’appréciaient pas son étrange manie de corriger sans cesse leur attitude. Elles savaient être sages, lorsqu’il le fallait. « Si. J’aime pas les règles. Je préfère quand on s’amuse, nous. » C’était tout de même ce qu’il y avait de mieux, dans la vie. « J’ai cassé ma poupée, tu sais. » Le dégoût plissa le nez de l’aînée. « C’est pas grave. C’est moche, une poupée. Tu trouveras mieux. »

Le matin venu, les fillettes se pressèrent vers le salon. Incapable de cacher leur joie, elles avaient mis un bazar considérable avant l’arrivée du marchand, et, sous l’œil exaspéré de leur mère, elles avaient vidé le coffre entier sur le tapis. Malheureusement, un problème s’était rapidement présenté. Les prunelles de Calanthe passaient sur les objets sans les voir. Des formes colorées dansaient devant ses yeux. Incapable de se décider, elle leva la tête vers Lisa. « Je ne sais pas trop quoi choisir. Je ne peux pas tous les prendre ? » Malheureusement, sa réponse ne fut pas celle qu’elle espérait. « Tu sais bien que vous en avez trois chacune, comme d’habitude. Ne sois pas trop gourmande. » Contrariée qu’on ne cède pas à son caprice, elle haussa le ton. « Mais comment je pourrais décider ? Ils me font tous envie ! » Devant l’impassibilité de la Luxurieuse, elle murmura du bout des lèvres. « Choisis, Maman. J’y arrive pas. » Plaintive, elle ferma les yeux. Dans le noir, des images persistaient. Elle aurait voulu corrompre le marchand pour qu’il lui donne tout ; elle doutait qu’il laisse ses trésors en échange de quelques chocolats. Lorsque Lisa lui remit les jouets, elle fronça les sourcils. « Pourquoi je ne peux pas avoir les autres ? » « S’ils ne te plaisent pas, il fallait choisir toi-même. » Agacée par la réaction de sa fille, elle tourna les talons pour raccompagner le marchand. Qu’elle ose se plaindre alors qu’elle disposait d’une maison et de nouvelles distractions en permanence l’exaspérait.

Du bout des lèvres, la fillette laissa mourir sa plainte. « Non, ce n’est pas ça... » Comment aurait-elle pu expliquer ce qu’elle-même ne comprenait pas ? Ce dont elle avait la certitude, en revanche, c’était que la jalousie ne s’estompait pas. « Viens voir Calanthe ! Regarde ce que j’ai trouvé ! » Heureuse d’avoir déniché une nouvelle poupée, elle l’agitait gaiement. Furieuse de voir le bonheur sur son visage, Calanthe se précipita vers elle. D’une voix dure, elle lui donna ce qui ressemblait à s’y méprendre à un ordre. « Donne-moi ça. » « Non, c’est la mienne. C’est Maman qui l’a dit ! » « Mais donne-moi ça, je te dis ! Je suis la plus grande, tu dois m'obéir ! » En colère, elles chahutèrent à travers la pièce, se disputant la possession de la poupée. « T’as pas le droit ! Laisse-moi tranquille ! » Les sanglots de Serena ne parvinrent pas à émouvoir son aînée. Les poings sur les hanches, elle se mit à hurler. « C’est toujours toi qui a les meilleurs jouets ! J’en ai marre ! C’est pas juste ! » « Arrête, j’ai peur... » « Non ! T’as toujours tout ce qui est mieux ! Même que ta robe est plus belle, et même que ta chambre est plus grande ! » Cela la rendait folle. « Même que Maman t’aime plus que moi ! » Attirée par les cris en provenance du salon, la Déchue se tenait sur le seuil de la porte. Devant l’attitude odieuse de la blonde, elle eut le désir soudain de la frapper.

La perspective de lever la main sur un enfant lui faisant horreur, Lisa appela son mari. Ce dernier descendit les marches de l’escalier avec nonchalance. « James. Occupe-toi de ta fille. » Le timbre glacial de sa femme l’intrigua. Doucement, il s’approcha de Calanthe et la souleva dans les airs. « Calme-toi, ma chérie. » Emportée par une rage dévastatrice, la petite jouait de ses poings contre le dos de son père, la tête à l’envers. « J’en ai marre ! C’est toujours la même chose ! » Sans se départir de sa tranquillité, il la conduisit à l’étage, et, arrivé dans son bureau, il l’installa sur ses genoux. « Qu’est-ce qui se passe, mon ange ? Tu n’as pas l’air en forme, en ce moment. » D’un geste tendre, il caressait la rondeur de sa joue. Sa mine renfrognée donnait le ton. « Non. » « Parle-moi. » « Non. » En désespoir de cause, il prit un air chagriné. « Si tu ne me dis rien, je ne pourrais pas t’aider. » Hésitante à répondre, elle capitula finalement. Il savait toujours comment s’y prendre, avec elle. « Je crois que je suis malade. » « Malade ? » « Oui. J’ai plein de choses bien, mais j’ai toujours envie de celles qui sont pas à moi. » Perplexe, le Déchu essayait de lui tirer les vers du nez. Une telle déclaration éveillait en lui une certaine inquiétude : il espérait sincèrement se méprendre. « Qu’est-ce que tu veux dire ? »

Malheureusement, les explications maladroites de Calanthe ne firent que confirmer l’intuition désolante de son père. « Comme les jouets, ce matin. J’arrivais pas à décider, parce que tout me faisait envie. Tout avait l’air génial, et je pouvais pas choisir. Alors, Maman a choisi. Et j’étais contente, mais j’aurais bien aimé avoir le reste, aussi. Et quand j’ai vu Serena avec ses jouets, j’ai eu l’impression qu’ils devaient être à moi. » « C’est pour ça que tu as crié sur elle ? » Sa tête dodelina mollement. Pouvait-il sentir la chose qui grandissait en elle, jusqu’à emplir tout son crâne pour effacer ce qu’elle était ? Elle ne voulait pas devenir un monstre. « Oui. Je suis jalouse, je crois. Tout ce qui est à elle a l’air mieux que tout ce que j’ai. » Affectueux, James caressait distraitement les cheveux de la fillette, regrettant déjà les jours passés auprès d’elle. Ce n’était pas un simple caprice enfantin. Autrefois, il avait succombé, lui aussi, à l’obsession ravageuse qui avait balayé son existence, et le souvenir de son impuissance demeurait vif. « Je trouve ça pas très drôle de ne pas tout avoir. Ça me rend très triste, et un peu en colère. » À la recherche de mots pour exprimer son mal-être, elle échappa à son étreinte réconfortante. « J’aimerais bien que tout m’appartienne. Ça me calmerait. Tu crois que c’est possible ? » Comment les Dieux pouvaient-ils être si cruels, et voler à une enfant l’insouciance de ses jeunes années ? Il ne comprenait pas.

D’une voix douce, James tâcha d’annoncer la nouvelle. « Ma chérie. Je crois que ton péché se réveille. » Le murmure ne suffisait pas à atténuer le cauchemar. Une grimace dégoûtée apparut sur le visage de sa fille. « Beurk ! C’est moche, comme mot. C’est quoi, un péché ? » Elle était si innocente. Le poing crispé, il poussa un soupir. Pourquoi diable infliger à une fillette un fardeau si lourd à porter ? « Les gens de notre peuple, quand ils grandissent, finissent par avoir une obsession. Une chose à laquelle ils pensent tout le temps, et à laquelle ils ne peuvent pas résister. » Une lueur géniale traversa les neurones de Calanthe. « Comme Maman et toi, avec les bêtises des adultes ? » « Exactement. Le mien, c'est la Luxure, et le tien, c'est l'Envie. » Les yeux écarquillés, Calanthe entendit pour la première fois le joli nom qui la condamnait à toujours désirer ce qui n’était pas sien. « Comment on fait pour s’en débarrasser ? » « On ne peut pas. Il faut apprendre à vivre avec. C’est difficile, mais tu es une petite fille très courageuse. Tu y arriveras. » Les bras croisés, elle garda le silence un instant. « Tu veux dire que je vais me sentir comme ça toute ma vie ? » « Oui. » Un rayon de soleil épousait ses cheveux, insensible à l’affreux destin choisi pour elle. « Tu sais quoi ? C’est pas très drôle. »

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