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 Entre deux chemins | Draes

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Miles Köerta
~ Orisha ~ Niveau III ~

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Miles Köerta
Jeu 16 Nov 2017, 02:44

Entre deux chemins
« On cherche toujours à s’évader »

J’étais angoissée et malgré mon trouble, je voulais continuer. Van’ka s’inquiétait de mes récents problèmes au niveau de mes jambes, mais je lui avais assuré que tout irait bien, qu’il n’avait pas à s’inquiéter pour le prochain numéro. Depuis un certain temps, ma voix s’écorchait pour un rien lorsque je me mettais à parler et ce, malgré mon ton de voix particulièrement faible et léger, et mes jambes, que j’avais toujours cru solides depuis que je m’étais mise à danser, ne cessaient de me faire de drôles de tour. Des fois, il m’arrivait tout simplement de perdre pied et de chuter au sol, comme si mes jambes peinaient à me supporter désormais C’était étrange, mais je préférais ne pas y penser, parce que je ne pouvais pas laisser mon corps me lâcher alors que j’y étais enfin parvenue… Mes partenaires, par contre, tenaient un autre discours, conscients que si ce problème persistait, ce n’était pas seulement moi qui allait en pâtir, mais l’ensemble de la troupe, considérant qu’elle m’avait fait leur « numéro » principal lors des représentations. Je n’arrivais toujours pas à y croire d’ailleurs. Tout cela s’était passé si vite, sans que j’en ai véritablement conscience, mais il semblerait que les efforts que j’avais mis dans cette passion, dans cette vie n’avaient pas été posés en vain. Aujourd’hui, j’avais peut-être trouvé la place qui m’appartenait, la place que j’avais recherché durant toutes ces années d’errance et d’hésitation : il n’était pas question que j’abandonne, si près du but; que j’abandonne alors que tout ce que j’avais rêvé se trouvait désormais entre mes mains. La danse, une chance d’être enfin… moi-même. Mes partenaires comptaient sur moi et… et puis, il fallait l’avouer, je n’étais pas capable d’arrêter. Danser n’était pas qu’une passion, danser n’était pas qu’un simple passe-temps. Danser était l’air que je respirais pour vivre: c’était plus qu’un moyen d’être reconnu, plus qu’un moyen de gagner un peu d’argent, car là où les autres voyaient en la danse un outil de prestige, une bourse ou tout simplement un divertissement, pour moi, la danse représentait mon être, la véritable personne que je suis réellement. Parce qu’il n’y avait que durant ces moments de pure évasion, ces moments où mon corps se laissait entraîner par la musique, comme un prince prenant la taille de sa dulcinée pour l’amener à partager une valse avec lui, que je pouvais – non, que je me sentais – être moi-même, en harmonie avec la personne que je suis.

« Maeka? »

Perdue dans mes pensées, la voix de Slanika me fit sursauter et je bondis presque de ma chaise lorsque je l’entendis. À ce constat, ma compagne m’adressa un sourire avant de descendre son regard en direction de mes jambes.

« Est-ce que tu es prête? » Posa-t-elle, sa question cachant un sentiment d’inquiétude et de profond doute.

Mes jambes me démangeaient encore plus qu’auparavant, mais je ne pouvais pas faire marche arrière et c’est pourquoi, d’abord hésitante, je finis par me redresser, me plaçant devant la jeune femme avant d’hocher vaguement de la tête, lui échangeant un sourire, histoire de balayer la perplexité qui dansait au fond de ses iris. Soupirant, ma camarade se tassa sur le côté pour me laisser la place nécessaire afin de faire mon entrée dans la ruelle que nous avions pris d’assaut avec nos instruments, nos animations et nos chants. Malgré toute notre bonne volonté à vouloir nous faire remarquer, les gens de la place ne paraissaient pas très réceptifs. En même temps, nous ne pouvions les blâmer : des troubadours, des danseurs, des quêteurs d’attention et d’argent, nous ne devions pas être les premiers qu’ils voyaient ainsi déambuler autour de leur marché. Mais qu’ils me regardent ou non m’importaient plus ou moins : tant que je pouvais danser, ma vie était déjà comblée.

C’est pourquoi, dans un grand sourire, basculant mon buste vers l’avant d’un geste théâtral devant un rassemblement fantôme, qui apparaissait et disparaissait au gré du mouvement de la populace, j’introduisis mon numéro par quelques tapes au creux de mes paumes afin de donner le rythme à nos deux musiciens. Ces derniers me rejoignirent bientôt en tapant du pied.

Un, deux, trois, le numéro pouvait commencer.

Et avant même que les premières notes aient fusé des instruments, mes jambes se mirent à se mouvoir d’elles-mêmes, mes bras à se tendre et à tournoyer d’un seul coup, emportés dans une mélodie que seule mes oreilles pouvaient entendre, jusqu’à ce que l’air de la mélodie résonne enfin dans l’air. Aussitôt, je me mis à danser et à danser, que ce soit avec la brise qui soufflait dans mes cheveux, avec les rayons du soleil qui couraient sur ma peau, avec le chant des archets et des cordes tout près, avec mon prince qui me prenait par la taille pour m’amener à partager une valse avec lui. Je me fichais bien de savoir que peu me fixait, que les rares à nous jeter un coup d’œil s’arrêtaient quelques secondes avant de reprendre le fil de leur quotidien, sans même reconnaître la véritable joie et le pur bonheur qui maquillaient mes traits. Cet arabesque de mouvements et de pas ne semblaient leur faire ni chaud, ni froid. Peu importe, tant que nous pouvions nous amuser, mes partenaires et moi, c’était tout ce qui était important. C’était tout ce que nous désirions. Car même si, après chacune de nos représentations, le souci de l’argent revenait au galop dans nos esprits, la passion que nous nourrissions pour ce que nous faisions ne nous faisait pas regretter la vie que nous avions choisie.

Après tout, tout ceci, était nos vies.


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Lun 20 Nov 2017, 23:43

   Suivant Chelae de prêt, Draes sondait les autres sans pour autant s’y intéresser. Il ne faisait que son travail, tentait de le faire bien même si sa fonction s’avérait plutôt inutile dans un endroit pareil. Fascinant de constater à quel point certaines personnes pouvaient se trouver importantes. L’Alfar avait toujours vécu entouré de personnes pensant baigner dans la notoriété. Il les avait toujours trouvées fascinantes, autant qu’elles l’avaient toujours considéré comme un ovni. Mais pouvait-il se permettre de le reprocher à sa cousine ? Pas le moins du monde.


   Il considérait les autres de son regard sombre, presque haineux, sans qu’on ne lui prêtât la moindre attention. L’ambiance alentours dominait trop. Ca n’était pas plus mal. S’il appréciait parfois qu’on le craigne, il n’était pas d’humeur aujourd’hui. Avec celle qui protégeait, il se sentait autant à sa place qu’une tâche grisâtre au milieu d’une feuille blanche. Dans les rues des mélodies fusaient, valsaient. Elles disparaissaient, puis revenaient à la charge quelques secondes plus tard, comme malmenées par le courant des passants. On retrouvait çà et là des fredonneurs, quelques musiciens ou autres danseurs. Ils rythmaient la vie sans qu’on ne s’y intéressa plus que ça. Ici ils n’étaient qu’un détail parmi d’autres, mais un détail agréable… ou pas. Ce n’était pas agaçant, mais la légèreté lui était pesante. Il manquait quelque chose. Drosera le rendait nostalgique au fond… chose qu’il n’aurait trop cru possible. Il avait tant vécu là-bas et tant rêvé d’en sortir, de dépasser la forêt qui l’entourait qu’il avait aussitôt juré protection à Chelae. Un aussi bon moyen de montrer aux siens qu’il n’était pas aussi inutile qu’on avait pu le prétendre. « Servir sa famille », voilà qu’il accomplissait avec brio sa partie de la mission.


   Il leur arrivait de s’attarder sur quelques artistes, de les regarder le temps de les croiser. Les styles se mêlaient mais ça n’était jamais au goût de la jeune Alfar. Qu’il s’agisse de spectacles publics jouait beaucoup sur l’estime qu’elle y portait. Elle leur voyait plus le côté rustre que la bonne volonté. Jusque-là, Draes ne pensait pas. Il n’avait pas d’avis sur toutes ces prestations, car il n’avait quasiment jamais d’avis. Il ne faisait que tourner la tête à l’approche d’un son, puis retrouvait aussitôt sa fonction première. Rien de surprenant ne se passa donc lorsqu’il tourna une énième fois la tête sur cette énième petite troupe. L’Alfar examina chacun des membres comme il le faisait avec tout le monde depuis le début de cette promenade sans grand intérêt. Pas de danger. Pourquoi, après tout ? Y’avait-il ne serait-ce qu’une personne en ces lieux projetant de commettre un attentat ? Un attentat contre eux ? Cette femme, peut-être ? Cette danseuse… ? Non. Il ne pouvait se permettre, ne serait-ce qu’imaginer une chose pareille.


   Oh… Draes ralentissait le pas. Chelae regardait avec plus de brièveté. Il profita néanmoins de la nouvelle cadence. Oh… bien étrange. Voilà quelqu’un d’efficace, se dit-il, quelqu’un qui faisait en sorte qu’on ne puisse pas l’ignorer, et qui y parvenait. Voilà une personne libre et singulière. Il aimait ça. En réalité il n’en était rien. Il était bel et bien le seul à rester plus de cinq secondes les yeux rivés sur cette femme. C’était dommage. Elle était belle, jeune et heureuse. Elle dansait avec une joie qu’il ne connaissait pas une danse qu’il n’avait jamais vue. Il la considérait froidement, partagé entre sa surprise de se surprendre en train de s’intéresser à elle, et cette chorégraphie qu’il ne parvenait pas à décrire. Elle était même dotée d’une pointe de naïveté et d’innocence qu’il lui était impossible de détester. Et quelque part, il la détestait un peu pour ça.


   Il en avait oublié son devoir. Ses pas raccourcissaient. Chelae marqua une pause pour une raison qu’il ignora complètement. Elle avait failli être bousculée et lançait un regard outré à l’impudent, prête à lui faire la remarque de son manque de politesse. Et Draes qui ne réagissait pas ! Elle soupira, agacée. Franchement ! Voilà qu’on allait la mettre de mauvaise humeur. Elle s’intéressa une seconde fois à la troupe dans l’espoir de pouvoir, même dans la grossièreté – elle n’assumait pas – trouver un peu de réconfort.


   -Certains sont d’une étrangeté… Se souffla-t-elle pour se revigorer.



   Comme à son habitude, il ne répondit rien, et comme à son habitude, elle considéra son silence comme une approbation. Les bras croisés contre sa poitrine, Draes s’était figé au premier rang de l’auditoire inconstant. Son regard noir reprenait de la vigueur. Il ressemblait à un jury inquisiteur en attente d’un grand final à démonter. Chelae reprit la marche, persuadée que son garde du corps la suivait. Après tout, tout avait toujours été en ordre et à sa place, alors pourquoi changer maintenant ? L’homme n’avait pourtant pas bougé, hypnotisé jusqu’à la fin par les mouvements de cette inconnue. Il n’y avait plus d’autre but que de la regarder.


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Miles Köerta
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Miles Köerta
Dim 03 Déc 2017, 16:04

Entre deux chemins
« On cherche toujours à s’évader »

La frénésie du moment m’exaltait à un point où je ne percevais plus clairement ce qui m’entourait. Les pas se dessinaient d’eux-mêmes dans les arcs et les tourbillons que j’esquissais, au rythme de la musique que je percevais agiter l’air avec engouement, alors que mon esprit se libérait peu à peu des entraves qui le reliaient au monde dans lequel je valsais. J’étais seule, mais c’était comme si l’univers entier était avec moi, chantait en chœur avec les instruments et giguait tout en m’emportant dans sa farandole. Durant un moment, l’un des musiciens abandonna même les cordes de ce qui s’apparentait à une mandoline pour se joindre à mon enthousiasme alors que je lui offrais une place au-devant de notre scène. Dès lors, nous nous échangeâmes des pas, agrippant nos bras l’un par-dessus l’autre pour s’entraîner mutuellement dans la danse. Nous sourions, comme si le monde n’existait plus, et puis après cet instant, il me rendit l’intégralité de la scène, s’éclipsant discrètement pour reprendre en main son instrument. C’était le signal, je présumais, le signal qui annonçait que j’arrivais à la fin de mon numéro. J’aurais apprécié poursuivre ce dernier, mais cela devait déjà faire une bonne demi-heure que je m’agitais ici et là, à travers la ruelle, dans l’espoir de capter l’attention d’un passant, de deux peut-être, même si une dizaine aurait toujours été l’idéal. C’est pourquoi, après quelques secondes, la musique ralentit, se fit plus basse et plus calme. Comme si la chanson et mon corps étaient en symbiose, mes mouvements se firent plus modérés et retenus, larges mais tout aussi gracieux. Et dans un ultime pas, je devais finir par coller mes jambes l’une contre l’autre, me tenant aussi droite qu’un « i » avant d’esquisser une dernière révérence à mon auditoire au même instant que la musique, elle, s’éteignait.

Pourtant, rien ne se passa comme prévu. La conclusion de mon numéro aurait dû se terminer par cette dernière chorégraphie, elle aurait dû bien se passer, car après tout, il n’y avait rien de compliqué à celle-ci. Cependant, pendant quelques secondes, je n’avais plus du tout senti mes pieds me retenir sur le sol. Et ces quelques secondes suffirent à me déstabiliser complètement. D’un pas gauche, cherchant à me retenir à quelqu’un ou quelque chose, je claudiquais d’un point à un autre sur les dalles du sol, avant de me retenir, paniquée, à la première chose qui se trouvait sur mon chemin : un homme. Je ne le connaissais ni d’Adam ni d’Ève, mais pour le moment, il était ma bouée de sauvetage et, maladroitement, je me retins à lui, mes jambes refusant de me porter, ce qui entraîna malgré tout la chute du reste de mon corps sur la route. C’est ainsi que je terminais finalement mon numéro sur le ventre, mon visage collé à la pierre froide du chemin, aux pieds de celui auquel je m’étais raccrochée en espérant ne pas tomber. Je ne comprenais pas ce qui venait de se passer. Mon regard était fixe, écarquillé. Non loin, j’entendis des pas accourir dans ma direction.

« Maeka! Maeka! Est-ce que tout va bien? »

Malgré tout ce qui bougeait autour de moi, tout ce que j’entendais et que je percevais, je ne bougeais pas, choquée par la situation, continuant simplement de fixer les pieds du spectateur devant moi.

« Peux-tu te relever? » Entendis-je au-dessus de moi, reconnaissant la voix de Van’ka, le joueur de mandoline.

Gentiment, il essaya de m’aider afin que je me redresse et reprenne pied, mais en retour, je ne faisais rien, continuant de fixer le sol comme une poupée désarticulée qui ne pouvait plus se mouvoir sans les fils qui, d’ordinaire, la supportaient. À ma gauche, la voix de Slanika continuait de m’interpeller. Elle voulait savoir si tout allait bien, si j’allais bien, mais rien n’allait. Absolument rien.

« Qu… Parvins-je à murmurer, ce qui fit taire mes deux compagnons d’un seul coup. Qu’est-ce qui s’est passé…?

- Tu as perdu pied… Par les Dieux! Je savais que tu n’aurais pas dû participer à ce spectacle! Ça a recommencé et…

- M-Mes… jambes… »

Il eut une pause, un silence.

« Je ne sens plus mes jambes…

- Essais de te lever et…

- J-Je ne sens plus mes jambes… »

La panique commença à grandir au creux de mon estomac et, inconsciemment, des larmes se mirent à déborder de mes yeux. Je ne comprenais pas ce qui se passait. Je ne comprenais pas. Pourquoi? Pourquoi moi? Qu’avais-je fait pour mériter ça? Mes jambes… J’avais beau vouloir les bouger, les forcer à me soulever, rien n’y faisait; elles restaient complètement figées. À ce constat, un mélange de peur et d’affolement se distilla dans mon esprit et je me mis à me débattre, cherchant un moyen de retrouver des sensations dans mes jambes. Van’ka tentait de me retenir fermement, histoire que je ne tombe pas de nouveau, mais je finis me raccrocher aux jambes du spectateur, des pleurs incontrôlées, affolés, s’échappant de ma gorge alors que ma respiration s’accélérait, paniquait, s’effrayait.

« Qu’est-ce qui se passe? Qu’est-ce qui se passe? Chuchotais-je en continu, ne prêtant pas attention à ce qui se déroulait autour de moi.

- Par-Pardonnez-la, messire! E-Elle ne sait plus ce qu’elle fait! S’excusait ma camarade en essayant de me faire lâcher les jambes de l’homme. Elle est désorientée, excusez-la, ça ne se reproduira plus… »


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Lun 04 Déc 2017, 12:27

   Ils étaient arrivés un peu tard pour qu’il n’en voit beaucoup. Mais ça suffisait, quelques minutes à peine pour contempler cette jeune femme. Elle était possédée, complètement envahie par ce qu’elle faisait, par la musique et par le rythme. Elle et son partenaire de danse improvisé ne semblaient plus en avoir rien à faire de leur public. Draes était invisible à leurs yeux. Il était invisible aux yeux de tout le monde. Plus rien n’existait dans son esprit autre de la simple passivité du spectateur, les yeux. Il ne réfléchissait plus depuis une ou deux minutes. Chelae n’existait plus, sa fonction non-plus, tout ce qui se trouvait en dehors de sa vue était mort et inconsciemment, il en était soulagé. Il n’y avait qu’une part de cynisme qui menaçait de revenir s’il se réveillait de son état.


   La ritournelle ralentissait petit-à-petit, la danseuse terminait sa chorégraphie avec application. Lui constatait que la prestation allait bientôt prendre fin sans pour autant bouger. Les derniers pas maladroits, cependant, ne l’interpelèrent pas. Il ne fut arraché de sa léthargie que par un soudain contact physique. Pris par surprise, il fut incapable de rattraper la jeune femme et la laissa glisser par terre. Draes eut un mouvement de recul. La jeune femme ne le lâcha pas. Elle se tenait à lui avec une forte poigne. Que fabriquait-elle exactement ? L’Alfar s’apprêtait à passer ses mains autour de ses bras, puis se ravisa à l’approche des compagnons de l’inconnue. Ils s’en chargeraient mieux que lui, qui était susceptible de la laisser trainer par terre après s’en être détaché sans délicatesse. Le musicien tenta d’aider sa partenaire. Elle était paniquée et Draes crut un instant qu’elle avait perdu la raison.


   Tous parlaient autour de lui sans pour autant lui prêter attention. Il avait la réelle sensation d’être un poteau. C’était déplorable. Il avait déjà endossé des fonctions du même attirail mais n’avait jamais ressenti quelque chose de tel. Un poteau que cette danseuse devenue pantin ne voulait plus quitter. Draes lança un regard impassible à celui qui avait tenté de la remettre sur pieds. Puisqu’il n’était pas fichu de la porter, il fallait bien que quelqu’un s’en occupe… Il se pencha au niveau de la jeune femme, passa ses mains sous ses aisselles et la hissa à sa hauteur. La mollesse de ses jambes la rendait un peu plus lourde. Il avait la sensation de toucher une Fae fragile à qui il risquait de briser les ailes à tout moment. Un papillon. Sûr, il devait lui faire mal.


   A ses côtés, cette autre femme s’excusait mille fois à son égard. Il gardait le silence et ça devait devenir sérieusement étrange. Donnait-il l’impression de contenir sa colère ? En tous les cas, il n’était pas en colère. Il n’était pas spécialement heureux non plus. Si, il trouvait agaçant d’entendre cette inconnue chercher toutes les formulations qu’elle connaissait pour lui faire exprimer une quelconque compassion. Elle lui faisait même perdre les mots. Déjà qu’il n’avait pas grand-chose à dire…


   -Ce n’est rien. Répondit-il finalement d’une voix grave.


   Il observa la jeune femme en pleurs. Ca lui arrivait souvent, de faire ça ? Elle devait en effrayer plus d’un… En attendant, il n’allait pas la porter comme ça éternellement. Il la tenait devant lui comme un bébé qu’on lui aurait confié et duquel il ne savait pas trop quoi faire. Il hésita, puis glissa un bras dans son dos, l’autre derrière ses jambes. Sans trop de douceur, mais il l’ignorait, il la fit basculer contre lui et l’emmena s’assoir contre un mur, là où le petit groupe avait laissé ses affaires.


   -Redressez-vous et arrêtez de ventiler comme ça. Vous allez empirer votre cas si vous continuez.


   Elle était déjà dans un piteux état avec son visage trempé de larmes. Il n’avait pas en plus envie qu’elle s’évanouisse.


   Chelae devait le chercher depuis un bon bout de temps. Etonnant qu’elle ne l’eut encore retrouvé et commencé à le moraliser pour les deux jours qui suivraient. Ca ne lui était encore jamais arrivé, mais il avait fréquenté suffisamment de ces personnes pour savoir ce qu’elle lui ferait subir. C’était toujours pénible. Mais il était habitué à se taire et avait aussi appris à savoir quoi écouter.

   -Vous finirez bien par retrouver vos jambes, si ce n’est pas la première fois que vous les perdez.


   Somme toute, c’était inquiétant pour elle. Et bien dommage. Une si jolie danseuse… Mais ça n’était pas son problème.


   -Vous allez mieux ? Demanda-t-il après un instant, toujours aussi inexpressif.



   Si son habileté des mots était potable, quoiqu’il fût peu loquace, il n’avait jamais dompté les intonations. Il étira ses lèvres en un micro-sourire. Avec un peu de chance, elle comprendrait qu’il ne se voulait pas aussi froissé qu’il en avait l’air. Il était juste un peu ailleurs, car il était temps qu’il la retrouve. Son attention se reporta sur la foule. Elle était dense, mais il crut bien apercevoir sa maîtresse là-bas. Elle l’avait repéré et se glissait parmi des passants. Elle était furieuse.


~838 mots~ 
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Miles Köerta
Mar 05 Déc 2017, 14:10

Entre deux chemins
« On cherche toujours à s’évader »

Alors que les voix s’entremêlaient entre elles, que je peinais à reconnaître à qui elles pouvaient appartenir entre mes sanglots, le tambourinement de mon cœur dans mes oreilles et les bruits de la ville, je fus soudainement prise par une poigne puissante qui me souleva de terre, la bruyante ambiance des environs s’éteignant subitement. Le silence, dès cet instant, faisait écho dans mes oreilles et tout ce que je trouvais à faire, c’était de dévisager, sans comprendre, le visage de l’homme qui venait d’apparaitre dans mon champ de vision, embué par les larmes que je ne parvenais plus à contrôler. E-Est-ce que je viens de me relever? Me posais-je, inconsciemment, cherchant une explication logique au pourquoi je ne me trouvais plus au sol, à manger la poussière de la ville. Pendant un instant, mon esprit ne sut comment interpréter cette situation, mais lorsqu’il finit par voir au travers les embruns de ma frayeur, de mon affolement et de ma confusion, je laissais échapper une vive exclamation de surprise, braquant mon regard dans les yeux de l’homme qui, lui, me fixait de manière impassible. Je ne disais pas un mot, les lignes salées de mes pleurs ne faisant que s’accentuer sur mon visage malgré le silence de mes sanglots. J’avais l’impression que ma respiration s'accélérait malgré tout, tandis que mes jambes, dans le vide, se balançaient dans les airs. C’est alors que je perçus, pour la première fois, l’intonation de sa voix, grave et basse, et dès cette seconde, les bruits environnants se mirent à vrombir de nouveau autour de moi. Qu’est-ce qui se passe? Me questionnais-je, interloquée, continuant simplement de regarder fixement l’homme d’un œil rouge et trouble, ma respiration n’allant qu’en s’aggravant. J’étais gênée et choquée sur le moment : gênée par la situation, par le fait d’être tendue ainsi dans les airs par la poigne de l’un de nos spectateurs, et choquée par ce qui s’ensuivit. Sans préavis, l’homme finit par corriger sa prise, passant un premier bras dans mon dos et le second à mes jambes et je fus, tout à coup, maintenue entre ses bras, comme une enfant. L’embarras, dès lors, décupla et je tentais d’essuyer mes larmes, de refréner mes plaintes afin de reprendre un peu plus de contenance et de donner du poids aux propos que je m’apprêtais à lui partager :

« P-Pouvez-vous m-me déposer au… au sol…? »

Cependant, ma voix n’était qu’un souffle dans la brise et en ce qui concernait le « poids » que j’avais recherché à mettre dans mes paroles, ce n’était pas gagné… À l’instant où je me convainquis de répéter mes paroles avec un peu plus d’assurance, l’homme se pencha soudainement vers l’avant et me laissa glisser tout près d’un mur, à proximité de là où nous avions déchargés notre matériel, mes partenaires et moi. De nouveau, j’entendis le même timbre, monocorde et profond, m’interpeller et, doucement, je jetais un coup d’œil à l’homme avant de baisser rapidement les yeux, essayant d’éviter au plus possible son regard. Calme-toi… C-Calme-toi…

« C-C’est bien cela qui est le plus… effrayant : ce… ce n’est pas la première fois… » Murmurais-je en braquant mon regard sur mes jambes, inertes.

Le simple fait d’y penser fit couler de nouvelles larmes sur le bord de mes yeux et, d’un geste vif, je les effaçais furieusement. Contenance, contenance. Reprends-toi, ma pauvre… Je pris une profonde inspiration avant d’essayer de me relever. Cela dû prendre quelques secondes avant que je parvienne à ressentir de nouveau des sensations à travers mes jambes, mais me relever? Je ne m’en sentais pas encore capable.

« J-Je ne sais pas… » Lui avouais-je avant de redresser la tête, croisant, de ce fait, le maigre sourire qu’il s’efforçait de m’adresser et qui contrastait fortement à son expression… inexpressive que je lui connaissais – enfin, du peu que je lui connaissais, considérant que je ne l’avais examiné que durant l’instant où il m’avait tenu dans les airs à la manière d’un nourrisson.

Cela dit, en voyant les efforts qu’il mettait en œuvre afin que je me sente plus à l’aise, je finis, moi aussi, par lui échanger un sourire qui se voulait détendu.

« M-Merci… »

Mais l’attention de l’homme fut rapidement portée ailleurs. Inconsciemment, je suivis son regard parmi la foule qui allait et venait dans son perpétuel mouvement de va-et-vient.

« A… hum… Attendez-vous quelqu’un? » Me risquais-je à lui demander, reportant mon regard sur son visage, sur ses oreilles pointues et sur sa peau d’un ton mat.

Patiemment, j’attendais qu’il me réponde, mais comprit que son mutisme s’apparentait plus à de l’inattention qu’à une profonde réflexion. Derrière l’homme, mes compagnons finirent par nous rejoindre. Ils me fixaient, leur inquiétude m’étouffant. En retour, je détournais le regard, cherchant plutôt à m’évader sur les traits figés d’une froideur marmoréenne du spectateur. Je ne voulais pas parler à mes compagnons, je ne voulais pas entendre, pour la millième fois, qu’ils risquaient de mettre un terme à notre collaboration. Je ne voulais rien entendre, rien entendre, parce que cela signifierait la fin de tout, de mon rêve, de ma vie… Je ne voulais pas faire face à la vérité, alors je l’échappais, cherchant en l’homme face à moi mon moyen de fuir la réalité qui m’attendait à quelques pas à peine.

« M-Messire, je vous remercie beaucoup. J-Je ne sais quoi dire de plus à part… Merci. Et… hum… J-Je suis désolée pour ce désagrément. J-J’ai dû vous mettre bien mal à l’aise… » Dis-je en m’arrachant un petit rire nerveux alors que je me frictionnais les bras, voyant, dans la foule, une silhouette se découper du reste et foncer droit sur nous.

L’air sur le visage de la jeune fille qui s’avançait n’était pas des plus amènes et je crus, aussitôt, qu’elle était ainsi frustrée à cause de la soudaine disparition de son compagnon. C’est pourquoi, lorsqu’elle arriva à notre hauteur, je m’exclamais dans sa direction :

« M-Mademoiselle, je suis désolée… C’est de ma faute, il… il est venu à mon aide. Ne vous fâchez pas contre lui… J-Je suis responsable. »


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Dim 10 Déc 2017, 18:56

   Elle traversait le flot de passants sans la moindre hésitation, faisant pivoter son buste vers la droite, puis parfois vers la gauche. Même de loin, elle voulait ancrer son regard noir dans les yeux de Draes. Son visage lui paraissait toujours plus fermé dans son avancée. Le retour de sa maîtresse mettait fin à quelque chose, il signait sa réaffectation à ses fonctions. Sa vie avait, pendant quelques minutes, trouvé une autre voie qui venait de se refermer aussi vite qu’elle s’était ouverte. Bientôt, il oublierait cette alternative et remarcherait au milieu du chemin qui lui était destiné depuis toujours, car on le lui avait imposé. Draes attendit que Chelae parvienne à sa hauteur. Il avait été incapable de se retourner vers la jeune danseuse, qui appartenait à une autre histoire. Il n’avait pas même pu entendre sa voix ni sa gratitude, comme si un mur s’était imposé entre eux. Il ne pouvait pas, dans son esprit, mettre Chelae et cette jeune femme sur un même plan. La présence des deux à ses côtés lui devenait embarrassante. Pour connaître déjà l’une d’entre elles, il ne pouvait que pressentir à quel point l’idée n’était pas bonne. Elles n’étaient pas supposées se rencontrer. Elles appartenaient à deux mondes différents. Chelae avait pourtant le pouvoir de forcer les portes qui reliaient ces deux mondes.

  -Draskorann Saerten Déléis Arcesi. Elle martelait les noms les uns après les autres. Ne me refais plus jamais une chose pareille, tu m’entends ?

  L’entente de son nom complet lui fit aussitôt poser un genou à terre.

  -Je vous prie de m’excuser pour mon comportement impardonnable. Cela ne se reproduira plus.

  Mais Chelae lui prêtait à peine attention. Elle examinait les trois inconnus de la tête aux pieds, laissant son protecteur figé dans cette position de soumission. Relevant le menton, elle considéra plus longuement la danseuse, toujours assise.

  -Vous ? Responsable ? Eh bien… qui donc vous a donné le droit d'interpeller mon garde du corps ?

  Elle s’en prenait à la jeune femme pour assouvir sa colère, ne souhaitant pas trop ridiculiser Draes en public, au risque de se ridiculiser elle-même. Elle lui fit d’ailleurs signe de se relever.

  -Ne lui en voulez pas, Ma Dame, la faute me revient. Je me suis attardé. Il regarda la danseuse. Elle avait de beaux yeux. Je n’aurais pas dû lui venir en aide.

  Il n’aimait pas cette confrontation. Il avait failli à sa mission et avait mis à mal l’estime qu’avait Chelae pour lui. Il avait amené cette inconnue à faire la connaissance de celle qu’il protégeait, chose qu’elle ne méritait franchement pas. Il était greffé au premier parti, mais désirait tout autant défendre le second. Cependant, la division qu’il éprouvait ne lui sautait pas encore en plein visage. Il était bien trop endoctriné par l’éducation qu’il avait reçue – servir les siens, se méfier des autres races – pour d’un coup s’y opposer pleinement. Il avait besoin de recul.

  Chelae esquissa un sourire ironique tout en continuant de lancer son regard foudroyant à son serviteur. Quelque chose lui échappait et elle détestait ça.

  -Lui venir en aide ? Puis, plus bas. Eh bien… il semble que ces deux autres personnes auraient pu s’en charger. Ou bien avait-on affaire à deux incapables ? Cela l’étonnerait à peine… Il va te falloir revoir le sens des priorités, mon cher.

  Draes inclina sa tête en avant d’un mouvement sec et calculé.

  -Cela ne se reproduira plus. Vous avez ma parole.

  -Au fait, de quelle aide leur as-tu été, hm ? J’aimerais savoir ce qui t’as poussé à m’abandonner dans cette marée de… d’individus.

  Et elle, elle pouvait au moins se lever, non ? Assise dans une rue sale, humide et bruyante ! Un peu de politesse en ce monde ! Et lui, pouvait-il juste cesser de la regarder ainsi ? Que se passait-il ? Le monde ne tournait-il plus rond ? Où étaient passées les manières et les bonnes postures ? Le monde extérieur allait-il donc finir par tous les rendre médiocres ?

  -Si ce n’est pas trop vous demander, vous devriez apprendre à faire votre travail et à ne pas déranger autrui. Cela pourrait vous causer de bien plus grands ennuis. Oh, et elle n’y tenait plus ! Mademoiselle, êtes-vous bien installée ? Ne vous vient-il pas à l’idée de vous lever lorsque vous vous adressez à quelqu’un ?

  Pas surprenant qu’on ne leur donne pas le moindre sou, ils n’avaient rien pour eux. A ce rythme, ils se feraient devancer par la concurrence, et il y en avait une horde par ici. Cette bande de bras cassés ne valait rien. Il n’y avait aucune raison pour que Draes ne s’intéresse à eux. Pourtant il continuait d’observer cette jeune femme avec insistance. Non, il la dévorait. Il la dévorait parce qu’il voyait quelque chose en elle qu’il ne comprenait pas.

  -Elle est tombée à mes pieds, Ma Dame. Finit-il par répondre, la mâchoire serrée. Chelae venait de commettre une grosse erreur. Elle a perdu l’usage de ses jambes.

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Miles Köerta
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Miles Köerta
Mar 12 Déc 2017, 04:38

Entre deux chemins
« On cherche toujours à s’évader »

J’encaissais. Toute ma vie, je n’avais fait qu’encaisser les coups, les palabres, les insultes proférées par autrui. Et aujourd’hui encore, j’accumulais sur mes épaules le poids des paroles de l’adolescente. Jamais je n’avais répliqué, ou alors très peu, de peur de rendre l’atmosphère encore plus électrique et furieuse qu’elle ne l’était déjà. Je n’aimais pas me disputer, je n’aimais pas hausser la voix, je n’aimais pas me battre. Je n’étais pas une guerrière, encore moins une âme combative, et encore moins un esprit rebelle. Pourtant, j’étais loin d’être passive à l’intérieur : à certains moments, des tempêtes et des ouragans se levaient au plus profond de mon être, des vents de révolte et de hargne qui balayaient toutes pensées rationnelles. Je connaissais la colère, la frustration, la déception, la rage aussi bien que tout le monde. Je les ressentais aussi violemment et puissamment que quiconque. Cependant, je ne me résolvais pas à les libérer : je… je n’en étais pas capable. Par faiblesse? Peut-être. Par peur? Sûrement. Par peur d’être rejetée? Par peur de ne pas savoir comment contrôler mes sentiments? Par peur de blesser des gens que j’aimais? Par peur d’en dire trop? J’avais l’impression d’avoir mille et une raisons qui pouvaient expliquer une telle réticence et qui se bousculaient dans mon esprit, mais en même temps, c’était comme si ma conscience résonnait dans du vide : un long écho de silence à l’image de ma propre incompréhension.

Je… J’avais bel et bien fait des choix dans ma vie qui n’avait pas plu à mon entourage, mais au lieu de les affronter, de faire connaître mon opinion à ces gens, des fois, j’avais tout simplement pris une autre voie que celle du silence : celle de la fuite. Quoi de mieux que de partir, sans se retourner, pour éviter tous les tracas de ce monde si nos épaules ne pouvaient plus en supporter? Je fuyais, depuis des années, pour éviter de me confronter à la réalité, à la colère des autres ou bien de faire face à ma propre couardise. Voici les grandes lignes de ma vie en somme : encaisser et fuir. Et aujourd’hui encore, j’encaissais d’une part, je fuyais de l’autre. C’était de ma faute si l’homme se faisait ainsi remonter les bretelles par la jeune enfant; c’était de ma faute si la fin du numéro avait autant échoué; c’était de ma faute si Van’ka et Slanika reconsidéraient notre collaboration avec autant de pessimisme. Je ne faisais rien de bon dans ma vie. Je ne faisais que rendre la vie des autres encore plus difficile… J’essayais d’expliquer à la jeune fille pourquoi son garde du corps avait eu besoin de me venir en aide, mais mes mots me paraissaient si faibles, si ternes… Elle ne m’écoute pas… Pris-je conscience, remarquant que l’homme me défendait à présent. Je me taisais alors. Au final, je n’étais bonne qu’à ça : encaisser silencieusement, fuir silencieusement, ne rien dire, ne rien faire, simplement… simplement…

Mes poings se serrèrent alors que je baissais les yeux jusqu’à mes jambes. Inertes, immobiles, elles auraient pu appartenir à un cadavre si je ne savais pas qu’elles étaient à moi. D’une oreille distraite, j’écoutais encore la voix de l’adolescente me sermonner, la question qu’elle m’adressa ne rencontrant qu’un mur de silence et de résignation… De résignation? Je… Je ne savais plus quoi penser. Me résignais-je vraiment? Non… Me soufflais-je, mes jointures se mettant à craquer alors que je modelais mes mains en poings plus serrés. Encore une fois, je la ressentais, cette tempête, cette tornade qui se mettait à vrombir au creux de ma poitrine. Elle se mit à grandir, à prendre des proportions absolument gargantuesques lorsque l’inflexion de l’homme modela ces quelques mots : « Elle a perdu l’usage de ses jambes. »

Non… Non, non, non, non…
Lentement, je plaquais mes mains contre le sol avant de soulever mon corps. J’étais en colère, furieuse, mais pas contre autrui : j’étais en colère contre moi-même. Pourquoi étais-je aussi faible? Pourquoi? Pourquoi? Non! Non, je ne pouvais pas perdre ce rêve! Après tout ce que j’avais sacrifié, après tout ce que j’avais fait… Ce. N’était. Pas. Le. Moment. D’abandonner. Je ne pouvais pas encaisser ça! Je ne pouvais pas fuir non plus! Pas si loin… Pas après être arrivée aussi loin… Mais mon corps n’en faisait qu’à sa tête, mes jambes refusant de me soutenir malgré les quelques sensations que je pouvais ressentir. Lamentablement, je retombais par terre, des larmes débordant de mes prunelles vermeille et violette. Non! Je réitérais le coup, m’aidant du mur comme appui pour me redresser. Je vis Slanika s’avancer pour m’aider, mais je refusais que l’on me soutienne : je… je pouvais bien le faire toute seule, pas vrai?

« Non… Non… Chuchotais-je à moi-même, mais mes jambes ne répondaient plus. Aller, s’il-te-plaît… »

En vain.

Je ne peux pas échapper à ça…? Perdre l’usage de mes jambes… C’était impensable, presque irréaliste. Presque? Non, ça ne se pouvait pas. Je réessayais, encore une fois, puis une quatrième fois, une cinquième fois, une sixième, une septième… Toujours les mêmes résultats : je n’avais plus d’équilibre, pas la moindre force qui subsistait dans mes jambes. Elles étaient vides, vide comme mon esprit à l’heure actuelle. Je me laissais choir au sol, mon dos glissant contre le mur, mes yeux braqués sur mes jambes.

« …

- …

- M-Maeka? »

À mon nom, je redressais doucement la tête, mon visage ne se portant pas sur mon partenaire, mais plutôt sur l’homme, face à moi. Je devais paraître instable, délirante, peut-être folle aussi… Ce qui était à moitié vrai, considérant que sans mes jambes… sans elles…

« Vous avez raison : vous n’auriez pas dû me venir en aide. Je… Je suis la seule à blâmer. Je suis celle qui est faible et qui vous ait mis dans l’embarras… Vous… n’auriez pas dû vous préoccuper de moi… Je ne suis… pas grand-chose de toute façon… »

L’air sombre, je me mis à considérer mon entourage, de la jeune fille à mes collègues, m’arrêtant finalement sur le visage du garde du corps. Je lui adressais un maigre sourire, amer, défaitiste.

« Excusez-moi… Ce que je viens de dire est… vraiment ingrat. En fait, non, non, je suis contente que vous ayez pris de votre temps pour m’aider. Je… Je ne suis peut-être pas grand-chose, mais je vous suis très reconnaissante au plus profond de moi… »

Je baissais les yeux.

« J’espère que vous avez tout de même apprécié le spectacle. Il ne s’est pas terminé comme prévu, mais… mais je suis au moins contente d’une chose… »

De nouveau, je croisais son regard avant de le gratifier d’un sourire plus sincère, mais d’autant plus triste et faible, compte tenu de la situation à laquelle je ne pouvais fuir, plus maintenant.

« Je suis contente d’avoir pu partager mon dernier numéro avec vous… »

Lentement, je tendis mes bras de chaque côté de mon corps, comme dans l'intention de faire une révérence. Parce qu'il s'agissait forcément de ma dernière fois, pas vrai?


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Entre deux chemins | Draes Signat16
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Mer 13 Déc 2017, 23:34

   Chelae se figea quelques secondes.


   -Oh…


   Elle regardait stupidement la danseuse, les bras ballants, immobile et stupéfaite qu’on ait pu la faire taire avec moins de dix mots. Stupéfaite que Draes ait pu la faire taire avec moins de dix mots et sans même lui signaler qu’elle était sur le point de faire une erreur. Ses poings se serrèrent doucement. Il l’avait humiliée, humiliée devant de si vulgaires personnes. Il ne s’en sortirait pas facilement, elle y veillerait. Elle le ferait se racheter à sa façon, au risque pour lui de voir sa réputation au sein de la famille se détériorer encore. Et lui savait aussi bien qu’elle ô comme les répercussions pouvaient être importantes. Pour le moment Draes prêtait à peine attention à sa maîtresse. Qu’elle se taise l’avait quelque peu détendu, quoique les vaines tentatives de la danseuse à se relever le désespéraient. Au bout de ses lèvres s’impatientait un simple mot : arrête. Un ordre qu’il aurait décoché dans toute sa froideur et ses sombres échos si la jeune Alfar n’avait pas été à ses côtés. Alors, tout à coup, il se mettait à attendre que cette dernière reprenne la parole. N’importe quoi. Il voulait juste que Chelae réagisse, pour une fois, afin de combler ce pitoyable silence durant lequel tous les yeux étaient rivés sur l’invalide. Il soutenait sa respiration de peur de se laisser aller vers la spontanéité. Il la retînt lorsqu’elle leva les yeux en sa direction. Il se crispa à l’entente de ses mots. Pourquoi lui donnait-elle raison ? Pourquoi ne s’était-elle tout simplement pas tue ? Sans même s’en rendre compte – ou peut-être que si – sa réponse faisait d’elle une insolente qui, qui plus est, s’adressait au vulgaire sous-fifre qu’il était plutôt qu’à sa cousine et supérieure. Chelae croisa les bras, à la fois ennuyée par ce lyrisme grotesque et contenant sa fureur quant à cette scène indécente. Elle crut s’étouffer lorsque cette misérable gamine – car il ne s’agissait que d’une gamine à ses yeux – changea drastiquement son discours.


   -Vous avez perdu la raison, ma pauvre ! Tout cela ne rime à rien, c’est ridicule. Draes !


   Mais il ne réagit pas. Il n’était plus qu’un être aux muscles ankylosés tant il n’était concentré que sur ce qu’il voyait et ce qu’il voulait écouter. Autant il souhaitait qu’elle se taise, qu’elle cesse de s’adresser à lui pour calmer sa cousine, autant, toujours animé par cette incompréhensible curiosité, il voulait l’écouter jusqu’au bout. Il ne répondait pas aux sourires de la jeune femme. Mais il espérait, quelque part, qu’elle voyait tout de même, qu’elle voyait tout ce qu’il répondait intérieurement. Il ne pensait toujours pas des mots, seulement des images mêlées à quelques vagues sensations étrangères et qu’il continuait de trouver absurdes. Mais c’était la seule réplique qu’il trouvait à donner. Une chose était certaine, c’était son impression positive, inavouée mais positive. Car elle avait extirpé l’art de ce cadre normé et soporifique dans lequel il l’avait toujours vu. Elle, avait dansé sans codes et sans contraintes. Du moins, pas ceux qu’il connaissait.


   -Ca suffit ! Draes !


   Chelae attrapa l’homme par le bras et l’entraîna avec elle avec une force rare. Il ne la reconnaissait que dans son geste capricieux.


   Elle n’en pouvait plus. Elle s’était surprise à discuter avec des étrangers de basse société à cause d’un garde du corps qui ne faisait même pas son travail. Honte à elle de n’être pas repartie tout de suite.


   -Honte à toi de me faire des choses pareilles ! Je suis déçue ! Gravement déçue, tu comprends ? Pire, furieuse ! Ne réalises-tu pas ? Comment peux-tu nous faire ça, à nous tous ? Elle parlait toujours ainsi pour se donner le sentiment d’avoir une influence sur la famille toute entière. Se résigner à ces bassesses… Quelle tristesse…


   Elle marchait vite et sec. Draes se tenait à ses côtés. Il manquait de bousculer certains passants pour laisser la priorité à sa maîtresse. Il allait sans difficultés à son rythme malgré sa volonté de le dépasser pour accentuer son mécontentement à son égard. Elle continuait dans le même temps de le réprimander de toutes les manières possibles et imaginables. Il semblait avoir tout oublié et écoutait sans protester. Ecouter restait un bien grand mot. Il restait préoccupé par ce qu’il venait de se produire, ce qu’il venait de vivre. Quelques minutes. Son dernier numéro ? Et ce geste théâtral, cette salutation qui lui était toute dédiée... Il réalisait enfin. C’était si bête… Mais avait-il vraiment compris ? Avait-elle vraiment dit ce qu’il avait entendu ? Silence. Chelae avait marqué une longue pause, mais il savait que l’inspiration lui reviendrait plusieurs fois dans la journée. Elle se tourna soudain vers lui.



   -Oh, et ne t’avise pas de revoir un jour cette gamine. Oublie-la.


~798 mots~
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