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 [RD - Artefact] Flashback : La naissance du maître des ombres

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Dim 24 Mai 2020, 01:23


Orphelinat

LA NAISSANCE DU

MAITRE DES OMBRES




Facilier Enfant« On ne court pas dans les couloirs ! »

La voix de la grosse matrone tinta dans le promenoir et rebondit sur les murs défraîchis jusqu’à heurter mes oreilles décollées. J’accélérai le rythme sans écouter l’instruction. Maintenant qu’elle m’avait aperçu, il était trop tard pour éviter la punition. La congréganiste ne tarderait pas à faire le lien entre mon échappée et l’état des cuisines. Le capharnaüm que j’avais causé me coûterait trois ou quatre mois de liberté ; je comptais bien profiter de cette course comme si c’était la dernière.

Le martèlement de mes pieds nus contre la pierre froide s’accordait au battements de mon coeur. Mes cheveux crépus se gorgeaient de transpiration. Je sentais de grosses gouttes de sueur couler dans ma nuque et dégouliner le long de mon dos voûté. La bouche ouverte et la respiration haletante, je passai entre deux antiques colonnades et me précipitai vers l’étage supérieur. L’escalier de bois grinçait au son cadencé de mes pas. Au loin, une cloche commença à sonner.

Ma tête franchit le second pallier. Sur ma droite, j’aperçus les deux enfants qui maintenaient la trappe ouverte. Ils m’observaient de leurs petits yeux pétillants d’admiration. Je savais qu’ils n’osaient pas désobéir aux soeurs ; le châtiment de Frey leur faisait bien trop peur.

« Vite ! Vite ! »

La trappe commençait déjà à se refermer. Un coup d’oeil en arrière me permit de constater que mes assaillantes gagnaient du terrain. Le sang battait mes tempes. Mes compagnons s’étaient déjà faufilés à l’intérieur de peur de se faire prendre. Je n’aurai jamais le temps d’atteindre le grenier avant qu’elles m’attrapassent. Mais je ne voulais pas avoir fait tout cela pour rien. Je m’arrêtai soudain pour fouiller le sac qui était accroché à ma ceinture. J’en sortis une petite boîte en métal contenant mon trophée : une dizaine de biscuits savoureux au chocolat.

« Tenez ! » criai-je en lançant le récipient de toutes mes forces.

L’objet tomba sur le sol mais mes amis étaient bien trop peureux pour le récupérer. Je maudissais leur couardise. Soudain, des bras saisirent mes membres endoloris.

« Où croyais-tu t’enfuir comme ça ? Tu ne pensais quand même pas échapper à la sentence de Frey ? » s'amusa l’une des gouvernantes

La matriarche me dépassa de sa démarche nonchalante. Comme à son habitude, elle ne présentait aucun signe indiquant qu’elle ait eu à faire un quelconque effort pour rejoindre les lieux : sa respiration était calme, ses joues laiteuses et son visage sec. Sans même m’accorder un regard, elle s’empara de mon butin. Son visage ridé pivota vers moi. Un sourire malsain se dessina sur ses lèvres presque effacées par le temps. Elle tourna les talons et revint sur ses pas. J’avais reçu suffisamment de correction pour comprendre qu’elle ralentissait pour me laisser l’occasion d’imaginer les tourments qu’elle m’infligerait lorsqu’elle parviendrait à mon contact.

« Encore à désobéir aux ordres, Facilier ? Je pensais que tu avais compris à force. Peut-être faudrait-il que nous utilisions des moyens plus… radicaux ? »

S’il avait pu, le sourire de la démone se serait étiré davantage. Je détestai cette mégère. Pourquoi diable avait-il fallut que j’atterrisse dans cet orphelinat ? Je haïssais ces inconscients qui avaient pris plaisir à me concevoir avant de m’abandonner.

La rombière fût sur moi plus vite que je ne l’aurai imaginé ce qui m’arracha un frisson désagréable ; le châtiment qu’elle souhaitait m’infliger devait être l’un de ses préférés pour qu’elle fasse preuve d’autant d’impatience. Sa main se leva et claqua violemment ma joue pour annoncer le début du calvaire.

« Descendez le à la cave, nous allons lui apprendre le respect.

— Bien, Matriarche.

— Et vous, lança-t-elle à l’intention de mes complices toujours dissimulés, voyez ce qu’il en coûte d’enfreindre le règlement. »

Mes geôlières me contraignirent à emprunter l’escalier dans l’autre sens. Derrière moi, j’entendis le couvercle de la boite céder. Bientôt, des bruits de mastication accompagnèrent ma descente aux enfers.
Séparateur
Trois ans s’étaient écoulés depuis cet événement que je considérais comme l’un des pires de ma jeune vie. Nous étions au milieu de l’automne. Le paysage avait reprit les teintes flamboyantes si caractéristique de cette période de l’année. Le vent soufflait fort, emportant avec lui les feuilles dont la volonté faiblissait face à la chute de température. Une branche presque nue cognait contre la fenêtre du dortoir qu’un rayon de lune éclairait d’une lueur fantomatique. Comme chaque année, je fixai les aiguilles de la pendule qui couronnait l’encadrement de la porte. Dans deux minutes, je fêterai ma douzième année de galère au sein de ce lieu maudit et - par la même occasion - mon ultime journée entre ces murs.

La lumière qui filtrait à travers les interstices de la porte s’éteignit : la geôlière avait terminé sa ronde. Je repoussai doucement les couvertures en bas de mon lit. Aussitôt, le froid s’immisça à travers ma chemise de nuit pour grignoter ma peau jusqu’à l’os. Je me levai avec hâte. Le contact de mes pieds nus avec le sol glacé m’arracha une grimace silencieuse. A tâtons, j’attrapai les vêtements d’hiver que j’avais posé sur ma table de nuit. Je les enfilai précipitamment en m’attachant à faire le moins de bruit possible. Autour de moi, les ronflements de mes camarades étaient autant de signaux qui confirmèrent ma discrétion.

La porte de notre chambre glissa sur ses gonds dans un grincement sonore. Je me figeai tous sens en alerte. Mes muscles se raidirent comme ceux d’un animal aux aguets. Je tendis l’oreille mais aucun bruit ne répondit au mien. Sans un regard en arrière, je me fondis dans l’obscurité du couloir.

Le dortoir était situé au fond de l’aile ouest, au deuxième étage. Le chemin vers la liberté était encore long mais, étrangement, j’étais plutôt confiant. Pourtant, je me repris bien vite. Je n’avais fait que le plus facile ; il me fallait encore échapper à la vigilance des matrones et - pire - à celle, plus affûtée, de la matriarche.

Mon chemin vers l’escalier se passa sans encombre. Mes années de captivité m’avaient permis de dresser une carte mentale des lieux. Je connaissais chaque coin et chaque recoin des allées communes si bien que je n’eus aucun mal à me diriger dans le noir. Pénétrant la bâtisse par endroit, la lueur de la nuit agissait comme un phare. Elle m’offrait une visibilité sporadique afin de guider mon chemin.

Mon pied appuya sur la première marche qui s’indigna en grinçant mollement sous mon poids.

« Bon dieu de bonsoir ! Va falloir penser à faire attention sur le chocolat hein ! Sacrebleu… »

La voix déchira le voile de silence. Je sursautai, pris de panique. Mon coeur se mit à battre à toute allure. Du regard, je cherchai la source de l’élocution.

« Je suis là, l’avorton. T’excuse pas surtout ! Tu penses que je vais me laisser marcher dessus hein ! Ah… oui… Bref ! »

Mon regard se posa sur l’escalier. Quel était ce maléfice ? Il n’avait jamais parlé auparavant.

« Chut ! S’il vous plaît, vous allez les réveiller, suppliai-je en chuchotant

— Et alors ? En quoi ça me regarde moi ?

— Je ne veux pas rester ici…

— Un fuyard ? Il faut que je prévienne la matriarche. ALERTE ! »

Je n’attendis pas une seconde de plus. Je dévalai l’escalier quatre à quatre. Les hurlements d’alarme tonnaient de plus en plus fort à chacun de mes pas. Je passai le premier pallier lorsque les portes des chambres claquèrent derrière moi. Le sommeil quitta tous les habitants de l’orphelinat qui se jetèrent aussitôt à ma suite.

« Fais chier ! » pestai-je

Mon cerveau réfléchissait à toute allure. Si l’escalier était magique, les portes étaient sans doute également ensorcelée. Je n’aurai jamais l’opportunité de m’échapper de cette prison si elles se dressaient sur ma route. Que Frey s’en aille crever en enfer !

J’atteignis finalement le rez-de-chaussée. Je me dirigeai à toute allure vers le cloître baigné dans la lumière nocturne. Il était probablement trop tard pour quitter le monastère par la porte principale. L’aile ouest abritant les quartiers de la mère supérieure, je n’avais plus qu’à tenter une percée à l’est.  

Les portes closes se succédaient : la salle capitulaire, le scriptorium, le réfectoire… Il ne me restait plus qu’à tenter les cuisines. A ma grande surprise, la porte pivota au moment où je m’approchai. Je plongeai en avant, glissant sous les jupes d’une matrone un peu trop gourmande. Le temps qu’elle réalisât ce qu’il se passait, je m’étais relevé. Elle lâcha ses victuailles et s’élança à ma poursuite. Ma petite taille était un avantage pour circuler dans la pièce encombrée par les caisses et les tonneaux. Un vitrail représentant le Dieu du Châtiment était mon ultime obstacle vers la liberté.

« Va te faire foutre, Frey ! » criai-je en m’élançant contre la fenêtre qui se brisa en une myriade de petits fragments de verre.

Je roulai sur le sol parmi les débris. Les bribes de vitre me lacéraient la peau, maculant ma tunique blanche d’auréoles sanglantes. L’adrénaline m’aida à supporter la douleur et je me relevai prestement.

« Tu es peut-être arrivé jusqu’ici mais la partie s’arrête là. »

La voix nasillarde de la mère supérieure agressa mes oreilles. Elle se tenait devant moi, imperturbable. Seule et à l’air libre, elle me parut toute de suite moins imposante. La lune révélait ses traits fatigués. Son visage flétri ne m’inspirait plus aucune peur tant il était creusé par l’âge. Ses rides traçaient des sillons si profonds qu’elle ressemblait à un pruneau trop longtemps exposé au soleil.

« Pas cette fois, Matriarche ! » osai-je objecter

Je repris ma course effrénée dans l’espoir de la contourner. Ses yeux étincelèrent de malice tandis que son bras décharné s’étira pour m’attraper. Je l’évitai de justesse, poussé par une force invisible.

« Engeance de l’usurpateur ! »

Je fus soulevé par quelqu’un - ou quelque chose. Il se précipita à ma place à travers le champs qui entourait le bâtiment. La maîtresse des lieux prit appui sur ses jambes et se rapprocha dangereusement. Mon allié me projeta en avant de toute ses forces. Sans chercher d’explication, je poursuivis ma fuite.

« Maléfique, sorcière ! Comment as-tu pu pervertir l’âme de ton enfant avec ta magie profane ! » s’écria ma poursuivante au main avec un être dont je ne discernai pas les contours

Maléfique ? Si c’était bel et bien ma mère, elle ne m’avait pas laisser sans défense - c’était une maigre consolation qui ne suppléait pas douze années d’abandon.

Je détalai aussi vite que je pouvais, fuyant la demeure du Dieu Unique. Au loin, j’entendais la rombière cracher son venin. Mes muscles peu préparé à un tel effort commencèrent à répandre un liquide brûlant dans mon corps. J’avais de plus en plus de mal à respirer. Je haletai bruyamment, crachant des glaires rougies par le sang. Le goût métallique se faisait de plus en plus présent dans ma bouche mais je ne pouvais pas ralentir le pas.

Soudain, le désespoir envahit mon esprit. Je me laissai tomber sur les genoux, complètement abattu. Devant moi, les limites du domaine laissaient place à une profonde crevasse. Il était impensable de descendre par là. Luttant pour ma survie, je scrutai la pénombre à la recherche d’un quelconque moyen de traverser, en vain. J’avais perdu - et le prix à payer pour mon audace serait élevé. Mes mains frappèrent le sol avec rage. Je n’entendais plus les bruits de lutte dans le lointain. Dans quelques minutes, l’air hautain de la matriarche viendrait me narguer et m’humilier. Non, plutôt mourir. Je me relevai avec difficulté et titubai vers le précipice.

« Quel dommage ! L’orphelinat est suspendu dans les hauteurs de Pétaouchnok. Je t’avais prévenu, tu ne peux pas t’échapper. Agenouilles-toi face au tout-puissant Frey !

— Jamais, salope !

— Maudit garnement, comment oses-tu me défier !

— Je t’emmerde, tu n’auras plus jamais la mainmise sur moi ! »

Mes yeux se baissèrent vers les abysses. Je déglutis difficilement. La peur paralysait mes membres.

« Laisses-moi rire, tu ne sauteras jamais. Tu n’as pas le cran nécessaire pour accomplir un tel acte ! » se moqua-t-elle

Elle n’avait pas tout à faire tord. Mais je n’étais pas seul. La force invisible me poussa dans le vide.

« Non ! »

Le cri de la matriarche se mêlait au sifflement du vent. Le temps suspendit son envol tandis que je me rapprochai peu à peu d’un funeste destin. Je fermai les yeux dans l’attente du fracas qui mettrait un terme à ma courte existence. Il n’arriva pas. La force invisible freina suffisamment ma chute pour que je ne sois sonné qu’un court instant.

« Merci de m’avoir sauver » murmurai-je

Dans la clarté de la lune, je reconnus mon ombre qui s’inclina respectueusement. Je ne comprenais pas toutes les forces en présence mais je devais partir ; je doutais que les prêcheurs de Frey ne recherchât pas mon cadavre.

La silhouette tira sur ma manche pour m’indiquer de la suivre. Nous marchâmes en silence pendant une bonne heure jusqu’à ce qu’elle m’indiquât une caverne.

« Je t’attendais, Maître des Ombres. » déclara une voix gutturale provenant de la cavité.


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Ven 12 Juin 2020, 12:51


Caverne

LA NAISSANCE DU

MAITRE DES OMBRES




« Hé oh ! Il y a quelqu’un ? »

Personne ne me répondit. Poussé par la curiosité, je m’introduisis à l’intérieur de la grotte. L’endroit était froid et humide. Une faible lueur éclairait les parois de granite que de nombreux champignons recouvraient par endroit. Je m’avançai vers la lumière. Le son de mes pas résonnait dans dans cette immense cavité, troublant l’écoulement régulier des gouttelettes qui dégringolaient des stalactites. Malgré l’odeur rance et désagréable qui s’accentuait au fil de ma progression, j’étais déterminé à faire face à l’homme qui m’avait interpellé.

Je m’approchai des flammes verdâtres qui s’élevaient au centre d’un étrange campement. Mes yeux se posèrent tour à tour sur les tables recouvertes de substances plus étranges les unes que les autres. J’en reconnus certaines. Il y avait là un oeil, ici un coeur de biche, plus loin encore un objet qui me rappelait un cerveau rabougri. J’aurai pu fuir. J’aurai dû crier. Et, pourtant, un sentiment doux et agréable se répandit dans tout mon être. Au milieu de ce fatras ésotérique, et pour la première fois de ma courte existence, je me sentais à l’aise.

« Tu es plus jeune que ce à quoi je m’attendais »

Je fis volte face pour découvrir un visage rongé par le temps et les asticots. Une grimace de dégoût masquait son étonnement. Nous nous fixâmes longuement sans qu’aucune parole ne soit prononcée. Il s’agissait d’un homme relativement âgé. D’étranges cheveux filasses sortaient de son chapeau haut-de-forme usé si bien que j’avais l’impression que sa figure était encadrée d’une épaisse soie d’araignée. Ses lèvres pales et fines se poursuivaient en un sourire macabre taillé à même les joues. Il inspirait crainte et respect. Je ne cillai pas lorsque ses prunelles couvertes d’un voile blanc croisèrent les miennes. Son teint cadavérique et ses joues creusées me laissaient songeur. Il paraissait autant vivre que mourir. Alors qu’il aurait dû m’instiller la peur, l’étranger dégageait une aura qui apaisait tous mes doutes. Je ne le connaissais pas et, pourtant, il me paraissait étrangement familier. D’un geste lent, il leva une main décharnée et me pointa du doigt. Je ne pouvais m’empêcher d’observer son ongle noirci par la crasse.

« Un garçon bien élevé se présente à ses aînés, me lança-t-il.

— Je suis Facilier, Monsieur.

— Bien, tu seras mon apprenti.

— Votre apprenti ? répétai-je bêtement

— Oui, mon apprenti. J’ai besoin de transmettre mes connaissances avant de rejoindre l’au-delà et tu as été désigné comme mon fidèle successeur. Je t’apprendrais tout ce qu’il y a à apprendre sur la magie vaudou.

— La magie vaudou ?

— Tu comptes répéter tout ce que je te dis ? Parce que je t’avoue que cela va vite devenir pénible. Si tu veux réellement que je te transmette mon savoir, tu as intérêt à t’en montrer digne. La magie vaudou est une pratique occulte puissante qui permet d’imposer sa volonté aux êtres de l’au-delà. »

Une quinte de toux coupa son monologue, me permettant d’assimiler toutes les informations. Le vieillard se proposait de m’apprendre à développer des pouvoirs magiques si je suivais son enseignement. C’était une véritable aubaine pour moi. Un sourire satisfait commença à naître sur mes lèvres.

« Il semble que tu sois naturellement prédisposé à pactiser avec les esprits d’Outre-Tombe - c’est ce que m’a laissé entendre ma dernière divination. Mais nous en reparlerons demain. Pour l’instant, je te conseille de te reposer, cette première journée de liberté sera rude pour toi et j’ai encore beaucoup à préparer… Kutkh, mène notre invité vers ses quartiers veux-tu ? »

D’un bruissement d’ailes, le majestueux corbeau traversa la pièce. Je ne pus m’empêcher de marquer un mouvement de surprise : dans les ténèbres de la pièce, je ne l’avais pas remarqué. Lorsqu’il s’approcha de la lueur blafarde, je distinguai les multiples yeux qui recouvraient sa tête. Il était repoussant et étrangement intriguant. Il se posa au sol et entreprit de marcher jusqu’à ma couche: Je le suivis sans un mot. Lorsque nous arrivâmes, il se posa sur mon épaule et caressa ma joue de son bec incroyablement lisse.

« Merci »

L’animal croassa affectueusement avant de prendre son envol. Je m’allongeai sur ma paillasse avec la certitude que je ne réussirai pas à m’endormir. Néanmoins, malgré l’excitation, lorsque je me glissai sous les peaux, le sommeil m’emporta immédiatement.
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Je fus réveillé par un chant tribal aux sonorités nasales. Il me fallut un bref instant pour me remémorer les événements de la veille. Mon évasion avait été un franc succès. J’admirai le décor avec davantage d’intensité que la veille. Malheureusement, le soleil peinait à éclairer cette cave sous la montagne. J’embrassai du regard les possessions de l’ermite : à par les tables qui regorgeaient de plantes séchées, de poudre et d’organes, le vieil homme menait une vie simple. Il n’y avait qu’une autre couche à proximité de la mienne, une table et deux chaises. Le tout encadrait un large brasier aux couleurs étranges.

D’un pas hésitant, je m’approchai de mon nouveau mentor. Ses yeux fixaient le feu dont les teintes tiraient désormais sur un bleu canard. Aucun signe ne me laissa penser qu’il avait remarqué ma présence. Curieux, je m’installai pour l’écouter. Sa voix était bien différente de celle dont je me souvenais : elle paraissait plus affirmée tout en étant plus lointaine. Je me concentrai sur ce flot de paroles étrangères sans réussir à en saisir le sens. Comme la nuit précédente, Kutkh me rejoignit sans que je ne le remarquasse. Il se glissa entre mes jambes croisées et posa sa tête contre mon genou. Je me surpris à caresser son plumage fuligineux.

Au bout d’un long moment, bien après que mon estomac ait commencé à réclamer son dû, le vieillard sortit de sa transe. Il secoua légèrement la tête et prit enfin conscience de ce qui l’entourait.

« Ah, tu es réveillé. Bien dormi ?

— Oui, monsieur…»

Je marquai un blanc, fouillant ma mémoire à la recherche du nom de mon interlocuteur.

« Ziléus, répondit-il avec un sourire qui laissa apparaître ses chicots. Excuse-moi, je ne me suis pas présenté. Je suis Ziléus, le Grand-Passeur des Ombres.

— Qu’est-ce qu’un Grand-Passeur ?

— C’est un titre qui revient à ceux qui sont capables de se déplacer vers le plan des Ombres. Ce n’est sans doute pas très clair pour toi pour l’instant mais cela le sera très bientôt. Tu as faim ? »

J’hochai la tête. Il tourna la tête vers le fond de la pièce, à proximité des couches. Soudain, une silhouette s’approcha de nous. Les contours ressemblaient trait pour trait à ceux de son ombre. La forme portait un panier et une grande outre. Elle les posa près du mage et disparut dans les ténèbres.

« Comment avez-vous fait ça ? » m'étonnai-je

Il me lança un regard surpris et me répondit tout en fouillant dans le couffin.

« Tu sais le faire aussi, il me semble.

— Ah bon ? rétorquai-je avant de me rappeler de la force invisible de la veille. C’est moi qui ait fait ça ?

— Bien évidemment, qui veux-tu que ce soit ?

— Mais je ne sais pas comment je m’y suis pris…

— Ce n’est pas grave. Je te montrerai après le repas. »

Le déjeuner se passa dans un silence religieux. Le pain était sec et il me fallut beaucoup de mâche avant d’obtenir une texture que je pus avaler. Je regrettais presque les repas de l’orphelinat ; c’était la première fois que je dû me contenter d’autant de frugalité. Lorsque la sensation de satiété commença à poindre, je reposai la miche dans le panier. L’homme prépara ensuite deux tasses d’eau chaude avant d’y disposer une poignée d’herbes rougeâtres. Il me tendit l’une de ses préparations et commença ses explications.

« Par où commencer ? s'interrogea-t-il. Qu’est-ce que tu sais de la magie ?

— Pas grand chose… avouai-je

— Hmm… Je n’aurai pas le temps de tout t’expliquer - il faudra que tu fasses des recherches par toi même. Pour le moment, sache simplement qu’il existe plusieurs formes de magie. Chacune fonctionne selon un procédé qui lui est propre. Pour ma part, comme je te l’ai précisé hier, je vais t’apprendre le vaudou.

— D’accord.

— Bien. Ce monde est formé de plans qui coexistent. Nous sommes actuellement sur le plan matériel - c’est celui sur lequel tu es né et avec lequel tu interagis. Il existe également un autre plan qui possède plusieurs appellations différentes selon les cultures. Les plus courantes sont : l’Outre-Tombe, l’Au-Delà ou encore le Plan des Ombres. C’est une dimension dans laquelle cohabitent des esprits intangibles qui ont  été bannis de notre dimension. Il est également possible d’interférer avec les morts via ce plan - ce qui explique que certains d’entre nous soient capables de communiquer avec les défunts. Est-ce que c’est clair jusque là ? »

Je secouai la tête à l’affirmative. Cependant, si je comprenais ce qu’il disait, c’était assez difficile à imaginer pour un enfant ayant grandi dans le giron de Frey. Tous ces concepts me paraissaient farfelus et complètement ridicules pourtant je ne pouvais nier que cet homme possédait des pouvoirs dépassant mon entendement.

« La magie vaudou est une pratique qui vise à imposer notre volonté à ces êtres. Notre discipline se compose de plusieurs domaines, parmi lesquels : la divination, la contractualisation, la matérialisation et la manipulation. La première branche que nous étudierons sera la divination. Communiquer avec les esprits de l’au-delà est la base de notre art. Il faut néanmoins faire attention car le simple fait de parler à ces êtres peut être dangereux. Ils ont tendance à essayer de tromper les plus faibles pour leur profit personnel. Ne leur montre jamais tes failles et impose toujours tes conditions. N’oublies jamais quel est le rapport de force : c’est toi qui décide, ils te sont soumis. »

Ziléus attrapa sa tasse et bu une longue gorgée. Je profitai de cet intermède pour intégrer ces nouvelles notions.

« Lorsque tu seras capables de communiquer avec les esprits, ils pourront te donner des informations sur le passé, le présent et même te laisser apercevoir des scénarios futur. C’est ce qu’on appelle la divination. Certains d’entre nous utilisent des cartes ou des boules de cristal mais ce n’est que de la mise en scène.

« Notre second champ d’étude sera la contractualisation. Le vaudou est une véritable passerelle entre le plan matériel et l’Outre-Tombe. Cela te permettra de réaliser les souhaits de tes clients - bien évidemment, cela ne se déroulera quasiment jamais selon leurs désirs. En réalité, les esprits sont farceurs et aiment détourner les voeux qui peuvent l’être. C’est pourquoi, je t’apprendrai l’art de la formulation : tu dois toujours être le plus exhaustif possible lorsque tu échanges avec eux, ainsi tu ne te feras pas avoir. Pour tes clients, tu peux les laisser se débrouiller : parfois ils reviennent pour annuler leur voeu et cela te permet de développer encore un peu plus ta puissance. Bien sûr, les esprits ne font pas cela par charité : ils se nourriront de chacun des contrats que tu établiras. Tu devras toujours trouver un accord quant au coût du service rendu.

« La troisième forme que nous aborderons sera la matérialisation. Il s’agit d’inviter temporairement un ou plusieurs - esprit·s sur le plan matériel à travers une ombre : c’est ce que tu as fait instinctivement lorsque tu étais en danger. C’est également ce que j’ai utilisé tout à l’heure pour nous amener notre repas. Lorsque tu seras prêt, tu choisiras un esprit particulier qui aura la chance de vivre à travers ton ombre sur ce plan.

« Enfin, nous finirons par l’art de la manipulation. Nous utilisons souvent des poupées à l’effigie de nos cibles. Avec un rituel et les ingrédients adéquats, il est possible de permettre à un esprit de contrôler temporairement le corps de notre victime à travers une marionnette. C’est un art qui demande du doigté et de l’expérience. A terme, il est même possible d’influencer les autres simplement par un chant rituel - mais tu n’en seras capable qu’à l’issue d’un long parcours à travers le vaudou. »

Cette magie me fascinait par la diversité de ses utilisations. Le monologue de mon maître avait avivé en moi une ardeur à la tâche. J’avais hâte de commencer mon apprentissage et d’être à même de communiquer avec ces nouveaux amis. Pourtant, une question continuait de me tarauder.

« Vous m’avez présenté quatre domaines mais en tant que Grand Passeur, vous m’avez dit que vous pouviez vous déplacer dans l’Au-Delà. Comment est-ce possible ? »

Les lèvres de mon mentor s’élargirent en un sourire édenté.

« Ça, je n’ai pas le droit d’en parler. Tu devras le découvrir par toi-même Facilier. Bon, commençons !»


Post II : 2 077mots
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