Baignant dans une lueur pâle, sur une scène étroite et branlante, la silhouette de la jeune femme se détachait de l'obscurité de l'auberge où elle se présentait. Ses cheveux à la blancheur lunaire semblaient briller d'eux mêmes, dissimulant encore son visage alors que les premières notes s’égrainaient paresseusement entre les mains du musicien qui l'accompagnait. Sous un linge des plus légers, ne voilant qu'à peine son corps, on devinait les cicatrices ornementales en toute subtilité, s'animant lentement au rythme de la musique aérienne qui l’englobait. Le visage se relevait vers l'assistance pour dévoiler ce regard inexistant souligné par un maquillage sombre alors que les ses lèvres esquissaient un sourire presque timide avant d’entamer ce chant si particulier pour lequel elle avait été embauchée. La magie opérait, l'apparition blême dans ce lieu de débauche apaisait subitement toutes les tensions de l'assemblée pour focaliser tous les regards sur sa prestation.

Si l'apparition de l'aveugle sur scène avait quelque chose d'un peu surnaturel, d'éthéré dans ce lieu à l'atmosphère alourdie par l'alcool et les vices, la manœuvre fonctionnait à merveille et le directeur de l'établissement s'en réjouissait. La jeune femme s'avérait être un bon investissement et ses dons avaient de multiples utilités depuis qu'elle avait apprit à les maîtriser. Quand il y repensait, il avait failli manquer une superbe opportunité.


Ils s'étaient rencontrés quelques semaines plus tôt. L'aubergiste, large démon trapu et assez peu élégant, quelque peu grossier, à la voix tonitruante et aux gestes rudes tenait son établissement d'une main de fer depuis plusieurs décennies. Connu pour ses tarifs attractifs, ses boissons de bonnes qualités et les femmes qu'il acceptait volontiers d'héberger contre un pourcentage sur leurs passes ou leurs services charnels, l'auberge ne désemplissait jamais et il jouissait d'une certaine notoriété et de faveurs en tous genres contre l'effacement d'une ardoise, souvent chargée. L'homme savait s'y prendre pour inciter à la consommation, de divertissements en divertissements, on frôlait souvent l'escroquerie mais qui aurait eu l'audace de le lui reprocher ici ? Depuis peu, il cherchait de nouveaux hères à embaucher à bas prix pour divertir son public et meubler ses soirées qui s'essoufflaient quelque peu. C'est dans ce contexte que Mirari se présentait à lui, un soir, dans le but d'obtenir de quoi subsister et se tenir hors de la rue où le repos n'était pas permis.

Si le démon fut surprit, ce fut davantage par l'explicite refus de la plus jeune à vendre son corps, solution facile et rentable pour une jeune démone en manque d'argent, que par son physique atypique. Il y en avait pour tous les goûts et la jeune femme n'était pas dénuée de charme malgré sa cécité et l'opacité de ses yeux rendant l'ensemble un peu surnaturel. Nul doute qu'elle aurait su trouver un public... Mais si la blanche s'y refusait, qu'avait-elle à proposer contre une chambre et son repas quotidien ? Pas grand chose apparemment.

Bien qu'elle fut dotée d'une voix agréable, il n'était pas non plus propriétaire d'une salle de concert et l'aspect affriolant ou spectaculaire qu'il affectionnait tant manquait cruellement à la prestation gratuite qu'il lui imposa comme audition. Non, impossible de l'embaucher dans ces conditions. Il avait même vu certains de ses clients habituels bailler ! L'homme secouait lourdement la tête, accoudé à son comptoir en soupirant. Certes, elle chantait bien, mais il aurait pu en trouver des dizaines comme elle, encore aurait-elle consenti à exhiber son corps en de lascives ondulations... Peut être aurait-il pu y trouver un intérêt mais on était loin du compte et le désintéressement total de ses clients pour l'aveugle ne faisait que confirmer ce triste constat.

- " Il ne lui manque pas grand chose à cette jolie fleur... "

Une flamboyante rousse, élégamment assise sur l'un des tabourets en bout de bar venait de parler, fixant avec une intensité toute particulière la jeune femme sur scène.

- " Ouais, quelques épines et un peu moins de feuillage... " Répondait-il, blasé. Il avait déjà vu celle qu'il connaissait sous le nom de Takka, l'élégante démone venait parfois trouver ses amants par ici, comme un riche viendrait faire son marché par lubie... Ne voulant pas manquer l'occasion de se faire remarquer par la plantureuse créature, il lui reservait un verre dont il refusait le paiement d'un simple signe de la main.

- " Aimez vous parier par ici ? " Son regard explicite attisait immédiatement la curiosité, et l'envie, du patron qui s'accoudait en face d'elle alors qu'elle se penchait à son oreille, ouvrant largement son décolleté sous les yeux de son interlocuteur. " Je vous parie une nuit de passion que je fais d'elle la plus attractive de vos artistes en une semaine à compter de ce soir. "

L'aubergiste eut un sourire en coin et se redressait, bombant le torse en réponse au défi proposé si agréablement. Si la rousse voulait jouer... Il était gagnant dans tous les cas.

- " Très bien jolie plante... Une semaine. Mais je crains qu'il ne te faille supporter le cuir tanné de ma couenne au lieu du velours de tes éphèbes habituels. "

- " Il me semble avoir connu quelqu'un de très semblable à cette jeune créature et quelques temps sous mon aile lui avaient permis de littéralement s'envoler, je suis certaine de ma victoire. Et si c'est le cas, j'exige une chambre et une alcôve qui me sera strictement réservée ici, ainsi que toutes mes consommations à vos frais, bien entendu... "

L'aubergiste acquiesçait. C'était réellement un jeu, les enjeux de chacun étaient assez faibles, il n'avait d'intérêt que par le défi qu'il représentait. Peu importe les raisons qui poussaient la démone à croire qu'elle pourrait faire de l'aveugle frigide une alléchante tentatrice, du moment qu'il en retirait un bénéfice, il ne voyait aucune raison de refuser.

- " Très bien, je la laisse à tes soins ma belle... Et dans une semaine, tu as intérêt à me la présenter sinon... JE me présenterai chez toi, bienvenu ou non, pour récupérer mon gain, de gré ou de force. "

La tentative d'intimidation du démon fit sourire Takka qui s'octroyait une gorgée de son verre avant de lui répondre, se levant de son tabouret.

- " Alors vous ne verrez aucun inconvénient à ce que je vous prive de sa piètre prestation dès maintenant ? " Elle n'attendait aucune réponse, le personnage était grossier, le raffinement qui lui tenait tant à cœur était définitivement absent de ces lieux de perditions de bas étages et sans attendre que la blanche ne se fasse huer, elle lui saisissait la main.

- " Suis moi, j'ai une chambre et un repas pour toi.Et demain, j'aurais de quoi te les procurer par toi même chaque jour que tu passeras sur cette terre. "

Il y eut un léger flottement venant de la blanche, un expression incertaine effleurant les traits de son visage qu'elle s'efforçait pourtant de garder inexpressif. Sa confrontation à la réalité lui avait apprit qu'en dévoiler le moins possible était quelque chose de nécessaire pour ne pas devenir la proie facile des prédateurs rôdant à toutes heures dans ces rues... Mais, un seul détail poussait la blanche à ne pas fermement refuser l'aide providentielle mais qu'elle soupçonnait dangereuse ou au minimum monnayée quand elle était apportée par un représentant de son espèce, cette voix. Elle la connaissait. C'était un souvenir encore plus lointain que les autres et extrêmement embrumé, comme si elle avait été droguée ou alcoolisée lors de leur rencontre, mais... Ça suffisait à éveiller sa curiosité. Depuis qu'elle avait quitté le refuge de son père, il y avait trop d'incohérences, de souvenirs incomplets et de questions sans réponses. Si enfin, quelqu'un était susceptible de lui permettre de comprendre à qui appartenaient ses souvenirs qui lui semblaient venir d'une autre vie, alors, il fallait prendre le risque car ils devenaient de plus en plus envahissants, comme si au contact du monde, ils cherchaient à lui révéler quelque chose contre lequel son esprit luttait inconsciemment.

Le sourire de la rousse fut lumineux lorsque sa congénère consentit à descendre de cette scène misérable pour la suivre, laissant sa main dans la sienne comme preuve d'une relative confiance. Aucun mot ne fut prononcé par les deux femmes alors qu'elles quittaient les lieux sous le regard amusé et présumé victorieux de l'aubergiste. Il aurait été prêt à payer cher pour voir ces deux là dans une situation plus... suave. Mais sûrement aurait-il l'occasion de profiter des charmes au moins de l'une d'elles...

Si Takka semblait ravie de sa trouvaille, la blanche était fermée, dubitative, doutant de ce qui l'attendait. Bizarrement, il n'était plus certaine de vouloir savoir, peut être, simplement se débarrasser de ces souvenirs parasites ? La démone qui la guidait avec agilité à travers les rues en aurait-elle les capacités et l'envie ? L'aveugle chassait cette idée. Si elle lui avait si généreusement proposé son aide c'était soit, qu'effectivement, elles se connaissaient et qu'elle souhaitait renouer le lien perdu, soit qu'elle avait une bien meilleure idée qu'elle quand à l'utilisation de ses talents. L'éventualité qu'elle veuille monnayer sa personne lui traversa l'esprit mais la rousse aurait eu bien d'autres façons de s'y prendre, plus discrètes, et surtout sans avoir à parier avec un homme rustre qu'elle lui paraissait distinguée. Non, définitivement, quelque chose clochait et l'aveugle s'immobilisait, libérant sa main de la poigne de Takka à quelques mètres de sa demeure.

- " Que se passe-t-il ?" Un air réellement soucieux se dessinait sur les traits altiers de la rousse qui se rapprochait de sa protégé, évitant de l'effaroucher davantage.

- " Pourquoi ? " Un soupire mélancolique lui répondit. C'était légitime pour la plus jeune de s'enquérir de ses motivations, surtout si sa mémoire lui faisait défaut, et Takka lui accordait le fait qu'elle s'était peut être un peu précipitée pour lui mettre la main dessus mais elle refusait qu'elle s'humilie une seconde de plus dans ce bouge et encore plus, d'en être un témoin silencieux.

- " Par le passé, nous avons été ennemies, puis amies. Tu as été ma prisonnière puis ma conseillère et ma commanditaire. " Elle s'approchait et replaçait une mèche de cheveux derrière l'oreille de l'aveugle avec douceur, mêlant son souffle au sien alors qu'elle continuait. " Je ne peux pas te laisser comme ça, tu étais forte, tu as été quelqu'un qui a compté, si l'Oeil t'as remit parmi nous, c'est que ton destin est loin d'être accomplit. Et vu la situation... Tu as besoin de mon aide. "

Le silence de Mirari lui faisait craindre un refus mais la non voyante écoutait attentivement, tentant d'assimiler, d'analyser aussi, comprenant que cette démone qui se permettait une proximité presque intime avec elle ne lui mentait pas... et cherchait réellement à lui apporter son soutien.

- " Tu me diras qui je suis réellement ? "

La question était incongrue mais entre sa vie qu'elle avait vécu comme un cauchemar aux mains de Magnus et ses souvenirs étrangers omniprésents... Quelle était la réalité ? Peut être les deux, mais elle avait besoin d'en savoir davantage sur ce qui la torturait.

- " Bien sûr... Tout ce que tu veux savoir, je te l'apprendrai, à condition que tu conserve l'ambition qui t'a toujours animée. "

Pour la première fois, Takka vit le visage de la blanche s'adoucir d'un sourire presque timide. Le pacte était scellé entre elles alors qu'elles franchissaient le seuil de la demeure où, bien des années auparavant, la blanche s'était retrouvée captive.

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C'était une salle d'eau qui avait été pensée bien au delà du simple soin du corps, c'était une pièce totalement dédiée au plaisir, de la détente à la passion amoureuse, tout y était beau, spacieux, l'ambiance à peine troublée par le clapotis de l'eau émanant d'un bassin et de sa cascade miniature l'alimentant en permanence. Dans le fond, un autre, plus petit, dédié au lavage et devant celui-ci, une chaise sur laquelle s'installait la rousse, à demi nue, en toute désinvolture, elle posait son regard sur la jeune fille qui l'accompagnait sans grande assurance.

Mirari faisait peine à voir, la jeune femme avait perdu de son élégance et de son charme naturel à traîner dans la rue et cette nouvelle vie semblait lui avoir laissé des traces bien plus profondes qu'elle n'aurait pu le soupçonner d'un premier abord, surtout dissimulée comme elle l'était. Aussi, la rousse, soucieuse d'avoir une pleine conscience de la tâche qui l'attendait s'était mit en devoir de l'examiner sous toutes les coutures après l'avoir rendue... Un peu plus nette.

- " Déshabille toi." C'était un ordre, usant de cette autorité naturelle qui rassurait les inquiets, elle guidait la plus jeune en observant la moindre de ses réactions. Et si l'aveugle n'émit aucune protestation, ses lèvres se pincèrent, contrariée pendant quelques secondes où les commandements de son père se heurtaient à la demande de Takka. Ne lui avait-il pas suffisamment répété que sa nudité devait être réservée aux puissants ? A ceux qui pourraient lui être utiles ? Qu'il fallait la préserver au risque de nuire à l’intérêt qu'on lui portait ? Il avait du lui dire, peut être tous les soirs depuis qu'il avait entamé son calvaire, qu'elle était une oeuvre d'art vivante réservée à l'élite... Mais aujourd'hui ce n'était pas un complexe de supériorité qu'aurait souhaité son père qui l'handicapait le plus mais bien son propre dégoût pour chaque ligne, chaque relief qui ornait son corps... Chaque fois qu'elle passait ses mains sur sa peau, qu'elle rencontrait l'une de ces scarifications aussi belles que monstrueuses, son sens esthétique réduit au toucher s'en outrait. Encore plus quand la colère envers son père s'en mêlait et elle devait régulièrement se faire violence pour ne pas arracher les lambeaux de peau marqués par sa main.

L'hésitation de la blanche prenait fin avec un certain agacement, lisible sur ses traits. Elle avait décidé de faire confiance à Takka, il était nécessaire de mettre tout cela de côté et d'avancer dans ses demandes, elles n'avaient pas de temps à perdre avec ses réflexions stériles. La robe qu'elle portait rejoignait le sol dans un froissement harmonieux, rapidement suivie du moindre morceau de tissus encombrant la vue de son corps. Face à la démone flamboyante, l'ancienne rehla se redressait, défiant son regard et son jugement.

Si Takka restait muette, c'est qu'elle observait attentivement chacune des lignes qui couvrait la blanche, ces ajouts d'or qui avaient du être monstrueusement douloureux et surtout, cette position qu'elle tenait, mal à l'aise et pourtant prête à affronter ce qu'elle consentirait à lui dire. Au final, la tentatrice ne put que conclure que la jeune femme qu'elle avait connu et celle qui se tenait désormais devant elle n'étaient pas si différentes qu'elle aurait pu le penser. A nouveau debout, elle ne se privait pas de garder un silence pesant entre elles, éprouvant tant la patience de la plus jeune que mesurant tout le potentiel de celle-ci avant de choisir ses mots et ses actions, tournant autour de sa silhouette pour en saisir chaque détail, chaque subtilité, repoussant la masse de cheveux qui masquait son dos, avisant chaque arabesque avec un respect certain pour l'artiste et son oeuvre qui avait enduré son art.

- " On va commencer par te décaper... " Rompant le silence et l'immobilité de sa protégée, elle lui saisissait la main pour la mener au bain, l'y accompagnant sans la moindre considération pour l'étoffe qu'elle portait encore autour des hanches.

Mirari fut lavée avec l'aide de la rousse qui voulait s'assurer que tout soit parfait, prenant autant soin de sa peau que de ses cheveux qui en avaient cruellement besoin pour retrouver toute leur blancheur et leur souplesse. Il leur fallut un temps considérable avant que la plus agée ne soit entièrement satisfaite par l'image que lui renvoyait de la blanche mais c'est un sourire satisfait qui éclaira son visage lorsqu'elles eurent fini. Quelque chose l'inquiétait cependant, chaque contact avait été tendu, physiquement, elle était certaine que la jeune femme avait les capacités nécessaires pour employer son charme pour arriver à ses fins et avoir un retour positif de tous ceux qui en seraient victimes mais pour que cela puisse fonctionner, il fallait qu'elle soit certaine de ce charme, qu'elle en soit assurée et pleine de confiance... Ce n'était pas gagné quand elle voyait la blanche presque prostrée dans le coin du bassin, tête baissée, semblant furieuse tout antant qu'honteuse...

- " Tu es bien plus jolie que tu semble le penser. "

Le visage de la concernée se relevait sur Takka, l'air furieux se précisant dans le regard laiteux.

- " Si tu crains que tes cicatrices soient un frein, sache qu'elles ne font que souligner ce que la nature t'a donné... " Elle omettait volontairement de dire que certaines de ces blessures étaient dédiées à l'Oeil, que d'autres, incompréhensibles pour elle, allaient sans doute dans ce même but, le tout dans une harmonie surprenante. Même elle qui était pourtant éduquée s'était initialement laissée berner par le côté ornemental et il avait fallut qu'elle ait le nez dessus un long moment pour comprendre. Pour le moment, elle ne tenait pas particulièrement à troubler davantage la blanche et ainsi perdre un temps précieux concernant son propre pari car il fallait bien avouer que l'aubergiste était loin d'être de ceux qu'elle désirait dans son lit...

Il lui fallut encore un long moment pour entièrement démêler la chevelure devenue presque translucide mais une fois fini, elle n'en fut pas peu fière. C'était un réel plaisir de faire emerger la beauté sous la couche de poussière et de saleté, en particulier sur un être dont l'apparence était si empreinte de pureté.

- " Je pense que l'on peut dire que nous en avons fini pour aujourd'hui. Vas te reposer, demain, nous te constituerons une garde robe digne de ce nom... Et nous entamerons ton entraînement. "

La nuit était bien avancée si bien que la blanche ne chercha pas à obtenir de réponses à ses questions dans l'immédiat, la fatigue l'emportant sur sa curiosité. Takka, quant à elle, avait une fumeuse idée derrière la tête qui la faisait dores et déjà sourire, amusée. Après avoir accompagnée sa protégée à la chambre qu'elle lui dédiait, la présentant comme ses appartements, pour autant de temps qu'elle souhaiterait l'occuper, la rousse allait préparer les hostilité pour le lendemain.

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Il n'en pouvait plus d'attendre qu'elle veuille bien se réveiller, devenu insupportable, Caelum venait à bout de la patience de sa désormais amante... Celle-ci se rendait dans la chambre de la blanche qui s'était endormie comme une masse, retrouvant avec plaisir le confort d'un lit. Que faisait le rehla chez les démons ? Il avait attendu. Le retour de la blanche, c'était bien la dernière chose qu'il avait pu prévoir avec sa mort prématurée... Même s'il savait que son essence ne serait sensiblement plus la même, il avait l'espoir de pouvoir l'influencer, la protéger peut être. Alors il s'était jeté dans les bras de la rousse à corps perdu, succombant aux délices qu'elle offrait et aux vices des Enfers en attendant... Longtemps. Tellement qu'il en était très certainement tout aussi condamné que la blanche la dernière fois qu'ils s'étaient croisés. Il n'aurait jamais cru qu'elle aurait profité de savoir sa fin proche pour se sacrifier d'autant plus vite.

Perdu dans ses pensées, ruminant sa haine envers le roi de ces contrées, désormais tellement amoindri qu'il ne saurait sans doute même plus supporter une simple gifle de sa part, il n'entendait qu'à peine les pas feutrés dans l'escalier. Il avait du mal à en croire ses yeux en voyant les deux démones, Takka avait prit soin de parer convenablement sa protégé avant de la révéler au blond, n'ignorant en rien la raison de sa présence en Enfer. Vu la tête qu'il faisait, son coup était réussi et bien qu'elle l'ait averti que l'aveugle n'ait aucun souvenir réel de son ancienne vie, il n'hésitait pas à l'enlacer frénétiquement, suscitant une vague de panique chez la jeune femme qui fut, fort heureusement, apaisée d'une main sur son bras par Takka avant qu'elle n'eut un geste malheureux.

Il avait promit de ne rien dire, de ne rien demander, mais la voir en chair et en os était quelque chose qu'il n'espérait plus que dans ses rêves... Takka mettait fin au malaise en le repoussant de la blanche avec fermeté.

- " Tu n'es pas là pour ça... "

- " C'est si improbable... "

La démone soupirait, agacée par son sentimentalisme et après une rapide mise au point avec les deux jeunes gens qui l'entouraient, l'entraînement commençait...
Il s'agissait de courts combats entrecoupés de chants mais bien particuliers que la rousse tenait à enseigner à la blanche. Une arme redoutable pour qui savait l'employer de manière adéquate mais quelques minutes suffirent pour qu'elle arrête la séance pour réprimander son amant. Il n'y mettait pas assez de cœur...

- " Zane avait raison... tu n'aurais jamais été à la hauteur de lui enseigner quoique ce soit... "

La réaction se fit très discrète mais le regard azur s'assombrissait subitement, piqué au vif, le rehla avait depuis longtemps succombé aux affres des lieux et ne contenait plus ses colères.  Ils reprirent sans qu'un mot de plus ne soit prononcé, d'un simple hochement de tête agacé, il avait lancé les hostilités. Et cette fois, toute la retenue dont il avait fait preuve auparavant disparue. Il s'acharnait contre la blanche avec une fougue que Takka aurait aimé le voir adopter en d'autres circonstances, Mirari encaissait sans parvenir à chanter, avec la formelle interdiction d'utiliser ses dons, elle se retrouvait rapidement acculée sous les coups du blond qui n'en finissait plus de pleuvoir...

Sa réaction fut longue à venir mais elle survint de la plus surprenante des façons. L'aveugle avait lutté de toutes ses forces contre la magie qui naissait naturellement en elle pour se défendre, tant et si bien que le rempart de "normalité" de son apparence avait brutalement explosé, repoussant le rehla d'un brusque mouvement d'ailes alors qu'elle se redressait de toute sa hauteur. Son essence brute s'exprimant pour la première fois depuis son enfance.

Les yeux laiteux avaient cédé leur place à deux onyx abyssales animées d'une étrange lueur rougeâtre alors qu'une dizaine de cornes sombres de tailles variables couronnaient sa chevelure, c'était là les seules marques de sa nature hormis ses ailes caractéristiques.

- " Ca me rappelle quelqu'un... " La rousse souriait mais ne s'approchait pas. " On reprend ! "

Caelum se donna du mal, Mirari tout autant pour rester concentrée, finissant par parvenir à bredouiller quelques notes mal assurées. Ce n'est qu'en fin de journée que la maîtresse des lieux consenti à leur accorder une pause bien méritée. La plus jeune était parvenue à stopper net son adversaire à plusieurs reprises grâce à son chant et si celui que lui avait enseigné Takka avait eu du mal à lui revenir, un autre, tout droit sorti de ses rêves lui était venu naturellement aux lèvres et avait son office non sans l'imprégner d'une mélancolie qu'elle ne se connaissait pas.

- " C'est bien... " Elle fixait l'aveugle reprendre une forme plus appropriée avant de s'affaler dans un divan. " Il te faudra encore beaucoup travailler pour le maîtriser parfaitement mais tu as compris comment l'employer. "

S'il ne faisait aucun doute que l'aveugle récupérerait rapidement, la rousse fut au petit soin pour son adversaire, lui administrant une potion que la blanche avait bien connu par le passé, celle-là même qui lui avait permit de tenir malgré son abandon des étoiles, celle que la rousse avait concocté expressément pour sa protégée grâce à ses plantes. Sitôt qu'elle eut fini de l'administrer au blond, il commençait à sombrer dans un sommeil sans rêve, allongé sur le plus grand des canapés meublant le salon sous le regard attendri de son hôte.

- " A notre tour. " Takka se levait, feignant la légèreté mais la blanche ne fut pas dupe une seconde. Alors qu'elle la suivait à l'extérieur, elle lui adressait quelques mots de ce ton qui ne tolérait aucune contradiction.

- " Quand tu auras gagné ce stupide pari, tu me diras qui il est et... qui est Zane... pour moi. "

Son père, enfin, celui qui disait être son père, ce fou vivant dans ses bois entouré de ses mercenaires, la première pièce du puzzle qu'elle tentait de reconstituer comme Takka, Caelum en étaient d'autres...

- " Je te le dirais... Pour l'heure, nous passons à un autre niveau. " Ses pas les menaient jusqu'à une petite place que seuls les initiés côtoyaient. Les initiés à quoi ? Mirari l'apprit à ses dépends lorsque la rousse la poussait brutalement sur la petite estrade humide de sang aux côtés de quelques pauvres âmes bénéfiques qui avaient eut le malheur de se perdre ici. Son étonnement fut vite dissimulé sous une rage glaciale contenue sous les traits du plus pur dédain lorsque les fers lui furent passés de force et que les enchères commencèrent.

Derrière elle, Takka souriait, satisfaite. Cette situation était tant un entraînement... qu'une douce vengeance. Celle de la femme outragée par la jeunesse de celle qui lui avait ravit le cœur de ses plus belles prises. Désormais, l'aveugle était la seule à pouvoir se sortir de là. Quel meilleur moyen d'expérimenter ses nouvelles capacités ?

Takka tournait les talons sans remord pour rejoindre l'endormi.

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C’était là la vraie nature des démons, il n’y avait aucun doute là-dessus en considérant le comportement de sa généreuse bienfaitrice… La colère qu’elle ressentait appelait à d’anciens souvenirs, encore une fois, ceux tout droits sortis d’une autre vie. L’agacement grandissait. Pourtant, qui aurait pu le deviner ? Le simple spectateur n’aurait vu qu’une créature à l’air tout aussi bénéfique que celles à ses côtés, le même air farouche sur le visage qui restait de marbre. Grâce ou à cause de son apparence, la jeune femme ne dépareillait pas de ses codétenus… Et ça n’ajoutait qu’encore davantage à son énervement devenu une véritable tempête intérieure qui menaçait, à chaque seconde, de se libérer. Cependant, elle s’employait à la contenir encore, jusqu’à la dernière seconde. Quand on lui attrapait le menton pour juger de son regard opaque avec un petite claquement de langue agacé, elle était rendue à la limite de ce qu’elle pouvait tolérer.

- " On aurait pu te vendre cher si tu n’avais pas été aveugle… "

Se tournant vers l’assemblée des acheteurs, celui qui menait la vente annonça un prix de démarrage qui fit glousser nombres de démons dans son auditoire. La plupart étaient là pour trouver de serviles domestiques, alors une aveugle ? Très peu pour eux. Ceci étant dit, un homme très discret et dissimulé sous une lourde et grossière cape sombre levait la main pour enchérir, rapidement suivi d’un autre bien plus ostentatoire tant dans son apparence que dans ses paroles.

- " Je n’aurais pas cru que je devrais surenchérir contre quelqu’un pour cette fille… "

Des rires lui répondirent. Par ici, il était connu. Gérant d’un des plus grands bordels du coin, tout le monde savait pourquoi il était là et tout le monde savait aussi qu’il avait la réputation d’avoir TOUT ce qui aurait pu vous donner envie… L’aveugle trouverait forcément sa place chez lui.

A nouveau, la main sortit du couvert de la cape pour se lever contre le sympathique propriétaire du lupanar et celui-ci perdit toute sa jovialité. Nul doute que l’inconnu n’employait pas les services de ses filles car chacun ici savait que s’il les obtenait à bon prix, il n’en bradait les services qu’à ceux qui avaient su rester silencieux lors des enchères. S’emportant face au silence de celui qui dissimulait son visage, il montait sur l’estrade et agrippait le bras de Mirari avec véhémence, la tirant en avant pour que tout le monde puisse la voir de plus prêt.

-" A moins que tu veuille me faire concurrence, ne me fais pas croire qu’une aveugle t’es indispensable ! "

Si l’autre avait le malheur de lui avouer pareil projet, toute l’assistance savait qu’il s’en suivrait un bain de sang car personne ne le défiait de la sorte sans que ça ne se solde par un violent affrontement… Sauf qu’à cet instant, tout ceux qui fixaient l’inconnu en quête d’une réaction qui tardait à venir manquèrent le principal de l’action. C’était bien plus que la blanche ne pouvait supporter. Et profitant de la proximité de son potentiel acquéreur, la démone l’avait non seulement mordu de l’oreille au cou mais elle lui avait arraché une considérable bouchée de chair. Profitant de sa stupéfaction et d’un don dont elle ignorait l’existence, l’ancienne voleuse s’accaparait avec aisance la lame à la ceinture de son adversaire. Malgré ses poignets liés et sa cécité, l’aveugle savait viser…

Une seconde plus tard, l’ancien propriétaire de l’arme lui servait de fourreau, l’ayant accueillie à travers son plexus, il s’effondrait, encore saisit de stupeur. Dans l’assistance, ça s’agitait mais plus aucun signe de celui qui avait enchérit, disparu comme s’il n’avait jamais été là. Sur l’estrade, les codétenus de la blanche prenaient la fuite tandis qu’elle demeurait debout et immobile. Face à elle, celui qui organisait ces ventes, prêt à en découdre et lui faire payer la perte d’un bon acheteur ainsi que de ses marchandises… C’est à ce moment que le chant s’élevait, le brouhaha de l’altercation se dissipait dès les premières notes, faisant place à un calme contemplatif.

Mirari était concentrée et rien d’autre ne transparaissait plus sur son visage après la sauvagerie avec laquelle elle avait attaqué le proxénète. Sa mélopée apaisait tous ceux qui se trouvaient là pour l’entendre et elle en profitait. D’un pas lent, conquérant, elle descendait de l’estrade pour s’approcher de son geôlier et saisir les clés de ses fers, les ôtant alors que derrière elle, le sang du mort semblait la suivre en rigoles carmines. Encore quelques secondes et chacune d’entre elles se frayaient un chemin jusqu’aux spectateurs encore présents.

Le chant cessait et chacun semblait sortir d’un rêve étrange, une absence injustifiée, jusqu’à ce que la douleur les ramène sur terre très vite. L’aveugle avait subitement usé d’une débauche de pouvoirs après les avoir employés avec parcimonie et une grande précision, elle laissait littéralement exploser les langues de sang léchant la peau des jambes des démons en face d’elle, déchirant les chairs et broyant les os, les cris de douleurs qui retentirent tirèrent un superbe sourire à la blanche qui avait jusque-là épargné son geôlier, le laissant comprendre de lui-même.

- " Tu es… "

Le sourire de Mirari grandissait encore un peu plus alors qu’elle tournait son visage vers lui, l’air carnassier aperçut plus tôt trônant à nouveau sur les traits fins de la jeune femme.

- " Une démone. "

Il lui arrivait occasionnellement de faire le commerce de sa propre race mais ce n’était jamais dénué de soucis, pour de multiples raisons, c’est pourquoi il évitait les adultes, mais celle-ci, il ne l’avait pas vu venir, sans doute Takka avait-elle compté sur cette méprise quant à son essence pour se jouer de l’aveugle... Il n’était que l’outil.

- " Et dire que je l’ai payée pour toi. "

- " Tu veux te venger ? "

Pour l’heure, il était encore indemne pendant que ses congénères, clopinant, avaient pris la fuite. La blanche glissait une main tentatrice sur la joue de son interlocuteur, son souffle caressant son oreille alors qu’elle lui murmurait tout contre.

- " Il y a un homme chez elle, faible, mais elle s’en est amouraché… Tue le et j’oublierai ce qui vient de se produire. "

Il y eu un moment de flottement avant que l’homme ne pose son regard dans les orbes blancs, à la recherche d’une réponse qui ne viendrait pas, la blanche n’était pas là pour ça et définitivement, une des leurs.

- " Elle connait bien trop de gens… "

- " Alors tu n’es d’aucune utilité. "

Son agonie fut rapide bien que douloureuse, l’aveugle n’avait guère de temps à perdre, sa colère était impérieuse et elle se tournait tout entière vers la rousse qu’elle ne tardait pas à rejoindre chez elle. Alors qu’elle franchissait le pas de la porte, Mirari sursautait presque aux applaudissements qui l’accueillaient. Incrédule et plus que sur ses gardes, elle reculait de deux pas dans le vestibule, prête à se défendre sous son calme apparent.

- " Je savais que c’était bien toi ! Tu vois bien Appolyon ! "

Un silence lui répondit assortit d’un froncement de sourcils perplexes qui demandaient plus d’explications. La main d’un homme dont elle avait ignoré la présence dans son dos s’abattait avec une certaine lourdeur sur son épaule. La voix suave du gigantesque blond se glissait à son oreille.

- " Il était temps que tu reviennes parmi nous, petite fille. "

L’expression de la jeune femme changeait instantanément alors qu’une vague de souvenirs qu’elle avait réussi à contenir jusque là l’assaillait subitement rien qu’à l’évocation de ce surnom qui ne lui avait jamais plus. Si le démon derrière elle n’avait pas déjà eu la main sur son épaule, il n’aurait sans doute pas sur la retenir alors qu’elle s’effondrait lourdement.

- " Et bien… Je crois qu’il faudra attendre son réveil pour lui en apprendre davantage… "

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Elle n’avait pas été plus forte que les autres, juste… Sa perception des choses était différente, en la mettant à profit, elle avait su où frapper et à quel moment, comme si ce n’était pas la première fois qu’elle se retrouvait dans une telle situation, comme si elle connaissait déjà les gestes qu’elle devait accomplir afin de se défaire d’un ennemi… Ce que lui avait apprit Takka, ce chant qui avait été si vite remplacé par un qui ne lui était pourtant pas connu et pourtant si familier, alors d’où tenait-elle ces informations, ces souvenirs, si instinctifs, si profondément ancrés ? Voilà ce qui lui avait traversé l’esprit juste avant de s’effondrer et surtout, ce surnom de « petite fille » qui semblait éveiller et relier de nombreux souvenirs, des plus importants, entre eux, un point commun à certaines des personnes les plus importantes de sa vie, précédente.

Son inconscience fut agitée de visions, de cauchemars peut être mais loin du repos normalement indissociable de celle-ci. Pourtant, Takka et Appolyon s’étaient employés à tout faire afin qu’elle puisse se reposer au mieux, la nettoyant du sang qui la couvrait encore suite à son accès de cannibalisme, poussant le vice jusqu’à démêler sa chevelure et à lui passer une tenue de nuit légère avant de l’installer dans une chambre certes petite mais non moins luxueuse comparée aux derniers endroits où elle avait pu trouver refuge pour y passer la nuit ces derniers temps. Caelum avait été mit à l’écart pour le moment, bien trop émotif et « insignifiant », des propres dires du démon blond. Etant un ami proche de Zane, nul doute qu’il avait entendu parler de leur unique rencontre qui s’était soldée par la disparition, une parmi tant d’autres, de Mirari. Alors il ne tenait pas à ce qu’il ruine le travail qu’il s’apprêtait à mettre en œuvre pour réanimer les souvenirs de la plus jeune.

D’ailleurs, il se posait de nombreuses questions en sirotant son verre, confortablement installé dans le salon de Takka. Il attendait avec la plus grande impatience le réveil de la blanche. Et il devrait gérer avec l’aveugle et la détermination farouche qu’il avait perçu alors qu’elle avait marché vers la demeure de la rousse. Il y avait fort à parier qu’il devrait empêcher les deux femmes de s’entretuer avant de pouvoir placer le moindre mot. Takka semblait nerveuse en face de lui, loin de son habituelle assurance sensuelle, attendant elle aussi le réveil de Mirari de manière fébrile.

Quand cette dernière ouvrait les yeux, sa perception du monde était encore très floue, était-elle dans la réalité cette fois ? Ou les voix et les souvenirs qui lui étaient revenus en faisaient-ils partie ? Dur à dire encore. Un soupire passait ses lèvres et elle se redressait, refusant de rester une minute de plus sans les réponses à ses questions. A l’odeur, elle reconnaissait la chambre dans laquelle elle avait dormi la veille, au moins, elle était dans un lieu « connu ». Sans plus attendre, elle allait chercher la maîtresse des lieux, la trouver et la contraindre à lui répondre. Dans un coin de sa tête, elle avait oublié la présence d’un autre homme que Caelum, aussi poussait-elle un véritable rugissement contre les bras qui se refermèrent sur elle et la soulevèrent sans même qu’elle n’ait pu anticiper sa présence.

- " Calme toi ! Tu auras toutes les réponses que tu cherche si tu t’abstiens de toute violence ! "

L’aveugle poussait un véritable grognement animal, frustrée mais cessant de se débattre pour l’instant face à la force considérable qui la retenait prisonnière. La douceur dans la voix du démon l’appelait au calme, au moins le temps d’écouter…

Quelques minutes plus tard, les trois démons étaient installés pour discuter de manière civilisée sans pour autant que l’ambiance soit agréable à quiconque se trouvant dans la pièce. C’est Appolyon qui menait, demandant à Mirari de décrire ce dont elle se souvenait, enfin, à sa manière bien à elle. Heureusement qu’il était imaginatif pour pouvoir compenser la cécité de la blanche sinon jamais il n’aurait pu l’aider comme il le fit. Alors il reliait les souvenirs décousus, les expliquait, lui donner les tenants et les aboutissants de la situation dans laquelle elle se trouvait désormais. Car oui, sa situation était précaire bien qu’elle ne l’ait jamais perçu si dramatique. Il lui en donnait les raisons avec une froideur méthodique afin d’être sûr qu’elle comprenne.

- " Celui que tu connais comme ton père ne l’est qu’à peine. Deux hommes se disputent ta paternité. Les deux sont très puissants, les deux s’opposent à notre souverain, les deux te voudraient obéissantes à leurs désirs. Rester ici avec tes faibles compétences te met en danger. Il te faut devenir forte et vite. Leurs espions sont partout. "

- " Je ne comprends pas le rapport avec le roi … "

Le blond lui fit un demi sourire qu’elle ne put qu’entendre lorsqu’il répondit.

- " Notre bon roi a réussi à te détourner des astres qui t’animaient à l’époque et tu as cédé ta vie pour sauver la sienne. "

- "Oh… donc j’étais son amie ? "

Un petit rire lui répondit et elle grimaça, le message était clair.

- " J’étais donc si crédule que ça ? "

- " Il n’était pas encore roi lorsque vous vous êtes rencontrés. "

- " Hm. Je doute que ça ait la moindre espèce d’importance à l’heure actuelle. "

La jeune femme se plongeait dans ses pensées, l’air concentré, agençant tout ce que lui avait apprit Appolyon avec ses propres souvenirs, il était loin de tout savoir d’elle mais dans les grandes lignes, elle savait désormais ce qu’elle fichait dans ce monde après une vingtaine d’années couvée comme le plus précieux des trésors mais… Nombres de ses souvenirs portaient sur des détails qu’il n’était pas à même de connaître comme ce chant ? Cette voix qu’elle entendait, elle devait bien avoir une mère… Elle avait bien trois pères ! Et cette présence presque omniprésente, animale et amicale à la fois… Il y avait encore trop de choses dont elle voulait se souvenir maintenant qu’elle avait mis le pied dedans…

- " Je peux t’aider… "

- " En essayant de te débarrasser de moi à nouveau ? "

Takka soupirait lourdement, elle ne comprenait donc rien ! Appolyon se décidait à faire le tampon encore une fois entre les deux femmes aux tempéraments explosifs.

- " Takka excelle dans les potions, je me fais garant de son aide et de ta sécurité. "

La plus jeune hésitait visiblement, se mordillant la lèvre. Était-ce un risque qu’elle était prête à prendre pour des bribes de souvenirs d’une vie qui s’était éteinte, qui n’était plus la sienne depuis longtemps ? La main du blond se posait à nouveau sur son épaule alors qu’il s’agenouillait face à elle.

- " Tu n’es pas ici par hasard. Si l’Oeil t’a fait renaître parmi nous c’est que tu y as ta place et une bonne raison d’y être. "

- " Je ne suis pas certaine d’en vouloir de ce destin… "

- " Tu es la plus à même de savoir qu’il trouve toujours sa route même si tu le fuis. "

L’aveugle ne comprenait pas toute la portée de ses paroles mais elles finissaient de la convaincre. C’est satisfait que l’ami de Zane se décidait à passer quelques jours chez Takka pour superviser cette étape cruciale pour la jeune démone. Le temps que la démone mît à préparer sa potion étant relativement long, il continua d’entraîner Mirari, lui fournissant les toilettes nécessaires également. C’était ce qu’il appréciait encore le plus, sublimer la beauté… Et elle n’en manquait pas.

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