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 [Q] - Jeu de dupe

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Jeu 28 Mai 2020, 19:52


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Intrigue/Objectif : Pavel fait la rencontre d'un corvus orgueilleux bien singulier à qui il va jouer une drôle de facétie.  Aries Hatal est un jeune sang, corvus de son état, qui se retrouve malgré lui nouvellement épris d'une de ses comparses rongée par la luxure. Si Aries a bien du mal à concilier son ego avec cette nouvelle et dévorante passion, il apprendra à ses dépens que l'Amour n'est rien de plus qu'une passade éphémère et que la désillusion froide d'avoir été laissé sur le carreau qui en résulte, elle, demeure longtemps.


Jeu de dupe
e4oj.jpg

Si Aries Hatal n’était au meilleur des cas qu’un corvus issu d’une famille de basse extraction et au pire l’un des plus fieffés aigrefin qu’il ait été donné à Pavel de connaître, il fallait reconnaître à ce déchu un sens inné pour les apparences et la mise en scène. Le talon d’une botte battant méthodiquement le pavé résonnait des bruyants échos qui claquaient dans l’air matinal des bâtisses monumentales des sommets. C’était un pas que n’importe quel résident de ces hautes demeures aurait pu décrire comme délibérément appesanti, ridiculement grotesque et théâtral tant l’onde qui se propageait dans les ruelles paraissait démesurément exagéré. On pouvait aisément reconnaître le pied de d’un de l’un de ces déchus à l’égo bouffi d’orgueil qui aimait particulièrement signifier sa présence à quiconque pouvait entendre le concert de sons presque mécaniques qui s’abattait dans les sommets. Oui, c’était là l’un des signes avant-coureur de ces corvus aux prétentions si excessives qu’ils en devenaient risibles pour le commun du peuple d’Avalon. Le port haut, une paire d’ailes aux reflets irisés dévoilant toute leur envergure, l’œil soutenant les regards appuyés amusés ou exaspérés selon, Aries Hatal paradait avec flegme dans un uniforme où des arabesques brodés de fils d’or semblaient avoir été délicatement cousu. Une lavallière monumentale nacrée venait parfaire le portrait de ce personnage se rêvant bien plus grandiloquent qu’il ne le serait sans doute jamais. L’illusion semblait totale pour le béotien mais l’œil avisé – à fortiori ici dans les sommets - reconnaissait aisément la supercherie d’une tenue bon marché qu’il s’était sans doute procuré auprès des drapiers des niveaux inférieurs. Faire montre d’un tel accoutrement ici - alors même que la dynastie des Daviel réside dans les parages - constituait une telle arrogance que c’était même un exploit qu’il ne se soit pas encore fait corriger en place publique. Pourtant, Aries d’ordinaire si triomphal semblait en ce jour étonnement soucieux et si les traits de son faciès arrivaient à feindre l’anxiété qui le tourmentait depuis plusieurs semaines, son langage non verbal, lui, ne parvenait pas à tenir la comparaison. Pavel le savait fort bien puisqu’il était en quelque sorte l’instigateur du mal  qui rongeait les entrailles du malheureux Aries.

Si Pavel avait maudit de toutes les incantations à sa connaissance le jour où il avait apprit que Aries et lui partageaient le même pêché, il avait progressivement trouvé un contentement certain à se délecter des frasques et de la débilité caractérisée de son vis-à-vis,  se considérant en bien des points grandement supérieur et fort dissemblable d’un demeuré de cet acabit. En un sens, Aries était devenu un sujet d’étude presque passionnant, un spécimen à haut potentiel qu’il aimait observer dans les moindres de ses faits et gestes pour pointer les errements et aberrations qui rythment les existences des déchus de leur condition. Son assurance unanime, sa confiance infinie, son aplomb faussement autoritaire, son audace effrontée ne semblaient désormais plus que les reliquats d’un passé lointain dont Pavel avait pris un malin plaisir à voir chacun des rouages se gripper avant de littéralement voler en éclats. S’il était encore parvenu à sauvegarder les apparences, le palpitant ou Kinath sait ce qui vibrait dans la cavité béante qui lui servait de cœur n’y était plus. L’esprit tiraillé d’une déferlante de sentiments contraires, le corvus éprouvait grande peine à garder les idées claires sans se perdre dans les méandres du mal puissant qu’il l’affligeait. Car s’il s’en fut un mal affligeant mais terriblement pathétique et commun, cette étrange maladie qu’on prénommait l’Amour cristallisait dans cet être une douleur atroce et lancinante qui lui était proprement inconnue.

Pourtant, il avait été éminemment complexe d’approcher un tel idiot extravagant pour Pavel. Aries était sans commune mesure le corvus le plus outrageusement arrogant qu’il lui ait été donné de voir. Si l’égo pouvait être une arme aux formes riches et variées d’arrière pensées, nimbées dans des faux-semblants ou de l’hypocrisie, la fierté de Aries Hatal n’était que protestation ostentatoire et griefs permanents. Converser avec cet énergumène puant était un véritable supplice, un châtiment de tous les instants tant il était implacablement usant et éreintant tant est si bien qu’avec un peu de pratique, Pavel pouvait presque deviner chacun des mots du lexique qu’il venait à aboyer tant son répertoire demeurait prévisible. Aries compensait son manque criant d’à propos par une verve perpétuellement cinglante couplé à une animosité qu’il avait tantôt du mal à contenir les émois.     Est ce qu’il en avait seulement conscience ? Si le Magrieth n’aurait pu l’affirmer catégoriquement, il avait l’intime conviction que le corvus n’était pas aussi sot qu’il voulait bien le laisser paraître...il ne serait sans doute pas encore ici à fanfaronner et délayer sans interruption une cascade de mots creux et de poncifs éculés si tel était le cas.




Pavel avait fait la désagréable connaissance de ce déchu par un malheureux concours de circonstances.

Réquisitionné par sa mère il y a quelques semaines pour satisfaire la dernière lubie cupide de celle-ci, il s’était résolu à faire une escapade aux halles des titans pour y dénicher le précieux sésame lorsque son attention fut happée par les heurts d’un marchand et d’un bien fieffé client.  Une vive altercation éclata entre un homme d’une cinquantaine d’année, un collier de barbe ciselant les contours de son visage, le teint buriné par les terres désertiques de Qaixopia ou du moins c’est ce que Pavel présumait,  et un jeune déchu enhardi qui lui rendait argument pour argument. S’il ne considérait cette attraction que pour le seul motif trivial qu’elle consistait, la raison en était puéril : l’or.  

Pavel avait toujours trouvé insipide les querelles ayant trait au métal précieux et aux bassesses insignifiantes qu’il faisait naître auprès des esprits les plus fragiles à sa vautrer dans son stupre. Il lui semblait bien trop facile d’asservir en avivant les seules braises chaudes de l’appât du gain. Les attraits du pouvoir de l’or ne revêtent aucune subtilité, ses artifices sont vulgaires ou obscènes, il suffisait de jeter un œil à tous les avaricieux et autres pingres nauséabonds en haillons qui pullulaient à Avalon pour se rendre compte des extrémités épouvantables de ce mal. S’il avait conscience d’être bien né, le Magrieth n’avait que faire de la fortune colossale dont il était pour l’instant - selon les mots de son vénérable père - l’indigne héritier. Aussi, dans une volonté de pure bravade, Pavel dilapidait allègrement les deniers familiaux pour asseoir la prétendue stature dont il se croyait affublé et ainsi nourrir le simulacre d’altruisme qu’il entretenait consciencieusement. Aussi, tel un prince magnanime, un sourire rusé sur les lèvres, il s’exécuta, et ce au moment propice où dans l’atmosphère appesanti, l’accrochage semblait s’envenimer irrémédiablement. Pavel se fraya un chemin entre les badauds et les désœuvrés pour s’immiscer au devant de l’étale.

e4oj.jpgLa scène était monnaie courante, des esprits échauffés à la faveur d’une négoce ardemment débattue, d’un marchandage zélé poussé au-delà des limites du raisonnable ou tout simplement d’une volonté impétueuse et délibérée d’un des intervenants de berner un peu trop ouvertement l’autre partie.  Les avares en étaient les parangons les plus coriaces, passant le plus clair de leur temps à s’évertuer de ne jamais relâcher les cordons de leurs bourses rondelettes, leur verve n’avait d’égal que leur pingrerie légendaire.

Bien évidemment, le bellâtre qu’était Aries Goldmurth, avait choisi la troisième alternative, la confrontation. L’objet en question était une bague surmonté d’une pierre d’Améthyste dont les reflets profonds miroitaient d’un éclat presque translucide. C’était une belle pièce quoique un peu clinquante et tape à l’œil au goût de Pavel.  Les nuances violacées de la gemme intimait à l’assemblée que le bijou ne lui était pas sans doute pas destiné. Ce déchu était un cuistre à l’élégance toute prétentieuse, la discrétion et l’humilité étaient profondément antinomiques à son identité si bien que dans l’éventualité où il aurait dû en choisir un, il aurait opté pour un caillou rutilant à l’assise massive qu’il aurait porté à la vue et au su de tous.  Si la Magie de Pourpre aurait pu facilement faire infléchir la position de l’homme mûr, les marchands d’Avalon n’avaient été que de trop nombreuses fois abusés par ces ruses facétieuses pour se laisser berner aussi aisément. Par ailleurs, il n’était qu’un corvus qui, à l’instar du Magrieth, n’était pas doté pas d’un niveau de maîtrise qui lui aurait permis d’influencer le détaillant sans susciter l’incrédulité du parterre d’individus qui observait leur querelle.  

«  Misérable manant ! Scélérat ! Quinze pièces d’or pour un tel bijou ?! Par Kinath, n’as tu donc aucune pudeur pour la monnayer à un prix si exorbitant ?!  Ne sais-tu donc pas à qui tu as à faire ?« 

« Qui donc ? Toi ?» persifla t’il en retour, réprimant le rire goguenard qui se muait dans sa gorge

« Bougre de sang de bâtard d’homme !  Est-ce donc la cécité qui te guette ou s’agit t’il de ton cerveau faisandé qui te fait débiter de telles insanités ?! Je t’en donne 5 pièces et estime-toi encore heureux que je daigne adresser la parole à la misérable loque humaine qui me fait face. »
vociféra t’il, tonitruant, dardant un index accusateur contre l’homme qui désormais se gaussait publiquement de ce verbiage pompeux.

S’il était loin d’être un connaisseur chevronné, le Magrieth ne prenait que peu de risques à hasarder que le caillou en valait au moins le double. A vrai dire, n’importe quel amateur néophyte doté d’un minimum de sens commun à Avalon aurait pu faire le même constat.

«  Si ta bourse était aussi charnue que l’était ta verve, nous n’aurions pas cette discussion stérile. Je n’ai que faire des sermons d’un mendiant prétentieux de ta trempe. Tu n’es que poudre aux yeux et chiqué. Va donc traîner tes guêtres ailleurs, tu fais fuir mes clients ! »

« Maudit soi « 

« Cela devrait suffire je pense »

L’élan furibond du corvus fut interrompu par l’écho sourd d’une bourse bien garnie s’écrasant sur l’étale du détaillant. Il marqua un temps d’arrêt, déconcerté par la manœuvre un court laps de temps avant d’entrevoir l’éclat du métal précieux qui émanait du pochon. Un large sourire édenté   s’esquissa sur son visage à mesure que l’hostilité qui marbrait ses traits se dissipait. L’or avait ce pouvoir là. Aujourd’hui il amadouait les égos pour mieux les cambrer. Aujourd’hui il était compromis et concession pour adoucir les fiertés. Demain, il les ferait ployer devant son autorité.

« Bien sûr. Tout à fait même. C’est amplement suffisant. Quelle générosité ! Ce n’est pas le cas le tout le monde. »  ponctua t’il avec une pointe de sarcasme à destination du déchu tout en remettant avec empressement le bijou à Pavel.

La manœuvre étudiée eut tôt fait de produire ses effets. Si Aries Goldmurth n’avait pu déglutir tout le fiel pour s’accaparer la gemme escomptée, lui couper l’herbe sous le pied revêtait du plaisir profondément jouissif et coupable de coiffer au poteau un hâbleur vaniteux comme l’était le corvus. Est ce que Pavel était si différent pour le railler à ce point ? Non, pas du tout même, si ce n’est que lui avait obtenu gain de cause et là résidait toute la différence.

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Sam 30 Mai 2020, 22:49



Jeu de dupe

Si la tension semblait être retombée après l’entremise du Magrieth et l’euphorie du marchand, Aries Hatal, lui, écumait d’une rage intérieure si profonde que son faciès tout entier semblait se congestionner de la colère sourde qui fulminait en lui. Sa langue claqua impulsivement avant qu’il se plonge dans le mutisme, une longue veine battait le long de sa tempe et affleurait distinctement au dessus de son arcade, son regard se plissa, ses phalanges se strièrent et une moue emplie de dépit macula ses traits.

S’il aurait voulu littéralement laisser éclater son courroux, il savait éperdument qu’il ne pouvait s’adonner à de telles extrémités en place publique.  Se rendre coupable d’une telle scène devant les regards rieurs ou gênés selon, reviendrait à donner une pleine et entière satisfaction aux egos crédule de tous ces badauds. Tous ces envieux ne mourraient que d’une seule et unique envie ; celle de le voir mordre la poussière, celle de le voir se rouler dans la fange comme l’un des pourceaux abjectes et barbare de réprouvé. A cette pensée, il réprima un violent haut-le cœur qui transperçait sa poitrine. Perdre la face, lui ? Il n’était pas le simple corvus à qui l’on pouvait rabattre le caquet à l’envie que tous présumaient. Il ne pouvait les laisser ainsi salir sa réputation, son crédit, et dénigrer les échos de son nom s’élevant dans les hautes tours des quartiers huppés. Sa fierté valait infiniment plus que tout ce à quoi tous ces gueux pouvaient présager mais il s’agissait désormais de sauver les apparences et de s’en sortir bon prince.  S’il maudit intérieurement la finauderie du quidam qui lui avait subtilisé son dû, il pesta encore davantage contre son propre manque de discernement. Cette passion honteuse, inopportune et si avilissante commençait à lui faire cruellement manquer de jugement, songea t’il dans un soupir. Son habituelle verve n’aurait fait en temps normal qu’une bouchée des velléités de ce gougnafier de boutiquier. Il n’aimait guère se savoir ainsi si vulnérable, sentir les failles si scrupuleusement dissimulés dans l’armure d’ego qu’il s’est forgé affleurer de manière si criante. Une brèche s’ouvre et tout s’y engouffre avec avidité pour gangrener tout ce qui s’y meut.

Aries pensa avoir été victime d’un maléfice, d’un quelconque sort qu’un de ses trop nombreux détracteurs lui eut lancé par pure mesquinerie. La douleur lui semblait si réelle, si tangible qu’il passa une main dans son veston pour l’appuyer contre son cœur meurtri. Les racines de ce mal si étrange qui s’était immiscé si profondément en lui ces dernières semaines pervertissait la véritable nature de ses sentiments profonds. Tout semblait s’infléchir paisiblement devant les pouvoirs délétères de ce vice qui subordonnait les tenants de son identité. Son ego ? Amoindri. Son audace ? Émoussé. Sa superbe ? Ternie. Sa volonté ? Impuissante.  L’indignité le guettait, il le savait fort bien et derrière tous les faux-semblants qu’il s’échinait à faire transparaître, son esprit était comme souillé par tout un raz de marée d’idées aussi puériles qu’elles étaient naïves et impudiques.

Au delà du tourment et du malaise moral, l’incertitude effroyable de se voir dépossédé de son illustre pêché naissait dans sa psyché malade. Est-ce que l’Orgueil pouvait choisir de le renier ? Était-ce seulement possible ? Un déchu pouvait t’il être à nouveau sanctionné de déchéance du vice qu’il l’avait embrassé ? Il n’en avait véritablement aucune idée bien qu’il n’eut jamais entendu une telle fable à Avalon mais cette épouvantable éventualité le tétanisait. Infâme et lavé de ses pêchés,  dépouillé du leitmotiv même de son existence, rendu à vagabonder dans la déshérence la plus totale dans l'abondance des ruelles de la cité déchue à expérimenter une vie austère, moribonde, dans le dénuement le plus complet. Une vie de privation et d'infinie sacrifices, une vie de pusillanime qui reléguerait celle d'avant, celle de ses caprices et de toutes ses extravagances au rang d'erreur monumental.  Quand s'était t'il égaré à ce point ? Était-ce là les tribulations pathétiques d'un homme gâteux à l'agonie de sa splendeur ? Un long frisson lui traversa la colonne. Est ce qu'il allait finir par se rendre au temple du pardon pour faire acte de pénitence auprès du Vincide Kokabiel ? Était-ce ce que ces déchus qu'il avait toujours considéré au ban de la société appelaient la rédemption?e4oj.jpg

Si cette peur avait autant d’emprise sur lui, c’est parce qu’en dépit du mal être profond qui le tiraillait, il ressentait aux tréfonds de son être une indicible affection pour cette jeune déchue dont il semblait malgré lui s’être entiché. Et c’était bien cet attachement infantile, cette tendresse niaise, l'expression de ce sentiment mièvre pour une corvus dont il connaissait bien la volatilité de ses penchants charnels qui à la fois le subjuguait mais lui faisait tout autant broyer du noir. Cette femme avait fait jaillir en lui une kyrielle de sentiments insoupçonnés dont il s’était laissé coupablement bercer par les promesses au détour d’une nuit. sensuelle. Fort de ses prétendues prouesses et de son imaginaire fécond, les basses flatteries de son amante docile confortait cet ascendant, cette supériorité unanime que tous lui refusaient mais qui en définitive s’imposait à la raison de tout un chacun. Dans la longue liste des prétendants qui s’efforçaient de capter ses charmes, il avait indubitablement les plus beaux atours, était indéniablement doté du plus fin des esprits, était incontestablement le mieux pourvu - lui avait t’elle répété incessamment à la faveur de cette longue nuit- et bien évidemment était issu de l'une des meilleures classes sociales d'Avalon. Si la fortune lui faisait encore provisoirement défaut, le mâle accompli qu’il était avait là tout pour la combler et la couvrir d’un bonheur si vaste que cette douce ingénue n’aurait jamais pu espérer toucher du doigt, pensa t’il.

Que cet imbécile se fourvoyait lourdement, les promesses, à fortiori celles faites sur un oreiller, n'engagent que ceux assez stupides pour les croire. L’idée même de n'avoir été qu'une marionnette désincarné, un vulgaire pantin, un instrument malléable entre ses mains habiles n’avait à aucun moment germé dans son esprit exigu. Si le Magrieth n’avait qu’une connaissance limitée de l’engeance qu’était ces femmes qui vivaient par et pour la lubricité, il connaissait trop bien les inclinaisons envieuses et les manigances retorses de sa mère pour savoir qu’il y avait peut-être davantage qu’un simulacre d’attirance pour l’homme qui avait partagé ses draps. Velvet l'avait à maintes fois mis en garde, ces femmes ne minaudent que rarement sans arrière-pensées aucunes, le plaisir ne constitue pas une fin en soi pour ces dévergondées qui voient davantage en l'acte charnel un moyen pour parvenir à leurs buts. Se faire entretenir, tirer parti des privilèges et du train de vie des plus nantis d'entre eux, se faire connaître auprès de leurs relations pour courtiser et vendre leurs charmes à de plus gros poissons. Pavel s'en méfiait comme de la lèpre.     

Contrit, Aries se remémora fugacement le visage de Jezabel, les longues tresses cascadant sur les lignes voluptueuses de son décolleté suggérant une poitrine ferme et généreuse, son nez en trompette, ses lèvres pulpeuses, des effluves de son parfum capiteux, de la silhouette galbée d’une luxurieuse en plein possession de ses charmes. Il s’était senti frémir lorsque ses longs doigts effilés avait parcouru ses muscles endoloris, il s’était senti vibrer lorsque ses iris opale avaient interrogé les siens et s’était senti vaciller lorsque les mots susurrés à son oreille l’invitant à s’abandonner aux plaisirs lascifs de la ravissante créature l’avait submergé.

Il chassa bientôt l’interrogation de son esprit embué et recentra son intérêt sur le corniaud qui avait osé lui ravir la vedette. Il le lorgna de longues secondes sous toutes ses coutures pour mieux s’en brosser le portrait. Il n’était pas bien difficile à cerner pensa t’il lorsqu’il détailla le personnage avec curiosité. Un corvus à son égal sans doute, peut-être même un peu plus jeune, il avait tout de l’un de ces parvenus des sommets nés avec une cuillère d’argent dans la gueule et à qui tout sourit. Il lui serait aisé de le manipuler pour récupérer la bague au culot d’une ruse bien mené. Il n'aurait même pas à débourser les cinq pièces qu'il s'apprêtait à sacrifier pour l’acquérir. En dépit des apparences, cet idiot lui facilitait bien plus la vie qu’il ne l’aurait espéré.

Toutefois, un impératif demeurait : sauver la mise.

« Eh bien je m’avoue vaincu, mon seigneur ! Vous faites l’acquisition d’une bien belle pièce.» lança t’il jovial et amical.

Dupera bien qui dupera le dernier.


Sans véritablement en connaître les tenants et les aboutissants Pavel venait de poser le premier jalon du tour malicieux qu’il s’apprêtait à tendre à son congénère. S’il n’avait agi que sur une pointe de défi pour rengorger son ego des vivats et apprécier les chuchotis que son incursion avait entraîné, le moment était venu de laisser libre cours à la véritable duperie. Dans ce que le Magrieth interpréta comme un sursaut d’orgueil, Aries déclencha les hostilités. Affable, le jeune corvus semblait galvanisé par la gageure de sa situation comme s’il avait tiré un trait sur l’écueil qu’il venait de vivre, un souffle gorgé d’une énergie inédite stimulait son être tout entier vers la réalisation de son objectif. Était-ce  l’énergie du désespoir ? S’il aimait se complaire dans l’allégresse de plaisirs futiles, c’était bien dans l’adversité qu’il tirait toute sa fougue et toute son exubérance. L’escroc notoire qu’il fut à ses débuts avant d’arriver à Avalon était bien loin. Ici, le malandrin avait peaufiné ses arts, éprouvant sa technique proie après proie, profitant du vivier cosmopolite de la cité en débutant avec les races abâtardies qui peuplaient ces rues. Humains, réprouvés, magiciens, sorciers, quelques déchus issus du lot, des jeunes sangs ou de vieux séniles pour la plupart, le souvenir ému de ses facéties raviva les tisons ardents de sa résolution à accrocher le Magrieth à son tableau de chasse bien pourvu.

Les mots enjoués d’Aries glissèrent sur le masque d’amabilité de Pavel qu’il lui rendit la réciprocité.

« Tout à fait, c’est une gemme bien singulière qui sera du meilleur effet ! »  qu'il répliqua en inspectant la pureté de la pierre dans les les rais de lumières qui filtraient à travers les étoffes servant d'ombrage aux étales.  S'il s'y connaissait ? Il n'avait évidemment aucun semblant de forme d'expertise en joaillerie. Au culot, au bluff comme ce qu'allait devenir la douce allégorie de cette rencontre.

S’il était loin d’être un mondain, Pavel avait appris à devoir composer avec le même registre que ses vis-à-vis, aussi mielleux et hypocrites qu’ils puissent être. La manœuvre dénotait davantage du respect, de la déférence à un présupposé rang ou qualité de ses interlocuteurs. Pavel ne goûtait que très peu à ce genre de verbosité, c’était de la gloriole frivole, de l’onanisme que l’on habillait juste assez pour en faire revêtir les traits de la bienséance et du savoir-vivre. Il n’aimait définitivement pas se faire fourrer quoi que ce soit où que ce soit mais le déchu, les aléas de la fortune faisant, connaissait l’importance des conventions.

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Mar 02 Juin 2020, 00:55



Jeu de dupe

Une lueur de malice germa subitement dans son regard alors que sa voix s’adoucissait et que son intonation se faisait plus longue et incertaine. Dubitatif, le Magrieth passe la bague à son annulaire droit,  inclinant sa main de part et d’autre pour tirer parti de la réverbération du soleil sur la gemme. Il semblait perplexe devant les attraits tout compte fait anodins du bijou comme s’il regrettait d’en avoir fait l’acquisition songea Aries. Il sourit intérieurement à l’aune de cette observation. Ce n’était après tout qu’un énième caillou dans une collection qui devaient en contenir des dizaines maugréa t’il. Ces riches aiment s’accaparer des trésors pour le plaisir fugace d’avoir la primauté de pouvoir apposer leur griffe et leur nom dessus. Lorsque invariablement, leur intérêt vient à se porter une nouvelle lubie, ils délaissent alors un à un les trésors précédemment glanés. Ce maudit poseur s’inscrivait dans la droite lignée de ceux-là. Si ce vantard avait donné matière à se réjouir au Corvus, Aries prenait grand soin à dissimuler son enthousiasme. Il fallait désormais faire preuve de persuasion sans paraître trop volubile dans son approche et le Magrieth lui servit cette opportunité sur un plateau d’argent lorsque d’un ton morose, il renchérit :  

« Maaais je dois avouer que je ne suis pas sûr qu’elle me plaise vraiment pour tout vous dire. Je pensais que son éclat serait plus vif. Veuillez excuser mes manières, je manque à tous mes devoirs, mon nom est Pavel Magrieth»

« Le mien est Aries Hattal. Ma foi, il est vrai que l’on dit de ces pierres qu’elles s’illuminent chaque jour d’un éclat renouvelé. En outre, c’est un bijou qui siérait davantage à la main de votre promise et je ne pense guère m’hasarder à dire que c’est pour elle que vous êtes entré en sa possession. » Direct, sans ambages, presque naturel, le verbe haut distillait sa ciguë dans l’oreille intéressé du Magrieth. Il marqua un temps d’arrêt pour bien accentuer la portée et la saveur de l’affirmation qui allait suivre.

« Mais nul doute que vous savez d’ores et déjà tout ça mon seigneur, je le sais fort bien. » Flatter bassement son égo, souligner son importance et sa sagacité comme prémices de leur discussion pourraient suffire à s’attirer ses bonnes grâces.  Aries s’était délibérément placé dans une position de faire-valoir pour que le Magrieth puisse exprimer toute la condescendance des ressorts de son ego. Aries s’effaçait  volontairement pour laisser un ascendant manifeste au corvus qui avait alors toute latitude pour le mépriser ou au contraire le prendre en pitié. Dans les faits, Aries Hattal renversait la vapeur à son avantage avec brio.

« Vous permettez ? » Banale question rhétorique alors que sans l’aval du Magrieth il plie genou, rapproche ses prunelles à quelques centimètres de la gemme si bien qu’on aurait pu dire qu’il s’apprêtait à lui baiser la main. Une alternative qui n’aurait pas déplu à Pavel tant il aurait aimé ici faire montre de l’envergure du gouffre qui séparait ces deux orgueilleux. Il se releva promptement.

«  Je crains qu’il y a une très mince brèche à la surface de la gemme mon seigneur. Une irrégularité dans la matière que cette crapule a pris soin de vous cacher. Ces hommes sont vraiment la pire lie que notre monde n’a jamais porté.»

« Comment dites-vous ? », le Magrieth feint une moue déconfite et s’empresse de mimer un long regard attentif sur le caillou. Une éraflure ? Pas la moindre. L’améthyste était immaculé bien évidemment.  Aries avait du cran et s’il pouvait être très fâcheux de proférer un mensonge éhonté de la sorte, l’imposture méritait que Pavel lui donne un peu plus de jeu pour qu’il puisse donner libre cours à l’ingéniosité de sa roublardise.

« Bon sang, mais vous avez raison ! C’est une véritable fissure ! Ce scélérat m’a floué ! Dire que j’avais agi en bon samaritain par égard envers un camarade...le voir traiter un individu de notre race avec si peu d’estime m’était proprement insupportable. J’aurais pu le châtier moi-même néanmoins je ne souhaitais pas m’abaisser à son niveau.» ponctua t’il plus calmement après avoir brandi un poing faussement tempétueux à l’égard du marchand.  

« Que voulez-vous dire ? »

Il était piqué au vif. Le Magrieth se savait reprendre l’avantage et devait capitaliser sur la curiosité singulière qui s’éveillait en en vis-à-vis pour transformer l’essai. L’effet de surprise était une arme dont il fallait user seulement aux moments les plus propices en cela qu’elle pouvait faire basculer  une situation à son avantage ou la condamner définitivement. Le moment fatidique de ce jeu de dupe prenait place maintenant.

« Eh bien Aries, je crois que rares sont les hommes que l’on peut présenter par leur sincérité comme qualité première et vous êtes incontestablement l’un d’entre eux. Je souhaite rendre hommage à cette franchise et cette authenticité qui font si cruellement défaut à nombre d’entre nous. Vous souhaitiez si ardemment, si passionnément faire l’acquisition de cette bague et pourtant vous voici à me prodiguer conseils et recommandations avisés alors que vous auriez eu tout intérêt à me leurrer par de fausses allégations.  Vous avez vu juste sur un point. Ce bijou n’est en effet pas pour moi.  A l’aune de votre différend avec le boutiquier, j’ai présumé que vous le souhaitiez pour votre femme, amante, épouse, que sais-je. En gage de gratitude pour votre honnêteté, je consens à vous l’offrir mais j’aimerais d’abord, si vous me permettez cette incongruité, que vous me parliez un peu de l’amour que vous lui portez et de ce que ce bijou symbolise pour vous. »

Quel imbécile heureux ricana intérieurement Aries, il me mange déjà dans la main.  


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[Q] - Jeu de dupe

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