Quête pour déclencher l'évènement "Chaos"

Musique

Je reconnaissais ce piaf. Il avait la même tête ratée que Maléficonne. Cette tête de celleux qui veulent faire en sorte que tout le monde aille mal. Une tête que j’exécrais, tant j’avais à cœur de faire le bien dans mon royaume. Même si tout le monde m’appelait la Méchante Reine, iels ne comprenaient pas que ma méchanceté était ce qui jusque-là avait permis à mon royaume de tenir debout. Mais iels ne voulaient plus de moi, soit. J’allais m’atteler à aller vomir et pisser dans tous les coins de leur salle de bal. Mais en attendant, face à moi se trouvait le corbeau de celle qui avait sûrement ses fesses aussi charmantes que j’étais sympathique assises sur MON trône. Et j’avais bien envie de manger du pigeon pour ce soir.

Il m’avait vu. Et il avait reconnu que je n’étais pas sa maîtresse. « Amusant le piaf. T’as l’air moins abruti que ta maîtresse. On se balade sans sa mémé ? » Ezechyel me regarda d’un air moqueur, j’avais presque l’impression que les quolibets fusaient à l’intérieur de son œil noir et intense. Insulter quelqu’un d’aussi courtois que moi ?! Je ne trouvais pas cela correct.. Mais bon. C’était un piaf. Et c’était con.

A peine me détournai-je du chemin que j’eus la sensation étrange de tout voir tourner. Ce n’était pas cette fois la même chose que lorsque l’on avait pris le contrôle de mon corps, il y a de cela à peine quelques heures, mais c’était quelque chose de différent. Je tentai de reprendre pied sur le sol qui jusqu’alors tanguait et constatai que…rien n’avait foncièrement changer…ou alors. Si. Quelque chose avait changé, je n’aurais pas su dire exactement quoi, mais quelque chose dans l’air aurait été plus inquiétant si j’avais été une de ces princesses en fleur qui est incapable de gérer sa vie soi-même. Comme une de mes imbéciles de fille par exemple. Oui il y avait quelque chose de plus sombre, de plus macabre, de plus glauque, de plus atroce, de plus effrayant, de plus noir. Ce décor me faisait penser à la décoration de ma chambre. L’espace d’un instant, je me contins de verser une petite larme de déception en pensant à mon château que j’avais laissé aux mains de la pouffiasse au corbeau, mais ma tristesse fut de courte durée.

Face à moi se tenait une silhouette. Cheveux bruns. Regard illuminé. Sourire taquin. Demi-sourire, pour être plus précise. Elle était parfaitement du même ton que la forêt lugubre qui m’entourait maintenant. Les arbres semblaient vouloir m’attraper, ou alors étaient-ce leurs ombres. Les branches s’étaient faites mains et les racines, jambes. Les buissons semblaient renfermer des yeux brillants et malsains et le sol, jusqu’alors fait de simple mousse et de feuilles mortes semblait grouiller de formes de vie qui n’appelait ni à la sympathie, ni à la douceur. Un cadre délicieux. Face à moi, la personne, quoi que plus propre que ne devait l’être l’entier de cette forêt, ne faisait que me confirmer que je n’étais pas chez moi ici. Ou alors il savait que j’avais abdiqué récemment et… « Bonjour, Méchante Reine… » « EH ! JE SUIS EN TRAIN DE PENSER A QUI VOUS ÊTES ALORS VOUS ME LAISSEZ FINIR ! » . Je disais quoi ? Ah oui ! Ou alors il savait que j’avais abdiqué récemment et il en était ravi. En tous les cas, il ne me voulait sûrement pas de bien et j’allais devoir me méfier de lui (quoi qu’il ne semblât pas rechigner lorsque je lui demandai délicatement de ne plus m’interrompre dans le fil de mes pensées. Il ferait sûrement un bon sujet.

« Bon ! Vous disiez quoi ? » demandais-je avec un immense sourire. « Bonjour, Méchante Reine ! Enfin devrais-je dire Méchante…tout court ? » Il m’agaçait déjà. Il y avait un fort risque pour que je le tue, mais comme par envie de m’amuser, j’allais compter jusqu’à trois. « Je ne voulais bien sûr pas vous blesser ! Bienvenue chez moi ! » 1. « Permettez-moi, avant que vous ne finissiez ce décompte dans votre tête, de vous proposer un petit quelque chose. » Depuis quand les sujets lisaient dans les pensées ?!...2. « Seriez-vous intéressée par…un petit peu plus de chao au milieu de ces trois royaumes bien trop paisibles ? » Oh. Pause dans le décompte, peut-être m’intéressait-il plus que ce que je croyais. Je détestais revenir sur mon opinion, car les gens pouvaient penser que j’avais eu tort, mais peut-être qu’il allait pouvoir m’aider. « Du chaos, dites-vous ? » « Du chaos ! De quoi…pimenter légèrement le petit jeu auquel vous êtes toustes en train de vous adonner ! » « Et de quel type de chaos, précisément, voulez-vous parler ? » « Ah bah c’est du chaos, c’est pas un magasin de tissu ! Donc vous allez pas pouvoir choisir le type de chaos et si vous voulez un supplément discorde ! Mais c’est du beau chaos hein ! Propre en ordre, la panique, on s’en souvient dans l’histoire, et tout. » Son impertinence commençait à m’exciter un peu. Je me le serais bien fait. Mais c’était un autre sujet. Il n’allait pas avoir une sorcière aussi rôdée aussi facilement, on aurait dit Ursula qui parlait à ses poufs qu’elle prend pour sujettes ! « Qui dit service, dit salaire. Qu’est-ce que vous voulez en échange de ce…cha-os. » Les derniers mots avaient été projetés à quelques centimètres du visage de l’inconnu. Il fallait tout de même que je lui montre que le terrain était à moi et à personne d’autre et que ce n’était pas un faux magicien, quoi qu’aguicheur et intéressant, qui allait dicter ses lois. « Rien qui ne découragera quelqu’un d’aussi mauvais que vous. » Il m’intéressait de plus en plus. J’aimais les gens honnêtes. « J’ai besoin de sacrifices. Une chèvre » . Tout ça pour une chèvre. « Deux lapins. » Tout ça pour deux lapins et une chèvre. « Trois rats. » Il allait me la faire longtemps la comptine des animaux à sacrifier ? « Quatre humains. » Ah ! Maintenant le bougre commençait à m’intéresser « Il suffit de me les amener ici. » « Formidable ! » « Un dernier mot, ma Reine. Si par hasard vous veniez à vous inquiéter pour la vie de ces sacrifices, sachez qu’ils ne mourront pas vraiment. » « Ça, c’est ce que vous croyez. » Dis-je en m’éloignant.

Il me fallait donc trouver de quoi nourrir les appétits sacrificiels morbides de cet inconnu. Je ne savais pas qui c’était. Je n’en avais rien à faire. S’il pouvait mettre à feu et à sang ces trois royaumes, cela me ravirait. Ça permettrait à Blanche-Neige de peut-être s’enlaidir un peu et peut-être que ces sorcières perdraient de leur pouvoir ?! Qui sait ?! Mon sourire s’étira, aussi large que j’étais belle, puissante, intelligente, charismatique, radieuse, avisée, fine dirigeante, un esprit sain et magnifique. Je ne connaissais pas bien les lieux, mais je savais une chose. Il y avait toujours un village bucolique prêt à être massacré par les méchants de l’histoire à proximité. En plus je ressemblais à Maléfique, rien ne pouvait mal se passer. Je me dirigeai vers l’orée de la forêt et arrivai rapidement en vue d’un village si bucolique que j’en eu la nausée. Quelques maisons joliment alignées encerclaient un arbre qui devait servir de lieu de rassemblement au village. De la fumée sortait de quelques cheminées et des enfants jouaient ça et là alors que des adultes leur faisaient signe de ne pas trop s’éloigner en souriant. Tout cela sentait la communication non-violente et l’éducation qualitative à plein nez. Je vomis dans un coin de la forêt, m’essuyai la bouche et repartis en direction de mes sacrifices. Iels avaient des chèvres et des lapins. Il me resterait donc, les rats. J’allais trouver ça.

J’entrai dans une petite maison qui sentait délicieusement bon le pain frais et une petite dame, rondouillette et avenante se retourna. « Oh ! Reine Maléfique ! Euh…c’est un honneur de vous recevoir dans notre demeure ! Je…euh…vous êtes ici chez vous ! Bien sûr ! Que puis-je…euh… » « Vous avez de la famille ? » « Bien sûr, Reine Maléfique ! J’ai deux enfants et une femme. » « Formidable. Je veux tout le monde dans cette pièce. »

La petite femme avenante s’en alla aussi vite que possible et me ramena rapidement deux petits enfants absolument charmants et son épouse, une femme élancée à l’allure dynamique, qui me sourit en s’inclinant légèrement. Avant qu’elle n’ouvre la bouche, je leur annonçai la couleur :  « J’ai une mauvaise nouvelle pour vous, vous allez clamser. » et alors que dans leurs yeux commençait à naître de la terreur je sortis un petit couteau de ma manche et tranchai méthodiquement les quatre gorges à la suite en faisant en sorte de me mettre derrière les plaies afin de ne pas être éclaboussée. J’adorais le sang, mais pas en public, je restai une femme de manières, même dans un corps de cruche. Une fois ceci fait, je sortis pour tuer une chèvre et deux lapins et adressai un grand sourire aux personnes du village qui me regardaient maintenant avec frayeur. Je leur dis d’une voix lasse « Ah bah oui hein, je m’appelle Maléfique pas BonneCopine. » avant d’embarquer les corps sans vies des animaux à l’intérieur. Je nouai tout cela avec une petite cordelette bien serrée et sortis en traînant sept cadavres à l’extérieur. « Bonne soirééééée ! » lançai-je à la cantonade.

Il me restait à trouver le plus difficile. Trois rats. Difficile, car ces imbéciles avaient tendance à être rapide et que je n’avais aucune envie de jouer au chat pendant des heures. Je ne voulais pas que le corps de Maléficruche soit en retard au bal ! J’allai donc toquer à la porte d’une des chaumières de laquelle sortait de la fumée par grosses volutes blanches. « Excusez-moi de vous déranger, je ne veux pas vous tuer, mais vous auriez pas des petits cubes de fromages à me prêter ? » Il y eût un temps et des discussions. Iels devaient être surpris.e.x.s de m’entendre formuler cette requête. Rapidement, une petite assiette sortit de sous la porte avec quelques cubes de fromage.

Je montai un subterfuge terriblement audacieux. Je mis un cube de fromage au milieu de la forêt. Dessus, une sorte de boîte que j’avais fabriquée avec ce que j’avais trouvé dans la forêt, retenue par un bâton, lui-même attaché à un fil qui me permettrait de piéger les rats qui s’aventureraient ici. Dans la boîte, un couteau aiguisé pour que les rats se fassent immédiatement tuer. Cela marcha à merveille et je ramenai donc les dix corps sans vies au pied de la silhouette de la forêt qui m’attendait. « Mais vous avez rien compris ?! » « Comment ça ? » « Je vous ai demandé des sacrifices à faire, pas déjà fait ! » « Quoi ? Faut que je les ramène vivants en plus ? Roh. Bon, bougez pas ! »

Même histoire, sauf que cette fois je ne demandai pas une meule de fromage, mais utilisai cette dernière pour donner des grands coups sur la tête de la famille réunies dans la maison, encore apeurée. Je donnai un coup de talon dans la nuque de la chèvre, je pris les deux lapins que j’attachai et je me remis à mon subterfuge du rat en remplaçant mon couteau par un gros caillou histoire de les assommer. Retour à la silhouette, qui commençait à m’agacer avec ses conditions. « Bon ! Vous avez quatre humains morts, quatre humains assommés, trois rats morts, trois rats assommés, deux lapins morts, deux lapins assommés, une chèvre morte, une chèvre assommée. Je fais quoi ensuite ?! » « Vous les sacrifiez ! » « Mais avant j’ai pas fait ça ?! » « Non, mais cette fois vous le faites en mon honneur ! » « Vous êtes fatiguant hein ! » Je sortis mon couteau et tout en le regardant, je le plantai méthodiquement dans les cœurs de tous ces petits êtres anciennement vivants qui oscillaient entre le coma et l’éveil. Le sang s’écoula sur les feuilles mortes et se fit gentiment absorber par la forêt. Alors que je relevai les yeux pour voir si le sorcier de seconde zone qui me parlait était satisfait, un voile noir se leva devant mes yeux et je retombai dans un sommeil sans rêve.

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