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 Une mer calme n'a jamais fait un bon marin | Salîm & Hrund.

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Sól
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Sól
Mer 18 Oct 2017, 20:01

Assis à même le sol, les pavés de la route te rentrant dans les jambes et rendant ta position inconfortable, tu observes les passants marcher, les uns après les autres, défilant devant tes yeux attentifs. Tu leur imagines des noms, des secrets, une vie que toi seul connait. La jeune fermière se transforme en aventurière fougueuse et pleine de vie, loin de son poulailler et de ses champs, embrassant son destin d'exploratrice. Le vieux forgeron était, autrefois, un chevalier servant, secourant les gens dans le besoin, déjouant les plans machiavéliques de ses assaillants. Autant de fausse identité que d'aventures factices. Pourtant, ces fables que tu te racontes te tiennent éveiller et t'occupent tout au long de la journée. Parfois, un de ces passant te remarque. Ayant pitié de ta triste mine et de tes guenille, il te jette parfois quelques pièces ou partage avec toi un bout de son repas. La plus part t'ignorent, ou peut être ne te voient-ils même pas. Car, après tout, qui remarquerait un homme qui n'en as même plus tout a fait l'air ? Oui, tu n'est plus vraiment un homme. Tu ne ressemble qu'à une chose, un objet, mais certainement pas à un être humain. Alors tu patientes, espérant vainement que le lendemain sera meilleur que le jour même.

L'un des badauds s'arrête devant toi. Au regard méchant qu'il te lance, tu sais déjà comment cela va se terminer. Tu essayes de récupérer le linge étalé devant toi et sur lequel gît ton butin -à savoir quelques pièces et une boule de pain donnée gracieusement- avant qu'il n'arrive malheur mais trop tard, tu n'es pas assez rapide. L'inconnu donne un coup de pied dedans, envoyant tout valdinguer dans la ruelle, te faisant perdre la mince économie que tu avais gagné. "Vas donc travailler un peu, au lieu de vivre sur le dos des honnêtes gens !" lâche-t-il avant d'agrémenter sa remarque d'un cracha peu reluisant. Puis, comme si cet incident était des plus normal, il s'en va reprendre sa route, t'oubliant aussi vite qu'il s'en était pris à toi. Tu récupères la nourriture et quelques pièces éparpillées qui n'ont pas roulé trop loin, puis te lèves et marches un peu plus loin. Cette altercation t'a mise de mauvaise humeur, et tu t'écartes de la rue principale pour chercher un coin plus tranquille.

Avant que tu ne t'en rende compte, tu es perdu. Tu as déambulé trop loin, trop longtemps. Zut. Même si un idiot t'avait délogé de ta place, tu avais pour habitude d'y retourner chaque matin. Il te semblait que, là-bas, la population se montrait plus clémente et plus généreuse. Ce n'était peut-être qu'une impression. Tu décides de continuer et de voir où cette ruelle-ci tu mènes. Le port. L'endroit pullule de monde, bourdonne de vie. Les marchands crient pour attirer leurs clients, garantissant la fraîcheur de leurs produits. Les marins, eux, se dirigent vers des tavernes où ils pourront profiter de la chaleur d'un corps. Tu essayes de te mêler à la foule. Tu comprends pourtant vite que c'était une mauvais idée. Les gens sont bien trop prêt de toi. Ils te collent, te bousculent, te crient dessus parce que tu ne marches pas assez vite pour eux. Paniqué, tu cours droit devant toi et débouche de l'autre côté de la rue. Tu manques tomber dans l'eau mais t'arrête au dernier moment. "Eh bien ! Regardez moi qui as faillit finir dans le bouillon !" Tu te retournes pour voir qui as prononcé cette moquerie. Une femme se tient à quelques mètres de toi, le sourire aux lèvres. Elle semble arrogante, et étrangement loin de sa place. La robe qu'elle porte est bien trop belle, bien trop luxueuse pour qu'elle l'exhibe ici. En te voyant la regarder, la fixer, son sourire ne fait que s'élargir. "Eh bien eh bien... En voilà une surprise. Tu peux me voir." - "Bien sûr que je peux vous voir !" Tu as haussé la voix mais, aussitôt, ton instinct reprend le dessus et tu baisses violemment la tête, comme si tu craignais qu'elle ne te porte un coup violent. Elle ne semble pourtant pas remarquer cette réaction. "Et même m'entendre ! Mon garçon, tu ne me déçois pas ! Qu'es-tu ? Un chaman ? Je ne vois pourtant pas ton camarade." Tu regardes la femme sans vraiment comprendre. "Veux-tu nous rejoindre ? Mes amis et moi voyageons sur ce grand bateau. Une nouvelle compagnie ne serait pas de refus ! Je passe mon temps avec les mêmes idiots, je finis par être quelque peu lassée. Mais toi... Toi tu me semble intéressant." Devant ton air confus et hésitant, elle ajoute "Viens, il y a de la nourriture. Et sûrement de quoi t'habiller un peu mieux." C'est l'appel de la nourriture qui te décide à accepter. Depuis quand n'as-tu pas dégusté un véritable repas ? Une éternité. Alors, tel un enfant attiré par une sucrerie, tu suis l'esprit tout de rose vêtu et monte sur le navire inconnu.
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Jeu 19 Oct 2017, 20:47




Le bruit de verre brisé retentit sur le pont. Personne ne réagit. À travers le carreau éclaté de la cabine, on pouvait maintenant entendre les exclamations fuser :
"Hé ho ! Doucement avec mon bateau, gamine !" s'offusquait une voix masculine, mi railleuse mi agacée.
"Précisément, oui : ton épave, tes problèmes !" lui répondait un timbre bien plus juvénile. "Dém****e-toi sans moi !" En lâchant insolemment cela, Salîm planta son regard noisette droit dans celui de Nirh. Ce à quoi ce dernier répondit par son plus large sourire.
"Pour la dernière fois, ce n'est pas pour moi ! Mais pour toi. Tu comprendrais si tu m'écoutais..."
C'était entièrement faux bien sûr, même si ça sonnait vrai. Enfin, il avait raison sur un point : elle s'en fichait, et n'avait même pas essayé un instant de l'écouter. Il se rapprocha d'elle et, hilare, chuchota hors de portée des oreilles indiscrètes : "Quelle tête de mule tu fais... Encore un effort, et tu auras bientôt l'air d'une adulte quand tu t'énerves.".
Les dents de l'adolescente grincèrent. Elle aurait pris plaisir à envoyer un vif coup d'épaule dans le menton de Nirh. Sagement, elle se retînt, évitant ainsi de passer à travers l'Esprit et d'aller s'écraser contre la paroi de la cabine. Elle préféra accumuler sa frustration en serrant son poing, duquel elle frappa violemment la table au milieu de la pièce. L'innocent meuble, fendu par endroits, bancal et chargé du repas refroidi de la veille, sursauta sous l'attaque. Une coupe tachée de vin séché, peut-être posée légèrement trop au bord de la table, décolla alors de cette dernière, s'envolant dans les airs un court instant, puis...


Puis deuxième bris de verre en moins de quelques secondes. Sur le pont l'un des matelots, une femme à la toilette bien élégante, roula des yeux et glissa jusqu'au quai. Elle souffla, soulagée de se retrouver loin de ces sauvages un moment. À la réflexion, Salîm et Nirh étaient sûrement les plus sains d'esprit de l'équipage. Le reste se composait de trois jeunes Chamans sachant mieux prier que naviguer, et une poignée des Esprits d'anciens bandits à l'humour gras. Et puis, il y avait bien un homme à l'air distingué. Il prenait toujours soin de demeurer à l'écart des autres, en silence, les yeux perdus dans ses réflexions. Elle avait bien tenté de l'aborder, mais fût rejetée glacialement en moins d'un instant. Tout ce qu'elle pu apprendre à son sujet par les autres était qu'il n'était ni Chaman ni Esprit. Néanmoins, il distinguait sans mal les morts, tout en sachant disparaître au yeux de tous dans les ombres... Mais cela ne lui accordait en rien le droit d'être aussi hautain avec elle ! Peu importe.


Pensive, elle se mit à longer les quais. Et elle qui croyait que la mort serait paisible ! Les dissensions n'avaient pas arrêté de la matinée... Salîm s'était faite prier de dégager rapidement son embarcation du port, pour la bonne raison que la pourriture qui rongeait sa coque commençait à se propager aux autres navires amarrés là. Lucide, la gamine savait que ce bateau n'était ni grand, ni rapide, ni résistant, ni même en état de voguer sans subir des réparations désespérées. De plus, elle n'avait jamais appris à naviguer, et ne voyait pas l'intérêt de commencer maintenant. Sa résolution d'abandonner ce rafiot était prise. Bien sûr, c'était sans compter sur son véritable Capitaine, prêt à affabuler n'importe quoi pour garder à flot l'épave. C'est ainsi qu'une de leurs habituelles disputes, faussement virulentes, avaient encore éclaté. Et comme à l'ordinaire, la Chaman se montrait terriblement butée, tandis que l'Esprit évitait soigneusement de livrer ses vraies intentions. Enfin bon, ils se réconcilieraient bien assez tôt.


L'élégante femme allait revenir vers l'embarcation, lorsqu'elle croisa un petit homme à l'air complètement perdu. Elle crût un instant qu'il allait sauter à l'eau, mais il se rattrapa au dernier moment. Elle lâcha machinalement à haute voix une remarque sarcastique envers le pauvre homme en haillons. Celui-ci la dévisagea. Oh, chouette, un Chaman ! Tandis qu'elle l'invitait à rejoindre l'équipage - après tout, pourquoi elle n'aurait pas le droit de ramener des petits compagnons ? - elle le jaugea de haut en bas. Constatant qu'il se comportait tel un animal craintif et affamé, elle allait se rétracter - pas le meilleur choix de compagnon finalement. Toutefois, c'était trop tard : à peine avait-elle mentionné la présence de nourriture qu'il semblait prêt à la suivre jusqu'au bout du monde.


Arrivés sur l'embarcation, ils virent le Capitaine et son Second rirent aux éclats ensemble. Tant mieux !
"Aline ! Où étais-tu passée ?" demanda joyeusement Salîm.
"J'ai trouvé un ami ! Présente-toi !" lança-t-elle à l'attention de Hrund. Toute fière de son butin, elle n'écouta même pas la réponse. Tous semblaient plutôt surpris, mais guère réfractaires.
"Tu as faim ? Il y a quelques restes par là." Salîm se dirigea vers la cabine. Elle se retourna."Ah, et tu devrais faire gaffe à ne pas te trancher le pied sur du verre."

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Sól
Sam 21 Oct 2017, 08:36


Il devait y avoir une erreur. Il y avait définitivement méprise. Ce n'était pas ce à quoi tu t'étais attendu, en observant ton hôte à l'allure raffinée. Lorsqu'elle t'avait offert le couvert et une nouvelle tenue, tu t'étais imaginé qu'elle te conduirait sur un prestigieux navire, au haut mât et aux voiles éclatantes, à la coque luisante et à l'équipage heureux et chantonnant des airs marins, ces magnifiques bâtiments dont on parle dans les contes et les fables de ton enfance. La réalité était toutefois bien différente. L'inconnue te conduisit vers un autre bateau, qui n'en avait que le nom, et dont l'apparence ressemblait davantage à une épave, échouée ici par hasard. Il était si ridiculement petit, comparé aux flottes qui l'entourait, que tu ne l'avais même pas remarqué. Peut être était-ce aussi parce qu'il était un peu à l'écart ? Toujours était-il que la désillusion était grande, et tu sentis un gout amer se former dans ta bouche. Un sourire ironique apparut sur ton visage. Comment avais-tu pu espérer mieux ? Toi qui n'étais rien, qui n'étais personne, comment pouvais-tu aspirer à mieux qu'une simple épave prête à couler ? La gentillesse dont avait fait preuve la demoiselle devrait déjà te suffire amplement, sans avoir à ajouter quoi que ce soit. Tu la suivis donc sans rien dire, essayant d'ignorer les trous sur la coque, et les autres détails peu rassurants sur l'apparence du lieu.

Une fois arrivé sur le pont, tu fus entouré d'étranges personnages. Sans doute l'équipage de ce rafiot. Alors que tu allais suivre ton hôte, un détail te marqua. Les gens qui t'entouraient luisaient tous d'une étrange façon. L'inconnue également. C'était un phénomène assez récurent. Cela arrivait de temps à autres sans que tu ne puisses te l'expliquer. Tu vais essayé de chercher une raison, sans résultat. La plupart de tes maîtres ne te laissaient pas la parole, et pour ceux qui s'y étaient intéressés, ils avaient finalement conclu que tu étais simplement fou. Tu te retrouvais souvent vendus à d'autres maîtres, et avais cessé de chercher une explication. Mais tu savais que tu n'étais pas fou. S'il c'était agît d'hallucinations, elles ne t'auraient pas mené jusqu'ici, mais plutôt sur un bateau flamboyant, prêt à partir sur les flots.

Perdu dans tes pensées, tu fut pris de court lorsqu'on te demanda de te présenter. Intimidé par tous ces regards qui convergeaient vers toi, tu te recroquevilla un peu sur toi même, les épaules voûtées, les genoux légèrement fléchis et rentrés vers l'intérieur. "Je... Euh... Je suis... Hrund." bégayas-tu. Ta voix tremblante n'avait pas été assez élevée et l'on te fit répéter à deux reprises ton identité, te rendant encore plus effrayé. Tu avais envie de fuir leurs regards, de te cacher loin de toute cette attention. Tu n'avais pas l'habitude d'être le centre d'autant d'attention. Bien au contraire. Tu étais une créature de l'ombre. Mais bien vite, on se désintéressa de toi, les hommes retournant à leurs postes comme si tu n'avais jamais interrompue leurs habitudes. Encore une fois, ce fut l'appel de la nourriture qui te sortie de ta léthargie, et tu suivis prudemment la jeune enfant qui te conduisit jusqu'à la cabine. L'intérieur semblait presque plus délabré que le dehors. Tu hésitas avant d'entrer, regardant le sol jonché d'éclats de verres, comme l'enfant te l'avait dit. Pieds nus, il serait dangereux de t'y aventurer. Mais puisque la nourriture se trouvait là bas... Tu inspiras profondément et entras.

Évitant soigneusement de te couper, tu sautillas jusqu'à la table, où reposaient un verre rempli d'un liquide rouge et une miche de pain. Les inconnus ne s'intéressant plus spécialement à toi, tu tendis discrètement la main jusqu'à la nourriture, avant de te dépêcher de la manger, mâchant à peine avant de déglutir, comme si tu avais peur que l'on te retire ton dîner de la bouche. "Eh bien... On dirait que tu n'as pas mangé depuis des lustres." La voix de l'élégante dame, mi-rieuse mi-étonnée, se fit entendre dans ton dos. Pour toute réponse, tu haussas les épaules, continuant à manger. Une fois que tu eus tout avalé, tu regardas un instant tes hôtes. D'une voix chétive, tu demandas : "Qui... Qui êtes vous ?"

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Dim 29 Oct 2017, 11:01


S’il y en a pour un, il y en a pour dix. Nourrir ce pauvre mendiant ne fit traverser aucun inconvénient dans les pensées de Salîm. Au contraire, puisque elle avait finalement accepté de sauver le navire, il faudrait bien des bras pour l’entretenir. Comment avait-elle cédé déjà ? Ce charlatan de Nirh avait encore dû l’embrouiller, lui faire dire le contraire de ce qu’elle pensait, tant et si bien qu’elle avait fini par se sentir pleinement satisfaite lorsqu’ils avaient déclaré en cœur « Alors, parfait ! On le garde ! », comme s’il s’était s'agit d’un chat abandonné. En y pensant à nouveau, la petite Chaman comprit qu’elle avait été bernée. Elle vînt s’asseoir face à Hrund, vexée, puis tâcha de se concentrer sur la situation, afin de ne pas s’emporter et aller chercher Nirh pour l’insulter copieusement.

Le nouveau venu se jeta sur la nourriture à peine fût il entré dans la pièce, engloutissant de monstrueuses bouchées avec tant de hâte qu’il manquait de s’étouffer à chaque déglutition. Fait étrange, il n’était accompagné d’aucun compagnon fantomatique ni autre Chaman. D’ordinaire, les siens ne voyageaient jamais seul, Salîm le savait bien. Peut-être était il en pèlerinage… De quelle tribu pouvait-il bien faire partie ? Salîm attendit poliment que son invité eût fini de se repaître avant de l’assaillir de questions.

*
*          *
*

Il paraissait qu’il y avait parfois des morts en mer. Cela était peut-être la raison qui avait mené Neloo à embarquer. Enfin, il n’avait pas encore pu apréhender le large, de près comme de loin. Alors, l’Ombre attendait qu’il se passe quelque chose, comme elle l’avait toujours fait, restant au même poste des heures durant – appuyée sur le bastingage, assise contre le mât, ou encore allongée dans l’obscuirité de calle -, sans bouger. Les autres l’importunaient sans cesse. Alors Neloo allait penser un peu plus loin, le bruit parasitant le fil de sa réflexion. Pourquoi restait-il là ? Lui-même semblait l’ignorer. Ici ou ailleurs… Finalement, cela revient au même. À quoi bon utiliser toute cette énergie pour aller vivre le même calvaire dans d’autres contrées ? Je ne reste qu’un mort au milieu des vivants. En effet, la situation relevait du paradoxal : alors qu’il était entouré des esprits de personnes trépassées depuis des dizaines d’années, il se sentait, une fois de plus, inéluctablement seul. Ces Esprits se comportaient quasiment –à ceci près qu’ils ne pouvaient interagir avec le monde physique – comme des êtres en vie. Il n’y avait qu’à voir Nirh et son excessive joie de vivre à la limite du supportable. Non, vraiment, loin des morts, de La Mort elle-même en réalité, Neloo éprouvait d’autant plus péniblement son état. Néanmoins… Néanmoins, la mort finissait toujours par survenir. Il suffisait de l’attendre. Ou de l’insuffler dans la cervelle du faible, qui alors la désirerait. Cet invité… La misère l’a certainement rongé jusqu’à l’os. Neloo se déplaça lentement jusqu’à la cabine, juste pour voir à quel point il est désespéré.

Il fût déçu aussi fort qu’il pouvait l’être. Le mendiant avalait une pauvre miche de pain tellement goulûment qu’il ne pouvait que tenir à la vie, quitte à se l’ôter par obstruction du gosier. L’Ombre resta là, silencieuse dans un coin sombre de la pièce, et observa ouvertement Hrund, le toisant de haut en bas sans détour ni gêne. Lorsqu’il ne resta plus rien de comestible sur la table, Salîm entama franchement la conversation :
« Alors comme ça tu es un Chaman ? De quelle tribu viens-tu ? Que fais-tu tout seul ici ? »

Elle se sentait embêtée, ne sachant pas tellement quoi faire de lui. Et lui ? Quelles étaient ses intentions ? Elle hésita un instant avant demander cela, crayant d’être trop abrupte. Puis elle se rappela soudain qu’elle s’en fichait éperdumment et ajouta en se levant de son siège :
« Bon, qu’est-ce que tu veux ? Tu sais naviguer ? Parce que si tu veux un repas de temps en temps, va falloir qu’tu saches clouer des planches et tendre une voile. Et décide-toi vite, nous partons bientôt. »
Elle alla chercher un balai et commença à entasser les morceaux de verre brisés, tout en écoutant les réponses que Hrund avait à donner à son inquisitoire.

*
*         *
*

Enfin ! La gamine avait craquée. Elle se faisait de plus en plus retord, la bougre ! Mais grâce à ses talents de négociateur, son bâtiment d’antan voguerait à nouveau. Et voilà qu’Aline se mettait à rameuter un équipage, c’était parfait ! Nirh savourait ainsi sa victoire, les yeux dévorant l’horizon à travers les mâts des navires amarrés et les fumées s’échappant du port, lorsqu’une voix un peu bourrue héla depuis le quai : « Hé ho, y a du monde ici ? Va falloir dégager fissa, ou c’est la casse pour votre rafiot ! »

Nirh rit doucement. Il entra dans la cabine, en traversant littéralement la porte, prit un air sérieux et lança gravement pour son propre plaisir : « On lève l’ancre moussaillons ! Pas de destination définie. » Il se tourna vers Hrund : «  Tu viens avec nous ? ».

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Sam 04 Nov 2017, 08:31

Ta question semblait être tombée dans le néant, personne ne prenant la peine d'y répondre. A moins que ta voix enrouée n'ait simplement pas assez porté pour être entendue ? Non. Probablement pas. Il fallait te rendre à l'évidence, on ne te répondait pas, parce que tu ne le méritais tout simplement pas. Tu n'étais rien, rien de plus qu'une chose, pas une personne mais une propriété, un objet. Tu ne posais pas de questions, tu te contentais d’exécuter les ordres... C'est c que tu avais toujours fais, la seule chose dont tu étais capable. Ta supposée liberté n'avait pas suffit à te délivrer de tes chaînes, et u te sentais toujours prisonniers de ton ancienne condition, la seule différence étant que tu étais désormais livré à toi même, sans maître pour te guider, sans but à accomplir... Pathétique. Toi qui, pendant toutes ces années, avait désespérément attendu que quelqu'un te sorte des conditions abominables dans lesquelles tu vivais, te voilà incapable d'apprécier le libre arbitre qu'on t'avait offert. Pire, tu n'attendais qu'une occasion pour retourner au pied de maîtres intransigeant, car après tout, obéir était la seule chose que tu avais toujours fait...

Tu continuas donc à manger, essayant de ralentir la cadence, t'étant rendu compte que personne ne semblait vouloir t'enlever ton maigre repas. Au contraire... Ces gens étranges semblaient presque... Comment dire ? Cette sensation était nouvelle pour toi, mais il te semblait éprouver de la gratitude à l'égard de leur bienveillance. Tu n'étais même pas certain du vocabulaire que tu voulais utiliser, ce qui te confirmais ta condition lamentable. Mais ce n'était point le moment de se perdre en jérémiades. Tes hôtes te prêtaient tous attention, une attention à laquelle tu n'étais pas habitué, toi qui d'habitude semblait transparent, invisible, inexistant. On te submergea de questions étonnantes, qui semblaient sortir de partout à la fois, te faisant tourner la tête. « Un... Un chaman ? N-Non, je ne suis pas... Je suis un... » Tu cherchas un instant le nom de ta race. Tu te souvenais avoir, il y a fort longtemps, appris le nom des différentes races de ces terres. Mais ce n'était pas vraiment important, dans les tâches que tu exécutais. Ton cerveau avait donc fini par mettre tous ces mots inutiles de côté. « Un Orisha. » finis-tu par dire timidement. Est ce que cette vérité les contrarierait ? Ou est ce qu'ils en profiteraient pour e rendre à nouveau esclave de leurs désirs ? « On m'a libéré de mon ancien maître... Je ne savais pas où aller alors... » Tu laissas ta phrases en suspend, te rendant compte de la bêtise que tu venais de dire. Les maîtres n'aimaient pas savoir que leurs esclaves se montraient rebelles, ils préféraient de loin ceux qui se taisaient et restaient dociles. Ne te souvenais-tu pas de ce que l'on t'avais appris ? Ne jamais parler de trop. Et seulement lorsque l'on t'en donnait l'autorisation ! Honteux, et effrayé de recevoir une punition, tu rentras la tête dans tes épaules. « Eh bah... Quel phénomène je nous ai rapporté... Moi qui espérait m'être trouvé enfin une bonne compagnie... » Un soupir accompagna la déclaration.

Une nouvelle slave de questions de tomba dessus, te prenant une nouvelle fois au dépourvu. Ce n'étais pas souvent que l'on te demandais ton avis. « Je... Je sais naviguer. » C'était un honteux mensonges, tu n'étais jamais monté dans un bateau, si ce n'étais dans les cales, chambre de première classe pour un domestique. Mais tu apprenais vite. Et la promesse de nourriture régulière était alléchante, elle méritait bien un petit mensonge... Et puis, que pouvait-il y avoir de difficile à planter des clous et tirer sur des cordes ? « Je serais à la hauteur. » Ajoutas-tu d'un air piteux, comme pour essayer de te convaincre toi-même.

L'un de ces hommes brillant arriva et déclara qu'il était temps de partir, te proposant une dernière fois de te joindre à eux. Tu hochas la tête lentement pour accepter définitivement l'offre. « Bah voyons ! Voilà qu'on adopte un nouveau chien perdu... Ha... Ce n'est pas pour cette vie de misère que j'avais signé. Bon. Toi là, c'est le moment d'aller faire tes preuves. Ouste ! » Hrund se tourna vers l'enfant, qui semblait être le maître à bord, comme pour obtenir son approbation.
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