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 [ XVIII ] Le sang de nos origines.

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Jeu 04 Oct 2018, 12:07






Catégorie de quête : XVIII ; Religion.
Partenaire : Solo
Intrigue : Callidora procède au rituel de Duska.



Silhouette dont les arbres effleuraient la langueur sépulcrale, la jeune femme se mouvait à travers le marécage. La désolation ne paraissait maîtresse des lieux qu’à ceux qui n’en distinguaient que la surface : ses ondulations éveillaient la méfiance, et la raison faisait se détourner les insouciants. Le danger n’exposait ses splendeurs qu’aux êtres dont l’esprit refusait l’abandon. Elle était de ceux-là. Attentive aux émois des environs, la moindre sensation ravageait ses sens et se fondait aux autres en une vision féconde. Du clapotis de l’eau, elle retenait la bruyante mélodie de la pourriture qui s’attardait là ; du crissement du bois, la promesse chaotique des insectes qui le rongeaient. C’était son cadavre qu’ils venaient chercher. La vie cependant s’acharnait à la faire sienne. Son allure de spectre révélait un mirage. Poignardée de veines dont le tissu marquait le deuil, sa chair luisait d’une blancheur de lune arrachée à la tombe. Des milliers de mouvements  assaillaient son visage en un masque blême que l’insolence de sa bouche trahissait. Sa chevelure se répandait le long de son dos en une traînée nocturne parsemée de fleurs blanches. Seul son regard échappait à l’immobilisme. Fente qui s’ouvrait sur le monde, l’or de ses iris en étripait les secrets. Derrière elle, un homme s’empêtrait dans les ronces sans néanmoins ralentir le rythme, lié à elle par des mains calleuses résolument accrochées à ses phalanges d’ivoire. Plus pour longtemps.

Il n’avait même pas résisté. Lorsque la brune avait poussé la porte de la chambre où il reposait ses vieux jours, elle n’avait pas eu à étendre sa magie outre mesure. L’innocence de son visage, figure où se mêlaient remords et sauvagerie, suffisait à lui assurer son soutien. Englouti par un fauteuil en lambeaux, il lui avait semblé plus doux que jamais, ce soir-là. La sérénité affinait ses traits d’une lueur paisible, même si l’issue de ce rendez-vous ne souffrait aucune incertitude. Avant ces heures funestes, il avait eu droit à quelques années de paix ; une vie simple concluait une existence de misère. Le verger abritait des délices insouciants, et le village avait su l’accueillir avec une relative bienveillance, lui qui grimpait aux arbres sans jamais se plaindre des chutes. Une maison  chaleureuse où riaient les enfants des autres, des semaines de labeur sous un soleil chaleureux : il n’avait jamais approché le bonheur de si près. L’homme avait toujours su que sa protégée reviendrait à lui pour une dernière rencontre. Du coin de l’oeil, il l’observait sans penser, absorbé par leurs souvenirs. Il la revoyait à quinze ans, le corps strié d’ecchymoses, les yeux vers le sol, lui tendre maladroitement une poignée d’olives et lui parler de la beauté du ciel. Autrefois, c’était par affection qu’elle se rendait à son chevet ; aujourd’hui, il ne subsistait plus en elle que la certitude du devoir.

Quelques instants plus tard, ils parvinrent aux abords du temple. La végétation en dissimulait soigneusement les contours ; maîtresse des lieux, elle en détournait les regards indiscrets. Aux confins du marécage, l’édifice semblait délaissé par ses fidèles ; l’emplacement lui-même en décourageait un nombre conséquent. Une mousse verdâtre colonisait le parvis que l’eau venait bercer de sa décrépitude. Jonchée dans un écrin de brume, la structure ne se révélait qu’aux iris attentifs. La modestie de l’ouvrage n’en altérait pas la splendeur. Livré à la nature, il s’en dégageait une atmosphère mystique. L’approcher revenait à briser la quiétude du tableau, et nul doute que l’Aether exigeait une repentance pour ce sacrilège. La jeune femme souleva une liesse de feuilles et franchit l’entrée sans l’ombre d’une hésitation, le sacrifice sur ses talons. L’intérieur se paraît de décorations à la sobriété indéniable : une substance d’un rouge profond couvrait les murs, rehaussé à ses heures de gloire par les iridescences du lustre qui se détachait du plafond. La pièce présentait une taille conséquente, suffisamment pour que de nombreuses créatures puissent s’y rassembler. Néanmoins, personne ne foulait les dalles sacrées. La brune se dirigea vers le fond de la pièce où se dressait une table de pierre somme toute modeste. Des symboles primitifs marbraient la surface de l’autel. Pensive, ses doigts effleurèrent les gravures, s'imprégnant du sacré. C’était de cette façon-là qu’elle aurait aimé dire adieu à Sayanel.

Solennelle, elle se tourna face à l’homme en sa compagnie. De ses yeux d’argile, il scrutait les lignes de sa peau pour en deviner les desseins. La Vampire s’approcha de lui, et d’un geste tendre, son couperet défit les couches de tissu. Malgré sa résolution, elle sentit le chagrin l’envahir en dévoilant ainsi ses cicatrices. L’autre tressaillit ; savoir que la mort l’attendait n’empêchait pas de la craindre. Allait-il souffrir ? Comme si sa conscience s’éteignait d’elle-même, ses interrogations cessèrent sitôt que son corps se lova contre la pierre. Ses mèches grisonnantes s’étalèrent autour de lui. L’effroi dans ses entrailles fit naître un sourire sur les lèvres de celle qui l’avait mené en ces lieux. De tous les maux qu’elle inspirait, la peur demeurait sa principale consolation. Néanmoins, la tristesse agrippait son coeur avec la virulence d’un vieillard qui se refuse à partir. Dans un sursaut de tendresse, elle approcha sa main de la joue de Syveth. La fraîcheur de la nuit enveloppait sa nudité sans que sa chair n’en perde sa chaleur. Certains sacrifices se révélaient plus difficiles que d’autres, et elle savait n’avoir jamais ressenti pareille souffrance en ces circonstances ; elle en honorerait l’Aether de toutes ses forces. Inflexible, elle se détourna de l’homme et se dirigea vers l’escalier. À mesure qu’elle descendait les marches, ses phalanges s’égarèrent sur les murs. Combien des siens l’avaient précédée, avides de bénédictions, et combien la suivraient ?

Plongé dans la pénombre, le bassin patientait au centre de la pièce. Couleur de nuit, la pierre était sculptée selon la forme d’une louve. Une œuvre d’une simplicité modeste qui n’en révélait pas moins sa splendeur. Son informateur obtiendrait une juste récompense. Sans tarder, la jeune femme se délesta de ses vêtements et s’agenouilla au coeur de la statue. Ses mains reposaient sur ses cuisses en une posture pieuse. « Mère de toutes choses, toi que je porte dans mes veines et qui me porte vers l’éveil, je viens à toi. Je viens à toi et je t’offre mon protecteur, l’homme qui, sans faillir, a veillé sur mes larmes et mes sourires, sous la brûlure du soleil ou le silence des étoiles. » La première goutte éclata au milieu de son front. Callidora tressaillit et ferma les yeux. Un ruissellement léger débordait du plafond pour se déverser autour d’elle en un linceul mouvant. Le parfum du sang envahissait son esprit, tourmentait ses souvenirs et abreuvait ses espoirs. Il lui semblait que le temps, privé de son emprise, disparaissait, englouti par le rouge qui ne tarderait pas à la dévorer toute entière. « Dans le sang, les hommes naissent. » Aucune créature n’échappait à cette funeste vérité : elle-même se remémorait aisément les nuances carmines du ventre de sa mère et la pluie écarlate que son maître condamnait de ses lèvres.

Malgré le désespoir que sa transformation avait ouvert en son coeur, il fallait reconnaître que son sort réservait une certaine ironie. À mesure que sa langue égrenait les prières, il lui semblait que sa vie défilait face à elle, comme si l’Aether en examinait les moindres recoins pour en juger la valeur. Depuis l’enfance, la brune se sentait une attirance contemplative pour le mal, fascinée par ses atours, effrayée par ses détours ; elle y avait toujours trouvé une majesté particulière. Plus jeune, ses élans de colère inquiétaient ses proches, et elle y trouvait alors un plaisir insoupçonné. Ce fut la mort elle-même qui, une première fois, ferma la porte à ses déviances. On l’avait punie pour ses horribles pensées. Désormais servante d’un homme qui la frappait, elle avait un jour rencontré Syveth, et dans la douceur torturée de ses iris, elle avait découvert la gentillesse. Cependant, le destin avait le don de se jouer d’elle. Le meurtre d’un vieillard vindicatif, auquel elle avait plus ou moins participé, ouvrit une faille en elle. La Voix s’immisçait en elle, tentatrice et sauvage, pour la porter aux rivages de la dépravation. Plus d’une fois, elle s’était tournée vers le suicide, aveugle aux changements que ses visions reflétaient. La folie fut sa réponse, et la conduisit à sa perte. Un homme devenu roi lui avait montré les lueurs de l’amour avant d’en souffler la flamme. « Dans le sang, les hommes vivent. » Le liquide caressait sa bouche avec une ardeur amoureuse, l’implorant de lui céder. La chair piquetée de frissons, elle prit une profonde inspiration. Quelquefois, résister représentait l'unique voie vers le salut.

Soudain, tout s’accéléra. La naissance de ses enfants. Sa mémoire évaporée. Des caprices malsains. Le naufrage. La couronne. L’échec, et la mort en conséquence. Ses pupilles se mouvaient devant un spectacle invisible, une succession macabre dont elle était malgré elle l’instigatrice. Un nouveau monde sous des yeux de prédateur. Rien ne comptait plus alors que l’hémoglobine dans sa gorge. Fallait-il ouvrir les lèvres ? Non. Mordre. Prendre la vie. Combler le vide. Ses ongles s’enfoncèrent dans ses cuisses. Ne pas perdre le contrôle. Ne lui avait-il pas dit qu’elle aurait pu être Reine ? Elle l’était. Souveraine de l’ombre où ses enfants grandissaient comme un battement de coeur, insatiables et soumis à sa volonté. Changés par amour. De parfaites créations qui vivaient grâce à elle. Pour elle. Un spasme secoua son corps. Ils avaient peur. De ses paroles, elle tournait leurs vies en rêves ou en cauchemars. Victimes. Le souvenir de la première veine exposée aux cieux ne la quittait pas. Elle voyait le rouge blesser la nuit, encore et encore. Le liquide couvrait sa chair d’une chaleur salvatrice. Le froid brisait ses os. Où était sa propre chaleur ? Ne s’en était-elle pas séparée ? Son être tout entier se fondait dans la glace. Indifférente aux pleurs ; consolée par l’effroi. Il en avait toujours été ainsi. Son corps se dressait face aux chagrins de la vie, et leurs éclats s’abattaient contre sa chair. Aucun d’entre eux ne la ferait tomber. Déceptions, mensonges, trahisons.  La Vampire portait sa souffrance, la tête haute. Un coup l’embellissait ; un autre la renforçait. C’était une artiste qui décidait de sa vie et sculptait ses traits à l’image d’une statue. Belle et froide. Une merveille pour les yeux, un tourment pour l’âme. Que faisait son reflet à cette heure, seule dans sa prison ? La faiblesse de sa sœur les empoisonnait toutes les deux. Un jour, elles ne seraient qu’une, et leurs ailes se déploieraient pour engloutir le monde. Égarée, Callidora sentit le souffle chaud de l’Aether contre son cou. Impérieuse, la présence remonta vers son oreille. Dans le sang, les hommes meurent. Ce n’étaient ni le mal ni la Voix qui la possédaient. C’était elle. Il était temps. Silencieuse, elle sortit du bassin. Les fleurs étaient rouges.

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(c)LOKIA
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