« Hm. » Réta n’était pas ravie. Le voyage avait été aisé du fait de la magie d’un tiers qui s’était chargée de la téléporter à Valera Morguis mais elle n’était pas sûre d’être particulièrement enjouée d’avoir accepté le marché. Il lui avait dit que c’était un nouvel endroit, qu’elle pourrait avoir tout ce qu’elle désirait, recommencer sa vie à zéro, se trouver des passe-temps, être enfin considérée, mais tout ce qu’elle voyait, c’est que ce foutu garde ne lui accordait pas une once d’attention. Était-elle à ce point inexistante aux yeux du monde ? « Le Prince ! » hurla-t-elle, tout en abattant sa canne sur le pied de l’individu. Elle l’avait demandé gentiment, plusieurs fois. Kaahl lui avait dit de ne pas faire de vagues, de s’installer en silence, de ne pas se faire remarquer, et elle y avait mis de la bonne volonté. Seulement, visiblement, personne ne voulait la croire. « Madame, avec tout le respect que je vous dois, je doute que le Prince vous connaisse. » Elle avait simplement égaré le papier qu’il lui avait donné, rien d’autre. Dire que ce fourbe lui avait promis que tout se passerait pour le mieux, qu’il la rejoindrait ensuite… Elle se demandait pourquoi est-ce qu’elle l’avait cru. Après tout, il trahissait sa famille depuis tellement longtemps ! Il avait de la chance qu’elle entrevoit le potentiel de ses manigances, sinon, elle l’aurait dénoncé depuis belle lurette à Veronika. « Puisque je vous dis que si ! » répondit-elle d’une voix rocailleuse et sévère. « Ce n’est tout de même pas un jeunot qui va m’apprendre la vie ! Je serai vous, je me laisserai entrer. Elias va vous récompenser comme il se doit si vous ne le faites pas ! » Vu la réputation du Chasseur, elle proférait là une menace efficace. Apprendre la vérité avait été d’une simplicité enfantine : elle n’avait pas fait exprès. Dire que, pendant tout ce temps, elle avait maudit son arrière-arrière-arrière petit fils pour être devenu Magicien. Elle s’était bien fourvoyée ! Quel vicieux ! Lui faire ça, à elle ! Une véritable abomination !

Quand bien même l’entièreté de sa famille l’avait parquée dans une maison attenante à la principale, parce qu’elle lui faisait honte, Réta n’avait eu de cesse d’avoir à cœur la gloire des siens. Elle ne la portait pas mais d’autres, de son sang, l’avaient fait pour elle. Lorsque Lagherta était devenue Magicienne, elle avait été la première à penser qu’il fallait tordre le coup à cette vipère, cette traitresse ! Heureusement Zachary n’avait pas hésité et elle en avait ressenti une très grande fierté. Après tout, cette trainée n’était pas de son sang ! Cependant, son sentiment avait été différent avec Kaahl. Cela ne pouvait être ! Il changerait, forcément, reviendrait sur le droit chemin, tôt ou tard. Ses chats avaient entendu parler de cette histoire de nombreuses fois. Elle ne pouvait croire que son dernier descendant soit passé à l’ennemi et fricote avec cette odieuse Impératrice Blanche. Heureusement, la vérité avait fini par éclater, et elle comprenait, à présent, le fin mot de cette histoire. Elle était, depuis, fière de lui. Se faire adopter par l’Empereur Noir, valser entre plusieurs identités, tout ceci était bel et bien sorcier. Elle avait donc accepté de le suivre ici, sans doute trop sotte pour comprendre que ce que souhaitait Kaahl, c’était avant tout la surveiller. Personne ou presque n’avait réussi à lire dans son jeu jusqu’ici et il n’était pas question qu’il laisse une grand-mère idiote et indigne mettre à mal sa couverture. De toute façon, les règles du jeu avaient changé, chose que Réta ne savait pas. Tout ce qu’elle savait se résumait à ce que tout le monde savait, c’est-à-dire que le Prince serait le seul représentant de la famille royale à Valera Morguis, et que c’était Lord en personne qui l’y avait envoyé afin de… hm, tout était possible. La vieille ne pouvait s’empêcher de penser que le gouverneur devait se sentir épié. Bien fait ! Elle espérait que son descendant briserait son esprit, comme elle allait briser sa canne sur la tête de ce garde s’il ne la laissait pas entrer à l’intérieur du Vaxauru. Il faisait froid, en plus de ça. « Je suis une vieille femme ! Si vous me laissez entrer, les risques sont faibles… alors que l’inverse, par contre… » « Laissez-moi réfléchir… hm… non ?! »