Larme enchantée
[Aylivæ]

La neige s’incrustait dans ses cheveux sombres. Une bourrasque de vent balayait ces derniers. Ils semblaient danser dans l’air frais. La sirène n’avait pas rabattu la capuche de sa cape sombre sur sa tête. Elle voulait sentir le froid sur son visage pâle. Elle voulait sentir sa morsure sur ses lèvres roses. Elle lui rappelait le baiser d’un autre. Sentant son cœur s’accélérer dans sa poitrine, elle fermait un instant ses yeux. Sa respiration s’apaisait. Elle ne pouvait pas. Elle ne pouvait pas. Mais elle le sentait. Ce sentiment insidieux qui s’installait progressivement dans son coeur… Elle ne pouvait pas se l’autoriser… Elle ouvrait ses paupières, reprenant sa marche. Ses pieds s’enfonçaient doucement dans le tapis blanc et poudré. Le pavé en était recouvert. Elle essayait de l’oublier mais il s’était implanté dans son esprit torturé. Ironie. La sirène s’était laissée envouter. Une voix s’était ancrée dans son cœur. Douceur empoisonnée.

Elle levait son visage vers le ciel. Une fumée blanche sortait de ses lèvres entrouvertes. Elle souriait. C’était nerveux. Sa vie était devenue compliquée en cette période de l’année. Sa famille essayait de la contrôler. Son fils ne lui avait toujours pas pardonné. Elle avait un clone qui se promenait on-ne-sait-où. Et surtout, son cœur lui disait d’inviter ce sorcier. Ses insomnies le lui interdisaient. Depuis ce bain où sa bouche s’était déliée face au Prince des Cauchemars, ses nuits n’avaient plus jamais été les mêmes. Les monstres venaient hanter ses rêves. Ses peurs venaient ronger son cœur. Et sa colère n’avait jamais été aussi impatiente. Sans doute était-ce à cause de son irritabilité qu’elle ne supportait plus sa propre famille, d’ailleurs. C’était pourquoi elle s’était exilée elle-même sur l’île de Boräur. Sans être loin de l’océan, la sirène coulait des jours plus paisibles ici. Tout était plus doux. Même la neige était chaleureuse. C’était agréable, plus tranquille. Cependant, elle n’était pas sotte. Elle savait que ces soucis l’attendaient de pied ferme au-delà de l’île. Ils ne s’envoleraient pas tant qu’elle ne les aurait pas réglés. Il fallait qu’elle accepte, qu’elle ne se pose plus de questions. Son esprit n’était torturé que par son cœur trop tendre. Elle était comme la neige. Glacée au toucher, elle finissait toujours par fondre doucement. Il y avait trop d’eau dans son cœur. Trop d’eau dans ses yeux.

Elle arrêtait de sourire. Ses mires regardaient au loin. A travers le doux rideau de flocons blancs, elle voyait les contours d’un château luxueux. Elle se rapprochait. Bientôt, elle sera de retour dans son petit chez soi, bien au chaud, à entendre les rires du propriétaire de la demeure où son appartement se trouvait. Cependant, avant cela, elle avait une mission à accomplir. Sous sa cape, sa main enserra davantage le petit colis qu’elle tenait. Elle se sentait idiote de faire cela. Mais Nikolaï, le vieux propriétaire qui lui avait cédé un appartement dans son château, lui avait dit qu’offrir des présents était doux au cœur. Elle ne l’avait bien entendu pas cru. Cependant, le vieil homme rondouillet avait réussi à la convaincre après un long débat plutôt bienveillant. Elle en était arrivée à lui promettre d’essayer. C’était donc cette tentative qui avait entraîné ses pas jusqu’à l’immense porte de cet autre château de l’île.

Doucement, elle s’accroupit pour déposer le petit paquet contre le bois de l’entrée, à l’abri de la neige. Une petite note était accrochée au paquet par une cordelette élégamment ficelée. La Sirène se redressa. Cette fois-ci, un véritable sourire fleurit sur ses lèvres. Il était discret mais bien présent. Ses yeux regardèrent une dernière fois la note, vérifiant que tous les caractères étaient joliment tracés. C’était le cas.

« Monsieur Arcesi,

Je tenais à vous féliciter pour la place que vous avez remportée à la coupe des nations elfique. L’amitié qui existe entre nos deux peuples me pousse à vous offrir ce présent. Prenez-en soin. Ce pendentif est précieux. Il contient la larme d’une sirène. Elle fut produite par un élan d’amour. Je suis certaine que vous n’ignorez pas que ce sentiment puissant peut provoquer ou défaire bien des sorts. Ici, son enchantement vous permettra de parcourir les eaux sans vous soucier de votre souffle. Je sais que vous en ferez bon usage.

Bien à vous,
Aylivæ Song »

Sa cape fouetta le vent glacé quand elle se détourna du présent. Un cristal de glace se déposa sur ses lèvres pour y fondre. Son index se posa sur l’eau qui y perlait. « Jun… » murmurait-elle si faiblement que le vent balaya ses mots. Elle leva ses yeux bleus vers le ciel immaculé. « Je ne sais pas cuisiner. » Son sourire s’agrandit. Malgré son excuse, elle savait qu’elle cèderait. Elle l’inviterait.

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Le cadeau de Jämiel: